Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
26 avril 2016 2 26 /04 /avril /2016 07:23

Présidentielle en Autriche : encore une alerte pour l'Europe (PCF)

Avec 35,5 % des voix, le FPÖ arrive en tête du premier tour de l'élection présidentielle autrichienne.

Les partis de la grande coalition au pouvoir, le SPÖ et l'ÖVP sont balayés : aucun n’accédera au 2e tour.

C'est une nouvelle alerte pour l'Europe, le signal qu'un changement de politique est vital pour éviter le choc des nationalismes.

Une alerte qui doit faire réfléchir en France.

L'extrême droite n'est pas suffisamment combattue en Europe.

Au lieu de stopper l'austérité, massivement rejetée par les peuples, la coalition gouvernementale a continué à précariser le travail et affaiblir les services publics, tout en laissant se développer un discours raciste, stigmatisant les pays du sud et de l'Europe centrale et orientale comme les responsables.

Et son incapacité à s'appuyer sur le formidable élan de solidarité qui existait en Autriche en faveur des réfugiés a semé le chaos, le doute.

Et au lieu de rassurer, ils ont fermé les frontières. L'establishment a cédé devant les pressions xénophobes.

Ce résultat doit faire réfléchir en France, aux conséquences politiques des choix gouvernementaux de François Hollande et Manuel Valls.

La loi travail provoque un rejet massif dans le monde du travail et la jeunesse qui doit être entendu. La gestion honteuse à Calais et le non respect des quotas d'accueil de réfugiés, fait le jeu du FN au lieu d'affirmer la position historique, ouverte et juste, de la France terre d'asile.

Plus que jamais, l'heure est au rassemblement des forces démocrates et progressistes de la gauche en Europe.

Le PCF renouvelle sa solidarité à nos camarades du KPOE, aux forces de la gauche autrichienne, au monde syndical, aux mouvements sociaux et à tous les démocrates qui aujourd'hui, doivent s'unir contre l'austérité, pour le développement solidaire et une politique commune d’accueil des réfugiés en Europe.

Le PCF réaffirme son engagement à trouver un chemin commun à toutes celles et ceux qui peuvent et doivent construire l'alternative à la politique de Hollande, à la droite et à l'extrême droite en France.

Partager cet article
Repost0
26 avril 2016 2 26 /04 /avril /2016 07:06

«LuxLeaks»: les enjeux d’un procès explosif


"Le procès des lanceurs d'alerte et du journaliste à l'origine du scandale « LuxLeaks » s'ouvre mardi au Luxembourg. Les trois Français sont jugés pour vol de documents, divulgation de secrets d’affaires et violation du secret professionnel. Les audiences démarrent alors que le pays tente de changer son image de marque, et que le sort des lanceurs d'alerte est désormais suivi de près par l'opinion publique."

Partager cet article
Repost0
26 avril 2016 2 26 /04 /avril /2016 06:30

Au Maroc, les journalistes font face à une répression illisible

Au Maroc, les journalistes font face à une répression illisible - 25 avril 2016

Par Ilhem Rachidi - Médiapart

Depuis le début de l'année 2016, les procès à l'encontre des journalistes se multiplient. Le pouvoir tente de réduire au silence toute voix critique, selon des critères de plus en plus flous, dans l’espoir d’éteindre les dernières lueurs du mouvement du 20-Février. .

Ali Anouzla est un habitué des tribunaux. Le 26 avril, le directeur du journal électronique Lakome2 3 est à nouveau convoqué par la justice marocaine. Cette fois-ci, il est accusé d'« atteinte à l'intégrité territoriale », à la suite d’une déclaration au journal allemand Bild, dans laquelle il aurait utilisé l'expression « Sahara occidental occupé ».

Une ligne rouge dans le royaume, où le statut marocain du Sahara ne souffre d'aucun débat. Anouzla affirme qu'il s'agit d'une erreur de traduction, d'ailleurs assumée et corrigée par le quotidien allemand.

Ali Anouzla est aussi poursuivi pour incitation et apologie du terrorisme depuis octobre 2013 pour un article publié dans Lakome (fermé depuis et remplacé par Lakome2) qui contenait un lien vers un blog du journal espagnol El Pais, qui renvoyait à son tour vers une vidéo d'AQMI menaçant le Maroc. Son arrestation et son incarcération – il a passé 39 jours en détention – avaient suscité une forte vague d'indignation dans un Maroc encore agité à l’époque par la contestation, amorcée deux ans et demi plus tôt, par les jeunes du 20-Février.

Sur le net, la censure des versions arabophone et francophone de Lakome, un journal plutôt rare dans le paysage médiatique marocain, avait fait grand bruit. D'après ses soutiens, Anouzla, qui a par ailleurs déjà été condamné par la justice marocaine dans d'autres affaires, était à nouveau poursuivi uniquement parce que ses écrits dérangeaient. Il était alors l'un des rares journalistes à bousculer les fameuses lignes rouges, qui ne sont ni précisément énoncées ni définies – grosso modo, la monarchie, l'islam, la question du Sahara– et qu'un nombre de plus en plus réduit de journalistes tentent encore de bousculer. Selon de nombreux observateurs, ce type de poursuites, parfaitement assumées par les autorités, qui parlent d’un bilan plutôt avantageux en matière de liberté de la presse et d'expression, illustre une répression contre toute voix dissonante, entamée en 2013, une fois que l'essoufflement du mouvement contestataire des jeunes du 20-Février s'est réellement fait sentir.

L'année suivante, le ministre de l'intérieur Mohamed Hassad annonçait au parlement, en les accusant d'entraver la lutte contre le terrorisme, un durcissement à venir contre les ONG, surtout l'Association marocaine des droits de l'homme (AMDH), accusées d’entraver la lutte contre le terrorisme. 3 Ces derniers mois, les pressions à l'encontre des journalistes et des activistes se sont encore intensifiées. Le Maroc, partenaire majeur de l'Occident dans la lutte contre le terrorisme et régulièrement félicité à ce titre, a les coudées franches pour museler les opposants. On fait peu de cas dans la presse étrangère – à laquelle le pouvoir est particulièrement sensible – des dérapages en matière de droits de l’homme et de liberté de la presse. Le Maroc continue de jouir à l’extérieur de son image d'« exception » dans la région, laissant les mains libres aux décideurs pour régler le thermostat de la liberté d'expression selon les nécessités politiques.

Le 23 mars, l'historien et opposant Maâti Monjib était ainsi convoqué devant le tribunal de première instance de Rabat. Il est accusé, ainsi que six journalistes et activistes, de « financements étrangers illégaux » et d'« atteinte à la sécurité de l'État ». Le juge a reporté le procès au 29 juin en l'absence de deux des accusés. Président de l'association de défense de la liberté d'expression Freedom Now, née du Comité de soutien à Anouzla créé il y a deux ans, et qui n'est toujours pas reconnue par les autorités, et de l'AMJI (Association marocaine du journalisme d'investigation), Maâti Monjib répète sur tous les tons subir un harcèlement des autorités. En octobre, il avait d'ailleurs observé une grève de la faim de 24 jours pour protester contre une interdiction de quitter le territoire, levée depuis. Mais les poursuites judiciaires ont été maintenues.

Mardi 19 avril, Abdellah Bakkali, président du syndical national de la presse (SNPM), député du parti de l'Istiqlal et rédacteur en chef du journal Al Alam, comparaissait lui aussi devant la justice, poursuivi pour diffamation. 3 Le ministère de l'intérieur a déposé une plainte pour un article publié en octobre dernier ainsi que contre une déclaration faite au site Alyaoum24 au sujet de la corruption lors des dernières élections, explique Bakkali lors d'un entretien téléphonique avec Mediapart.

