Nous sommes touchés aujourd'hui en apprenant la mort d'Hugo Chavez, en qui nous reconnaissons un ami des peuples en lutte contre les puissances d'argent et l'impérialisme, un combattant charismatique qui a su faire renaître un espoir de transformation sociale par la réappropriation populaire de la politique en Amérique Latine comme dans le monde.
Quand nous étions au désespoir dans les années 2000 face à nos partis de gauche gouvernementaux européens qui se coupaient du peuple, préféraient satisfaire les attentes du patronat et des marchés plutôt que celles de la classe populaire, s'enfermaient dans une pensée unique libérale et post-démocratique arrogante ressassée à longueur de temps dans les médias par des experts bourgeois, nous nous disions qu'un nouvel espoir pour la gauche égalitariste, marxiste et populaire se levait en Amérique Latine.
Et cela grâce en particulier à l'énergie, à la détermination et au talent de cet homme-là, Hugo Chavez, qui a fait des émules en Equateur, en Bolivie, ainsi que dans d'autres pays d'Amérique Latine (Pérou, Argentine dans une moindre mesure) qui furent pendant des décennies soumis à la dictature - à peine masquée parfois par les formes de la démocratie libérale - de bourgeoisies blanches ultra-élitistes et égoïstes, dévouées aux intérêts des Etats-Unis et des multinationales, méprisant 75% de la population condamnée à la misère, à l'ignorance, à l'exploitation.
Hugo Chavez, c'était l'homme qui redonnait de l'actualité à l'idéal révolutionnaire, à une gauche qui n'avait pas renoncé à changer le quotidien des gens ordinaires en redistribuant profondément les richesses et en affrontant frontalement les puissances capitalistes et leur principal protecteur, l'empire américain.
C'était avec quelques autres celui qui nous permettait de nous dire: non, nous ne sommes pas que des rêveurs, les changements que nous attendons commencent à s'incarner aujourd'hui quelque part dans le monde. C'est donc possible de remettre la population en marche pour défendre et étendre ses droits et de renverser un rapport de force de plus en plus favorable aux forces capitalistes et au néo-libéralisme.
Bien sûr, on pouvait faire la fine bouche par rapport à certains excès du président vénézulien: outrances verbales contre ses opposants et les Américains, mégalomanie, personnalisation extrême et concentration du pouvoir, complaisance vis à vis de certains régimes dictatoriaux hostiles aux Etats-Unis (Libye, Iran, Irak...).
Rappelons tout de même que les conditions de conquête et de conservation du pouvoir dans un pays d'Amérique Latine ne sont pas les mêmes que chez nous, et que Hugo Chavez, contrairement à nos politiciens de gauche français raisonnables et "propres sur eux", a su remettre au profit du changement et de la justice sociale la majorité du peuple en mouvement pour qu'elle revendique son droit à la dignité et prenne conscience de ses intérêts, pour qu'elle participe de manière effective à la vie politique. Sa passion, son verbe drôle, tranchant, et combatif, n'y sont peut-être pas pour rien.
N'oublions pas non plus que face à Chavez, il y avait la puissance des oligarques vénézuliens et des Etats-Unis qui finançaient toutes sortes de médias et de campagnes de diffamation, achetaient les hommes, et étaient toujours prêt au coup de force si la voie démocratique ne permettait pas suffisamment vite de revenir à l'ordre ancien ultra-libéral et inégalitaire de pillage des richesses collectives par une petite élite auto-proclamée.
Chavez aurait pu être abattu en 2002 par un coup d'Etat - comparable à celui de 73 au Chili - voulu par les Etats-Unis de George Bush (qui formait les militaires du Vénézuela, son 3ème fournisseur de pétrole), l'oligarchie et les partis libéraux représentants les classes moyennes supérieures, le haut clergé: seul un sursaut populaire a permis de sauver et de prolonger l'expérience de la révolution bolivarienne, tentant à partir de 2005 de construire un "socialisme du XXIe siècle".
Rappelons aussi à tous ceux qui donnent des leçons de démocratie à Chavez les spoliations que le FMI a imposé aux peuples latino-américains avec la complicité des bourgeoisies locales, ce qu'on a fait du non français au TCE en 2005 et à la réforme des retraites en 2010.
