Assemblée Citoyenne de Lanmeur, salle Gallouédec, 8 décembre 2011
Compte-rendu des débats (réalisé à partir de mes notes lacunaires: les propos rapportés correspondent dans l'esprit à ceux qui ont été tenus).
Il y avait plus de 40 personnes à cette Assemblée où beaucoup de choses ont été débattues: stratégie politique, moyen de faire voter l'électorat populaire pour ses intérêts, Europe, programme économique, transport public, énergies, démocratie...
..................................................................................................................................
Michel Tudo, secrétaire de la section communiste de Lanmeur, a fait une introduction pour présenter le principe des Assemblées Citoyennes et nos objectifs de rénovation démocratique.
Dans le cadre des élections présidentielle et législatives, le Front de Gauche ouvre ses portes et ses fenêtres !: « Nous voulons créer un mouvement civil et pacifique, qui unit mouvement social, mouvement intellectuel, mouvement politique en un nouveau Front Populaire du XXIème siècle »
Et pour cela des assemblées citoyennes vont être organisées, animées partout en France.
Donc nous vous disons :
PRENEZ LE POUVOIR !
Et aujourd’hui à Lanmeur nous inaugurons la 1ère assemblée citoyenne en présence de nos deux candidats du front de gauche pour les législatives de 2012 dans notre circonscription : Ismael DUPONT ET Marie HUON. Ils se présenterons plus largement dans un instant.
Ces assemblées citoyennes sont des lieux de débats et de prises d’initiatives citoyennes. Elles ne sont limitées ni dans le temps, ni dans un lieu, ni même par une appartenance politique. Elles sont un espace ouvert, de rencontre et de discussion où chacun et chacune doit trouver sa place. Vous y ferez part de vos attentes, de vos envies, de vos analyses sur la situation politique. La finalité des assemblées citoyennes ne se trouve pas uniquement dans le constat. Des actions pourront être décidées en soutien aux luttes et résistances locales soulevées et débattues par les participants de l’assemblée. C’est ici et là, dans vos lieux de vie, de travail, mais aussi dans le café au coin d’une rue que peuvent surgir ces assemblées. Les assemblées citoyennes fonctionneront dès lors que l’implication populaire y sera grande. Alors n’attendez pas ! Investissez, créez, organisez, pensez les assemblées citoyennes.
...................................................................................................................................
Puis, c'est Marie Huon qui a pris la parole:
J'ai 22 ans. Je suis venue à la politique par un engagement précoce dans le syndicalisme étudiant à SUD lorsque j'étais en faculté de sociologie à Brest. J'ai une licence de sociologie. Après l'avoir obtenue, je suis allée passer deux ans d'études en Argentine où j'ai eu des expériences de travailleuse sociale avec des enfants et des handicapés dans les quartiers pauvres voisins de Buenos Aires. Je suis passionnée de chevaux et je travaille pour avoir un diplôme d'éducatrice spécialisée dans l'équithérapie en même temps que j'exerce mes fonctions d'assistante d'éducation au collège de Lanmeur.
Ce qui m'amène à m'engager, c'est d'abord une indignation par rapport au discours dominant: les caisses sont vides pour vous, il va falloir vous serrer la ceinture, il faut davantage de compétitivité pour notre économie et donc moins d'impôts pour la solidarité. Pendant ce temps, on persiste à défendre le patrimoine, la rente, les inégalités. Ce discours que la droite et la social-démocratie tiennent toujours aujourd'hui en face d'une population qui galère de plus en plus:
- jeunes que l'on stigmatise, qui peinent à financer leurs études, puis se retrouver à cumuler les stages, les CDD, les périodes de chômage, même quand ils sont diplômés, en parvenant pas toujours à avoir leur logement indépendant
- agriculteurs qui souffrent de l'absence de prix garantis, de la fixation des prix par les marchés mondiaux et la grande distribution.
- 8 millions de pauvres (dont beaucoup de travailleurs et surtout travailleuses pauvres, payés au SMIC à temps partiel, ou cumulant les CDD et les périodes d'intérim, tout en ayant des enfants à élever: ce sont les femmes, et singulièrement les femmes célibataires, qui payent le plus lourd tribu à la précarité) et 5 millions de chômeurs qui galèrent de plus en plus, comme toute une partie de la classe moyenne, avec l'explosion des dépenses logement, énergie, transport, santé (hausse des mutuelles, déremboursement de médicaments, forfait hospitalier) ces 10 dernières années.
- vieux en perte d'autonomie qui sont victimes du manque d'engagement de l'Etat et des carences de la sécurité sociale solidaire.
- salariés que l'on rend harcèle avec les nouvelles méthodes de management, que l'on croit rendre productifs en accentuant leur stress, en les mettant en compétition, en intrumentalisant de manière perverse leur désir de sécurité, de promotion sociale, ou d'estime de soi.
D'où une multiplication des arrêts de travail, des suicides. - fonctionnaires et salariés d'entreprise à capitaux majoritairement publics dont on méprise le sens de l'intérêt général, que l'on voudrait transformer en commerciaux en rapport avec des clients
Le Front de Gauche est la seule force politique qui dans le contexte actuel cherche à rassembler le plus largement possible autour d'une alternative à cet ultra-libéralisme et ce capitalisme financier qui nous mènent droit dans le mur. J'ai l'espoir que nous parviendrons à semer des graines pour faire monter l'envie d'autre chose, le désir de changer de système.