« Il y a un recul en matière de droits humains. En témoignent les poursuites à l'encontre des journalistes, des pressions sur l'AMDH, de la répression des manifestations des enseignants stagiaires », affirme-t-il. « Il y a un courant au sein du pouvoir qui est opposé au changement constitutionnel de 2011. »

Ce tour de vis ne cible pas uniquement la presse locale. Début avril, des journalistes du “Petit Journal” de Canal + ont été arrêtés à Beni Mellal, où ils effectuaient un reportage sur une agression homophobe qui y avait eu lieu quelques jours auparavant, puis renvoyés vers la France après un passage de plusieurs heures à la préfecture. Ils ne disposaient pas d'une autorisation de tournage, obligatoire au Maroc pour les chaînes non accréditées. Mais ces autorisations sont distribuées au compte-gouttes, d'après de nombreux journalistes qui se sont frottés au ministère de la communication. Et à son silence. Souvent, ils n'obtiennent aucune réponse et décident donc de se rendre tout de même sur place. Pourquoi cette récente rigueur de l'État marocain ? Les journalistes contactés ont des difficultés à analyser ses véritables motivations. « C'est la zone grise », avance le journaliste du nouveau journal Le Desk 3 Imad Stitou. « Mais avec les poursuites contre les défenseurs de droits de l’homme, on voit qu'ils sont moins tolérants qu'avant. Dans un contexte où l'État déclare qu'il est en guerre contre le terrorisme, ça devient difficile de critiquer les institutions sécuritaires, entre autres. » « On ne comprendra jamais les motivations du cerveau sécuritaire de l'État. Il n'y a aucune explication logique », poursuit-il. « Pourquoi maintenant ? Je me pose la même question. »

« Ce n'est pas nouveau de laisser les gens dans l'ambiguïté », déplore l'ancienne présidente de l'AMDH et secrétaire générale de Freedom Now Khadija Ryadi. « Une chose est interdite un jour et pas le lendemain. Même les textes de loi sont flous. Les lois sont comme des élastiques. Tout dépend des rapports de force, de la situation politique, sauf de la loi. C'est très tendu actuellement, c'est la répression. On ne sait pas ce qu'ils veulent, où ils veulent emmener le pays. Ceux qui décident ont-ils une visibilité ? Sont-ils conscients de la gravité de la situation ? Et puis qui décide ? Chacun dit : “Ce n'est pas moi.” On sait que le gouvernement, ce n'est pas lui qui décide. Il ne fait qu'exécuter les ordres. Et puis en ce moment, chacun est tourné vers les élections. » Ce manque de clarté du pouvoir, qui tolère, puis censure quand bon lui semble, parfois sans signes avant-coureurs, Rik Goverde en a fait les frais. En novembre dernier, ce journaliste néerlandais présent au Maroc depuis deux ans, a été expulsé sans raison apparente et renvoyé vers l'Espagne par bateau en pleine nuit. « J'ai été officiellement expulsé parce que je travaillais sans carte de presse. Ce qui était vrai. Donc le Maroc avait le droit juridique de m'expulser, je pense », raconte Goverde depuis les Pays-Bas, où il n'exerce plus son métier de journaliste. « J'étais dans le pays légalement avec un visa touristique. Néanmoins, j'ai demandé mon accréditation deux fois, dans les temps, début 2014 puis 2015. J'ai fourni toutes les informations au ministère de la communication et demandé à plusieurs reprises si je devais parler à quelqu'un ou répondre à d'autres questions. » « La plupart du temps, j'étais relativement libre de travailler », nuance-t-il. « Mais je n'ai aucun doute sur le fait que j'ai été suivi, surtout à Tanger, Nador, près de la frontière algérienne, et Ouarzazate. J'ai été interrogé plusieurs fois par la police et mes photos ont été quelquefois effacées lors de manifestations ou près d'Imider [où a lieu un sit-in ininterrompu depuis août 2011– ndlr]... J'ai travaillé en Tunisie, Libye, Égypte. Surtout dans ces deux derniers pays, travailler comme correspondant est nettement plus difficile qu'au Maroc. »

Certains journalistes marocains racontent subir une répression d'un tout autre type : sourde, indirecte, mais tout aussi difficile à appréhender. À tel point qu'ils ne peuvent plus travailler ou vivre de leur métier. L'an dernier, Ali Lmrabet, souvent décrit comme le trublion de la presse marocaine, observait une grève de la faim pour dénoncer le refus des autorités de lui délivrer les documents nécessaires au lancement de son journal. Lmrabet avait été condamné à 10 ans d'interdiction d'exercer en 2005. Une condamnation unique. Son projet, monté en collaboration avec le caricaturiste Khalid Gueddar – lui-même condamné l'été dernier à trois mois ferme dans une affaire d'ébriété sur la voie publique remontant en 2012 – et l'humoriste contestataire Ahmed Snoussi alias Bziz, n'a toujours pas pu voir le jour. « Ils m'ont fait remettre mes papiers en Espagne, alors que je n'y réside plus, preuves documentaires, et très nombreuses, à l'appui, comme l'attestation du consul général du Maroc à Barcelone, qui atteste que je ne vis plus en Espagne », explique Lmrabet. « C'est une manœuvre pour m'empêcher de relancer mes journaux », accuse-t-il. « Sans domiciliation au Maroc, je ne peux pas demander un certificat de résidence, et sans ce certificat je ne peux pas demander l'autorisation pour lancer un journal. De plus, ils m'ont fait retirer illégalement, puisque j'ai toute ma documentation en règle, l'autorisation de gérance d'un riad, qui me permettait de faire vivre ma famille. » Ces derniers temps, la diffamation est devenue un outil de répression supplémentaire, notamment à travers des sites nouvellement créés. « Quand tu es un journaliste indépendant, tu n'es pas seulement face au Makhzen [les autorités du régime – ndlr] mais aussi face à des opérations de diffamation. Tu te bats contre des confrères qui balancent des infos sur toi, dans une société conservatrice. Tu es pris entre le marteau et l'enclume », explique le journaliste Soulaiman Raissouni. Raissouni, qui vient de lancer un nouveau site d'information Al Aoual 3, se souvient de ses premiers tracas alors qu'il travaillait encore au quotidien Al Massae en avril 2015. « Ils ont commencé par ne plus faire passer mes articles. Pendant sept mois, j'ai été payé. Rien n’était publié », raconte-t-il. Le journaliste était alors responsable des rubriques culture et investigation : une enquête sur les dessous du festival d'Asilah avait fortement déplu, d'après lui. C'est aussi à ce moment-là que Raissouni entreprend des activités militantes qui posent problème à sa rédaction. Il devient le coordinateur du comité de soutien à Ali Lmrabet, puis de celui de Maâti Monjib. Pas d'organe de presse indépendant Mais il est alors « difficile de le renvoyer » car il est élu délégué des salariés du journal. Les confrères qui le soutiennent et ont voté pour lui subissent des pressions (mutations dans une autre ville, par exemple), raconte Raissouni. Le bras de fer durera plusieurs mois, jusqu'à ce qu'il décide de prendre la parole dans les médias et de quitter le journal avec un confrère pour créer son propre site d'information.

