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13 avril 2016 3 13 /04 /avril /2016 20:23
Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon. Le bonheur de l’échange sur la place de la République

Par Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot

Mardi, 12 Avril, 2016

L'Humanité

Les sociologues Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon se sont rendus, samedi soir, place de la République à Paris.

Ils livrent leur témoignage de leur Nuit debout au cœur d’un mouvement où vivent « la solidarité et l’égalité ». Malgré la pluie et le froid, nous ne retiendrons de notre soirée du samedi 9 avril 2016, sur la place de la République, que le bonheur et la chaleur de l’échange avec des militants de tous âges et de tous milieux. Sous un abri de plastique bleu, nous leur avons proposé un petit sketch mettant en scène un couple de la « haute société ». Nous nous sommes présentés comme deux membres de la grande bourgeoisie qui se retrouvent au coin du feu dans leur bel appartement du 16e arrondissement après une longue séparation. Le 13 mars, Michel qui occupe de hautes responsabilités dans une banque d’affaires s’est envolé au Panama, puis a séjourné dans l’État du Delaware, aux États-Unis. Monique, directrice de la communication dans une maison de haute couture, a continué à participer à la vie mondaine parisienne. Leur éducation dans les beaux quartiers se révèle tout de suite : après des années de vie commune, ils persistent à se vouvoyer.

Mon cher, dit Monique à son mari Michel, vous qui avez voyagé pendant toutes ces semaines, vous ne savez pas encore que la maire socialiste de Paris, Anne Hidalgo, et son adjoint au logement, Ian Brossat, qui est, tenez-vous bien, communiste, vont construire un centre d’hébergement pour 200 sans-abri, là, devant chez nous sous nos fenêtres, dans notre bois de Boulogne !!! Vraiment, ils ne doutent de rien. Ils ont même eu le toupet d’organiser, le 14 mars, une présentation du projet dans un amphithéâtre de l’université de Dauphine. Vous pensez bien que nous nous sommes mobilisés. Nous sommes venus avec des sifflets, des affiches rouges avec « Touche pas à mon bois » écrit dessus. Nous étions 1 500, dont la moitié dehors, faute de place. Nous étions très en colère de subir le résultat de lois dont nous ne voulons pas. C’est dur pour des gens comme nous d’être mis dans l’obligation d’accepter la construction de ces abris qui vont dénaturer notre environnement et menacer la sécurité de nos enfants. Alors, certains d’entre nous ont perdu leur sang-froid habituel. Ils ont traité de “salope” la préfète qui ne l’avait pas volé. Mais, bien entendu, aucune plainte n’a été déposée contre nous. Nous ne sommes quand même pas des grévistes. Nous bénéficions encore du respect dû aux gens de notre rang.

Par contre, je suis très inquiète de la situation sociale en France. Vous vous rappelez que, grâce aux très nombreuses interventions de notre ami, Pierre Gattaz, et de ce cher Geoffroy Roux de Bézieux, le gouvernement a enfin mis en chantier le dégraissement du Code du travail, afin que les salariés soient plus assidus au travail, et que nos chefs d’entreprise ne soient pas épuisés par les obstacles liés aux processus de licenciement si délicats à mener à bien, sans ces primes et autres condamnations aux prud’hommes

Eh bien, figurez-vous que, alors que j’avais passé une délicieuse matinée le 31 mars dans la société de vente aux enchères de notre cher ami François Pinault, je me suis retrouvée, alors que je me rendais à un cocktail de la Fondation Seydoux, prise dans une foule de dizaines de milliers de manifestants, sous une pluie battante. J’ai fini par comprendre qu’ils hurlaient contre une loi qu’une ministre, une certaine El Connerie m’a-t-il semblé, cela m’a paru bizarre, voudrait imposer à nos entreprises. J’ai été stupéfaite par ce spectacle. Ils étaient couverts de grandes capes rouges ou jaunes, en matière plastique. Dégoulinant d’eau, les pieds trempés. Quel spectacle ! Mais ils paraissent déterminés. Cela m’a fait penser à Germinal, et j’ai été traversée par un sentiment de peur. Je ne le cache pas. Mais j’ai retrouvé nos chers amis de la Fondation, qui m’ont réconfortée en m’offrant une coupe de champagne que j’ai bien appréciée.

Et vous, qui étiez si loin, racontez-moi un peu de votre vie pendant cette longue séparation.

Eh bien, comme vous savez, j’étais à Panama ce lundi 5 avril 2016, pour les affaires concernant la banque, et les nôtres. Le petit déjeuner dans le bel hôtel où j’ai mes habitudes a été fort agité. Tous les journaux titraient sur le vol dont a été victime le cabinet de nos chers amis, Mossack Fonseca. Quand on pense au mal qu’ils se sont donné pour monter un système de sociétés-écrans entremêlées ! Rendez-vous compte, une source anonyme a communiqué à cet ignoble consortium de journalistes d’investigation une masse de documents dont la publication a déjà fait des dégâts considérables. Ces pirates veulent à tout prix nous ruiner, en donnant en pâture aux tribunaux nombre de nos amis, avec leurs listes offshore, à travers le monde. Enfin c’est ce qu’ils espèrent. Offshore Leaks, Luxembourg Leaks, Swiss Leaks, et ça ne leur suffisait pas, il leur faut maintenant Panama Papers.

