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20 novembre 2022 7 20 /11 /novembre /2022 06:36

 

 

Le gouvernement allait-il enfin arrêter d’épuiser les recettes de la Sécurité sociale avec les exonérations de cotisations patronales ?

Permettez-moi de citer le gouvernement lors de la présentation, le 23 septembre dernier, de ce budget de la Sécurité sociale pour 2023 :

« En sortie de crise sanitaire, et en début de quinquennat, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale est un texte d’ambitions pour répondre aux enjeux du quotidien des Français ».

Pouvions-nous croire que la crise sanitaire et la crise du pouvoir d’achat de nos concitoyennes et concitoyens vous feraient changer de logiciel libéral ? Le gouvernement allait-il enfin arrêter d’épuiser les recettes de la Sécurité sociale avec les exonérations de cotisations patronales ?

Que nenni ! Le PLFSS 2023 prévoit une augmentation de 5 milliards d’euros des exonérations sociales patronales pour atteindre 70 milliards d’euros en 2023. Le gouvernement allait-il enfin prendre en charge ses responsabilités en assumant la dette de la CADES de 18 milliards d’euros de la pandémie de Covid. Un amendement du groupe communiste à l’Assemblée nationale avait d’ailleurs été adopté pour transférer la dette du budget de la Sécurité sociale vers le budget de l’Etat.

Au contraire le Gouvernement a actionné à deux reprises l’article 49 alinéa 3 de la Constitution pour passer outre l’opposition parlementaire et au passage a supprimé cette disposition.
Pour débattre, mes Chers Collègues, il faut en avoir la volonté politique, or elle n’est pas au rendez-vous, loin s’en faut !

Monsieur le Ministre, vous refusez d’entendre la souffrance des personnels des secteurs de la santé et du médico-social, celle des patient·es qui n’ont plus de médecins traitants ou qui attendent des heures sur les brancards dans les couloirs des hôpitaux.
En persévérant dans vos choix, en amplifiant la logique qui est la vôtre qui considère la santé comme un coût qu’il faut réduire, vous détruisez la Sécurité Sociale, à laquelle les Françaises et les Français sont tellement attachés et vous précipitez les départs des hospitaliers.

La situation est critique et annonce un point de non-retour, pourtant vous persévérez et signez une politique irresponsable. En prévoyant une progression des dépenses de l’Assurance maladie à seulement 3,7 %, mais en réalité en diminution de 0,8% en tenant compte de la crise sanitaire, le budget de la santé va augmenter moins vite que l’évolution naturelle des dépenses de santé de 4%.

L’Ondam va demeurer 1 point en dessous de l’inflation estimée à 4,7% pour 2023, ce qui est une première, bien funeste. Ainsi, vous allez réaliser 1,7 milliard d’euros d’économies en 2023 sur le budget de la santé.

Autant d’argent qui va manquer pour recruter du personnel donc améliorer les conditions de travail, interrompant l’hémorragie du personnel qui n’en peut plus.

Pire, vous justifiez les fermetures de lits - 21 000 lits entre 2017 et 2022 - et de services par manque de personnel, mais à qui la faute ?

Qui refuse de donner des moyens supplémentaires aux Universités ? Qui ne réintègre pas les personnels licenciés durant le COVID ? Qui ne prend pas en charge les formations laissant les hôpitaux se débrouiller ?

Vous attendez la montée des colères pour débloquer quelques millions sans vous en prendre à la racine des maux de notre système de santé : le manque de recettes, volontairement entretenu.

Quand une maison menace de s’effondrer, pensez-vous que l’urgence est de repeindre la façade ? C’est pourtant ce que vous faites au gouvernement.
Je pense notamment à la situation des services pédiatriques sur laquelle je vous ai interpellé lors des questions d’actualité, Monsieur le ministre, le 26 octobre dernier.
Là encore, vous m’avez opposé une fin de non-recevoir, balayant les faits que je rapportais d’un revers de main. Pourtant, je ne faisais que relayer la colère, l’indignation des principaux intéressés. Ecoutez le Professeur Stéphane Dauger, chef de service de réanimation pédiatrique de l’Hôpital Robert-Debré, qui ne décolère pas lui non plus. « Entendre que tout est sous contrôle, ça relève presque de la provocation pour ceux qui, sur le terrain, se confrontent à cette crise, dit-il. Même en travaillant jusqu’à l’épuisement, on doit refuser des patients… »
Alors que les personnels de la pédiatrie dénoncent depuis des années les manques de moyens humains et financiers, le gouvernement a jugé suffisant d’accorder une prime de soins critiques et le doublement des heures de nuit uniquement jusqu’au 31 mars 2023.

L’épidémie de bronchiolite n’est que le sommet de l’iceberg de la réalité des urgences pédiatriques le reste de l’année. Le déblocage de 400 millions d’euros est une insulte pour les personnels mobilisés, d’autant que 150 millions étaient déjà prévus pour l’ensemble des services en tension de l’hôpital.

Les services pédiatriques comme l’ensemble des services des hôpitaux ont besoin de mesures structurelles pour pallier aux conséquences des politiques d’austérité menées par les différents gouvernements qui se sont succédé depuis près de 20 ans.
Les difficultés d’accès aux soins rencontrées par nos concitoyennes et nos concitoyens nécessitent de recruter 100 000 personnels dans les hôpitaux et d’augmenter les capacités de formation des universités pour former davantage de médecins mais aussi des métiers paramédicaux comme les infirmières et les infirmiers qui subissent des conditions dégradées de formation dans les Ifsi.

Au lieu de ces mesures d’urgence, vous préférez ajouter une 10eme année aux internes de médecine et priver les territoires d’une génération de médecins, en 2026.
Cette réforme s’est faite sans consultation des organisations syndicales des internes ni réflexion sur le contenu pédagogique. Alors que, tout récemment, les études de médecine ont subi de profondes réformes, dont les effets n’ont pas encore été évalués, vous allez réduire l’attractivité de la formation de médecine générale.

Le gouvernement tout comme la majorité sénatoriale ne sont pas en phase avec l’aspiration des jeunes générations qui souhaitent exercer dans des structures collectives en étant salarié.

Pourquoi refusez-vous, Monsieur le Ministre, de financer les centres de santé à la même hauteur que les maisons de santé ou les médecins libéraux ?

Pourquoi un centre de santé doit se contenter d’une aide financière à l’installation de 30 000 euros quand les maisons de santé et les médecins libéraux bénéficient eux de 50 000 euros d’aide ?
La création de centres de santé est pourtant une réponse pour combattre les déserts médicaux et paramédicaux qui s’étendent sur tout le pays !

Pourquoi ne pas avoir le courage de rétablir les gardes des médecins le soir, le weekend et les jours fériés ? Pour ce faire, il y a urgence à revaloriser le montant des gardes et à étendre cette obligation à l’ensemble des médecins généralistes y compris en secteur 2.