Pour certains, la pression devient si intenable qu'ils ne voient d’autre option que de quitter le pays. Le rappeur Mouad Belghouate, connu sous le nom de Lhaqed, a demandé l'asile politique en Belgique, où il se trouve depuis maintenant plusieurs mois, pour échapper à ce qu'il perçoit comme un harcèlement des autorités. Alors qu'il était en voyage en Belgique, Lhaqed, déjà plusieurs fois condamné par la justice, a décidé de ne plus retourner au Maroc. « Je suis menacé au Maroc. La police est venue me chercher à la maison alors que j'étais en dehors du pays et j'ai décidé de rester ici », explique Lhaqed depuis Bruxelles. « Ils ont demandé à ma famille où je me trouvais et leur ont délivré une convocation, sans motif ni date, en disant que si je rentrais au Maroc, je serais arrêté à l'aéroport. » Militant du mouvement du 20-Février, connu pour ses raps critiques envers le pouvoir, où il allait jusqu'à s'adresser directement au roi, il a été, selon ses soutiens et de nombreuses ONG, victime d'un acharnement judiciaire. Il a effectué trois peines de prison depuis 2011. Il a notamment été condamné à un an de prison pour « atteinte à un corps constitué » pour le clip – dont il nie être l'auteur – d'une chanson sur la police datant de 2010, « Les chiens de l'État », dans lequel la tête d'un policier est remplacée par celle d'un âne. Après sa troisième incarcération pour « ébriété sur la voie publique » et « violence sur agents » en 2014, il a enregistré un album, toujours aussi irrévérencieux. Il n'a même pas pu le présenter à la presse, la conférence ayant été interdite. Depuis la Belgique, il collabore avec le journal Goud.ma, dans lequel il a raconté sa détention. Pourquoi les autorités mettent-elles un tel acharnement à le faire taire, alors que la contestation est si faible ? « Je n'ai pas changé, je ne suis pas revenu sur mes idées et j'ai continué à les déranger », répond Lhaqed. « C'est comme ça lorsqu'on vit dans un État dictatorial. Il ne faut pas dépasser les lignes rouges. En ce moment, il y a un recul dangereux des droits de l’homme et l'État se venge des gens du mouvement. L'État veut récupérer sa Hiba [sorte d'autorité empreinte de la peur qu'il inspire et de respect – ndlr], disparue avec le mouvement des jeunes du 20-Février. » Mustapha Khalfi, ministre de la communication © DR Mustapha Khalfi, ministre de la communication © DR Pendant ce temps, la sphère politique continue de débattre d’un futur code de la presse sans cesse annoncé, censé mettre fin aux peines privatives de liberté. Mais certains élus craignent un transfert de ces peines du code de la presse vers le code pénal pour des délits comme l'atteinte à la personne du roi ou aux symboles nationaux. Reda Benotmane, chargé de projet à l'AMDH, attend ce nouveau code avec beaucoup de scepticisme. « Je pense que tant que les lois sont ce qu'elles sont, nous serons dans une situation régressive, y compris avec le nouveau code », affirme-t-il. Difficile, selon ce fin observateur des médias, de rencontrer des journalistes réellement indépendants, dans ce contexte : « Dans l'absolu, il doit en exister. Mais je n’en vois pas de trace. Je ne connais pas d'organe de presse indépendant des circuits du pouvoir. » Selon le dernier classement de Reporters sans frontières, le Maroc se situe dans la zone rouge pour la liberté de la presse : au 131e rang mondial, loin derrière la Mauritanie et la Tunisie. Il recule d'une place par rapport à l'année précédente Ce classement ne reflètait déjà pas la réalité 3, selon Mustapha Khalfi, ministre de la communication et porte-parole du gouvernement. Pour lui, 2015 a été une année « exceptionnelle » en matière de liberté de la presse.

Partager cet article
Repost0
25 avril 2016 1 25 /04 /avril /2016 06:48
Bernard Thibault: il faut ouvrir le chantier pour gouverner autrement (interview à Médiapart)

Bernard Thibault: «Il faut ouvrir le chantier pour gouverner autrement» 23 avril 2016 |

Par Rachida El Azzouzi

Réunie en congrès à Marseille, la CGT a élu Philippe Martinez secrétaire général. Sa tâche la plus immense sera de rassembler une famille désunie, marquée par la crise de gouvernance et l'affaire Lepaon.

Entretien avec son ancien leader, Bernard Thibault, qui publie un livre sur l'Organisation internationale du travail (OIT) qu'il a rejointe en 2014 : La troisième guerre mondiale est sociale.

Philippe Martinez a été consacré, vendredi 22 avril, secrétaire général de la CGT, lors du congrès du syndicat à Marseille. Avec un score sans appel : 95,4 % des voix. Propulsé en catastrophe à la tête de la centrale de Montreuil en février 2015 à la suite du “séisme” Thierry Lepaon, contraint à la démission après les révélations sur son train de vie, c’est la première fois que le métallo, qui a fait sa carrière chez Renault, est élu dans le cadre du congrès. Mais ce n’est pas pour autant le signe que la famille CGT marche comme un seul homme derrière lui. Une liste alternative a d’ailleurs été portée contre son équipe. Le défi de son mandat (de trois ans) est immense : ressouder les rangs d’une CGT isolée, qui paie encore cher la succession ratée du « sphinx » Bernard Thibault en 2013, et la crise de gouvernance qui s’en est suivie, aggravée par l’affaire Lepaon. Durant quatre jours, pendant lesquels le gouvernement, Pierre Gattaz, la CFDT, la délégation du Parti socialiste mais aussi Thierry Lepaon qui devrait être recasé par l’exécutif, ont été copieusement sifflés, l’essentiel des débats a tourné autour de la mobilisation contre la loi sur le travail. Après des échanges vifs, les partisans (à l’extrême gauche de l’organisation) d’une grève générale reconductible à partir du 28 avril jusqu'à l'obtention du retrait du texte n’ont pas été suivis par la direction confédérale. Mais Philippe Martinez n’a pas fermé la porte : « La question de la reconduction de la grève, nous la poserons, les salariés la poseront, et ce sera plus évident à condition d’être nombreux, très nombreux pour les arrêts de travail. » « Observateur pas tout à fait neutre » de la CGT, Bernard Thibault, qui a dirigé pendant 14 ans le syndicat, aujourd’hui membre du conseil d’administration de l’Organisation internationale du travail 3 (OIT), participait au congrès. L’occasion de présenter aux militants son livre La troisième guerre mondiale est sociale, une plongée au sein de l’OIT, cette institution onusienne méconnue aux moyens limités.

Entretien.

Depuis votre succession ratée, la CGT traverse une crise sans précédent. Comment vivez-vous cette période ?

La CGT a traversé une mauvaise passe du fait de problèmes inhérents à sa direction. Mais à Marseille, au congrès, j’ai vu une volonté de se remettre sur les rails. C’est normal, dans un syndicat qui veut fonctionner de manière démocratique, qu’il y ait une pluralité d’expression. Je suis admiratif des syndicats qui prétendent que tout le monde est d’accord sur tous les sujets. Je vois même des comportements très autoritaires pour remettre tout le monde dans la ligne officielle. Ce n’est pas comme ça qu’on fonctionne à la CGT. Le débat, la polémique ont droit de cité. Puis des majorités se dessinent. Forcément, après, on trouvera toujours des membres pas d’accord avec ce qu’a décidé la majorité. Le congrès est une étape utile pour une plus grande cohérence de l’organisation.

Mais vous ne pouvez ignorer les fractures et les querelles internes causées par cette crise de gouvernance que vous avez participé à créer en ne préparant pas votre succession…

Oui, on peut m’attribuer une part de responsabilité et je l’assume, mais on ne va pas refaire l’histoire. J’ai voulu, après quatre mandats de direction, organiser un débat ouvert pour choisir celle ou celui qui prendrait ma suite. Aucune personnalité ne s’est imposée et on s’est lancé dans une compétition entre plusieurs personnes, au point d’arriver à une absence de majorité totale. Vous connaissez la suite des événements…

La CGT pourrait perdre en 2017 sa place de première organisation syndicale de salariés au profit de la CFDT. Cela vous inquiète-t-il ?

Je ne mesure pas l’influence que peut avoir tel ou tel syndicat au regard des voix obtenues aux élections professionnelles, même si c’est important. La capacité de mobilisation, d’interférer sur le débat public, sont d’autres éléments pour mesurer la puissance, le poids d’un syndicat et en termes de mobilisation, il n’y a quand même pas tant d’organisations capables de mobiliser comme la CGT. Certes, nous n’avons pas assez travaillé sur notre implantation syndicale. Mais la tâche syndicale est difficile dans le monde entier. Nous ne sommes pas le seul syndicat en difficulté. Dans certains pays – nous n’en sommes heureusement pas là –, il est même très périlleux de s’engager syndicalement. Il n’y a pas de zone du globe où le mouvement syndical soit en développement.

Thierry Lepaon a essuyé critiques et sifflets lors du congrès, notamment parce qu’il devrait être nommé à la lutte contre l’illettrisme par le gouvernement … Que vous inspire ce parachutage ?

Je n’en sais rien et je n’ai pas de commentaire à faire si cette nomination se confirmait.

Campagne « irresponsable et médiocre », diffamation… En début de semaine, l’affiche de la CGT contre les violences policières a suscité l’indignation des syndicats de police et de la classe politique. Pour le secrétaire général du PS, Jean-Christophe Cambadélis, cette affiche illustre « la gauchisation » de la CGT. Vous êtes d’accord avec lui ?

Les réactions politiques et le buzz médiatique ont été disproportionnés. Quant au procédé, il est surprenant : le ministre de l’intérieur fait la publicité d’une affiche de la CGT qui figure sur un site internet d’un syndicat de la CGT et qui n’aurait jamais eu une telle visibilité ! Si un caricaturiste avait fait le même dessin, il n’y aurait jamais eu une telle agitation. Quel était l’intérêt du ministre, sauf à vouloir mettre en difficulté la CGT à la veille de son congrès ? Et pour répondre au premier secrétaire du Parti socialiste, la CGT ne se gauchise pas. C’est le Parti socialiste qui s’est droitisé.