.................................................................................................................................
Introduction au débat par Ismaël Dupont:
Tout d'abord, je voulais dire que c'est un grand honneur pour moi d'être en première ligne pour défendre aux élections législatives l'ambitieux et l'indispensable projet de transformation sociale du Front de Gauche et de prolonger du mieux que je le pourrai le travail formidable de notre candidat aux présidentielles, Jean-Luc Mélenchon, et surtout l'investissement très important des militants des collectifs citoyens du Front de Gauche, venus de cultures politiques diverses qui s'apportent beaucoup de choses les unes aux autres ces derniers temps.
Le Front de Gauche est cette force politique nouvelle qui entend répondre aux nouveaux défis du temps, liés aux enjeux écologiques et à la transformation de la société, tout en reprenant le flambeau des combats historiques du mouvement ouvrier et de la gauche socialiste révolutionnaire et communiste, depuis le 19ème siècle.
C'est un grand honneur et aussi une charge lourde car nous avons une responsabilité énorme dans la situation actuelle, celle de convaincre le maximum de personnes qu'il y a des marges de manœuvre pour défaire les carcans nationaux et européens de la domination de la finance et du libéralisme, qu'il y a la possibilité de sortir de l'austérité, de gagner la lutte contre la précarité, les inégalités, l'affaiblissement du service public et de la protection sociale, la dégradation de notre éco-système.
La possibilité théorique de redistribuer les richesses pour faire droit aux besoins sociaux existe, beaucoup de gens n'en doutent pas. On a bien trouvé des milliards pour « sauver » le système financier en 2008 alors que l'on disait précédemment que les caisses étaient vides... En revanche, c'est la possibilité pratique qui pose question à beaucoup. On ne croit pas en particulier qu'en France, le PS ait une réelle volonté d'impulser une autre dynamique européenne et de rompre avec les recettes de l'austérité et du libéralisme. On ne croit pas non plus qu'une force plus à gauche que le PS ait la capacité de prendre l'ascendant et de battre la droite. Du coup, beaucoup de sympathisants de gauche qui regrettent la dérive centriste du PS sont prêts néanmoins à voter « utile », comme on dit, à se résigner au moins pire plutôt que de voir rester au pouvoir une droite dure, cynique et corrompue, plutôt qu'à affirmer avec force leur volonté d'un véritable changement.
Les gens ont peut-être l'impression que ceux qui veulent le changement (nous) ne peuvent pas le mettre en œuvre tandis que ceux qui le pourraient (le PS, les gouvernements européens) ne le veulent pas. On peut penser aussi aux sentiments défaitistes d'une bonne partie de la population qui pense que, quel que soit le gouvernement, on est pied et poing liés à cette Europe et à cette globalisation libérale.
A ceux là, nous voulons dire que la séquence de la crise 2007-2008 a rappelé que rien n'était installé de manière immuable dans l'histoire humaine, que l'édifice du capitalisme était instable, fragile, promis peut-être à accoucher d'autres systèmes de distribution des ressources et des pouvoirs. Quant à l'Europe: on voit comment on s'est assis sur les critères du Traité de Maastricht en 2008 avant de les remettre à l'honneur aujourd'hui pour continuer le travail de démolition des acquis sociaux.
On peut aussi penser à l'attitude fataliste de ceux qui sont intoxiqués par l'énorme machine politico-médiatique de propagande faisant du poids de la dette et de la menace d'une perte de la confiance des marchés, d'une montée des taux d'intérêts, un risque énorme de perte de souveraineté et de méga-crise économique justifiant de nouvelles atteintes aux droits sociaux et aux services publics au nom des sacrifices ou des efforts nécessaires.
Or, ce que nous disons à propos de cette prétendue « crise de la dette », ce qui fait sans doute consensus entre nous et que nous aurons à rappeler de manière inlassable auprès de la population, c'est:
1°) que la crise que nous vivons n'est pas une crise de la dette (et de la trop grande générosité d'une société de redistribution) mais une crise systémique du capitalisme, qui en relève les tendances et la nocivité profonde. La crise financière est directement liée à une politique de partage des richesses et d'établissement d'un rapport de force entre le capital et le travail très défavorable aux salariés. C'est parce que les acteurs financiers ont cherché à produire toujours à moindre coût tout en continuant à entretenir la consommation dans les pays occidentaux qu'ils ont favorisé l'endettement privé par l'acquisition immobilière, à l'origine de la crise des subprimes. C'est parce qu'ils ont réduit les salaires par le consentement au chômage de masse et le chantage à la perte d'emploi, le dumping fiscal, les délocalisations, parce qu'ils ont plaidé sans relâche pour la destruction des systèmes solidaires de services publics et de protections sociales qu'ils ont considérablement augmenté le poids de l'économie financière par rapport à l'économie productive et ainsi donné toujours plus de prise aux phénomènes de spéculation.