Au lieu de ces mesures de bon sens, de justice qui nous remontent des établissements hospitaliers de nos territoires, des syndicats, des collectifs, vous choisissez d’exonérer de cotisations sociales les médecins retraités pour qu’ils poursuivent leur activité. On marche sur la tête !

Ce PLFSS était l’occasion de tirer les enseignements de la pandémie et des incertitudes des conséquences de l’apparition d’un nouveau variant.

Comment ne pas être en colère de constater, Monsieur le Ministre, que, pour le financement des tests et des vaccins Covid, vous n’avez provisionné seulement qu’1 milliard pour 2023, quand les mesures d’urgence sanitaires ont coûté plus de 11 milliards en 2022 à l’assurance maladie.
Alors que l’espérance de vie en bonne santé est de 64 ans dans notre pays, le gouvernement et la majorité sénatoriale souhaitent reculer l’âge légal de départ en retraite à 64 ans plutôt que d’augmenter les cotisations patronales de 4€ par mois pour assurer le financement des retraites.
Ce PLFSS 2023 était aussi l’occasion, à défaut d’une loi Grand Âge, annoncé à maintes reprises, de s’engager sur la voie du recrutement de 100 000 professionnels par an pendant 3 ans pour les Ehpad afin de parvenir à un encadrement d’un résident par un soignant.
On en est loin : 170 millions d’euros pour recruter dans les Ehpad représente un demi-poste de plus dans chacun des 7.000 Ehpad de France.

Après le scandale Orpéa, allez-vous continuer à laisser des organismes à but lucratif gérer massivement les établissements qui accompagnent nos ainé·es ? Allez-vous continuer à les laisser faire des profits sur leur dos ?

On le voit, Monsieur le Ministre, votre projet pour accompagner nos anciens est un projet de société aux antipodes de celui que je porte avec mon groupe.

Je parlais, au début de mon propos d’étatisation de la sécurité sociale et de sa remise en cause. Ce constat se confirme par le transfert à la branche famille des indemnités journalières des congés de maternité post-naissance, jusqu’ici prises en charge par l’assurance maladie.

Ce transfert de 2 milliards d’euros vise uniquement à rééquilibrer les comptes entre les différentes branches de la Sécurité sociale, au mépris des spécificités des branches et des cotisations des assuré·es sociaux.

Enfin, alors que les pénuries de médicaments se démultiplient dans notre pays et que même le paracétamol est un produit en rupture nous avons besoin plus que jamais de nous doter d’un pôle public du médicament et des dispositifs médicaux.

Au lieu de cela le gouvernement a reculé, face au chantage à l’emploi, devant les industriels pharmaceutiques qui organisent la pénurie de médicament et refusent d’introduire une dose de transparence dans l’autorisation de remboursement par la Sécurité sociale.

En conclusion ce budget est déconnecté de l’urgence, injuste pour ne pas dire provocateur, inégalitaire et insincère.

Alors que le Sénat doit examiner en 4 jours un budget de 600 milliards d’euros je rappelle que le projet de loi de finances est examiné sur 3 semaines pour un budget de seulement 480 milliards d’euros.

Alors que le Gouvernement a utilisé le 49.3 à deux reprises à l’Assemblée nationale, le Sénat a utilisé son 49.3 interne en déclarant irrecevable la moitié des amendements déposés sur le PLFSS.

Dimanche, le Président du Sénat déclarait, pourtant, dans le journal le Parisien que le Sénat discuterait sur le fond de tous les sujets. Le soir même la commission des finances a jugé irrecevables des amendements comme la mise à contribution des entreprises responsables d’accidents médicaux au financement de la branche accident du travail car je cite, « l’amendement a un effet trop indirect et incertain sur les finances de la Sécurité sociale ».
Cette censure du Sénat et le coup de force démocratique du gouvernement démontre l’absence de volonté de débattre réellement des propositions alternatives de l’opposition.

Pour l’ensemble de ces raisons, Les sénatrices et les sénateurs du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste invitent tous les parlementaires attaché.es à la Sécurité sociale solidaire, universelle et financée par les cotisations à voter notre motion.

Je vous remercie.

 

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20 novembre 2022 7 20 /11 /novembre /2022 06:09
Conseil Municipal de Morlaix du 17 novembre - compte rendu dans la presse du 18 novembre - Le Télégramme et Ouest-France
Conseil Municipal de Morlaix du 17 novembre - compte rendu dans la presse du 18 novembre - Le Télégramme et Ouest-France
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19 novembre 2022 6 19 /11 /novembre /2022 06:42

 

 

 

 

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19 novembre 2022 6 19 /11 /novembre /2022 06:37

 

De nombreux pays européens sont montés cette semaine avec force la voix des travailleurs contre la vie chère et pour l’augmentation des rémunérations. Des manifestations et des grèves ont lieu au Royaume-Uni, en Grèce, en Allemagne, en Belgique, en France avec notamment la journée du 10 novembre. De nombreuses mobilisations dans des entreprises obtiennent avec succès des augmentations de salaire. Un mouvement général contre les spéculations et la pression sur le travail est en germination. Il doit encore s’amplifier.

Réalisée sur plusieurs mois, l’enquête européenne du Secours populaire français, rendue publique le 4 novembre dernier, révèle que 42% des citoyens européens ont dû déjà demander à leurs proches de leur prêter de l’argent pour pouvoir finir le mois. Une personne sur quatre déclare être en situation précaire et faire face à des difficultés financières et matérielles. 62 % des personnes pour des millions de personnes, la vie quotidienne se dégrade considérablement. (Accéder ici à l’enquête du Secours populaire)

 

On a abondamment parlé ces dernières semaines des profits record d’un certain nombre de multinationales. La hausse des taux d’intérêt bancaire sous prétexte de lutte contre l’inflation fait flamber les bénéfices des banques européennes pendant qu’elle appauvrit les foyers populaires. Pendant que les populations souffrent en Allemagne, la Deutsche Bank a multiplié son bénéfice net par cinq. Au Royaume-Uni, Barclays augmente ses résultats de 10%, l’Espagnole Santander de 11%. En France, BNP Paribas augmente ses profits de 12%, soit de 8 milliards d’euros en 6 mois. Le Crédit Agricole engrange 6,1 milliards d'euros, la BPCE 3,4 milliards sur le dernier semestre.

Le gouvernement de gauche en Espagne envisage un impôt sur les bénéfices des banques. Pourquoi ceci ne deviendrait-il pas une possibilité en France aussi ?

 

La guerre déclenchée par le pouvoir russe contre l’Ukraine sert de prétexte au développement de spéculations de toutes sortes dans le cadre du capitalisme mondialisé, de ses guerres économiques et de ses guerres sociales contre les travailleurs.