Nous vivons vraiment dans un monde dangereux. Nos paradis fiscaux pourraient bien devenir des enfers. Les salariés sont autant de grains de sable qui peuvent bloquer nos belles machines de la finance. S’ils deviennent tous des lanceurs d’alerte, il y a tout à craindre. Un nouveau 1789 qui pourrait mettre à mal les banquiers et leurs clients Et puis, vous voyez, ce qui me fait peur, c’est la solidarité de ces centaines de journalistes à travers le monde. Ils sont arrivés à travailler ensemble sur une masse de 11,5 millions de documents, à les explorer, les comprendre, les relier entre eux. Pour reconstruire la réalité qui se cache derrière les apparences. Il leur a fallu neuf mois. Cela montre une grande volonté et une solide collaboration.

J’irai au cercle, demain, pour voir avec nos amis les précautions à envisager devant cette situation à prendre très au sérieux. D’autant plus que j’ai appris, dans l’avion qui me ramenait de New York à Paris, que des jeunes restaient debout toutes les nuits, place de la République, et ce, quel que soit le temps. Ils veulent manifester leur colère devant cette flexibilité dans le travail que nous appelons de tous nos vœux. Voilà des incompatibilités dangereuses. Ma chère, nous vivons une époque redoutable. Jusqu’au pape François qui trouble la paix de nos messes dominicales en prenant fait et cause pour les trublions qui menacent notre avenir. On ne sait plus à qui se fier.

Le public, en partie assis à même le sol trempé afin de laisser de la visibilité aux derniers arrivés, a manifesté son bonheur pour ce voyage dans les beaux quartiers avec un joli ballet de mains qui virevoltaient comme des marionnettes. Les nombreuses questions ont tourné autour de la représentation que les grands bourgeois pouvaient se faire des membres des classes moyennes et des classes populaires. Que sommes-nous pour eux ? Comment nous perçoivent-ils ? Nos réponses furent souvent désenchanteuses tant la violence dans les rapports sociaux de domination a atteint des proportions difficilement acceptables. Mais le public apprécie nos enquêtes et la façon dont nous les restituons de manière franche mais jamais triste tant nous sommes convaincus que la vérité permet la dignité à ceux que les dominants veulent plonger dans la cécité et le pragmatisme de l’expertise. De surcroît, ce sont les deux membres d’un couple qui se relayent dans les réponses, un indicateur de la solidarité très en phase avec Nuit debout, ce mouvement pour lequel la solidarité et l’égalité dans la prise de parole doivent organiser la réflexion politique et le changement de société.

Tout au long de cette soirée, chacun manifeste sa joie d’être là, sa bonne humeur devant la magie d’une collectivité regroupée dans la proximité des valeurs et des opinions.

Pour nous, ce sera le bonheur de la légitimation de notre travail de sociologues. Nos analyses et les mots pour les développer apaisent la souffrance de ceux et celles qui n’ont pas la chance d’avoir le temps de la réflexion. Nous confortons la justesse de la révolte profonde contre une société qui traite de plus en plus mal les salariés et les travailleurs. Il s’est dégagé de cette soirée la même relation fusionnelle, amicale et affectueuse que nous rencontrons dans les débats auxquels nous participons dans de nombreuses villes et villages de France.

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13 avril 2016 3 13 /04 /avril /2016 20:21

LES GRANDS ENJEUX POUR NOTRE PLANÈTE, PAR GÉRARD LE PUILL

L’HUMANITE DIMANCHE – Jeudi 31 mars 2016

Parmi les nombreuses citations attribuées au célèbre constructeur automobile américain Henry Ford, né en 1863 et mort en 1947, figure celle-ci : « Notre métier consiste à organiser l'insatisfaction. » Pour vendre un maximum de voitures, il considérait qu'il fallait sans cesse créer de nouveaux modèles afin de provoquer l'envie de les acheter par un nombre croissant de clients. Alors que le seul ralentissement du réchauffement climatique implique de diviser par quatre les émissions de gaz à effet de serre, il conviendrait de rompre avec la politique de l'offre dès lors que cette dernière augmente le bilan carbone des biens produits et vendus. Les associations de consommateurs devraient intégrer la lutte contre le réchauffement dans leurs priorités via les conseils d'achat qu'elles dispensent aux consommateurs. Qu'il s'agisse de l'UFC-Que choisir, de « 60 Millions de consommateurs » ou de la Confédération du logement et du cadre de vie (CLCV), pour n'en citer que les plus connues, elles n'en sont pas là, tant s'en faut. « L'écologie peut encore sauver l'économie » (1) questionne l'attitude de l'UFC-Que choisir, à partir du contenu de son journal mensuel.

Cette publication se limite trop souvent à des comparaisons de prix en vue de conseiller ce qui est moins cher à qualité supposée équivalente. Ce qui revient à faire de Michel-Édouard Leclerc le héros national des prix bas pour les produits alimentaires alors qu'il est le distributeur le plus cynique et le moins éthique vis-à-vis de ses fournisseurs. L'UFC-Que choisir ne se soucie guère du bilan carbone des marchandises dont elle conseille l'achat. Agir de la sorte va à l'encontre des intérêts des générations futures. Il est grand temps de conseiller aux consommateurs l'achat de biens durables et à faible bilan carbone quand il s'agit notamment du contenu de leur assiette, ce qui renvoie aussi aux différentes formes d'agriculture pour choisir la plus durable. Le bilan carbone d'un rôti de boeuf ou d'une part de fromage n'est pas le même selon ce que la vache aura mangé. Dans le pré, elle cueille sa nourriture en broutant sur un puits de carbone.