2°) La dette en France a été creusée par les politiques libérales à travers plusieurs phénomènes:
a) la décision prise en France à partir de 1973 par Pompidou, ancien cadre de la banque Rotschild, t'interdire à l'Etat de faire marcher la planche à billet de la banque centrale pour se refinancer à 0%- et l'obligation conjointe d'emprunter sur le marché auprès des banques privées. Obligation confirmée par les statuts qui ont été donné à la Banque Centrale Européenne par les traités européens, et notamment celui de Maastricht. Le poids de la dette était de 22% du PIB en 1974: il est de 88% aujourd'hui. Or, les intérêts payés en plus du remboursement de la dette depuis le début des années 1980 représentent nous disait Yves Dimicoli environ 70% (1300 milliards) du poids global de la dette française aujourd'hui: 1700 milliards d'euros. D'où la nécessité d'un audit sur la dette publique, et de prévoir peut-être une annulation d'une partie de la dette, jugée illégitime, celle qui procède de baisses des cotisations et impôts pour les grosses entreprises, celle qui procède de taux d'intérêts abusifs...: cf. 2010: les 5 réseaux bancaires français ont réalisé 20 milliards de profit net, en pleine « crise de la dette », et après avoir été recapitalisés à peu de frais par l'Etat en 2008. D'où la nécessité aussi de permettre aux Etats et aux collectivités locales d'emprunter directement auprès de pôles financiers publics, des banques centrales nationales et européennes.
b) Ce sont aussi les baisses de cotisations sociales et de cotisations patronales au nom de la compétitivité, de l'emploi et de la lutte contre le chômage, les baisses d'impôts et les niches fiscales pour les plus riches au nom de politiques clientélistes ou de la juste rémunération des mérites pour ne pas faire fuir « nos plus grands talents », qui ont renforcé aussi le poids des déficits des caisses sociales et de l'Etat. Les 25 dernières années, l'ensemble des réformes fiscales mises en place ont privé les caisses de l'Etat de 140 à 150 milliards d'euros (Jean-Marc Durand, membre de la section économique du PCF).
c) La dette a enfin considérablement augmenté ces 5 dernières années avec le recul de l'activité liée à la politique sarkozyste d'attaque contre le pouvoir d'achat des catégories populaires et surtout à cause de la crise financière que le néo-libéralisme au pouvoir dans une bonne partie du monde depuis 25 ans au 30 ans a causé.
3°) Le niveau de la dette française n'a rien d'insupportable en lui-même: on dit qu'il représente aujourd'hui près de 90% des richesses produites chaque année (1850 milliards d'années) et on nous invite à comparer la situation de notre Etat avec celle d'une famille au bord de la cessation de paiement, de la restriction de crédit... Mais en réalité le service de la dette ne représente guère que 14% du PIB (avec certes beaucoup d'intérêts payés dessus): il faut bien se dire que le remboursement de la dette est échelonné, en moyenne sur 7 ou 8 ans. Quelle famille ne rêverait pas d'un taux d'endettement aussi faible, là où le remboursement des dettes (voiture, maison...) prend souvent 50% du budget? Par ailleurs, l'Etat a une capacité qu'une famille n'a pas: il ne tient qu'à lui d'augmenter ses ressources, ses recettes, en élargissant sa base fiscale.
4°) Ce qui est vraiment critique dans la situation actuelle, ce n'est donc pas le niveau de la dette, mais les mécanismes institutionnels qui donnent tout pouvoir aux marchés pour spéculer sur les dettes souveraines et provoquer l'augmentation irrationnelle des taux d'intérêt, laquelle est dissociée des possibilités effectives de remboursement et tend même à les réduire. Ce qui est inacceptable, c'est d'être contraint de se justifier devant des agences de notation plutôt que devant les électeurs parce que l'on refuse que les Etats puissent se financer par l'émission monétaire de banques centrales ou la coopération directe.
5°) L'austérité, les politiques de rigueur les plus radicales qu'on nous présente comme le seul moyen d'amadouer les agences de notation sont les pires moyens pour diminuer le poids de la dette car cela contracte l'activité, fait rentrer les économies en récession, réduit le poids de la consommation et des recettes fiscales. Les agences de notation conviennent d'ailleurs de l'inefficacité de la rigueur budgétaire et des atteintes actuelles aux droits sociaux et aux dépenses sociales en Europe en continuant à brandir l'épée de Damoclès d'une note négative au-dessus des États malgré la docilité des gouvernements vis à vis des attentes du capital.
La dette n'est donc qu'un nouveau prétexte pour vider de contenu la démocratie en Europe (la signification de l'alternance politique, des élections), pour appauvrir démanteler les dispositifs de solidarité et l'Etat après l'avoir appauvri, et confier toujours plus de champs de la vie sociale et de l'existence individuelle à l'emprise de la finance et de la marchandisation.
Ce n'est pas le moindre paradoxe de cette crise du capitalisme financier qui a été quasiment universellement reconnue par les commentateurs, même les plus libéraux, en 2008, que de conduire à un renforcement sans précédent des logiques de destructuration du champ social et politique au service du capitalisme.
En même temps, ce mouvement de renforcement autoritaire de la domination du libéralisme et de la finance conduit politiquement à l'échelle européenne et nationale est si rapide et violent qu'il peut produire:
- Soit une résignation face à un mal qui apparaît inévitable. Résignation qui s'accompagne du dégoût généralisé vis à vis de la politique et des politiques - « tous pourris »- de la montée d'une culture de la peur, du ressentiment vis à vis de boucs-émissaires, d'ennemis de l'intérieur ou de l'extérieur, culture instrumentalisée par la droite pour renforcer la domination des riches.