La CGT a appelé en congrès « à amplifier la riposte », dès le 28 avril, par la grève et des manifestations pour obtenir le retrait de la loi sur le travail. Vous croyez à un CPE bis ?

Le congrès l’a réaffirmé. Il faut progresser dans la mobilisation. Tout peut encore basculer.

Comment avez-vous accueilli ce projet de loi sur le travail ?

J'ai été stupéfait. D’abord par le procédé : refondre brutalement le code du travail sans aucune forme de concertation préalable, au point même de brandir l’arme du 49-3 pour passer en force. Ensuite, par les différentes mesures. Je parle au conditionnel, car on ne sait plus ce que ce projet va contenir et parce que le retrait est encore possible. La redéfinition du licenciement économique est très inquiétante, tout comme la primauté donnée à l’accord d’entreprise au détriment de l’accord de branche ou encore le référendum d’entreprise, proprement scandaleux. J’ai milité en mon temps avec la CGT pour une réforme des règles de la représentativité car pendant très longtemps, les accords collectifs négociés dans les entreprises pouvaient être signés par un ou des syndicats même s’ils représentaient 5 ou 10 % des salariés. C’était antidémocratique. Aujourd’hui, on nous parle de référendum ! Si l’on transposait ce système dans la vie politique, cela voudrait dire que les représentants des partis minoritaires à l’Assemblée nationale, par exemple, auraient la possibilité d’organiser un référendum dans le pays sur une question donnée et que le résultat s’imposerait à la représentation politique majoritaire de l’Assemblée nationale. Les députés l’accepteraient-ils ?

Comment les débats autour du code du travail en France sont-ils perçus au sein de l’OIT ?

Ils ont une résonance internationale forte, car la France a une bonne réputation sociale à l’échelle du monde. Nous avons la sécurité sociale, quand 73 % de la population mondiale n’a pas de système de protection sociale. Nous avons un système de retraite par répartition, quand un travailleur sur deux dans le monde n’a pas de retraite. Nous avons le principe de l’allocation chômage, certes pour un peu moins d’un chômeur sur deux mais à l’échelle mondiale, seuls 12 % des chômeurs ont droit à une indemnisation. Ce qui se joue en France va au-delà de la problématique franco-française. Il y a une symbolique de la manière dont on conçoit l’économie de demain. Aucun pays ne peut faire la démonstration d’une relation de cause à effet entre son code du travail et le niveau de l’emploi. Si, comme le martèlent le patronat et le gouvernement français, le code du travail était facteur de chômage, les pays où il est inexistant – et ils sont nombreux, puisqu’un travailleur sur deux n’a pas de contrat dans le monde – connaîtraient le plein emploi. Non ! Là où les droits sociaux sont les moins élaborés, c'est la précarité et la misère extrême qui dominent.

Que pensez-vous du mouvement Nuit debout et des nouvelles formes de mobilisation, comme la pétition virale #Loitravailnonmerci, qui remettent en cause les modes d’action traditionnels des syndicats ?

Nuit debout est né le 31 mars, un soir de mobilisation syndicale avec des acteurs, des citoyens très différents. Ils le disent eux-mêmes, cette réforme, c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase de l’insatisfaction, de l’exaspération, de l’incompréhension à l’égard de la politique économique et sociale et ils se mettent à chercher d’autres réponses. Je trouve cela très positif. Quant à la pétition partie d’Internet, je l’ai signée et je trouve cela bien qu’il y ait d’autres canaux, d’autres méthodes, d’autres façons de s’exprimer en plus des syndicats. 75 % des salariés dans notre pays ne croisent jamais un militant syndical. Tout ce qui peut aider à la prise de conscience, à la sensibilisation, à l’action est bienvenu.

En 2012, vous aviez appelé à voter pour François Hollande… Vous le regrettez ?

Je ne regrette pas d’avoir appelé à en finir avec Nicolas Sarkozy, et peu dans les rangs de la CGT doivent regretter d’avoir été plutôt favorables à un changement de président de la République. Mais comme l’immense majorité de ceux qui ont contribué à cette élection, la déception, la frustration et l’incompréhension m’animent. En même temps, je pense qu’on a atteint les limites des institutions de la Ve République. Il faut ouvrir le chantier pour gouverner autrement, collectivement, rééquilibrer les pouvoirs. Si l’on ne modifie rien, tout le monde sera déçu par le prochain homme ou femme qui régira le pays France. La présidentielle est devenu le moyen de dire tous les cinq ans « on n’est pas contents », mais cela ne résout rien.

Vous publiez La troisième guerre mondiale est sociale, un livre sur l’Organisation internationale du travail que vous avez rejointe en 2014. Institution méconnue, c’est la seule où siègent des travailleurs du monde entier. Pourquoi ce livre maintenant, assorti de ce titre choc ?

Le mot « guerre » a un fort pouvoir d’interpellation et il révèle la situation sociale à l’échelle internationale. Le système économique actuel organise une mise en concurrence des travailleurs, qui provoque une grande dégradation des conditions sociales et des millions de victimes. 2,3 millions de travailleurs décèdent chaque année du travail, soit des accidents du travail, soit des maladies professionnelles. C’est bien supérieur aux victimes des conflits et des guerres à travers le monde. Par ailleurs, toute l’histoire de l’OIT est liée aux guerres. L’institution est née après la Première Guerre mondiale en 1919. L’ambition était de promouvoir la justice sociale pour éviter que les peuples ne résolvent les conflits par les armes. Cela n’a pas suffi. Il y a eu la Seconde Guerre mondiale. Elle a marqué une deuxième étape pour l’OIT avec, en 1944, la déclaration de Philadelphie incitant les États à aller plus loin dans la promotion de la justice sociale pour la paix entre les peuples.

Mais cent ans après sa création, l’OIT sert-elle à quelque chose, quand on voit comme ses normes internationales du travail sont reléguées à l’arrière-plan, bafouées à l’échelle de la planète et aucunement contraignantes ?

Devant la dégradation des conditions de travail à l’échelle mondiale, certains peuvent considérer que l’OIT n’a pas fait son travail. Si nous en sommes là, c’est parce que les États se sont éloignés de la mission première de l’OIT. Ils ont laissé des institutions prendre le pas, le G20, le FMI, l’OMC et bafouer les normes internationales du travail. Il faut des décisions politiques pour que ces normes sociales deviennent incontournables. Il n’est pas normal que des pays de l’Union européenne ne ratifient pas toutes les conventions internationales du travail. L’Espagne et la France en ont signé 130, la Lettonie, 40. Il n’est pas normal non plus que sous couvert de plans dits de redressement, en Roumanie, en Grèce, au Portugal, on ait autorisé la troïka à exiger des États de mettre entre parenthèses tantôt le droit du travail, tantôt les résultats des conventions collectives, le barème des retraites, pourtant négociés dans les pays.

Comment renforcer l’OIT ? Peut-elle vraiment faire progresser les droits sociaux ?

Il faut réhabiliter les normes, les élargir. Le centenaire de l’OIT en 2019 sera un rendez-vous important. Est-ce qu’on considère que l’institution est dépassée ou est-ce qu’on lui redonne de la vigueur, avec des outils correspondant à l’économie d’aujourd’hui ? Il faut être beaucoup plus exigeant dans les accords commerciaux entre les pays sur le respect des normes du travail. La question des multinationales est fondamentale. Elles façonnent toute l’économie mondiale. L’OIT en dénombre 500 000. Elles emploient 200 millions de travailleurs et indirectement, à l’échelle du monde, un travailleur sur cinq. Leur poids économique ne cesse de croître, au point que certaines ont une assise financière supérieure aux budgets de nombreux États. La catastrophe du Rana Plaza a marqué les esprits partout dans le monde. Le Bangladesh s’est engagé à mieux assumer sa mission de contrôle des normes du travail mais, objectivement, cela va prendre des années avant que son administration ne se dote d’un corps d’inspecteurs du code du travail, formés et indépendants. L’un des leviers, c’est de rendre les donneurs d’ordre, donc les multinationales, responsables des conditions sociales dans lesquelles leurs produits sont confectionnés. Si des jouets sont fabriqués par des enfants dans certains pays d’Asie, on doit pouvoir porter plainte contre cette multinationale car c’est contraire à une convention internationale du travail.