Soulignons aussi que Chavez et sa coalition, arrivés au pouvoir dans un Etat corrompu, clientéliste, oligarchique, ont gagné tous les scrutins électoraux depuis 1999 sous le regard d'observateurs internationaux qui n'ont rien trouvé à redire à l'organisation des scrutins, alors que ses adversaires socio-démocrates et libéraux étaient soutenus par d'intenses propagandes médiatiques financées par les Etats-Unis et le grand capital. Soyons attentifs au fait que la mise en place d'assemblées populaires constituantes et les amendements à la Constitution ont permis la reconnaissance des droits des minorités indiennes et un élargissement considérable des droits sociaux et politiques du peuple vénézulien.
Listons quelques-unes réalisations politiques et sociales de Chavez et de ses partisans depuis 1999 : elles ont été formidables. Elles sont des acquis de la gauche de progrès social et démocratique de valeur internationale.
- travail diplomatique intense en utilisant notamment la carte pétrolière pour faire émerger un monde multipolaire plus progressiste à l'encontre de la mondialisation néolibérale sous tutelle américaine.
- création de coopérations internationales entre les Etats d'Amérique du SUD et des caraïbes non soumis à la tutelle et aux intérêts américains (UNASUR, Communauté d'Amérique Latine et des Caraïbes)
- soutien à tous de nombreux partis politiques et gouvernements progressistes en Amérique Latine grâce au partage de la rente pétrolière.
- Même si en 2010 le secteur privé représente 70% de la production de la richesse nationale, l'administration Chavez a nationalisé un grand nombre de sociétés dans les secteurs de l'énergie, des télécommunications, de l'extraction minière, de l'alimentation, de la construction et du secteur bancaire, tout cela au profit d'une meilleure répartition des ressources et d'une satisfaction des besoins sociaux. Le montant des dépenses publiques par habitant au Vénézuela a triplé entre 1999 et 2008.
- mise en route d'une démocratie de participation populaire dans les villes, les quartiers pauvres.
- réforme bancaire au service d'une politique de micro-crédits pour sortir de la pauvreté de masse et financer le développement social, en soutenant notamment la création de milliers de petites entreprises regroupées en coopératives.
- réduction de 50% du nombre de pauvres au Vénézuela entre 1999 et 2009, alors qu'il avait augmenté de 50% entre 1990 et 1999.
- médecine gratuite pour les pauvres.
- suppression des frais d'inscription à l'école qui a permis d'intégrer des millions d'enfants du peuple dans le système scolaire.
- construction massive de logements sociaux.
- début de réforme agraire: avant l'arrivée de Chavez au pouvoir, 1% des propriétaires au Vénézuela contrôlait 60% des terres cultivables, dont d'immenses surfaces demeuraient abandonner, alors que le pays importait 70% de son alimentation pour le plus grand profit des mafias de la distribution. L'administration Chavez a redistribué des millions d'hectares de terres au profit des agriculteurs.
Aujourd'hui, nous rendons hommage à l'oeuvre politique et sociale profondément progressiste d'Hugo Chavez, incarnation de la révolte d'un peuple contre la tyrannie de la bourgeoisie et des Etats-Unis et nous souhaitons bonne chance aux compagnons de Chavez - Nicolas Maduro, et Diosdado Cabello entre autres- et aux partisans de la révolution socialiste et bolivarienne au Vénézuela pour poursuivre l'ouvrage commencé, approfondir une société d'égalité des droits et de participation politique et sociale de tous.
"Ce qu'il est ne meurt jamais", a dit Mélenchon réagissant à la mort de Chavez tout en appelant à un rassemblement "de la fidélité à la révolution citoyenne en Amérique du sud", ce mercredi 6 mars à 18h30 au pied de la Statue du Libertador Simon Bolivar à Paris. "Hugo Chavez est mort, mais pas l'espoir qu'il a ouvert avec son peuple" a quant à lui affirmé, dans le même esprit, Pierre Laurent, prévenu dans la nuit.
Viva la lucha, hasta la victoria siempre!