- Soit l'émergence d'une conscience critique plus forte de la population vis à vis du capitalisme et du fonctionnement oligarchique des élites, d'une nouvelle espérance politique, d'une nouvelle combativité sociale qui peut faire naître des possibilités de progrès social et de riposte enfin puissante après 30 ans de coups encaissées par le salariat et la classe ouvrière.
Notre boulot, dans cette séquence de campagne électorale et au-delà, c'est de dire que l'argent existe pour satisfaire les besoins sociaux en termes de salaires, d'accès aux études, à la retraite, au logement, aux pensions sociales, à des services publics de qualité pour que chacun puisse vivre bien, dignement, comme lui en donne droit sa qualité d'homme et de citoyen. Les richesses produites en France aujourd'hui sont deux fois plus élevées qu'en 1980 (PIB x 2) grâce notamment à l'augmentation de la productivité du travail (liée aux progrès techniques mais aussi à de nouvelles organisations du travail qui associent rendement et stress, compétition pour la survie, la promotion ou la prime...). L'argent existe mais, c'est bien connu, depuis le tournant libéral des politiques publiques en France au milieu des années 1980, 10 points de la richesse nationale, de la répartition de la valeur ajoutée, sont passées du travail au capital: soit 195 milliards par an.
Notre intention est donc de renverser la tendance pour aller vers plus de partage des richesses, plus de contribution du capital au financement de la vie sociale et des solidarités collectives: aujourd'hui, le capital est taxé en réalité à 18% alors que le travail l'est en moyenne à 42%. Cette intention nous ne pourrons la mettre en œuvre qu'en nous donnant des outils efficaces pour reprendre en cas de victoire électorale l'ascendant sur les marchés et les pouvoirs financiers - pôle bancaire public, accès sélectif au crédit, nouveaux pouvoirs donnés aux salariés dans les entreprises, rupture avec les traités européens existants et leur sacralisation du libre-échange et de la course à la défiscalisation du travail, au moins-disant fiscal pour les entreprises....
Mais surtout, il faut qu'elle s'accompagne d'une vraie mobilisation populaire débordant les forces actuelles du FDG. Cette mobilisation, c'est peut-être la campagne contre le renforcement de l'austérité et la confiscation des choix économiques au niveau européen qui peut permettre de la stimuler.
LE DEBAT de l'ASSEMBLEE CITOYENNE
Une intervenante : Tout ce que vous dîtes de ce qu'est le PS et de ce que l'on peut en attendre, on le sait bien. Moi, je les connais depuis les années 60 et je ne leur ai jamais fait confiance, même en 1981. Aujourd'hui, Hollande a clairement fait le choix d'attirer le centre, un bout de la droite, les bobos. Mais la question que je vous pose, c'est: comment allez-vous faire pour faire revenir un vote de gauche résolue les catégories populaires, et notamment les gens qui pouvaient voter PCF dans les années 60 et qui aujourd'hui font souvent le choix de Marine Le Pen, en se disant qu'ils ont essayé les autres qui n'ont pas changé grand chose à leur vie?
Hubert Peneau: il faut faire attention à avoir en tête des données exactes quand on parle de montée du FN. Les scores de Le Pen en pourcentage augmentent grâce au poids de l'abstention: en réalité, les scores du FN se tassent ou ont même tendance à régresser. Notre travail, ce sera justement de faire voter pour une gauche utile au peuple les abstentionnistes. Actuellement, les médias à travers la publication de leurs sondages alarmistes sur la montée du et la banalisation de la candidature Marine Le Pen cherchent à alimenter les logiques de vote « utile » ou pire encore, à placer le FN en position pour être au second tour. C'est que pour la droite ou le PS, à condition de passer l'obstacle du premier tour, ce serait la victoire assurée. En réalité, le FN est aujourd'hui porté par le système, c'est un allié objectif de ce système capitaliste prédateur sur la défensive.
Jacques Carrasse: Aujourd'hui, il est urgent, plutôt que de se positionner uniquement sur la défensive par rapport au discours de propagande pro-capitaliste omniprésent (sur le mode « c'est la crise, il va falloir se serrer la ceinture »...) en disant à raison que l'austérité va amener à nous appauvrir, de dessiner les perspectives concrètes d'un autre modèle de société capable de fixer un objectif aux luttes et de remobiliser des gens qui n'y croient plus. Il faut reconstruire de l'utopie, dessiner pour l'imagination ce que pourraient être un autre modèle de développement (délivré du productivisme et de la course à la croissance, impliquant la réduction du temps de travail, le développement des coopératives, des circuits courts, des solidarités locales). C'est très important de mettre dans la tête des gens l'idée qu'il existe des contre-modèles globaux déjà pensés, qui permettent de donner du sens à la résistance.
Patrick Le Nan: Je suis d'accord pour dire qu'il faut rallumer ces lumières dans la tête des gens. D'autant que, par rapport à notre communication avec les citoyens, il est extrêmement important de dégager les objectifs généraux de notre projet, sa cohérence et les axes de changement qu'il entend promouvoir, car les gens se méfient des propositions programmatiques généreuses, des belles promesses (augmentation du SMIC...) du type « on rase gratis ». Quand ils lisent certaines de nos promesses, beaucoup se disent peut-être: « tous des menteurs », « tous les politiques sont achetés »... D'où l'importance de la pédagogie, de notre capacité à bien faire sentir dans quelle direction on veut aller et pourquoi la direction suivie actuellement nous mène dans le mur.