Mais pour cela, il faut des moyens de contrôle, de pression ?

C’est le combat que nous devons mener, mais il faut se rendre à l’évidence. Aujourd’hui, si l’OIT n’existait pas, il serait peut-être impossible de la créer et d’avoir une majorité de gouvernements la défendant. Nous vivons un monde où la loi du marché apparaît comme le moteur du progrès social alors qu’elle ne fait qu’accroître la précarité, les tensions, les conflits. Ce n’est pas un hasard si ce sont dans les pays européens que les droits sociaux sont les plus évolués et les plus menacés. C’est là que les combats syndicaux ont été les plus intenses. La norme qui prend le pas, c’est celle du non-droit. On est très loin de la déclaration de Philadelphie, qui consacre la primauté des impératifs sociaux sur les impératifs économiques et financiers. Veut-on réaffirmer cette déclaration ou laisser cette loi du marché accroître les inégalités et les dégâts sociaux ?

Partager cet article
Repost0
25 avril 2016 1 25 /04 /avril /2016 06:43

Les villes anti-TAFTA d’Europe haussent le ton

23 avril 2016 | Par Ludovic Lamant - Médiapart

Une quarantaine de villes de toute l’Europe, dont Grenoble, se sont donné rendez-vous à Barcelone, pour durcir leur stratégie contre les négociations commerciales avec Washington. « Les États ne sont pas à la hauteur des défis européens. Nous voulons montrer qu’il existe des alternatives à ce genre de traités », explique à Mediapart le numéro deux de la mairie « indignée » de Barcelone.

À peine élue, Ada Colau, la maire « indignée » de Barcelone, avait fait voter en octobre 2015 3 une résolution faisant de sa ville une zone anti-TAFTA, anti-CETA et anti-TISA. C’était, d’entrée de jeu, une prise de position contre trois des gros chantiers commerciaux en cours à Bruxelles, qui inquiètent nombre d’Européens : le traité de libre-échange entre l’UE et les États-Unis (TAFTA, ou TTIP dans le jargon bruxellois), celui déjà conclu entre l’UE et le Canada (CETA, pas encore voté), et enfin les discussions en cours sur la libéralisation des services financiers (TISA). En vue de poursuivre sur la lancée de ce vote symbolique, la mairie catalane s’est transformée, jeudi 21 et vendredi 22 avril, en caisse de résonance des mouvements sociaux. C’était une première dans la bataille anti-TAFTA sur le continent : une rencontre entre des représentants d’une quarantaine de villes, de Vienne à Birmingham, de Grenoble à l’île grecque de Corfou, de Madrid à Cologne, qui se sont déclarées « zones hors-TAFTA » – ou sont sur le point de le faire. Dans leur « déclaration de Barcelone » (pdf, 1.2 MB) conclue vendredi soir, les participants exigent la suspension des négociations du TTIP et de TISA, mais aussi « la renégociation d’un nouveau mandat qui prenne en compte les demandes de celles et ceux qui n’ont pas été consultés ». « Nous voulons tisser des liens entre les villes, pour que notre voix soit davantage entendue. Les municipalités sont en train de hausser le ton », a expliqué Gerardo Pisarello, le numéro deux de la maire de Barcelone, en ouverture des débats organisés entre les murs de l’hôpital Sant Pau, un fleuron de l’Art nouveau catalan. Pisarello, un Argentin spécialiste des questions internationales, remplaçait au pied levé Ada Colau qui a bizarrement fait l’impasse sur la réunion, officiellement pour des raisons d’agenda. L’absence de celle qui ne cesse de gagner en popularité, sur la scène politique espagnole, a sans conteste affaibli la portée de l’événement, même si quelques figures de premier plan de la classe politique espagnole dont Pablo Bastinduy, député Podemos et très proche de Pablo Iglesias, y ont participé. Depuis le lancement des négociations avec Washington au printemps 2013, plus de 1 600 villes, départements et régions se sont déclarés « hors TAFTA » à travers le continent, dont pas moins de 650 en France si l’on en croit ce décompte de la campagne Stop-TAFTA 3 (avec, parmi les derniers en date, la région Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées 3). Ces résolutions ne permettront pas, si le traité finit par aboutir, d’empêcher l’entrée en vigueur du texte dans les territoires en question. L’idée est plutôt, à travers ces votes, d’exercer une pression politique sur les gouvernements qui suivent les négociations, mais aussi sur les députés et eurodéputés qui auront leur mot à dire, une fois le texte finalisé. À Barcelone, la majorité des élus oscillaient entre l’aile gauche de la social-démocratie (Vienne, Séville) et une gauche plus critique, passant par des partis écologistes. Alors que Barack Obama est en visite en Europe et devrait parler du TTIP avec la chancelière Angela Merkel dimanche en Allemagne, les discussions catalanes ont dressé un inventaire très concret des inquiétudes des élus de terrain, qui tranchent avec les discours officiels de la commission de Bruxelles et de certains exécutifs nationaux. « Les contextes nationaux sont très différents, et les tailles des villes présentes sont très variables aussi, mais j’ai entendu dans les échanges une vraie convergence concernant les inquiétudes que suscitent le TTIP », juge Alan Confesson, conseiller municipal (PG) de Grenoble, qui avait fait le déplacement à Barcelone. La ville française, qui a adopté dès 2014 un « vœu » anti-TTIP, s’est portée candidate pour accueillir la prochaine réunion européenne, peut-être d’ici la fin de l’année. « On se pose tous les mêmes questions, on a tous peur pour nos services publics », constate l’élu grenoblois. Le refrain est en effet revenu en boucle au fil des débats, en particulier du côté des mairies espagnoles gouvernées par des exécutifs de la gauche alternative depuis l’été 2015, comme Barcelone, Madrid ou encore des villes de Galice comme La Corogne. Pour ces exécutifs locaux, l’un des axes de leur mandat consiste à “remunicipaliser” des services de base, comme la gestion de l’eau ou le ramassage des déchets. Ce qui n’est pas une mince affaire, parce qu’ils doivent souvent s’attaquer à des contrats liant l’exécutif qui les précédait avec des multinationales… Si le TTIP passe, ils sont persuadés qu’ils n’auront plus aucune chance d’y arriver.

« La mairie de Barcelone s’est fortement engagée pour remunicipaliser la gestion de l’eau [aujourd’hui prise en charge par une filiale de Suez – ndlr]. Cela nous permettrait notamment de faire baisser les tarifs pour les habitants. Mais l’on redoute qu’avec le TTIP, ces objectifs ne deviennent encore plus difficiles à réaliser », a expliqué Pisarello. En Catalogne, pas moins de 80 % de la gestion de l’eau est privatisée. Du côté de la mairie socialiste de Vienne en Autriche, où plus de 60 % des habitants vivent dans des logements sociaux, « il est impensable pour nous de remettre en cause ce système de subventions en faveur du logement, mais le TTIP pourrait bien l’attaquer », a regretté Omar al-Rawi, un élu viennois de la majorité, qui veut « tout faire pour bloquer le TTIP ». Beaucoup d’élus présents se sont aussi inquiétés d’une perte de leur souveraineté. « En Belgique comme ailleurs, la classe politique est très déconsidérée. Notre popularité est presque nulle, parce que la population a l’impression que l’on n’a de l’influence sur rien », a résumé d’entrée de jeu Olivier Deleuze, ex-coprésident du parti belge Écolo, aujourd’hui bourgmestre (maire) de l’une des 19 communes qui forment la région de Bruxelles. « Mais le niveau local reste le niveau de pouvoir le moins touché. J’ai certes peu d’influence sur le TTIP, mais je peux réparer un trottoir, construire un arrêt de bus. Si l’on empêche les municipalités de faire au moins ces choses-là, de décider si l’on peut par exemple servir des aliments avec ou sans pesticides à la cantine, ce sera catastrophique pour la démocratie. Les élus locaux vont rejoindre la grande confrérie des politiciens bagarreurs et impuissants. »

