Initiative sérieuse ou poudre aux yeux ?
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En annonçant son initiative pour une conférence internationale sur la question israélo-palestinienne, la France a pris acte de l’échec du processus initié à Oslo en 1993 et des diverses tentatives pour le ranimer. Chacun constate en effet que la seule chose qui s’est ancrée sur le terrain c’est l’occupation et la colonisation poussée toujours plus avant. Cela en violation du droit international et des Conventions de Genève, avec pour conséquence l’absence de tout horizon politique pour les Palestiniens, le désespoir qu’il engendre et le chaos pour perspective.
C’est à cette situation que la France dit vouloir répondre et l’annonce de son initiative a été saluée par diverses personnalités, anciens ministres ou diplomates dignes de respect constatant que « les principes qui ont guidé les tentatives de négociations entre Israël et les Palestiniens au cours de toutes ces années - le face à face des deux parties sous le regard de Washington - ont fait la preuve de leur faillite ».
Rappeler les principes comme veut le faire la France est nécessaire. Encore faut-il ne pas se payer de mots avec des discours ambigus ou contradictoires. C’est bien malheureusement la configuration dans laquelle nous sommes ces derniers mois. En témoignent les propos du Premier ministre appelant à la répression de l’appel au boycott et confondant délibérément antisionisme et antisémitisme, l’abstention peu glorieuse de la France au Conseil des droits de l’homme de l’ONU sur l’établissement d’une liste noire des entreprises participant à la colonisation ou encore les propos de Jean-Marc Ayrault en retrait par rapport à son prédécesseur quant à la reconnaissance de l’État de Palestine.
La crédibilité de l’initiative française sera jugée à ses résultats. Elle ne peut souffrir de la moindre complaisance face à ceux qui ont fait de la violation du droit le principe de leur action politique. Au contraire, seule une politique de sanctions et de pression continue sur Israël peut amener cet État à respecter le droit international.
Le Conseil de sécurité vient de rappeler « sa vive préoccupation devant les tentatives répétées d’Israël de défier la volonté de la communauté internationale et de faire perdurer l’occupation et l’annexion du Golan syrien » et que, comme l’a établi la résolution 497, « la décision israélienne d’imposer ses lois, sa juridiction et son administration au Golan syrien occupé est nulle et non avenue et sans effet en droit international ».
La France, comme membre permanent, doit soutenir pleinement la résolution condamnant la colonisation qui est entre les mains du Conseil et marquer ainsi que le respect du droit est la condition même de la paix.
Le Bureau national
Association France Palestine Solidarité (AFPS)
Lire aussi :
Piotr Smolar, Le Monde - 22 avril: Israël Palestine: la France organisera une conférence internationale le 30 mai!
Une date est enfin fixée. La première conférence internationale, proposée par la France pour relancer un processus politique entre Israéliens et Palestiniens, se tiendra à Paris lundi 30 mai. Elle rassemblera les ministres des affaires étrangères d’une vingtaine de pays, dont les membres du Quartet (Etats-Unis, Russie, Union européenne (UE), Organisation des Nations unies (ONU)), les principales nations de l’UE et les pays clés de la Ligue arabe. Cette conférence doit servir avant tout à s’accorder sur un calendrier et des objectifs généraux, avant la tenue d’une nouvelle réunion, décisive, entre chefs d’Etat et de gouvernement, d’ici à la fin de l’année. C’est seulement alors que Palestiniens et Israéliens seraient conviés à la table des discussions. L’initiative française vise à sortir du patronage traditionnel et infructueux des Etats-Unis dans les négociations bilatérales. Depuis le printemps 2014 et l’échec du secrétaire d’Etat, John Kerry, aucun processus politique n’a été relancé. Paris aimerait surmonter le pessimisme général et réunir toutes les bonnes volontés autour de ce conflit, même s’il est passé au second rang des priorités. D’ici au 30 mai, le Quartet devrait rendre un rapport dressant un constat sévère de la détérioration sur le terrain et dessiner des pistes pour la préservation d’une solution à deux Etats.
Obama attendu sur le dossier
L’annonce de la date du 30 mai a été faite par Haaretz, jeudi 21 avril. Le quotidien israélien a compromis la communication du Quai d’Orsay. Plusieurs quotidiens, français et étrangers, doivent publier vendredi un entretien avec Jean-Marc Ayrault, dans lequel le ministre des affaires étrangères annonce la première concrétisation de l’initiative française, en termes de calendrier. La conférence du 30 mai devrait être précédée d’un ou plusieurs jours par une réunion technique entre diplomates, pour s’accorder sur les termes du communiqué final. Auparavant, M. Ayrault pourrait effectuer une visite éclair en Israël et dans les territoires occupés. La date du 13 mai est examinée.