 

Cette guerre touche désormais d’une manière ou d’une autre tous les êtres humains dans le monde et leur environnement. Les grandes multinationales de l’alimentation, de l’énergie, de l’armement, de la pharmacie et leurs commis politiques ne font rien pour rechercher un chemin de paix, car elles y trouvent intérêt, tandis que les gouvernements demandent aux peuples « sobriété» et « sacrifices ».

Dans ces conditions, les combats populaires devraient porter les aspirations au « pain et à la paix », à « la justice et la paix ».

La poursuite de la guerre va entraîner encore des détériorations de la vie des familles populaires et de nouveaux prétextes pour leur demander toujours plus de sacrifices.

L’effort de discussions et de réflexions à produire est très important au moment où le fond de scène qu’installent les dirigeants des États est celui de la préparation à la guerre généralisée.

 

Il en est ainsi du discours de M. Macron à Toulon mercredi dernier. Il confirme une mutation stratégique du concept de défense nationale pour l’insérer plus dans la militarisation en cours et pour insérer plus nos forces armées dans l’OTAN.

 

Désormais, on parle même en haut lieu « d’une plus grande opérabilité entre nos matériels militaires et ceux des États-Unis ». J’y reviendrai. Je veux simplement dire, aujourd'hui, qu'il ne faut pas croire que ces enjeux sont éloignés des vies des familles dans les quartiers et les villages. Il faut faire cesser cette folie. C’est la course au désarmement qu’il faudrait lancer. La bombe climatique peut consumer la planète en quelques années ; la bombe nucléaire en quelques heures. Il est temps de crier « STOP »

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17 novembre 2022 4 17 /11 /novembre /2022 06:19
Fabien Roussel dans le Finistère et à Morlaix le lundi 5 décembre - Le Télégramme, 16 novembre 2022
Fabien Roussel dans le Finistère et à Morlaix le lundi 5 décembre - Le Télégramme, 16 novembre 2022

Avec vous, sans tabou !

Prochains Rendez-vous :


📍21 et 22 novembre en Gironde et dans les Landes
➡ Pour vous inscrire, c'est ici : https://www.pcf.fr/tdf_reunion_gironde

📍5 décembre dans le Finistère
➡️ Pour vous inscrire, c'est ici : https://www.pcf.fr/tdf_reunion_finistere

Pour signaler votre présence à la réunion publique du lundi 5 décembre à la salle du Roudour de Saint-Martin-des-Champs à 19h, et au besoin pour commander un sandwich le soir (4 euros) pour ne pas rentrer le ventre vide après la fin de la réunion : federation@29.pcf.fr

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16 novembre 2022 3 16 /11 /novembre /2022 09:32

Le diester et l’éthanol sont qualifiés d’énergies renouvelables. Le diester provient essentiellement du soja, du palmier à huile, du colza et du tournesol. On obtient de l’éthanol à partir de la canne à sucre, de la betterave, du blé et du maïs. Mais la production de « carburants verts » entre en concurrence avec celle de nos aliments. Comme la trituration est énergivore, la hausse du prix du gaz et de l’électricité fait chuter leur rentabilité actuellement.

Selon les informations officielles que l’on peut lire sur les enjeux climatiques avec la tenue de la COP 27, en 2021 les concentrations dans l’atmosphère en dioxyde de carbone (CO2) s’élevaient à 416 parties par million (ppm). Celles du méthane étaient de 1.098 ppm et celles du protoxyde d’azote de 335 ppm. Cela donnait des progressions respectives de 149 %, 262 % et 124 % pour ces trois gaz à effet de serre par rapport à la période préindustrielle du début du XIXe. Alors que les forêts tropicales sont des puits de carbone, leur superficie globale ne cesse de diminuer et pas seulement en Amazonie. C’est également le cas dans des pays comme l’Indonésie, la Thaïlande et sur le continent africain.

Au Brésil, la déforestation précède surtout la mise en culture de la canne à sucre et du soja. En Indonésie, comme dans d’autres pays, on produit de plus en plus d’huile de palme. Dans la filière de la canne à sucre, la matière première est aussi utilisée pour produire de l’éthanol pour les véhicules à moteur thermique. Dans les deux filières on travaille à produire toujours plus de carburants d’origine agricole puisque leur combustion est moins émettrice de CO2 que celle d’une énergie fossile comme le pétrole. Mais ce bilan est trompeur.

Se payer à manger ou remplir le réservoir ?

Pour semer du soja et planter des palmiers à huile, on arase chaque année des millions d’hectares de forêts primaires qui captaient beaucoup de carbone et contribuaient ainsi à freiner le réchauffement en cours. Pour produire du blé et du maïs on laboure en consommant du carburant et on épand des engrais azotés dont la production est très gourmande en gaz. Transformer les végétaux en carburant passe ensuite par une activité industrielle gourmande en énergie. Cela est encore plus vrai quand on utilise des végétaux à faible rendement énergétique comme le blé et le maïs pour produire de l’éthanol, le colza et le tournesol pour produire du diester, ce qui est le cas en France et en Europe.

Avec l’envolée des prix du pétrole, du gaz et de l’électricité au niveau mondial, toutes les conditions semblaient réunies pour augmenter la production de carburants agricoles dans les pays européens producteurs de blé, de maïs, de colza et de tournesol. D’autant que la demande en bioéthanol augmente avec les immatriculations de véhicules hybrides fonctionnant au carburant subventionné E85. Mais sa production recule actuellement car le prix de l’énergie, et notamment du gaz utilisé pour la trituration des céréales débouche sur des marges faibles, voire négatives, pour les industriels. Du coup, la consommation de céréales par ce secteur sera en baisse de 7 % cette année, celle du maïs pouvant chuter de 20 %. Mais « à quelque chose malheur est bon », nous rappelle un vieux dicton. Alors que le prix du blé avait dépassé les 400€ la tonne au mois de mai, son prix s’est stabilisé autour de 335€ depuis le mois de juillet. Les difficultés que rencontrent les boulangers sont beaucoup plus imputables à la hausse du prix de l’énergie au moment de chauffer le four qu’à celui de la farine au moment de pétrir la pâte à pain.

Promotion des chaudières à bois et triplement du prix des pellets !

En France, le chauffage au bois redevient tendance depuis que la hausse du prix du gaz et du fioul fait grimper la facture énergétique des ménages. Les chaînes de la télévision en font souvent un sujet au journal de 20 heures. Tous types confondus, les ventes d’appareils de chauffage à bois ont augmenté de 34 % depuis 2020. Les installations de chaudières à granulés ou à bûches ont même augmenté de 95 %. Mais une fois installées, il faut les alimenter en bois. Comme la demande ne cesse de croître, le prix du bois énergie ne cesse de grimper. Ainsi, le prix du sac de pellets de bois de 15 kg a subi une forte hausse en 18 mois. Alors qu’il ne coûtait que 5 euros l’unité début 2021, il s’affichait à 10 euros en moyenne cet été et on le trouve désormais à 15€ dans les grandes surfaces de bricolage, les jardineries et les hypermarchés.