Nourrie à l'auge avec du maïs et du soja, elle consomme indirectement beaucoup de pétrole et participe à la déforestation de l'Amazonie puisque la culture d'un hectare de maïs fourrager chez nous fait cultiver près d'un hectare de soja en Amérique du Sud pour nourrir les troupeaux européens. Pour l'équipement de la maison aussi, les associations de consommateurs devraient conseiller l'achat de biens durables plutôt que des objets à obsolescence programmée vendus meilleur marché. Elles devraient faire connaître l'intérêt du recyclage, favoriser le troc et les échanges. Il faudra tous ces changements de comportements pour que nous progressions vers une économie capable de réduire le bilan carbone de notre consommation.

(1) Coédition Pascal Galodé « l'Humanité ».glepuill@humanite.fr

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13 avril 2016 3 13 /04 /avril /2016 05:49
« Une révolution démocratique doit se faire avec la force des 99 % »

Pierre Laurent, secrétaire national du PCF

L'HUMANITE

ENTRETIEN RÉALISÉ CÉDRIC CLÉRIN ET STÉPHANE

« POUR POUVOIR INTERVENIR DANS LE DÉBAT, LES FRANÇAIS DOIVENT IMPOSER, NON TEL OU TEL CANDIDAT, MAIS LES THÈMES DE LA DISCUSSION ET DU PROJET. »

« RACONTER QU'UNE VICTOIRE D'UN SOIR, FÛT-ELLE ÉLECTORALE, RÉSOUDRA TOUS LES PROBLÈMES, C'EST TROMPER LES GENS. »

HD. Comment interprétez-vous le succès de la mobilisation contre la loi travail ?

Pierre LAURENT

C'est un mouvement extrêmement profond dans la jeunesse et dans tout le monde salarié. Le pays refuse une loi dont chacun a compris qu'elle allait généraliser, et pour longtemps, la précarisation de la vie et du travail.

Les gens s'engagent dans le mouvement de manière croissante au fur et à mesure que le pays prend conscience du contenu du projet de loi, et ils sont déterminés à obtenir son retrait.

Les mobilisations vont se poursuivre et s'inscrire dans la durée. Elles doivent maintenant tout à la fois mettre la pression sur le gouvernement pour retirer le texte et la pression sur le Parlement pour que personne à gauche n'accepte de voter ce projet. Au-delà, cette mobilisation cristallise une exaspération qui a gagné les forces populaires de la gauche qui ne supportent plus le mépris affiché par le pouvoir actuel à leur égard.

HD. 1 million de personnes contre un gouvernement de gauche sur des questions sociales, c'est inédit.

Pierre LAURENT

Effectivement, ce pouvoir est totalement isolé, il s'est coupé du peuple de gauche, auquel il a délibérément tourné le dos. Ces forces populaires sont en train de prendre conscience qu'elles ne sont pas condamnées à subir ce gouvernement au prétexte qu'il se prétend de gauche.

Le pouvoir a dû renoncer à la révision constitutionnelle parce qu'elle allait à rebours de toutes les valeurs fondamentales de la gauche. C'est un encouragement. Le mouvement engagé est donc profond, et il peut gagner et ouvrir la voie à des prolongements pour construire une issue de gauche, une issue progressiste au piège dans lequel on essaye d'enfermer les Français pour 2017.

HD. Vous parlez du peuple de gauche mais votre livre, lui, s'adresse aux 99 %, pourquoi ?

Pierre LAURENT

Pour moi, la gauche n'est pasun camp. Ce sont les forces qui ont fait des idéaux de liberté, d'égalité, de fraternité un projet pour la République tout entière. Or aujourd'hui nous vivons dans un système qui ne se préoccupe plus de l'intérêt général et n'est au service que d'une poignée de privilégiés. Nous en avons un exemple spectaculaire avec le scandale qui entoure la rémunération des deux PDG de Renault et PSA. Les actionnaires de ces groupes remercient de manière généreuse des patrons pour avoir organisé la croissance maximale des revenus de leurs actionnaires financiers contre, non seulement, les travailleurs de ces entreprises, mais, au fond, contre les intérêts du pays. C'est la nature de ce système qui produit des inégalités de plus en plus explosives et qui croissent de manière exponentielle. Le combat pour l'égalité, qui est le grand combat historique de la gauche, intéresse aujourd'hui directement les 99 % contre le pouvoir du 1 %.

Servir uniquement les intérêts des 1 % est une impasse pour la civilisation tout entière.

HD. Mais comment s'en prendre à ces 1 % ? Est-ce possible ?