Jean-François Huon: Je voudrais mettre un peu plus d'optimisme dans cette réunion. Rappelez-vous la campagne contre le Traité Constitutionnel Européen en 2005: nous avions 90% des politiques et des médias qui considéraient un éventuel non comme le summum de l'irréflexion, de l'irresponsabilité, qui chargeaient les opposants de tous les vices, et pourtant les citoyens, un peu comme aujourd'hui dans le Front de Gauche, ont commencé à s'associer pour se mêler de leurs affaires, produire collectivement un discours critique et faire une campagne de proximité qui nous a permis de gagner. Le Front de Gauche est l'émanation de la victoire de 2005 avec une vraie capacité à associer la revendication sociale, la culture écologiste, le projet de rénovation de la démocratie. A ce propos, je crois qu'il faut absolument que nous portions avec force l'exigence du non cumul des mandats (pas plusieurs mandats en même temps, limiter à deux mandats la possibilité de prolonger ses fonctions d'élus dans le temps). C'est le seul moyen de sortir de l'oligarchie, d'éviter que les élus se laissent plus ou moins détourner de leurs voies initiales par l'influence des lobbys patronaux qu'ils fréquentent au quotidien.
Jean Rozech: Le non cumul des mandats, la limitation à un seul mandat, me semblent des évidences si l'on veut assainir notre démocratie. Et les élus du Front de Gauche doivent commencer par donner l'exemple de ce qui est inscrit dans notre programme, ce qui n'est pas toujours le cas. Je voudrais aussi revenir sur un objectif que la gauche n'a pas assez défendu depuis 2002: la réduction du temps de travail. La productivité du travail et le niveau de richesses produites dans notre pays rendraient possible sans aucune difficulté, avec un vrai partage des richesses, une semaine de 4 jours et de 32h avec maintien du salaire. Cette semaine de 4 jours serait un moyen d'éviter la multiplication des heures supplémentaires et une possibilité de créer réellement de l'emploi.
Ismaël Dupont: Je suis parfaitement d'accord sur la nécessité de défendre la réduction du temps de travail. Revenir à des 35 heures strictes en supprimant les facilitations données aux heures supplémentaires est d'ailleurs la première proposition du programme du Front de Gauche en matière économique, dans la partie « Partager les richesses et abolir la sécurité sociale ». Pourquoi on ne va pas plus loin? Sans doute par pragmatisme, pour ne pas éloigner de nous les catégories populaires et les ouvriers parce qu'on sait que beaucoup ont mal vécu les 35 heures, alors que les professions intellectuelles et les cadres s'en félicitent. Pourquoi? Parce qu'Aubry a fait passé sa loi au profit de beaucoup de concessions faites au patronat: annualisation du temps de travail, flexibilité, stagnation des salaires pour des salariés qui étaient juste au SMIC ou au dessus du SMIC. En revanche, il est complètement faux de dire comme la droite que la RTT a nui à la compétitivité de notre économie et à l'emploi: elle a permis de créer des dizaines de milliers d'emplois et elle aurait permis d'en créer davantage si l'Etat employeur avait eu l'esprit de suite et avait réellement compensé les heures de services perdues avec la RTT, à l'hôpital notamment. Par ailleurs, la Réduction du Temps de Travail, revendication constante de la gauche sociale depuis le 19ème siècle, est un moyen de réduire les profits capitalistes sans pour autant continuer à tomber dans l'encouragement au consumérisme...Elle permet à la société d'avoir des citoyens plus capables de trouver de l'énergie pour leur développement personnel, de s'investir dans leur vie familiale, de se cultiver, de faire du sport, de s'engager au service des autres dans le secteur associatif, la politique. C'est une richesse non immédiatement mesurable en termes comptables et c'est une des bases d'un projet de civilisation alternatif, basé sur le bien vivre et non sur la multiplication des échanges marchands, que nous devons porter. Au Front de Gauche, il y a encore des débats entre nous sur la valeur de la croissance, la validité de la mise en avant d'objectifs de décroissance ou de sobriété: au PCF, par exemple, on continue majoritairement à penser comme avant qu'on a besoin de croissance pour satisfaire les besoins sociaux de plus en plus grands, et en particuliers dans les pays du Sud avec l'explosion démographique. Mais les positions se font plus nuancés: on apprend au contact d'autres cultures politiques et sociales.
Hubert Peneau: Il y a en tout cas un objectif qui nous réunit, c'est celui de la décroissance des inégalités...