Avec la hausse du prix de l’énergie, la production et l’ensachage de ces pellets souvent issus des rebuts des scieries sont de plus en plus coûteux. Il faut alimenter les presses qui fonctionnent à l’électricité, ensacher puis transporter ces pellets. Il reste aussi à voir comment évoluera le stock de matières premières pour fournir des bûches et des pellets si la demande en bois de chauffage continue d’augmenter en France.

Trop de talus ont été détruits en France

Depuis le remembrement des terres effectué au moment de la mise en place du marché commun agricole il y a soixante ans, beaucoup de haies et de talus ont été arasés pour agrandir les parcelles au nom de la compétitivité. Il y a, de ce fait, beaucoup moins de bois disponible dans les campagnes françaises. Comme le bois des haies et des talus stocke du carbone, abattre ou élaguer des arbres en quantités croissantes pour accroître la production de bois de chauffage aboutira aussi à réduire le stock de carbone dans les champs. Il en ira de même, si on augmente les prélèvements dans les forêts. Car nous n’avons pas, parallèlement, des politiques dynamiques de replantation en Europe, que ce soit dans les forêts ou en agroforesterie dans les champs.

Tout comme la fuite en avant dans la construction des voitures dotées d’un moteur électrique, le recours au bois pour le chauffage des maisons et des appartements risque de relancer les émissions de CO2 via l’extraction et la consommation accrue de matières premières dont le cuivre, le bois et bien d’autres matières premières.

 

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15 novembre 2022 2 15 /11 /novembre /2022 18:47
Une conférence sur le festival Wattstax le 22 novembre au local du PCF Morlaix, avec Guy Darol (article Ouest-France, 15 novembre 2022)
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15 novembre 2022 2 15 /11 /novembre /2022 09:30

La pandémie porte à son point le plus haut la contradiction entre les cadeaux faits aux laboratoires et l’austérité imposée au secteur de la santé. Engagée pour l’accès au médicament, Gaëlle Krikorian décrit les enjeux de la réinvention d’un autre type d’intervention publique dans ce domaine.

 

Des dizaines de millions de doses de vaccin, arrivant à péremption, en passe d’être détruites, des centaines de millions encore à livrer jusqu’à fin 2023… Après avoir, comme les autres pays riches, préempté quasiment toute la production, à prix d’or, dans le cadre de contrats largement opaques avec les multinationales, l’Union européenne croule sous les excédents… Comment se fait-il que cela ne suscite pas plus d’interrogations ?

 

GAËLLE KRIKORIAN

Docteure en sociologie à l’Ehess

C’est saisissant, en effet : au niveau national, il n’y a de discussions nulle part. Le seul espace où un débat s’est noué, c’est au Parlement européen, où une commission spéciale sur le Covid a été mise en place. Sur le papier, son objectif est nécessaire : il s’agit de tirer les leçons de la gestion de la pandémie pour l’avenir. Mais dans les faits, je suis les échanges d’assez près pour constater que ça ne se passe pas bien du tout. À l’exception de quelques voix chez les écologistes ou à gauche, la dynamique politique est abandonnée à l’extrême droite ; ses représentants, très excités, portent un paquet de demandes qui ne sont pas toutes farfelues. En vue des élections européennes de 2024, la majorité des ­eurodéputés, du centre gauche à la droite, refusent d’apparaître critiques des institutions. Du coup, pour nous, c’est la double peine : les questions sur la faillite ­démocratique, sur l’absence de transparence ou sur les superprofits des multinationales ne sont pas posées par les bonnes personnes – ce qui permet de les délégitimer – et aucune réponse n’est apportée…

Devant le potentiel gâchis de toutes ces doses, la Commission est aux abonnés absents. « Affaire des États membres », évacue-t-elle. À Paris, les autorités évoquent une « renégociation » avec les producteurs. Qui porte la responsabilité de ce fiasco en gestation ?

Au printemps, plusieurs États membres ont demandé à renégocier les contrats car ils n’avaient pas besoin de nouvelles livraisons. Après une discussion entre la Commission, Pfizer et Moderna, ils ont obtenu un échelonnement, avec un report des livraisons à la fin de l’année. Mais les volumes potentiellement excédentaires n’ont pas été annulés, à ma connaissance. C’est sans doute ce qui se passe en France, dans le flou et l’opacité la plus totale. La règle, dans ces affaires, c’est de ne pas faire trop de bruit, d’agir dans l’ombre, en espérant trouver un arrangement avec les laboratoires… Mais rien ne va dans ce fonctionnement. Les problèmes proviennent de l’absence de transparence dans les négociations et les contrats avec les laboratoires : la Commission a discuté pour le compte des États, et les détails cruciaux sont couverts par le secret des affaires… S’il y a aujourd’hui des stocks à détruire, ce n’est pas que l’affaire des États membres, mais bien aussi celle de la Commission, qui a accepté le calendrier des livraisons, leurs volumes et leurs prix, ainsi que les conditions d’utilisation de ces vaccins, en matière de responsabilités notamment.

Plus globalement, quels enseignements tirer de la gestion des vaccins contre le Covid par la Commission et les États membres de l’UE ?

Tout cela révèle d’abord le rapport très problématique entre les secteurs public et privé. Pour les contrats de préachat de vaccins avec les laboratoires, par exemple, les trous noirs ne sont pas que dans la suppression des passages clés… En amont, on ne sait même pas vraiment qui a participé à la négociation. C’est très symptomatique : les États comme la Commission sont persuadés qu’en agissant dans le secret, l’issue ne pourrait être que plus favorable. Or, dissimuler les CV des membres de l’équipe de négociation, qu’est-ce que cela donne comme avantage ? C’est pour ne pas qu’ils subissent les pressions de l’industrie pharmaceutique ? Allons bon : les représentants des Big Pharma ont le moyen de savoir qui sont les négociateurs européens puisqu’ils les ont face à eux dans la discussion ! En réalité, les seuls qui ne savent rien, ce sont les citoyens… Et quand on a fini par apprendre qui étaient certains des membres de la délégation de l’UE, on constate que ce sont des hauts fonctionnaires qui ne connaissent rien à la santé, aux vaccins ou aux produits pharmaceutiques. Ils maîtrisent peut-être le commerce international, mais, désolée, on est dans un contexte de santé publique, on n’est pas en train d’acheter des canettes de soda ! C’est important d’être un peu affûté sur les produits, leurs conditions de fabrication et d’approvisionnement, leurs potentiels effets et la responsabilité juridique, etc. Mais, de toute façon, au bout du compte, c’est un dirigeant politique et un patron de laboratoire qui, sur un coin de table à la fin du repas ou alors par échanges par texto, s’entendent sur un accord qui engage des dépenses publiques faramineuses et garantit des profits spectaculaires pour la multinationale…

Tout ça se produit alors que, comme je l’explique dans mon livre (1), des alternatives existent : la puissance publique, au niveau des États ou de l’UE, pourrait agir différemment dans la production pharmaceutique, dans ses politiques de financement de la recherche, mais aussi à travers ses relations avec l’écosystème de petites entreprises sous-traitantes des multinationales. Est-ce mieux de signer un contrat couvert par le secret des affaires avec Pfizer, en lui abandonnant toutes les manettes et en lui garantissant d’énormes sommes d’argent ? Ou ne vaudrait-il pas mieux développer un autre modèle de collaboration entre le public et le privé, contrôlé démocratiquement et transparent ? Au fil des décennies, les institutions publiques se sont délestées de leurs capacités d’expertise et d’organisation de la production pharmaceutique en s’appuyant sur les conseils émanant du secteur privé et sur des politiques façonnées par les grands groupes industriels. Dans les ministères en France, on aurait besoin d’avoir de véritables spécialistes de la propriété intellectuelle au service de la santé publique ; cela permettrait d’éviter qu’à la première difficulté, ils ne se tournent machinalement vers le Leem, le patronat de l’industrie pharmaceutique en France.