Pierre LAURENT

C'est possible parce, que face à ces 1 %, l'intérêt qui unit l'immense masse de la population est lui aussi puissant. Mon livre est en quelque sorte un message de confiance dans la force du nombre des 99 %. Mais pour que cette force puisse trouver un chemin, elle doit prendre conscience de la nature des obstacles auxquels elle a à faire face. Devant l'injustice du système actuel, beaucoup de gens sont révoltés, mais beaucoup attribuent le blocage du système à l'incapacité de tel ou tel dirigeant politique, à ses renoncements, à ses trahisons... sans comprendre les mécanismes qui font système. Mon livre est une contribution pour les décrypter. Nous sommes face à un système qui a organisé les pouvoirs pour maintenir son hégémonie, y compris sur les consciences. La mobilisation des 99 % doit se construire et s'organiser autour d'objectifs précis de reconquête de ces pouvoirs : les pouvoirs de la finance, le pouvoir des actionnaires, le pouvoir médiatique et les pouvoirs politiques.

L'identification des responsabilités et des solutions est essentielle dans la bataille politique et idéologique. C'est pour cela que je n'ai pas fait un livre d'un candidat qui fait des promesses comme on en lit tant. Nous avons besoin d'un débat politique plus profond que le choix d'un homme ou d'une femme pour 2017.

Nous avons besoin d'un débat sur la nature du système et la nature des solutions pour s'attaquer à la reconquête du pouvoir.

HD. Mais ces 99 % croient-ils vraiment que l'élection de 2017 peut changer les choses ?

Pierre LAURENT

La situation est en réalité très ouverte. Personne ne peut dire comment se dénouera la crise politique que connaît le pays dans les échéances politiques de 2017. Nous sommes dans un paradoxe. D'un côté une colère profonde et massive, une rupture du pays avec les dirigeants actuels mais aussi avec ceux qui ont dirigé dans le quinquennat précédent. Mais cette colère très profonde n'a pas encore trouvé les chemins d'une solution politique de progrès. Pour cela, je pense que nous avons besoin d'un très grand débat populaire et citoyen. Si nous y parvenons, je suis certain que les forces capables de se lever et de s'unir sur un tel projet sont considérables...

HD. Comment les faire se lever ?

Pierre LAURENT

D'abord en leur donnant la parole. Tout est fait pour verrouiller le débat politique et mettre sur pied un casting présidentiel qui prive la grande majorité des Français, et singulièrement ceux attachés aux valeurs de gauche, d'un choix correspondant à leurs idées. On veut enfermer les Français dans un choix qui sera dès le départ un choix par défaut. Si la grande masse des Français veulent garder la possibilité d'intervenir dans le débat politique, ils doivent d'abord imposer, non pas tel ou tel candidat, mais les thèmes de la discussion et du projet. Les jeunes qui sont dans la rue actuellement devraient pendant leur mouvement se réunir en AG dans les facs et les lycées, avec les salariés, pour dire : « Voilà ce que nous voulons pour la sécurisation de l'emploi et la formation des jeunes. » Les salariés, les syndicalistes devraient écrire noir sur blanc les plateformes politiques qu'ils attendent pour le pays, pour redresser l'industrie, développer les services publics... Il faut aider le mouvement populaire à s'imposer dans le débat politique de 2017. C'est dans ce but que le PCF a décidé de lancer une consultation citoyenne dont l'outil de contact sera un questionnaire personnalisé pour aller à la rencontre de 500 000 personnes. Nous rendrons publics les résultats de cette enquête. Cela nous permettra d’imposer les attentes populaires sur les solutions à la crise dans le débat public. Le processus central pour moi doit être un débat populaire de masse sur les solutions à apporter à la crise, sur le chômage, la construction libérale de l’Europe, la mondialisation qui tire vers le bas, la question écologique, etc. C’est une révolution démocratique qu’il faut faire dans la préparation de 2017. L’année 2016 doit être consacrée non à départager les candidats, mais à construire, de manière inédite, une mobilisation politique populaire. Départager les candidats, ça viendra après.

HD. Vous évoquiez, en début d'année, une primaire pour « débloquer la situation », vous dites aujourd'hui qu'elle est ouverte, Est-ce que cela change votre réflexion ?

Pierre LAURENT

Je crois plus que jamais que si nous étions capables, ce qui n’est pas acquis aujourd’hui, d’imposer une primaire réellement citoyenne où prévaudrait un débat sur le projet, des forces considérables s’investiraient dans un tel processus. Le scepticisme qui existe est naturel si les gens ont le sentiment que nous allons vers un processus confisqué d’avance par quelques formations politiques et, parmi elles, celles qui enfoncent le pays dans la crise. La question est de savoir si nous sommes capables de construire, avec le périmètre de toutes les forces populaires qui sont actuellement en lutte contre la loi El Khomri ou qui l’ont été sur la déchéance, une primaire citoyenne qui leur permette de s’unir non pas pour témoigner dans l’élection présidentielle, mais en être le centre de gravité. Ce processus est une bataille, elle n’est pas gagnée d’avance. Ce qui a changé, c’est qu’il devient de plus en plus évident pour des millions de gens que François Hollande, ou tout autre candidat qui assumerait les choix de son quinquennat, est disqualifié pour représenter la gauche dans cette élection. Je pense que le chemin de l’émergence d’une candidature de large rassemblement est celui qui peut soulever le plus d’espoir.

HD. Les doutes existent jusque dans votre propre parti : pétitions, textes alternatifs... On a l'impression que le débat ne se pose pas sur les bases que vous nous exposez.