Jacques Normand: Sur la question des énergies, je crois qu'il nous faut creuser des expériences locales alternatives qui ont déjà été tentées comme la création du premier parc éolien citoyen réalisé en bord de Vilaine en Bretagne grâce à des participations financières de gens du coin et de Cigales. C'est sur ces questions énergétiques (nucléaire, installation d'une centrale à Gaz, d'un méthaniseur) que la démocratie participative que nous appelons de nos vœux peut s'exercer entre des gens qui ne font pas parti de l'oligarchie. En 1981, quand l'union de la Gauche est passée, c'est parce que les gens avaient envie que ça change. Ils avaient envie d'une alternative et pas d'une alternance. Il faut proposer des alternatives, y compris dans la manière dont on fait de la politique. Chacun doit oser dire quelle est sa petite part d'idéal et rentrer ensuite dans une démarche d'éducation populaire. Au Front de Gauche, nous ne devons pas avoir peur des propositions clivantes, non consensuelles, qui peuvent interroger la population et l'amener à réfléchir, et nous faire percevoir comment une force politique qui ne se met pas à la remorque de revendications déjà bien partagées (syndicalement notamment) mais constitue une vraie force d'invention et de proposition. Par exemple, sur l'immigration, on a raison de dire sans faux-fuyant que nous sommes pour une régularisation et une décriminalisation des sans-papiers, pour l'octroi possible de la nationalité au bout de 5 ans de résidence, pour un carte de séjour unique à 10 ans et le caractère automatique du droit d'asile... On ne peut plaire à tout le monde: il faut que les gens aient le sentiment que l'on s'engage sur les sujets parce qu'on a un grand dessein en tête et une résolution d'aller au bout.
Jacques Carrasse: Nous avons à travailler pour dessiner des perspectives, montrer comment elles pourraient se concrétiser sur les territoires, sur un plan local: comment économiser et produire l'énergie pour faire face aux défis écologiques et sociaux, comment développer les circuits courts? Il faut que l'on développe une expertise sur ce qui se fait déjà au niveau des communautés de commune et ce que l'on pourrait proposer de neuf. Il est possible de commencer à construire la société meilleure à laquelle nous aspirons sur un plan très local.
Hervé Penven: Je crois que le Front de Gauche doit tout le temps rappeler qu'il a l'ambition d'être majoritaire à gauche, comme l'a fait Bayrou en 2007, avec beaucoup moins de forces militantes que nous et le bon résultat que l'on sait. Pour retrouver l'électorat populaire, le convaincre de fuir l'abstention, il faut aller dans le concret sur tous les sujets: parler par exemple des haricots verts du Kenya vendus dans nos supermarchés pour faire ressentir la bêtise de la mondialisation à outrance. De quoi se préoccupent les gens: de leur emplois et de leurs salaires, de leur logement, de leurs transports, de leur remboursement de santé... etc. Il faut décliner notre programme avec des phrases simples, percutantes, exemplifiées, sur ces sujets là. Il faut aller voir les gens au porte-à porte chez eux à l'heure où ils rentrent du travail, et établir un contact, et non se contenter de mettre les tracts dans les boîtes à lettre. Le programme du Front de Gauche a beaucoup de qualité mais il compte un peu trop pour financer toutes nos mesures de progrès social sur la taxation des revenus du capital et je ne pense pas qu'il soit réaliste de proposer le SMIC à 1700 euros brut dès 2012, ni que les citoyens penseront que l'on est en mesure de réaliser ce que l'on promet. En revanche, il faut insister sur la nécessité d'une grande réforme fiscale: augmenter la fiscalité sur le patrimoine, l'héritage, faire de l'impôt sur le revenu l'impôt essentiel et le rendre plus progressif encore.
Jacques Normand: Ce qui serait concret par exemple, c'est de demander à ce que collectivement, les citoyens décident des indicateurs du développement humain, pour ne pas nous faire voler la définition des critères de la richesse et du développement par le capital: pourraient y entrer le niveau de santé publique, d'éducation, de prise en charge des loisirs, le niveau des inégalités...
Une intervenante :Je voulais poser des questions au candidat et aux militants du Front de Gauche sur votre rapport à la politique de la ville – car j'habitais en région parisienne et je vois bien que la gauche a dû mal à être écoutée dans ces quartiers là, où il y a de plus en plus d'exclusion, de moins en moins de mixité sociale et « ethnique », les classes populaires un peu plus intégrées ou moyennes les ayant désertés - mais aussi sur l'indépendance des médias et le renouveau de la démocratie.