Difficile de protéger l’intérêt général, en effet, dans le cadre de tels échanges. Ou à travers les SMS entre Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission, et Albert Bourla, le PDG de Pfizer, lors de la négociation de leur 3e contrat pour 1,8 milliard de doses…

Exactement. Un autre problème mis en lumière dans la crise actuelle, c’est l’utilisation totalement opaque des ressources publiques… Sur ce point, deux récits antinomiques sont en concurrence. D’un côté, tout s’est passé parfaitement, nous serine-t-on : on a bien géré, on a eu les volumes de vaccins, on a eu de bons prix, l’industrie a été à la hauteur, on est tous contents ! De l’autre, ce que nous décrivons, c’est une ponction gigantesque des ressources publiques par les multinationales, que ce soit par l’absorption de la recherche publique menée depuis des décennies, par le mécanisme des préachats, par le financement direct des chaînes de production, etc.

Ce raisonnement vaut pour les prix que l’Union européenne a accepté de payer : alors que Pfizer laisse entendre que les doses pourraient passer à 130 euros l’unité dès l’année prochaine, les négociateurs européens se gargarisent de ne pas les avoir payées 100 euros, mais « seulement » 19,50 euros… En l’occurrence, des chercheurs peuvent rétorquer : « C’est 2 euros qu’il aurait fallu les payer ! » Même à ce prix-là, les laboratoires feraient encore des profits, et ça ne serait pas du tout une arnaque pour eux !

Là aussi, cette discussion a été complètement évacuée. Au plus fort de la pandémie, on peut concevoir que la peur et l’angoisse rendaient ces éléments inaudibles pour les dirigeants… Mais, aujourd’hui, ça devrait être différent ! En France, nous sommes en pleine discussion sur les lois de finances (PLF et PLFSS), avec de nouvelles réductions budgétaires pour le système de santé : les laboratoires d’analyses dénoncent une coupe de l’ordre de 250 millions d’euros, alors que la France verse, sans discussion possible, 3 milliards d’euros à Pfizer… Quand on regarde à l’échelle de l’Union européenne, les sommes d’argent public déversées sur les laboratoires ont de quoi donner le vertige. Mais, à la différence de la discussion ouverte autour des « superprofits » de Total, aucun débat n’est, pour l’heure, lancé sur ceux de l’industrie pharmaceutique… C’est incroyable parce que nous avons tous les éléments pour l’organiser !

Comment sortir du cycle infernal où les États ne regardent pas à la dépense pour Big Pharma, alors qu’ils rabotent toujours les systèmes publics de santé ?

Tout est sous nos yeux et on ne peut plus laisser faire : nous sommes confrontés dans la même temporalité à l’austérité infligée aux professionnels de santé et à la fuite dans la captation des ressources par les grands laboratoires. Il est plus que temps de faire un peu les comptes. D’un côté, des contributions publiques engagées dans la recherche et la production, des achats de produits de santé à des tarifs exorbitants, un monopole accordé par les États via la propriété intellectuelle, des bénéfices monstrueux des multinationales qui, j’en parle dans mon ouvrage, sont escamotés via l’évasion fiscale… De l’autre, des professionnels de santé qui, après avoir été applaudis pour leurs efforts pendant la pandémie, dénoncent dans le désert la destruction des services publics, l’effondrement du système hospitalier, la dégradation de leurs conditions de travail…

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15 novembre 2022 2 15 /11 /novembre /2022 07:22
Mardi de l'éducation populaire - Guy Darol: Wattstax, une fierté noire - 22 novembre à 18h au local du PCF Morlaix

HISTOIRE. L’ÉTÉ 1972, WATTSTAX CHANTE LA FIERTÉ NOIRE ET CLAME LA COLÈRE (L’HUMANITE - Jeudi, 30 Juillet, 2020)

Avec son remarquable livre Wattstax, l’essayiste Guy Darol narre l’épopée du fameux rassemblement musical et politique de 1972 et analyse le violent contexte de l’oppression raciale. Entretien.

Dans son livre, Wattstax (2020), sous-titré 20 août 1972, une fierté noire, Guy Darol narre la journée où le festival Wattstax a commémoré le 7 e anniversaire de la révolte réprimée dans le sang à Watts, en 1965. Outre son passionnant récit qui détaille le concert initié par le label de soul Stax au Los Angeles Coliseum, l’écrivain et journaliste à Jazz Magazine contextualise le fameux rassemblement musical et politique. Plus de 100 000 spectateurs assistèrent aux performances scéniques ponctuées de discours enflammés. Se relayèrent sur scène de nombreuses figures de la soul, du funk, du blues, du gospel et du rhythm’n’blues, Rufus et Carla Thomas, The Staple Singers, Otis Redding, Kim Weston, Isaac Hayes…

Avec pertinence et profondeur, l’auteur développe une analyse aussi sensible que politique, reliant l’asservissement de l’esclavage et l’exploitation capitaliste, les insurrections qui se sont succédé du début du XX e siècle à nos jours, l’avènement du Black Power, le rôle de l’art et la culture au service de la lutte, le mouvement Black Lives Matter… Un travail remarquable, porté par une écriture lucide jusqu’à l’os, éclairée par l’intelligence du cœur.

 

Pouvez-vous rappeler les origines du soulèvement de Watts, écrasé au prix d’un massacre à l’instar des tragédies analogues qui ont jalonné l’histoire des États-Unis ?

Guy Darol L’embrasement du quartier de Watts dans la soirée du 11 août 1965 était la réponse furieuse des habitants de ce ghetto, majoritairement africains-américains, à la suite de l’interpellation brutale de Marquette Frye par la police autoroutière de Los Angeles, sous les yeux épouvantés de riverains. Les incendies et les pillages dénonçaient autant l’invariable série de violences qu’avait subies la communauté noire depuis des décennies que le système mercantile vanté par la publicité et que les populations toujours plus démunies regardaient sans y accéder. L’occasion se présentait de briser des vitrines, d’envahir des commerces et d’en sortir ces cuisinières et réfrigérateurs dont on avait le plus grand besoin.