Pierre LAURENT

Je crois que les communistes, comme l’ensemble des forces de gauche qui cherchent une solution, sont en réflexion, et c’est parfaitement normal et justifié. Il est légitime de vouloir se prémunir contre un processus qui nous conduirait dans une impasse. Mais je dis à tous ceux qui cherchent cette solution, et évidemment aux communistes, que nous avons deux défis devant nous à relever : le premier est évidemment de construire une candidature qui ait des chances de figurer à un haut niveau, et pour cela rassembler les forces de gauche en rupture avec les politiques gouvernementales actuelles. Ces forces ne trouveront le chemin de leur unité qu’à condition que des initiatives politiques soient prises en ce sens, et le PCF est aujourd’hui une des rares forces qui peut prendre ces initiatives. Le second, c’est qu’une candidature en rupture avec la politique gouvernementale est effectivement une condition nécessaire mais elle n’est pas suffisante. Il faut donc qu’elle s’appuie sur un socle populaire le plus large possible si elle ne veut pas participer à un scénario qui conduise à l’élimination de toute candidature de gauche au second tour de la présidentielle et dans un grand nombre de circonscriptions législatives. Le processus à construire doit être aussi exigeant sur son contenu que sur son ambition unitaire.

HD. Faire émerger un mouvement populaire, n'est-ce pas ce que veut faire Jean-Luc Mélenchon ?

Pierre LAURENT

Il y a beaucoup de forces qui sont nécessaires pour cette construction et Jean-Luc Mélenchon fait partie de ces forces. Je pense que la désignation d’un candidat quel qu’il soit, même communiste ou du Front de gauche, ne fait pas tout. La construction du processus, qui va permettre à des millions de nos concitoyens de l’investir dans la durée, est l’essentiel.

HD. L'exemple grec n'est-il pas la démonstration qu'un gouvernement porteur d'une alternative contre le 1 % peut être contraint de céder, pourquoi en serait-il autrement en France ?

Pierre LAURENT

L’exemple de la Grèce montre que, pour changer l’Europe, il faudra combiner la bataille à l’échelle nationale et à l’échelle européenne pour progressivement changer les rapports de forces. La situation grecque montre que c’est le chemin de la lutte pour changer l’Europe entrepris par ce peuple qui est le chemin qui doit être poursuivi, en faisant converger les luttes de plusieurs pays européens. Le chemin de la transformation sociale sera un processus de luttes acharnées pour reconquérir progressivement les pouvoirs qu’on nous a confisqués. Et tous ceux qui racontent qu’une victoire d’un soir, fût-elle électorale, résoudra tous les problèmes trompent les gens. C’est pour cela que nous voulons construire un mouvement populaire qui s’approprie un programme et des objectifs avant et après une échéance électorale

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13 avril 2016 3 13 /04 /avril /2016 05:45
Palestine/mur du Cremisan : Stopper la colonisation israélienne et reconnaître l'Etat palestinien

Cela fait maintenant 12 ans que la Cour internationale de Justice (CIJ) de La Haye a condamné la construction par Israël du mur dans les territoires occupés de Cisjordanie car elle « entravait la liberté de circulation des habitants du territoire ». La CIJ a même exigé son démantèlement.

Ce jeudi 7 avril 2016, Israël, une nouvelle fois au mépris du droit international, a lancé la construction d’un nouveau mur de 8 mètres de haut qui coupera la vallée de Cremisan, près de la ville de Bethléem. Cela malgré de nombreuses mobilisations notamment de familles chrétiennes et l’opposition du pape lui-même. Une soixantaine d'entre elles seront dépossédées de leur terre et privées de leurs moyens d’existence.

Cette provocation illustre la volonté du gouvernement d’Israël de poursuivre la colonisation et de détruire tout espoir de paix. En France, le ministère des Affaires étrangères a condamné ce projet. La France ne peut se contenter de mots. Le Parti communiste français demande qu’elle agisse pour que cesse l’impunité dont jouit l’Etat d’Israël. La France doit reconnaître l’Etat de Palestine avec tous ses droits, conformément aux votes du Sénat et de l'Assemblée nationale.

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13 avril 2016 3 13 /04 /avril /2016 05:43
L’HUMANITE
Vendredi 8 avril
YVES HOUSSON

Chaque année, 20% des actifs changent d'emploi, et les carrières sont de plus en plus fractionnées par le chômage et les CDD.

En l'état, le compte personnel d'activité se réduit à un accompagnement social d'une précarisation accrue de l'emploi. Loin des promesses de sécurité avancées par le gouvernement.

Un cheval, une alouette. Tel est l'« équilibre » du projet El Khomri. D'un côté, de puissants éléments d'affaiblissement de la protection des salariés. De l'autre, quelques dispositions censées faire contrepoids en apportant de la sécurité. Avec, au premier rang, le compte personnel d'activité (CPA), qui enregistrerait des droits accumulés par le salarié au fil de sa carrière. Le CPA intégrerait ainsi les droits existants en matière de formation et de pénibilité, et pourrait à terme s`étendre à l'indemnisation chômage, la retraite... En son principe ¬ des droits sociaux attachés à la personne et non plus à l'emploi, cumulatifs et donc transférables d'un employeur à un autre ¬, ce dispositif répond à une demande syndicale et à une situation qui voit chaque année 20 % des actifs changer d'emploi, et les carrières de plus en plus fractionnées par des périodes de chômage, de CDD...