Ismaël Dupont: Le dernier chapitre du programme du Front de Gauche, L'Humain d'abord, porte sur « le droit à la ville »: il s'agit d'en finir avec « la politique de la ville », politique spécifique de charité stigmatisante vis à vis des quartiers périphériques et populaires des grandes villes dits sensibles, et de refaire rentrer la politique de la ville dans le droit commun, la volonté d'accorder à tous le droit à l'emploi, au travail non précaire, au logement de qualité, à la mobilité, au sport et aux loisirs. Notre volonté est d'aller « vers des quartiers équilibrés, qui ne soient pas uniquement résidentiels ou dortoirs, mais de vrais quartiers de vie, avec des logements, de l'activité économique, de l'emploi, des équipements publics et privés de proximité, des lieux de loisirs et de culture ». L'accès de tous au logement de qualité est une priorité de notre projet, qui prévoit de construire 1 millions de logement sociaux en 5 ans (200.000 par an), de renforcer la proportion de logement social dans les villes (passer à 25 ou 30% suivant le niveau des loyers du secteur privé et des prix à l'achat), les pénalités pour les villes qui ne respectent leurs obligations au titre de la SRU, mais aussi de plafonner les prix des ventes et des loyers pour éviter la spéculation et maintenir un budget logement inférieur à 20% du budget total des ménages. Sur l'indépendance des médias, un des chevaux de bataille de Mélenchon et une de nos dénonciations constante et ancienne concerne les collusions entre le grand capital et les groupes de télévision et de presse influents, notamment les groupes financiers (Rotschild), de BTP (Bouygues), d'armement (Lagardère, Dassault) qui prennent les commandes de l'Etat ou se font servir par lui en créant des conflits d'intérêt avec des hommes politiques qui travaillent pour eux en échange de bons procédés. Pour cela, il faudrait une loi anti-monopole dans les médias comme le programme commun le proposait déjà il me semble et transformer le pluralisme de la presse d'opinion en exigence de service public impliquant la possibilité de subventionner publiquement des journaux pour les rendre indépendants des groupes financiers et des annonceurs. Une diversité d'expression médiatique est une des conditions d'existence de la démocratie. Par rapport à la démocratie, nous avons un projet extrêmement ambitieux de création d'une assemblée constituante et d'un grand débat national pour aller vers une 6ème République qui, à notre sens, devrait introduire la proportionnelle intégrale à toutes les élections, multiplier les référendums d'initiative populaire, aller vers plus de démocratie participative aussi au niveau des collectivités territoriales (budgets participatifs votés par des assemblées de citoyens volontaires ou tirés au sort), des communes, mettre fin au présidentialisme monarchique, au pouvoir du Sénat et à la mise sous tutelle de la justice. Là-dessus, l'accord gouvernement conclu entre le PS et EELV est extrêmement timide, conservateur: et pour cause, le PS n'a aucune raison de vouloir mettre fin aux logiques institutionnelles qui renforcent le bipartisme et la délégation de pouvoir et les Verts sont prêts à céder sur l'essentiel de leurs exigences programmatiques pour avoir quelques fauteuils et des financements. Nous sommes les seuls aussi à proposer une vraie démocratie sociale, une démocratie dans l'entreprise, avec un pouvoir accru donné aux salariés pour définir l'usage des profits dans les entreprises, interdire les licenciements , les ponctions excessives des actionnaires et soutenir l'investissement productif.
Jacques Normand: Nos Assemblées Citoyennes en rodage doivent donner l'exemple de la vie politique que nous voulons, elles ne doivent pas s'arrêter en juin 2012 mais continuer à se rassembler pour être les lieux d'influence des politiques ou des résistances collectives futures, les think tanks du peuple.
La même intervenante que les deux fois précédentes: Lors du coup d'État de Napoléon III, une véritable armée citoyenne s'était monté en Provence à la suite de rumeurs de résistance pour mettre le tyran dehors. Elle a tenu plusieurs mois, réfugiée dans les montagnes de l'arrière-pays. Aujourd'hui, on entend les jeunes anglais se révolter à plusieurs reprises, les Espagnols créer le formidable mouvement des Indignés et chez nous, en France, cela ne prend pas assez, le signal de la révolte ne crée pas de contagion... Cela m'interroge.
Hubert Peneau: Les indignés en France, ils ont gagné en 2005, ils étaient des batailles pour la défense des droits sociaux collectifs en 1995, 2003, 2006, 2010 pour les retraites. A chaque fois, on a méprisé leurs mobilisations et leurs revendications. Maintenant, il faut à tout prix que l'on s'organise et que l'on se rassemble politiquement pour donner dès 2012 un débouché politique à ces luttes pour la justice. C'est notre combat.
Jacques Carrasse: Il faut que l'on travaille sur des mots d'ordre simples et universels: propriété des moyens de production, de la terre, des biens fondamentaux qui doivent être gérés collectivement et accessibles à tous (eau, électricité, transport en commun et de proximité). Pourquoi par exemple les premiers mètres cubes ou kwh d'eau et d'électricité ne seraient-ils pas gratuits et au-delà d'un certain seuil de consommation, pourquoi n'y aurait-il pas des surtaxes sanctionnant un usage excessif?
Jean-François Huon: Sur les transports collectifs, le coût de la gratuité pour la communauté de commune, ce serait 283000 €: c'est tout à fait gérable. On aurait intérêt à aller vers là pour des raisons sociales et écologiques plutôt qu'à dilapider l'argent ailleurs.
Hervé Penven:Je ne suis pas pour une gratuité complète du transport en commun de proximité car il faut le développer – nous n'avons qu'un vingtième actuellement de ce qu'il faudrait. Il faut financer ce développement nécessaire des transports en commun et je ne crois pas que l'on puisse compter que sur une fiscalité qui ne touche pas spécifiquement les usagers. A Vitroles, à Vitré, à Chateauroux, on expérimente la gratuité des transports mais il faudrait faire un bilan précis de ce que cela coûte et rapporte à la collectivité. En revanche, au niveau de la communauté d'agglomération, il y a actuellement une DSP: il faut revendiquer une maîtrise publique qui coûtera moins cher et permettra de continuer à investir dans le transport en commun. Il faut soutenir partout aussi le covoiturage, la mise à disposition en prêt de véhicules, la création de mini-taxis sous forme de navettes. Par ailleurs, le Programme partagé a un autre défaut: toutes nos dépenses publiques pour financer la satisfaction des besoins sociaux sont garanties par des taxes sur les entreprises et leur capital financier. Cette manne là n'est pas extensible, surtout si l'on veut limiter l'économie spéculative. Il faut donc surtout insister sur une réforme globale de la fiscalité, un impôt sur le revenu qui redeviendrait l'impôt le plus important dans les recettes de l'État et dont la progressivité serait accrue.