« La bataille du TTIP est gagnable » Stéphanie Charret, elle, a fait le déplacement depuis sa ville de Nangis (Seine-et-Marne, 8 300 habitants) qui a adopté, en décembre 2015, une motion à l’unanimité : anti-CETA, anti-TTIP et anti-TISA. « Mettre en relation les élus locaux, partager nos expériences, nos informations et nos inquiétudes, c’est une étape primordiale pour préparer la suite de la bataille », juge cette maire adjointe issue de la société civile, et rattachée au Front de gauche. Elle redoute en particulier, alors que sa commune est située sur un territoire où pourraient être exploités des gaz de schiste, les conséquences du traité sur l’énergie : « Jusqu’à présent, les municipalités peuvent s’opposer au travail d’exploration. Mais si le TTIP passe, on ne sait pas ce qu’il pourrait se passer. »

Dans ce contexte, le durcissement de la position française, avec un secrétaire d’État chargé du dossier qui menace de bloquer les négociations du TAFTA, n’est bien sûr pas passé inaperçu. « Les mobilisations de la société civile obligent les gouvernements à prendre des positions plus tranchées. Le discours de Paris n’est pas dénué d’ambiguïtés, mais cela permet au moins d’en finir avec ce mythe selon lequel “tout va bien, madame la marquise”, et d’encourager les mouvements à poursuivre », réagit Pablo Sanchez Centellas, l’organisateur des rencontres pour la mairie de Barcelone. À ses yeux, « cette bataille du TTIP est gagnable » même si, sur le front des mobilisations d’élus locaux, « il y a encore du pain sur la planche ». De son côté, Pablo Muñoz, adjoint à l’urbanisme de la ville de Saragosse (670 000 habitants), à mi-chemin entre Madrid et Barcelone et elle aussi remportée l’an dernier par une plateforme citoyenne « indignée », insiste sur « l’imaginaire politique » en train de naître. « Je ne crois pas que le plus important, ce soit ce qu’il se dit. Nous représentons tous ensemble des millions de citoyens d’Europe, et ce n’est pas si fréquent que des villes aux profils si différents décident de se rencontrer sur des sujets pareils », estime Muñoz dont la municipalité, elle, n’a pas encore trouvé de majorité pour faire voter une résolution anti-TTIP, en l’absence de soutien des socialistes locaux.

Nous devons être capables de dire non au TTIP, bien sûr, mais aussi de dépasser cette attitude d’opposition, et de dire oui aux stratégies de coopération entre villes. Nous devons mettre en avant une autre idée de l’Europe », poursuit l’élu espagnol. Ce fut l’un des fils rouges des deux jours de débat, en forme de numéro d’équilibriste dans lequel les Espagnols sont souvent très à l’aise : conjuguer le rejet des traités commerciaux en cours de négociation avec un parti pris favorable à l’Union. Pisarello, le numéro deux de la mairie de Barcelone, avait aussi assisté au lancement du DiEM à Berlin, le mouvement imaginé par Yanis Varoufakis, censé enclencher l’écriture d’une nouvelle constitution pour l’Europe à horizon dix ans, et renforcer sa légitimité démocratique. L’adjoint au maire vient de publier en Espagne un livre d’entretiens 3 sur le sujet avec l’ex-ministre des finances grec, qui mise en particulier sur tout un réseau d’élus locaux à travers l’Europe.

« Les États ne sont pas à la hauteur des défis européens. C’est évident dans la crise des réfugiés, mais aussi dans les négociations commerciales. Nous avons l’obligation de montrer qu’il existe des alternatives à ce genre de traités, explique à Mediapart Gerardo Pisarello. Les villes sont en première ligne dans la gestion du quotidien des gens. Et dans tous ces secteurs, du logement à la gestion de l’eau, nous devons prouver que des politiques alternatives à l’austérité imposée par les États membres et Bruxelles existent. » « Si l’Union ne réagit pas à temps face aux crises qu’elle traverse, elle finira par s’effondrer et tomber aux mains de forces xénophobes et d’extrême droite. Notre défense du souverainisme municipal s’inscrit dans une démarche européenne et internationaliste », poursuit l’ancien professeur de droit. Sur le front des réfugiés, Barcelone était déjà monté au créneau début avril avec un déplacement très médiatisé d’Ada Colau à Bruxelles pour exhorter la commission et les États membres, y compris le gouvernement espagnol de Mariano Rajoy, à accueillir davantage de réfugiés. Mais cette mise en scène n’a, jusqu’à présent, pas fondamentalement changé la donne au niveau espagnol. Tandis que l’horizon européen semble bouché, les villes ont-elles les réponses aux « polycrises », pour reprendre l’expression de Jean-Claude Juncker, qui secouent le continent et menacent d’emporter l’UE ? À Barcelone en cette fin de semaine, les élus voulaient y croire. En attendant, cette première réunion d’élus anti-TTIP s’inscrit dans une démarche plus large et hétéroclite d’initiatives nouvelles, celle des sommets du « plan B » comme du DiEM de Varoufakis, qui cherchent à faire sortir de ses rails idéologiques la machine bruxelloise. La question, désormais, est de savoir si elles parviendront à gagner en puissance dans les mois à venir.

Partager cet article
Repost0
25 avril 2016 1 25 /04 /avril /2016 06:31
Plougonven: le collectif citoyen a bloqué l'accès à la déchèterie (Ouest-France)

Le collectif citoyen contre la fermeture de la déchetterie de Toulivinen à Plougonven reste en alerte.Samedi matin, une trentaine de personnes ont bloqué l’accès. Le collectif citoyen contre la fermeture de la déchetterie de Toulivinen reste en alerte.

Samedi matin, une trentaine de personnes étaient postées devant la déchetterie pour bloquer l’accès durant toute la matinée.« Cette fermeture semble quasi certaine. Il ne reste que deux scénarios, poursuite ou fermeture, et c’est ce dernier scénario qui tiendrait la corde », explique Philippe Rivoalen, du collectif.« Nous avions demandé au président de Morlaix communauté, Jean-Luc Fichet, d’organiser une réunion publique, mais cela nous a été refusé. On nous a répondu que les élus communiqueront après décision. Cette façon de faire n’a rien de démocratique », s’insurge encore Philippe Rivoalen. « À l’encontre de la Cop 21 »

La déchetterie est sur la sellette pour cause de mise aux normes. Un chantier de régularisation coûterait trop cher pour un équipement, inauguré il y a neuf ans, et dont le coût était de 370 000 €.

Un gâchis financier souligné par Martine Carn, qui pointe un autre coût, celui « de la déconstruction qui s’élève à 125 000 € ».

Pour Philippe Rivoalen, « cette fermeture va complètement à l’encontre de la Cop 21 qui stipule que le trajet en voiture vers une déchetterie ne doit pas dépasser dix minutes. Ce ne sera pas le cas ici, si la fermeture se confirme ».

Toutes les communes concernées ont d’ailleurs voté contre la fermeture. Le blocage de la déchetterie n’est pas la première action menée par le collectif. « Et ce ne sera pas la dernière », promet-il.

Pétition avec près de 1 500 signatures récoltées, présence sur le marché de Morlaix et réunion d’information mobilisent le collectif depuis quelques semaines. À noter que les déchetteries de Plourin-lès-Morlaix, Pleyber-Christ et Loc-Eguiner-Saint-Thégonnec sont également sur la sellette. Dans cette dernière commune, un collectif de citoyens a d’ailleurs vu le jour comme à Plougonven.Pendant une matinée, samedi, ils ont bloqué l’accès à la déchetterie de Toulivinen, route de Lannéanou.

Partager cet article
Repost0
23 avril 2016 6 23 /04 /avril /2016 13:00

La Nuit debout réfléchit à son avenir incertain


"A la Bourse du travail © FZ Les initiateurs de la Nuit debout, regroupés au sein de l'équipe du journal Fakir, se sont interrogés mercredi 20 avril au cours d'un débat parfois houleux sur les suites à donner au mouvement. Ils défendent l'idée d'une convergence avec les syndicats opposés à la loi sur le travail. "

La Nuit debout réfléchit à son avenir incertain (Médiapart)
Partager cet article
Repost0
23 avril 2016 6 23 /04 /avril /2016 12:25
Mireille Cachereul, Patrick Quelaudren, Gaston Balliot, membres du collectif contre TAFTA

Mireille Cachereul, Patrick Quelaudren, Gaston Balliot, membres du collectif contre TAFTA

20 avril 2016/ Stéphane Guihéneuf - Le Télégramme

En Pays bigouden, l'opposition aux traités de libre-échange transatlantiques (Tafta et Ceta) est forte. Douze communes se sont prononcées. Le collectif citoyen anti-Tafta, qui organise ce jeudi à Pont-l'Abbé une réunion publique sur le sujet, entend poursuivre son action auprès des élus.