Mais encore faudrait-il clarifier la nature de ce compte. S'agira-t-il de « droits individuels de nature patrimoniale », ou de « droits personnels adossés à des mécanismes de solidarité », interroge le juriste Alain Supiot, évoquant le précédent de la généralisation de la complémentaire santé en entreprise, « droit nouveau » qui, en réalité, est venu « pallier l'effritement » de la couverture solidaire de l'assurance maladie en élargissant la place des assurances privées.

« La nature de ce compte dépendra de la place accordée à la solidarité dans son abondement et sa mise en œuvre », souligne Alain Supiot. En l'état, à défaut de mesures visant à responsabiliser les employeurs, le CPA, de fait, « renvoie sur la personne la responsabilité de son employabilité » ¬ via les droits qu'elle aura capitalisés en matière de formation professionnelle ¬, ou encore de sa santé, sa retraite, analyse-t-on à la CGT. Au final, alors que le projet El Khomri, loin de la dissuader, permet au patronat d'accroître la flexibilisation de l'emploi, le CPA risque fort de se réduire à un accompagnement social de la précarisation. Loin, très loin, de la visée de la Sécurité sociale professionnelle, défendue par la CGT, ou de la sécurité d'emploi et de formation, prônée par le PCF, qui ambitionnent d'éradiquer la précarité. Non seulement en généralisant le CDI, en poussant les entreprises à la création d'emplois de qualité, bien rémunérés, par la modulation des cotisations sociales. Mais aussi en assurant continuité et progression des droits (salaire, carrière, retraite, etc.) et en garantissant, en cas de licenciement, le maintien du contrat de travail et du revenu ¬ avec un financement mutualisé des employeurs ¬, jusqu'à l'obtention d'un nouvel emploi ou d'une formation.

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12 avril 2016 2 12 /04 /avril /2016 06:10
LOI KHOMRI : une alternative

Une autre réforme du Code du travail et des droits des salariés est possible. Personne ne conteste que la législation du travail puisse évoluer. Reste à savoir dans quelle direction. Et comme le disent André Chassaigne et Éliane Assassi, respectivement présidents des groupes parlementaires du Front de gauche à l’Assemblée et au Sénat, avec la commission économique du PCF : « Loi travail El Khomri, il y a des alternatives», à l’occasion d’un débat autour de la proposition d’une loi de sécurisation de l’emploi et de la formation, en présence de juristes, d’économistes, de jeunes et de syndicalistes.

Loin de la casse du Code du travail et du rabougrissement des droits des salariés à la sauce de la loi voulue par le gouvernement Hollande-Valls, les communistes soumettent au débat public ce texte dont, disent-ils, « l’ambition est l’éradication progressive du chômage en promouvant l’emploi et la formation de chacun dans un véritable système de sécurité mobile d’emploi ou de formation ». Pour cela, le document propose de s’en prendre directement au « chômage et la précarité » avec un volant permanent d’hommes et de femmes bénéficiant de réelles formations

Cette sécurisation des emplois sera aussi un outil efficace contre « toutes les formes de précarité ». Ces mesures devant s’accompagner « de moyens financiers ». Et le texte prévoit pour cela « de s’attaquer à la dictature des marchés financiers avec la création d’un pôle financier public, de fonds régionaux pour l’emploi et de nouvelles règles de calcul des cotisations sociales ».

Expliquant ensuite que la création de millions d’emplois est possible, le texte envisage de « mettre en cause les pleins pouvoirs des dirigeants d’entreprise », et il s’agira « de démocratiser les entreprises en dotant les salariés et leurs comités d’entreprise de réels pouvoirs de décision dans la gestion. […] Cela exige aussi d’instaurer de nouveaux pouvoirs de décision sur l’argent et son utilisation ».

Parmi les objectifs de cette loi, figure en bonne place la perspective de ramener la durée du travail hebdomadaire « à 32 heures sans réduction de salaire » ; est aussi prévue une limitation des heures supplémentaires. Par ailleurs, « le retour à 60 ans de l’âge de la retraite » est réaffirmé.

Les organisateurs se proposent de réaliser d’ici l’été « une grande consultation citoyenne » avec l’ambition de « construire toutes les convergences qui permettront de bâtir une majorité politique nouvelle à gauche, dès les échéances législatives et présidentielles de 2017, pour sortir le pays des impasses dans lesquelles la politique du gouvernement actuel l’enfonce »

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12 avril 2016 2 12 /04 /avril /2016 05:57

Olivier Dartigolles, porte-parole du Parti communiste français, était, mercredi 6 avril 2016,l’invité du matin de RFI.

Panama Papers, loi travail, réforme des règles de l’élection présidentielle, il répond aux questions de Frederic Rivière.

« La réforme de la présidentielle est un tripatouillage qui vise à renforcer le tripartisme. »

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12 avril 2016 2 12 /04 /avril /2016 05:54

Plusieurs dizaines de personnes sont venus protester lors du dernier Conseil Municipal de Morlaix du mardi 5 avril.

Il s'agissait de dénoncer le fait qu'il est de plus en plus difficile pour les associations et les collectifs de trouver une salle à Morlaix pour se réunir et débattre.

Voici quelques photos de Jean Luc LECALVEZ.