 

D’autant que beaucoup d’habitants de Watts vivaient difficilement…

Guy Darol Oui, particulièrement éprouvés par le chômage, ils manquaient de tout. Ce qui faisait de cette révolte autre chose qu’une émeute épidermique, après la contestation de l’oppression raciale par les marches pacifiques de Selma, sévèrement réprimées, début 1965, mais un moment d’insurrection classe contre classe ciblant la conception de marchandisation – et son application – qui voyait l’Africain-Américain comme un rebut, une « chose » que l’on pouvait réduire en la martyrisant dès lors qu’elle était d’une matière valant zéro. Watts compta ses morts, au nombre de 34, tandis que les prisons s’emplirent de près de 4 000 protestataires. Une page venait donc de s’ouvrir, qui abandonnait la stratégie de l’engagement non violent prôné par le pasteur Martin Luther King.

 

Avec votre livre, souhaitez-vous aussi interpeller la France sur la répression policière exercée contre les personnes « non blanches » et sur les meurtres commis par certains gardiens de l’ordre ?

Guy Darol Dans mon ouvrage, je présente Black Lives Matter comme une continuité des actions musico-politiques menées par Al Bell (vice-président du label Stax), Jesse Jackson (candidat du Parti démocrate aux élections présidentielles de 1984 et 1988), mais également avec les soutiens du cinéaste Melvin Van Peebles et du « Black Moses » Isaac Hayes. Ce mouvement est brusquement entré en résonance avec la mort de George Floyd à Minneapolis et celle d’Adama Traoré à Beaumont-sur-Oise, dans des circonstances qui révèlent à chaque fois les violences policières visant des individus noirs.

Black Lives Matter implique désormais le réveil des consciences dans toutes les régions du monde, y compris en France, afin de dénoncer la banalisation de l’horreur. Il est important de souligner que les deux victimes sont décédées après un placage ventral en ayant prononcé ces mêmes mots : «  Je ne peux plus respirer. » Cette phrase partout reprise, comme pour expulser des poitrines un air irrespirable, définit désormais un combat global. Le réseau Black Lives Matter ignore les frontières. Il veille sur les opprimés du monde entier, dont la parole, on l’espère vivement, ne pourra plus être étouffée, en tout cas plus jamais comme avant.

 

Avec Memphis (2017), Dee Dee Bridgewater a rendu hommage à sa ville natale, où le label Stax avait vu le jour. Dans ce disque puis en tournée, en reprenant Why (Am I Treated so Bad), elle a braqué à nouveau les projecteurs sur cette chanson-manifeste et son auteur, Roebuck « Pops » Staples, qui avait participé à Wattstax…

Guy Darol Oui. D’ailleurs, on n’aurait pas été surpris de retrouver Dee Dee à Wattstax. Mais, en 1972, elle chantait dans l’orchestre jazz de Thad Jones et Mel Lewis. Peut-être songeait-elle déjà à graver son album enregistré en 1974 et récemment réédité, Afro Blue, si parfumé de saveurs soul. Pourquoi imaginer sa présence au Los Angeles Coliseum ? Parce qu’elle n’aurait certainement pas dépareillé au côté de Carla Thomas, et que le programme était largement ouvert aux femmes. Kim Weston avait été la première à donner le ton du concert, en interprétant , l’hymne sacré des Africains-Américains dont la poétesse Maya Angelou avait fait un des symboles de la lutte pour les droits civiques.

 

Lors des soulèvements de 1919, les lynchages perpétrés par dizaines marquèrent funestement le début du XX e siècle…

Guy Darol Oui. Le retour sur le sol américain des soldats noirs de la Première Guerre mondiale pouvait laisser penser qu’il serait l’occasion d’un accueil célébrant leur bravoure. Tel ne fut pas le cas. Le Ku Klux Klan, nouvellement reformé, saisit cette opportunité pour se livrer à ses pratiques routinières qu’étaient le lynchage et l’immolation. Ce fut, en été 1919, l’origine du Red Summer qui allait allumer une trentaine de feux à travers le pays. Le 27 juillet, des suprémacistes blancs avaient violemment attaqué de jeunes Noirs venus se baigner dans le lac Michigan en leur jetant des pierres. L’un d’eux se noya sans que la police ne trouvât rien à redire. Les bourreaux étaient toujours exonérés.

Les cinq jours qui suivirent cette envolée de lapidations donnèrent lieu à de violentes échauffourées à l’issue desquelles 23 Africains-Américains perdirent la vie. Et, à la fin de l’été, 83 protestataires avaient été liquidés par le recours à la torture, jusqu’à la pendaison. Le chemin qui menait à Wattstax était rougi de sang. Le nombre incalculable des victimes de la terreur blanche pourrait recouvrir les artères de Washington. Sur une avenue menant à la Maison-Blanche, Muriel Bowser, la maire de Washington, a demandé, en juin dernier, à des artistes urbains de peindre le slogan Black Lives Matter en lettres capitales, pour réprouver la longue cohorte des brutalités policières.

Mardi de l'éducation populaire - Guy Darol: Wattstax, une fierté noire - 22 novembre à 18h au local du PCF Morlaix
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15 novembre 2022 2 15 /11 /novembre /2022 07:09
Mondial au Qatar, l'odieux du stade - L'Humanité, 5 novembre 2022
Mondial au Qatar, l’odieux du stade

Enquête La Coupe du monde de football débute le 20 novembre. Face à un événement que beaucoup dénoncent comme une aberration écologique bâtie sur un charnier d’esclaves, des voix contestataires s’élèvent en France et dans le monde et pour certaines, jusqu’au boycott.

Publié le
Samedi 5 Novembre 2022
Bilan carbone déplorable, droits humains et des travailleurs bafoués avec plus de 6 500 ouvriers morts, criminalisation des personnes homosexuelles, soupçons d’achats de voix pour obtenir le Mondial… le Qatar cristallise toutes les critiques, et le débat sur l’opportunité de regarder ou non la compétition ne cesse de se poser dans la société.

« Un scandale humanitaire ! »

Le témoignage d’Abdeslam Ouaddou, ancien international marocain ayant entre autres joué pour le SC Lekhwiya au Qatar, est à ce sujet édifiant. Ce petit émirat, il le connaît et sous ses plus mauvais côtés. Privé de visa de sortie, interdit de disputer un match, non payé, obligé de s’entraîner sous près de 50 degrés parce qu’il ne voulait pas rompre son contrat sans toucher des indemnités, le Franco-Marocain sait de quoi il retourne. Ce Mondial, « c’est un scandale humanitaire ! Quand j’étais là-bas, il y avait des morts presque tous les jours. Des ouvriers venaient à la mosquée pour avoir de l’eau, alors qu’il faisait une chaleur infernale. Les Qataris dépensent des milliards pour améliorer leur image et pour construire des stades, mais ils versent des salaires de misère, quand ils les versent, à des immigrés qu’ils font trimer sans se soucier des normes de sécurité et qu’ils logent dans des taudis. Ce n’est rien d’autre que de l’esclavage » ! Qu’a fait la Fifa pendant toutes ces années pour faire bouger les lignes ? s’est-il interrogé. Pas grand-chose.