Pour l’heure, les Israéliens font preuve d’une grande réserve publique par rapport à l’initiative française. Ils estiment que son sort dépend des intentions de l’administration Obama, qui demeurent illisibles. Le président américain tentera-t-il, dans les derniers mois de son mandat, de s’activer une dernière fois sur ce dossier maudit ? La période avant le scrutin présidentiel de novembre est très défavorable. Mais les deux mois suivants, avant l’entrée en fonction de son successeur, peuvent lui offrir une liberté inédite.
Et Pierre Haski dans le Nouvel Obs: "Israël-Palestine, faux semblants au Proche Orient"
On reparle enfin de la question israélo-palestinienne. Depuis que les "printemps arabes" ont abouti à plusieurs guerres (Syrie, Irak, Libye, Yémen…), le dossier palestinien a été relégué au second plan, comme si la nécessité de résoudre un conflit ne se mesurait qu’en nombre de victimes. L’absence de règlement de ce conflit vieux de plusieurs décennies fait pourtant peser des menaces permanentes sur la région, et bien au-delà, jusqu’au cœur de la société française.
La question israélo-palestinienne revient à l’ordre du jour, notamment à la faveur d’une initiative diplomatique française ; mais, pour autant, est-on plus près d’une solution ? Malheureusement il faut répondre par la négative, tant le rapport de forces est, à l’heure actuelle, très défavorable à une paix réelle et équitable. Un rapide aperçu des acteurs en présence laisse peu de place à une solution négociée, près de vingt-cinq ans après la conférence de Madrid, qui avait mis face à face pour la première fois Israéliens et Palestiniens, et vingt-trois ans après les accords d’Oslo, qui avaient permis la reconnaissance mutuelle.
Du côté israélien, la puissance dominante sans laquelle rien n’est possible, l’heure n’est pas au compromis, au contraire. La colonisation de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est se poursuit inexorablement, créant sur le terrain une situation de fait qui, chaque jour, affaiblit l’option des deux Etats. Et les Israéliens, l’opinion comme le gouvernement de droite et d’extrême droite, n’ont jamais été, depuis plus de deux décennies, aussi peu favorables à une entente avec leurs voisins palestiniens.
L’"intifada des couteaux", qui a fait quelque deux cents morts, en grande majorité palestiniens, depuis son déclenchement il y a six mois, a durci une opinion déjà largement acquise au camp des "faucons", alors que celui des "colombes" est réduit à la portion congrue. Le Premier ministre, Benyamin Netanyahou, répète à l’envi qu’il est prêt à négocier sans conditions, mais les Israéliens eux-mêmes savent qu’il n’en pense pas un traître mot…
L’espoir fait vivre, dit-on
Côté palestinien, ce n’est guère mieux. Le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, est à bout de souffle et condamné à la gesticulation internationale ; sa succession s’annonce complexe, tandis que les islamistes du Hamas contrôlent la bande de Gaza, ghetto explosif soumis à un blocus israélien générateur de toujours plus de frustrations et de rancœurs. Le désespoir de la génération post-Oslo a conduit aux attentats au couteau – suicidaires –, des actes de violence individuelle insensée échappant à toute stratégie d’appareil.
A ceux qui espèrent en ce qu’on n’ose plus appeler la communauté internationale pour imposer un règlement, il faut recommander un peu de lucidité. L’initiative française est sympathique et louable, mais, lancée par Laurent Fabius alors qu’il se savait sans doute déjà sur le départ, elle est menée avec la quasi-certitude de ne pas aboutir. La seule "menace" qui lui donnait un peu de crédibilité, l’annonce qu’en cas d’impasse la France reconnaîtrait "automatiquement" la Palestine, a été abandonnée car trop isolée, y compris en Europe, comme d’habitude aux abonnés absents sur ce sujet sensible.
Les Etats-Unis, en pleine période électorale, ne peuvent ni ne veulent se "mouiller" au sujet de la Palestine avant l’élection de novembre, surtout après huit années d’impuissance de Barack Obama sur ce dossier. Alors que reste-t-il ? L’espoir qu’en en reparlant on fera bouger les lignes au Proche-Orient ? L’espoir fait vivre, dit-on ; de nouveau déçu, il peut aussi faire mourir.
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