Voici le texte lu par les représentants de parents d'élèves de l'amicale laïque des écoles publiques de Morlaix à propos du passage autoritaire, précipité et sans concertation au menu unique:

Madame le Maire, Mesdames Messieurs les élus,

Depuis plus d’un mois maintenant les enfants ne mangent plus tous les jours ensemble, une scission a lieu à l’endroit même des groupes de camarades, et des enfants qui n’étaient qu’ « enfants », « élèves », où « écoliers », se retrouvent maintenant catalogués comme « communautaires » ou autre.

Depuis des années, avant et pendant vos mandats, le repas de substitution ne posait aucun problème, ni sur le fonctionnement, ni sur le vivre ensemble. Pourquoi avoir instauré le repas unique, sur les écoles publiques de Morlaix ?

Pourquoi avoir instauré le repas unique de façon brutale, sans en avoir indiqué les termes dans le règlement intérieur, sans concertation avec les représentants élus des parents d’élèves. Votre décision intervenue en cours d’année scolaire a perturbé le quotidien des enfants et bouleversé les habitudes des parents.

La raison économique de votre décision n’est pas logique car les nouvelles modalités d’inscription permettent de mieux anticiper les besoins. Par ailleurs, le volume d’enfants concernés par les repas de substitution est insignifiant. En outre, Le restaurateur, répond à la demande de ses clients et peut proposer des repas de substitution ce qu’il fait pour les écoles privées et autres associations accueillant des enfants.

Votre argument paru dans le mensuel municipal, qui fait état de demandes particulières devenant trop nombreuses, ne pouvait mettre en danger l’organisation précédente puisqu’elle pouvait s’appuyer sur l’organisation des repas alternatif pour faire taire toute polémique.

Notre souhait, en tant que parents, c’est le bien-être de nos enfants et qu’ils retrouvent tous, en camarades, le chemin de la cantine, chemin que certains ont perdu. En perdant un repas de substitution c’est aussi un temps de rencontre convivial entre amis que vous leur ôtez.

D’autres enfants, qui ne sont pas tous concernés par la fin du repas de substitution, ont, eux, trouvé le chemin du trottoir. En effet, aucun repas n’est prévu pour accueillir les enfants dont les parents subissent des mouvements de dernière minute dans leur planning (une urgence, un travail intérimaire, un changement d’horaire…). Oui à la fin du gaspillage, non aux enfants victimes d’une organisation d’accueil inflexible.

Pour les enfants, pour leur épanouissement, pour leur bien être, pour un vivre ensemble harmonieux, construisons ensemble des conditions d’accueil de qualité pour nos enfants de maternelle et de primaire, encore fragiles et sensibles, victimes, en ce moment, de perturbations que l’on aurait pu éviter.

Nous, parents, souhaitons le rétablissement des repas de substitution. A l’appui de notre demande, ces pétitions collectées dans les écoles de Morlaix dont nous sommes les représentants.

Madame le Maire, Mesdames Messieurs les élus, nous nous en remettons à votre bon sens, à l’intérêt que vous portez au bien être de vos administrés, et particulièrement celui des enfants qui grandissent sur votre territoire, pour revenir à la situation que nous connaissions, d’une école publique, républicaine, une et indivisible, inclusive, qui offre le même service à tous ses enfants quels qu’ils soient.

Les parents de l’amicale Laïque de Morlaix

Mobilisation pour le conseil municipal de Morlaix du mardi 5 avril
Mobilisation pour le conseil municipal de Morlaix du mardi 5 avril
Mobilisation pour le conseil municipal de Morlaix du mardi 5 avril
Mobilisation pour le conseil municipal de Morlaix du mardi 5 avril
Mobilisation pour le conseil municipal de Morlaix du mardi 5 avril
Mobilisation pour le conseil municipal de Morlaix du mardi 5 avril
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11 avril 2016 1 11 /04 /avril /2016 08:12
Viol ordinaire du droit du travail

LA CHRONIQUE DE GÉRARD FILOCHE

HUMANITE DIMANCHE

HUMANITE DIMANCHE 7 Avril 2016

LES PATRONS PIÉTINENT LA LOI ET LE GOUVERNEMENT LES ENCOURAGE EN ALLÉGEANT LE CODE DU TRAVAIL !

L'escalier de bois d'un immeuble en cours de réhabilitation (Paris, 2e) s'est effondré tandis que l'empruntaient 3 salariés et un chef d'équipe portant un moteur d'ascenseur d'environ 100 kg. Les 3 salariés, un CDD et deux intérimaires travaillant pour l'entreprise Avenir Construction (91 Crosne), ont été gravement blessés. A été constatée l'absence d'évaluation de la solidité de l'escalier et d'équipement de travail adapté (le lève-matériel du chantier ne montait pas assez haut).

Sur un chantier de rénovation d'une boutique Chloé Stora (Paris, 10e), où de nombreuses infractions en matière d'hygiène et de sécurité ont été constatées (chantier sans déclaration préalable, sans coordination, sans installations sanitaires, sans diagnostics amiante et plomb alors que les analyses ultérieures révéleront la présence de plomb et un taux de poussière de plomb plus de 50 fois supérieur à la concentration maximale autorisée), une situation de fausse sous-traitance a été mise en lumière.

Deux des entreprises de bâtiment intervenantes ont le même gérant ; l'une, la donneuse d'ordre, est immatriculée en France (Valibat), et l'autre, sous-traitante, immatriculée en Roumanie (Kos & Rosemary) bien qu'elle n'y ait aucune activité. La relation entre ces deux entreprises relève en fait du prêt illicite de main-d’œuvre. Le gérant a accepté d'embaucher les salariés de Kos & Rosemary au sein de l'entreprise Valibat et de régulariser les salaires.