Jean Rozech: Comment allons-nous donner le plus d'efficacité et de prolongement à ce qui se dit dans les Assemblées Citoyennes? Je crois que l'on peut décider, à l'issue de ces assemblées citoyennes, de créer des ateliers constituées de personnes motivées pour travailler ensemble des propositions à faire remonter à l'échelon national après en avoir décidé collectivement lors d'assemblées citoyennes suivantes... Par exemple, on prenant pour thème de travail en mini-groupes dès aujourd'hui la gratuité, le transport.
Hubert Peneau: Moi, je ne suis pas partisan d'une spécialisation des Assemblées Citoyennes et de la création de ces micro-ateliers préparatoires. Ces assemblées citoyennes doivent garder un côté informel, ne pas perdent de vue la défense de la globalité de notre projet vis à vis de la population, car l'urgence est d'abord de rassembler chaque semaine toujours plus en vue d'une victoire au printemps 2012. Il faut aussi que l'on passe à l'action, à travers des distributions de tracts...etc.
Jacques Normand: Sur le contenu de nos propositions sociales, je pense qu'on pourrait aller plus loin dans la lutte contre les inégalités de revenus et limiter par exemple l'écart des retraites à une échelle de 1 à 5, l'écart des salaires à une échelle de 1 à 10 en suivant l'exemple des grilles salariales de la fonction publique. Jean-François Huon Il y a des propositions qui me tiennent à cœur et que l'on doit porter haut et fort. Par exemple, taxer à 100% toute spéculation qui n'est pas investissement productif. Réduire considérablement le budget de la défense: il faut voir que tout l'argent que l'on met dans l'armée (16% du budget de l'Etat), on ne le met pas pour satisfaire les besoins sociaux. On travaille pour des industriels comme Dassault et la diplomatie de la France est dictée par le besoin de vendre des Rafales, y compris à la Libye... C'est inacceptable que ces intérêts financiers influencent notre politique stratégique. Il faut également être incisifs sur l'Europe et réaliser l'Europe sociale sans laisser de prise au retour des nationalismes et de la xénophobie. Or, tout ce que l'on voit, c'est que ce que l'on dénonçait dans Maastricht, le TCE, le Traité de Lisbonne – à savoir une mise en concurrence généralisée des salariats et des entreprises sans critères de convergence sociale- a produit des effets catastrophiques. L'Allemagne, dans l'agro-alimentaire notamment, ne cesse de faire du dumping social. Son soit-disant modèle économique, c'est la réduction des salaires et des garanties sociales des salariés, un taux de pauvreté plus élevé qu'en France. L'Europe doit devenir un espace harmonisé au niveau social, et par le haut. Cela doit être un de nos objectifs fondamentaux.
Hervé Penven: Il faut développer l'impôt sur le revenu, l'impôt sur l'héritage et les donations et faire des propositions pour un autre barème: on trouvera ainsi l'argent pour satisfaire les besoins sociaux sans mettre en péril l'activité économique.
Jacques Carrasse: Pour affiner nos argumentaires, ce serait intéressant d'établir des tableaux comparatifs avec les droits sociaux il y a 10 ou 20 ans (APL, remboursements médicaux, services publics) et les outils fiscaux d'alors, afin que l'on visualise très bien dans quel sens s'est opéré la distribution ou la non-distribution de la richesse.
Jean Rozech: Au sujet des retraites, je plaide moi pour une égalité stricte des pensions. Il n'y a pas de raison pour que ceux qui se sont crevé le cul pendant plus de 40 ans pour des salaires minimalistes n'aient pas en plus les moyens de payer l'aide à l'autonomie, les loisirs, les maisons de retraite, alors que d'autres auront accumulé des biens immobiliers et un patrimoine et jouiront encore de revenus considérables à ne pas savoir qu'en faire. Il faut harmoniser les pensions: seul le travail justifie les différences de revenus.
Ismaël Dupont: Des pensions de retraite proportionnelles aux cotisations, c'est la philosophie du système de sécurité sociale et de financement des retraites pensé à la Libération dans le sillage du CNR. Ceci dit, sans être moi-même pour une égalisation complète des pensions, je pense que l'on pourrait réduire considérablement l'échelle des retraites perçues pour augmenter les petites retraites (ceux qui ont travaillé avec des très bas salaires ou qui n'ont pas travaillé toute leur vie: les femmes, ceux qui ont des périodes de chômage et d'inactivité) et réduire les retraites de ceux qui avaient des revenus suffisants du temps de leur activité pour acquérir du patrimoine, de l'épargne, des actions, leur permettant d'envisager l'avenir avec plus que de la sérénité. D'accord donc pour lisser les retraites en partie.
Jacques Normand: Sur ces sujets, on a intérêt à être imaginatifs, à ne pas nous contenter de nous plier aux cadres existants ou de prolonger des revendications syndicales. Il faut poser l'exigence de justice dans toute son étendue et sur tous les sujets et essayant de tout remettre à plat pour réintroduire de l'idéal et du projet de société global.