Éteindre ma télévision pendant toute la Coupe du monde

En France, selon un sondage Odoxa pour Winamax et RTL, seulement 46 % des personnes interrogées ont l’intention de suivre le Mondial 2022 au Qatar. Un chiffre en net repli par rapport aux 66 % avant la Coupe du monde 2018 en Russie. Selon ce même sondage, 78 % se disent préoccupées par la situation locale en matière de droits de l’homme et 77 % sont choquées par l’organisation de la compétition sous ce climat.

Fans de football, ils sont nombreux à dire non. Fabien Bonnel, membre fondateur des Irrésistibles Français, le groupe de supporters qui suit l’équipe de France, indique qu’une centaine de membres seulement feront le déplacement et beaucoup ne regarderont pas le tournoi. « C’est six fois moins qu’en Russie », dit-il et d’expliquer pourquoi : « Si j’y allais, je me suis dit que je célébrerais des buts dans un endroit où des ouvriers sont morts. J’ai donc décidé de condamner cette coupe. Mon action vise surtout la Fifa, afin que les enjeux sociétaux, environnementaux et humains soient bien pris en compte par la suite. Ma seule solution pour aller au bout de mes convictions, c’est d’éteindre ma télévision pendant toute la Coupe du monde. »

Mettre en avant les événements alternatifs au Mondial

Un acte citoyen loin d’être isolé. De nombreuses villes ont décidé de ne pas diffuser les matchs sur écrans géants. Besançon, Brest, Bordeaux, Clermont-Ferrand, La Courneuve, Limoges, Lyon, Marseille, Nancy, Paris, Reims, Rennes, Rodez, Saint-Étienne, Strasbourg, Tours, Lille et tant d’autres disent stop. Dans la capitale nordiste, Martine Aubry n’y va pas par quatre chemins : « C’est un non-sens au regard des droits humains, de l’environnement et du sport. » Un non-sens partagé par de jeunes Lillois, qui ont créé un site, Ramener la coupe à la raison, recensant tous les bars qui ne diffuseront pas les rencontres : « L’objectif n’est pas d’appeler ouvertement au boycott, mais de mettre en avant les événements alternatifs au Mondial, organisés par ceux et celles qui ont choisi que nos valeurs soient respectées », précise Antonin Lefebvre, porteur du projet.

Dans le monde politique, des voix très critiques se font entendre au sein des principaux partis de la Nupes (EE-LV, PS, FI et PCF), certaines appelant même au boycott, contrairement à la droite et l’extrême droite qui estiment que c’est désormais trop tard. « Si j’étais footballeur professionnel, je ferais le choix de ne pas aller à la Coupe du monde au Qatar », a déclaré Fabien Roussel, mi-septembre, rappelant qu’« il y a des milliers de morts sous les chantiers de la Coupe du monde au Qatar ; une gabegie de dépenses pour avoir des stades climatisés alors que nous parlons d’environnement, et (que) le Qatar est un pays qui criminalise toujours l’homosexualité ».

Les responsabilités de la Fifa et des États

L’équipe de foot et association les Dégommeuses, majoritairement composée de lesbiennes et de personnes trans, dont l’objectif est de lutter contre les discriminations dans le sport et par le sport, préfère, elle, dénoncer la responsabilité de la Fifa, plutôt que d’appeler au boycott. « On est évidemment contre l’organisation de ce Mondial, étant donné le contexte des droits des travailleurs et des droits humains, la question écologique ou la criminalisation des personnes LGBT au Qatar, explique Veronica Noseda. Mais, pour nous, ce qui importe, c’est de pointer les responsabilités de la Fifa et des États, je pense notamment à la France qui a bien œuvré pour que le Qatar soit le pays hôte. On ne veut pas culpabiliser les fans de foot. » D’autres voix commencent à s’élever dans le milieu sportif. « Je trouve déplorable que le sport passe au-dessus de toutes ces considérations humaines, politiques et environnementales ! » lance le cycliste français Romain Bardet, qui ne regardera pas la Coupe du monde.

Des artistes prennent position

Dans « la Nouvelle République », David Giguet, entraîneur de Contres, club du Loir-et-Cher de Régional 1, estime pour sa part que ce Mondial sort « du cadre footballistique. Il y a des problèmes écologiques mondiaux. Ça ne ressemble à rien, ça n’a aucun sens. Je ne sais même pas si je vais le regarder ».

Certains artistes prennent également position. « Je ne vais pas le suivre, évidemment », a fait savoir l’écrivaine interviewée dans « So Foot », Virginie Despentes, s’indignant du cynisme de la Fifa : « Comment ont-ils pu imaginer que personne ne remarquerait rien ? » Le rappeur Médine n’en sera pas non plus. « D’habitude, je suis toutes les Coupes du monde, mais celle-ci a un petit goût amer, a- t-il expliqué sur RMC Sport. (…) Je ne vais pas faire semblant, comme si de rien n’était, alors que je sais qu’il y a des Indiens, des Philippins, des Sri-Lankais qui ont versé du sang pour le plaisir de l’humanité. C’est assez glauque, quand même. »

Un site Facebook Boycott Qatar 2022

Sur les réseaux sociaux, les initiatives ne manquent pas. Fan de football, abonné à l’OM, l’avocat Alain Baduel, basé à Aix-en-Provence, a créé la page Facebook Boycott Qatar 2022. Véritable baromètre de ce mouvement de fond qui monte dans la société, elle est suivie par près de 10 000 personnes et son audience ne cesse de grimper. « L’argument qui consiste à dire : “C’est trop tard pour le boycott” n’est pas valable ! Le spectateur ne décide pas d’aller voir un spectacle douze ans avant qu’il soit à l’affiche, gronde-t-il. C’est lorsqu’il est à l’affiche qu’il se décide, et c’est donc maintenant que les téléspectateurs ont une décision à prendre. » Sa page, ouverte à tout le monde, même ceux qui n’ont pas de compte Facebook, met à disposition les enquêtes de journalistes et des documents. « Je n’ai pas l’ambition d’être le porte-parole du boycott mais un catalyseur, dit-il. J’invite les gens à réfléchir en partageant des outils qui permettent la réflexion. Une vraie conscience citoyenne est en train de se développer. On parle quand même de 6 500 travailleurs morts. Ça fout la nausée. »

« Saint Nicolas plutôt qu’Adidas, pain d’épice plutôt que Fifa »

À l’étranger aussi, le boycott prend de l’ampleur. Chez nos voisins allemands, sur le site boycott-qatar, qui a réuni les signatures d’une centaine d’associations sportives et de milliers de supporters, la devise est la suivante : « Saint Nicolas plutôt qu’Adidas, pain d’épice plutôt que Fifa. » En Belgique, Bruno Ponchau, « écœuré par la dérive totale du football menée par la Fifa », a créé son groupe Facebook au nom évocateur « Hérésie Qatar », dont certaines pages comptabilisent plus de 10 000 vues. Sa commune, Tournai, a annulé la fan-zone et ne retransmettra pas les matchs des Diables rouges, comme plus d’une dizaine de villes, dont Bruxelles, à travers le pays.