En octobre dernier, la commune de Saint-Jean-Trolimon se déclarait « zone hors Tafta » (Trans-Atlantic Free Trade Agreement entre l'Europe et les États-Unis). Depuis, le mouvement initié par la maire Katia Gravot et les siens s'est amplifié. Aujourd'hui, sur l'ensemble des communes bigoudènes, douze ont pris une délibération. Ce n'est pas rien. « Les communes bigoudènes représentent près de la moitié des communes finistériennes à avoir délibéré », avance Gaston Balliot, l'un des membres du collectif citoyen anti-Tafta qui organise, demain soir, à Pont-l'Abbé, une réunion publique sur la question des traités de libre-échange transatlantiques. Le mouvement citoyen a été lancé en novembre dernier à l'issue d'un débat organisé à Loctudy. Il compte aujourd'hui quelque 120 membres.

Dynamique

« Les élus de Saint-Jean-Trolimon ont eu le courage de prendre la décision de se mettre hors Tafta », reconnaît Mireille Cachereul, membre du collectif. Depuis, elle constate qu'il y a eu « un vrai élan, une vraie dynamique en Pays bigouden ». Outre Saint-Jean-Trolimon, les communes de Peumerit, Plovan, Le Guilvinec, Tréogat, Plomeur, Treffiagat, Tréguennec, Pouldreuzic se sont déclarées « hors Tafta ». Penmarc'h, Plozévet et Pont-l'Abbé se sont dits en « vigilance ». Un élan que le collectif entend accompagner en informant le public sur les conséquences d'un tel traité. « Nos craintes, c'est que cela se traduise par la suppression de tous les obstacles », précise Gaston Balliot. C'est la crainte de dérives avec la mise en place de tribunaux supranationaux qui agiront pour le bien des firmes multinationales. Selon le collectif, il y a urgence alors que le « Comprehensive economic and trade agreement », le fameux CETA qui doit sceller les rapports commerciaux entre l'Europe et le Canada, pourrait être mis en oeuvre dès 2017. « Le CETA avance à grand pas, le Tafta va suivre derrière », assure Mireille Cachereul.

Un choix de société

Services publics, agriculture, santé, mise en concurrence, droits sociaux, les craintes sur cette libéralisation à outrance souhaitée « par les firmes multinationales » sont nombreuses. « Quelles seront les conséquences sur les circuits courts ? », interroge Patrick Quélaudren, membre lui aussi du collectif. L'opacité des négociations n'arrange rien. « Cette affaire est fondamentalement antidémocratique. Ce ne peut être la finance qui dirige le monde », avance Gaston Balliot. C'est clairement un choix de société qui se dessine. Demain, le collectif, après la projection de « Transatlantique arnaque, la casse du siècle » et l'intervention de Thierry Mavic qui expliquera les motivations qui ont conduit la commune de Pont-l'Abbé à se prononcer, le collectif fera le point sur « les enjeux et les risques de ces traités dans notre quotidien ». Henri Guilloux, responsable départemental du collectif, sera également présent.

Interpeller les communautés de communes

Le collectif espère à travers ces échanges une prise de conscience de la part du public et des élus. Auprès desquels il entend d'ailleurs poursuivre son action. « L'objectif immédiat c'est de demander à la Communauté de communes du Pays bigouden sud de prendre position », explique Gaston Balliot. La même démarche sera faite auprès du Haut Pays bigouden. Les parlementaires ne sont pas oubliés (lire ci-dessous). Le sénateur Michel Canévet doit être contacté. La députée Annick Le Loch a déjà été interpellée. « Elle s'interroge ».

Pratique
Réunion publique, demain, à 20 h 30, au Patronage laïque à Pont-l'Abbé.

En complément

Ce qu'en disent les parlementaires

Annick Le Loch, députée. « Les négociations entre les deux continents pour créer un grand marché de libre-échange n'ont pas été au départ très transparentes. Pour ne pas dire occultes. Alors, forcément, c'est très compliqué de comprendre ce qui se passe, cela m'inquiète beaucoup. À ce stade des négociations, cela m'incite surtout à être très prudente d'autant plus qu'il y a un volet agricole très important qui risque d'affecter les produits par l'affaiblissement des barrières tarifaires douanières. Dans le rapport sur l'élevage qui a été remis il y a quelques semaines, on demande d'ailleurs l'exclusion de certaines productions agricoles notamment la viande. Nous, on est attaché à tous ces signes de qualité, on est attaché à nos terroirs et à nos territoires, alors qu'eux, ils défendent le droit des marques. Je ne suis pas encline à acter cette libéralisation ». Michel Canévet, sénateur. « Je déplore l'opacité dans laquelle se déroulent les discussions qui font qu'on abaisse les barrières douanières. Je souhaite qu'il y ait un débat au parlement pour clarifier le contenu de ce projet. Je plaide notamment pour l'exception agricole car je ne tiens pas à l'envahissement des produits nord-américains ». Quant à savoir si la commune de Plonéour-Lanvern, dont Michel Canévet est le maire, va prendre une position sur la question, l'élu dit ne pas en voir l'intérêt. « Nous n'avons pas prévu de nous positionner car le débat n'est pas d'ordre local. Les communes n'ont pas la capacité d'agir ».

La CGT contre « la bombe Tafta »

Dans un communiqué, l'Union locale CGT du Pays bigouden dit son opposition à « la bombe Tafta » qu'elle considère comme « l'aboutissement du processus de dérégulation sociale ». Elle rappelle que, le 27 février, elle a délibéré et pris position contre le Tafta. Expliquant qu'il « est un aboutissement ultralibéral dans la droite ligne des politiques européennes et françaises dit de libéralisation dont les salariés subissent les effets avec les lois Macron, Rebsamen, Khomri, Notre, Touraine ». Elle dénonce « les négociations secrètes donc antidémocratiques, s'oppose à leurs objectifs ultralibéraux, facteurs d'asservissement des états, donc des peuples et d'appauvrissement grandissant des travailleurs, facteurs d'accaparement des services publics (santé, éducation, recherche, énergie, communication, etc.), facteurs d'élévation de risques alimentaires et écologiques au seul profit des trusts financiers multinationaux (et) s'oppose à la domination et souveraineté des multinationales sur les états et collectivités territoriales ». Enfin, l'Union locale CGT du Pays bigouden « appuie toutes les initiatives collectives ou individuelles ».


© Le Télégrammehttp://www.letelegramme.fr/finistere/pont-labbe/tafta-une-forte-opposition-en-pays-bigouden-20-04-2016-11037410.php#closePopUp

Partager cet article
Repost0
22 avril 2016 5 22 /04 /avril /2016 14:17
Naufrage en Méditerranée, 500 somaliens noyés: colère et indignation devant la politique européenne (PCF)

Naufrage en Méditerranée : "Colère et indignation devant la politique européenne" (PCF)

Communiqué du PCF Vendredi, 22 Avril, 2016

Tout semble confirmer une nouvelle tragédie en Méditerranée qui pourrait être la pire de ces douze derniers mois. Selon les témoignages recueillis par le Haut Commissariat aux réfugiés de l'ONU (ONU HCR), près de 500 personnes auraient perdu la vie dans le naufrage d'un grand navire qui a coulé entre la Libye et l'Italie.

41 rescapés ont été secourus et débarqués en Grèce. Ils ont témoigné de leur calvaire. Depuis le début de l'année, il y a eu 1250 morts et disparus parmi celles et ceux qui viennent chercher en Europe protection, sécurité et vie décente.

Ce nouveau drame ne peut que provoquer colère et indignation devant le refus persistant et criminel des autorités européennes d'organiser de véritables voies régulières pour l'admission des réfugiés et demandeurs d'asile en Europe, notamment par la mise en place de programmes de réinstallation et d'admission humanitaires et de regroupement familial.

À cet égard, la couverture du magazine Valeurs actuelles titrant cette semaine "40 ans de regroupement familial : le suicide français" est proprement abjecte et constitue un mensonge délibéré sur le nombre de migrants ces dernières années dans le cadre d'un droit reconnu au plan international et européen en France, et les "conséquences" de leur participation à la vie de notre pays.