Dans les Yvelines, une fraude en matière d'introduction de travailleurs agricoles saisonniers marocains a été décelée avec le concours du service MOE. L'enquête révèle un défaut de recherche de main-d’œuvre sur le marché local, ainsi que l'absence de travail dans l'entreprise demandeuse ou d'une durée très inférieure à celle prévue dans l'entreprise demandeuse. L'ordinaire de la vie au travail que MM. Hollande, Valls, Macron et Mme El Khomri décident de ne pas voir : ils font confiance aux patrons et « allègent » le Code du travail...

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11 avril 2016 1 11 /04 /avril /2016 08:06
«La prise de conscience grandit d'un système gangrené par la finance»

Lionel VENTURINI

L’HUMANITE

Jeudi 7 avril 2016

Éric Bocquet Sénateur communiste, auteur d'un rapport parlementaire sur l'évasion fiscale

ÉVASION FISCALE L'ex-rapporteur à la commission d'enquête au Sénat sur l'évasion fiscale ne décolère pas contre le patron de la Société générale. Vous avez, hier après-midi, avec les sénateurs communistes, demandé des comptes au directeur de la Société générale pour l'implication supposée de la banque au Panama, alors qu'il vous déclarait en 2012 n'y avoir plus aucun intérêt.

ÉRIC BOCQUET

Frédéric Oudéanous déclarait avoir mis fin aux activités de la Société générale dans les pays dits « non coopératifs », tel le Panama. On apprend cette semaine qu'une filiale luxembourgeoise a créé 979 entités offshore via le cabinet Mossack Fonseca. Cela pose question sur le respect des parlementaires, de la République et des citoyens que nous représentons. La présidente du groupe communiste, Éliane Assassi, a saisi le bureau du Sénat pour examiner cette situation. Cela ne peut pas nous laisser indifférents.

Avec ces Panama Papers, l'opinion publique est saisie de vertiges par l'ampleur des dissimulations, plus sans doute que lors des affaires précédentes. Que manque-t-il, pour une lutte plus efficace contre l'évasion fiscale, un cadre légal renforcé, des peines ou amendes plus dissuasives ?

ÉRIC BOCQUET

C'est encore une activité à faible risque. Ce qui est nouveau c'est que le sujet devient incontournable dans le débat public. Il y a eu l'affaire UBS, l'affaire HSBC, les offshore leaks en 2013, Cahuzac, SwissLeaks, LuxLeaks... La prise de conscience grandit d'un système gangrené par la finance, y compris à la tête des États, ce qui n'est pas sans poser de problème en termes de souveraineté. Des évidences sautent aux yeux, comme le fait que Nicolas Sarkozy a sorti le Panama de la liste des paradis fiscaux. Par ailleurs, la liste française des paradis fiscaux ne compte plus que six territoires, mais ni la Suisse, le Luxembourg, les Bahamas, Singapour... Celle de l'Union européenne en comporte trente, et celle du groupe d'action financière du G20 (Gafi) est encore différente. Il va falloir à un moment donné harmoniser ces listes, car c'est déjà une faille dans le dispositif de lutte. Le second point clé, c'est évidemment de rompre avec trois décennies de dérégulation de la finance, qui ont mis à bas toute supervision sérieuse et sanction.

La question de la fraude fiscale, et au-delà du consentement à l'impôt peut-être, n'est elle pas en train de s'imposer comme l'un des thèmes de la prochaine élection présidentielle, à l'heure où chaque prétendant devra dire où il compte trouver des marges de manœuvre budgétaires?

ÉRIC BOCQUET

Complètement, cela peut même être la question des questions. Car si vous mettez les montants estimés de la fraude fiscale en regard des dettes publiques, qui justifient les politiques d'austérité menées en Europe et dans le monde, soyons clairs : la notion de déficit n'existerait plus. C'est nous, contribuables captifs dans nos territoires respectifs, qui subissons les manques de recettes en raison de cet argent qui échappe à l'impôt. Il y a évidemment la dissimulation de particuliers, mais il s'agit surtout de grands groupes internationaux. On résout cela, et alors on change aussitôt de logiciel, et l'on peut mettre en place des politiques de progrès.

C'est possible ?

ÉRIC BOCQUET

Écoutez, quand on voit comment la BCE a arrêté d'un coup les transactions financières à Chypre en 2013 en une nuit, cela veut dire qu'on peut le faire à l'échelle européenne, lorsque l'on a des doutes envers un territoire.

Pour l'heure la réponse de l'exécutif, c'est de replacer le Panama sur la liste des paradis fiscaux.

ÉRIC BOCQUET

C'est un début, mais qu'est-ce qu'on fait de Jersey et des Bermudes, inscrits sur la liste en août 2013 et retirés... cinq mois plus tard. Qu'est-ce qui avait tellement changé chez eux pour qu'on les retire ? Jersey est toujours championne du monde de la gestion de trusts, sans qu'il existe chez eux de registre des trusts. Voilà une question concrète. Jean-Claude Juncker, le président de la Commission européenne, est-il prêt à lutter contre la fraude fiscale, quand son pays, le Luxembourg, accorde des faveurs fiscales qui font perdre des milliards

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