L'UE et ses États membres, dont la France, ont ratifié récemment un accord ignoble avec la Turquie, qui organise le refoulement des réfugiés et entérine la fermeture de la route des Balkans. Cette Europe "bunker" pousse les réfugiés à multiplier les risques et à faire appel aux passeurs, d'où ces tragédies insupportables auxquelles il faut mettre un terme par la mise en place des voies de passages sécurisées. Le Quai d'Orsay a exprimé la "profonde tristesse" de la France mais au-delà, il est de la responsabilité de François Hollande et du gouvernement français de prendre toutes les mesures pour engager d'autres choix européens et pour accélérer, dans notre pays, l'accueil de réfugiés qui ne sont aujourd'hui que quelques centaines sur les 30 000 prévus.

Partager cet article
Repost0
22 avril 2016 5 22 /04 /avril /2016 06:06

Voici la teneur de l'intervention que j'ai faite au dernier Conseil National du PCF consacré à la préparation du Congrès, et à la définition de la feuille de route pour 2017, avec l'option prise par la majorité du CN de travailler à une primaire citoyenne de la gauche pour se donner quelques chances de gagner en 2017 et imposer un autre choix que celui de Hollande, Valls, ou des promoteurs de la même politique:

" Il nous faut faire l'analyse en profondeur des causes de la faillite sociale, politique, économique du pouvoir. Cela ne sert à rien de personnaliser les choses et de parler de renoncements ou de trahison ponctuelle de Hollande et du clan gouvernemental. En réalité, c'est une trajectoire de longue durée caractérisée par l'absorption de la social-démocratie européenne dans les cadres du libéralisme et du capitalisme financier, réalisée depuis 30 ans sous l'égide de l'Europe et sous la contrainte de la mondialisation capitaliste et des dérégulations qui l'ont créée.

La social-démocratie n'a plus d'existence véritable, de projet politique original et de marges de manœuvre: il n'y a plus de milieu entre les politiques pro-capitalistes et le choix de la rupture avec les choix capitalistes, entre l'accommodement complet ou le choix de l'affrontement avec les logiques du système. Il ne s'agit pas simplement de combattre l'austérité qui n'est qu'un outil et un symptôme ponctuel de l'entreprise de domination et d'exploitation capitaliste. C'est cet étau de l'Europe libérale et de la compétition capitaliste débridée par la dérégulation qui jette un soupçon grave sur l'utilité du politique pour nos vies, qui donne cette impression d'l'impuissance de la politique, réduite à la communication et à la bataille pour le pouvoir.

On ne peut pas faire l'impasse sur les présidentielles pour porter nos idées car c'est l'élection qui sensibilise le plus nos concitoyens aux débats et aux enjeux idéologiques. Il faut mettre la bataille pour une autre Europe et pour inventer un autre modèle que ce capitalisme financier et mondialisé qui vampirise toutes les solidarités et conquêtes sociales et civilisationnelles au cœur de notre projet présidentiel. Peut-on le faire en s'engageant à défendre un candidat probablement social-démocrate à l'issue d'une primaire de toute la gauche où le candidat soutenu par le PCF a peu de chance d'être majoritaire car l'enjeu sera de maximiser les chances que la gauche soit représenté au second tour? Je ne le crois pas.

La co-organisation possible d'une primaire avec le PS, d'un choix entre des opposants et des partisans de la politique du gouvernement, avec condition de se ranger derrière le vainqueur, me pose problème dans la mesure où nous ne partageons pas du tout le même projet politique. Si c'était des primaires de la gauche alternative, ou de la gauche de transformation sociale, cela serait autre chose.

Je ne suis pas d'accord avec les formules de la délibération proposée qui mettent dos-à-dos et critiquent ceux qui à gauche (Mélenchon) ou à droite (Valls) disent qu'il existe" deux gauches irréconciliables". Pour moi, c'est bien la vérité, il y a bien deux gauches, si l'on se réfère néanmoins au périmètre institutionnel de la gauche, qui n'ont plus rien à voir entre elles, celle qui reste fidèle aux valeurs, à l'héritage, et à la volonté d'émancipation et de combat global contre le capitalisme et ses logiques de domination du mouvement ouvrier construit depuis le milieu du 19e siècle, et celle qui sous prétexte de modernité, de réalisme, a abandonné toute volonté de transformation du système, qui au contraire en approfondit les logiques d'exploitation. Ce n'est pas une fracture nette dans l'électorat de gauche qui reste plutôt fidèle à des idées fondatrices de la gauche, se structure en fonction d'idées du possible, mais la distanciation est indéniable au niveau des organisations politiques et des dirigeants politiques. Partout en Europe, en Israël, même s'il y a peut-être des évolutions possibles comme on le voit en Grande-Bretagne avec Corbyn, les socio-démocrates, travaillistes ou socio-libéraux ont promu depuis 30 ans la même politique: l'adaptation à la mondialisation capitaliste et sa construction prolongée par la flexibilité, la privatisation, et la gestion des inégalités par le discours et la pratique de dérivation sur la sécurité, les "valeurs" d'autorité...

Il y a un mouvement de résistance qui monte depuis 15 ans en Europe contre cette dérive pro-capitaliste de la gauche institutionnelle de gouvernement qu'il faut continuer à soutenir en France comme on a tenté de le faire depuis 2009, avec des réussites et des échecs, dont les raisons doivent être analysées, avec le Front de Gauche. Faire gagner de la force à la gauche anti-libérale, anti-capitaliste, renforcer son unité et son audience est toujours à l'ordre du jour.

De mon point de vue, c'est seulement en portant un discours de classe et de critique sociale, politique et économique radicale, et non pas à se rabattant sur le plus petit dénominateur commun du moindre mal pour faire l'union de toute la gauche, que l'on pourra désamorcer le piège d'un FN qui de plus en plus incarne le rejet populaire de cette Europe du capital, des délocalisations, de la post-démocratie, des élites politiques et économiques coupées du peuple. C'est seulement en portant le fer sur le terrain économique et de classe que l'on pourra désamorcer le piège d'un placement du débat des présidentielles sur le terrain strictement identitaire d'une vision restrictive, intolérante, moralisante et culpabilisante, suspicieuse vis à vis des musulmans et des étrangers, de la République, telle celle qui affleure dans les discours de Valls, et envahit les discours de la droite et de l'extrême-droite.

Je ne crois pas qu'il y ait dans le peuple actuellement un grand désir de gauche, surtout si elle est incarnée au premier tour par une personnalité du Parti Socialiste, ni un grand désir de primaire de la gauche, ni que les chances de battre la droite et l'extrême-droite en 2017 soient très élevés en raison du fiasco total des 5 ans de présidence Hollande, de l'aggravation du chômage, des inégalités, et de la droitisation de la société. Dès lors, l'enjeu sera surtout de mon point de vue de pouvoir tenter de recomposer la gauche après le nouvel échec cinglant de l'expérience socialiste de pouvoir en retrouvant un fort courant social pour la transformation et le combat contre le modèle capitaliste libéral et un courant social de résistance suffisamment cohérent et uni.

Parler de victoire, de crise ou d'unité de la "gauche", des "progressistes", sans déconstruire ces termes prête à toutes les ambiguïtés. Dans le contexte actuel, le PCF qui par son héritage porte l'ambition de construire une autre société que celle du capitalisme et de la loi de l'argent et de la compétition, n'a aucun intérêt, au moins où des conquêtes sociales majeures, l'idée même de République et de République sociale sont remises en cause par le pouvoir socialiste, sous prétexte d'efficacité pour la gauche, à ne pas apparaître avec ses idées de rupture, si possible sur la base d'une plateforme unitaire de la gauche de la gauche, dans l'élection reine.

Ismaël Dupont

Intervention d'Ismaël Dupont au Conseil National du PCF du vendredi 15 avril 2016
Partager cet article
Repost0

Présentation

  • : Le chiffon rouge - PCF Morlaix/Montroulez
  • : Favoriser l'expression des idées de transformation sociale du parti communiste. Entretenir la mémoire des débats et des luttes de la gauche sociale. Communiquer avec les habitants de la région de Morlaix.
  • Contact

Visites

Compteur Global

En réalité depuis Janvier 2011