Reste une question : que vont faire tous ces fans de foot à travers l’Europe au lieu de suivre la compétition ? Bruno Ponchau a la solution : « Plutôt que de s’ennuyer chacun dans son coin les soirs de match, on a décidé de favoriser la convivialité. À chaque rencontre, on va organiser des apéros, des fêtes, pour que ce soit militant et festif en même temps ! »

Agir autrement : Le camp des pragmatiques

Ils veulent utiliser la mise en lumière du Mondial au Qatar pour décrire la réalité sur place et susciter ainsi des avancées sociétales. Rencontre avec celles et ceux qui ne croient pas à l’efficacité d’un boycott.

Dans le débat passionné sur le boycott autour de la Coupe du monde au Qatar, ils n’occupent pas vraiment la place la plus confortable. Pour eux, qu’importe, il ne s’agit pas de la meilleure solution pour protester contre les conditions d’organisation de cette compétition. « C’est une mauvaise réponse, explique le philosophe, journaliste et auteur Thibaud Leplat. En philosophie, on appelle les belles âmes ceux qui détournent le regard, qui préfèrent l’éthique de conviction à l’éthique de responsabilité. C’est une position maximaliste et pour ne pas dire naïve sur ce qu’est le réel des grandes organisations sportives et de la géopolitique. Le boycott est une sorte de fuite. Je préfère l’éthique de responsabilité qui consiste à regarder la réalité en face et avoir un effet dessus. »

Un pragmatisme que défend aussi Sharan Burrow, secrétaire générale de la Confédération syndicale internationale. « Il y a eu des progrès incroyables, dit-elle. L’application de ces progrès reste un défi pour le gouvernement qatari, pour l’Organisation internationale du travail ainsi que pour nous, mais les lois existent. Notre message aux fans est : allez à la Coupe du monde et voyez par vous-même. Si vous voyez quelque chose de préoccupant, signalez-le. Et aidez-nous ensuite à faire pression sur les autres États du Golfe pour qu’ils se conforment aux mêmes standards. »

À l’image d’Amnesty International, les ONG n’appellent d’ailleurs pas au boycott. « Notre choix est de nous servir de l’attention suscitée par la Coupe du monde pour chercher à obtenir des changements pour la protection et le respect des droits des travailleurs migrants, indique l’ONG. Le Qatar veut profiter de cet événement sportif pour redorer son image et vendre un paysage de rêve aux supporters et au monde entier. Il est essentiel de combattre cette image en dénonçant l’envers du décor de l’organisation du Mondial. »

L’ancienne ministre des Sports Marie-George Buffet va plus loin. « Bien sûr qu’il faut dénoncer tous les problèmes que soulève l’organisation de cette Coupe du monde, mais c’est insuffisant, souligne-t-elle. On assiste à une instrumentalisation du sport par des États rétrogrades et totalitaires qui se portent candidats pour des raisons de rayonnement géopolitique et ça va se multiplier. Je fais une proposition : pourquoi ne pas imaginer que, demain, ce soit une fondation indépendante, cogérée et cofinancée comme l’Agence mondiale antidopage par le mouvement sportif international et par les États, qui décide de l’attribution des grands événements sportifs ? Une fondation avec des principes intangibles sur les droits humains, sociaux, l’environnement, etc. Ayons le courage de promouvoir cela ! »

JOEL SAGET / AFP

« Il faut s’attaquer à ceux qui attribuent ces grands événements »

Pour Vikash Dhorasoo, ancien joueur de l’équipe de France, il est temps que les footballeurs s’unissent et soient représentés afin de devenir les acteurs de l’attribution des coupes du monde. De l’importance de jouer également collectif hors du terrain.

Une partie de la société se mobilise à l’heure actuelle pour demander le boycott de la Coupe du monde qui va avoir lieu au Qatar. Cela peut-il avoir un impact ?

Il y a eu des positions politiques ces derniers temps que je trouve bien tardives. Depuis 2010, on sait que ce sera là-bas et c’est seulement maintenant que l’on s’affole sur les problèmes écologiques, sur les droits sociaux non respectés et toute autre forme de discriminations. Mais je le dis et le répète en permanence : il faut s’attaquer à ceux qui attribuent ces grands événements sportifs.

Parlons des joueurs. Quels types d’actions peuvent-ils mener de leur côté ?

Je sais que c’est difficile pour eux, mais il est possible de prendre position, en le faisant de manière collective. À chaque fois que les footballeurs s’organisent, ils obtiennent gain de cause. Lorsque les joueuses américaines portent plainte pour obtenir l’égalité des salaires, elles gagnent contre leur fédération. Lorsque les joueurs de l’équipe de France demandent collectivement la révision des droits à l’image, ils remportent leur combat contre la Fédération française de football (FFF). Les footballeurs sont importants dans ce système. Ce sont eux qui travaillent et apportent de la valeur au spectacle. Si ces derniers avaient la possibilité d’être consultés, ils pourraient ne plus avoir à se retrouver dans cette position où on leur demande individuellement de dire s’ils sont pour ou contre le boycott. S’ils veulent agir, à eux d’aller truster les postes influents. Il faut monter des listes pour être dans le débat des fédérations, des instances internationales. Il faut qu’ils soient représentés.

Ne le sont-ils pas ? N’existe-t-il pas des syndicats ?

Je pense qu’il ne faut pas compter sur celui qui est en place en France – UNFP – et en créer un autre. J’ai moi-même été syndiqué toute ma carrière et, au moment où j’ai été licencié, il n’y avait plus personne. Ce syndicat ne soutient pas les footballeurs, ne les protège pas. On l’a vu récemment sur les propos racistes et homophobes, je n’ai pas entendu une seule prise de parole de sa part.

Mais alors, comment réformer ces instances et avec qui ?

On ne peut pas réformer ces instances. La seule chose à faire est d’en sortir et de créer autre chose pour bousculer ce vieux monde qui ne bouge pas. Dans les statuts de la FFF, l’un des premiers points est la lutte contre toutes les discriminations et les inégalités. Mais quand on pose une question au président Noël Le Graët sur l’homophobie, le racisme ou le sexisme, ses réponses sont nulles. Sur les droits sociaux au Qatar, c’est mauvais aussi. Ce monsieur aurait dû partir depuis longtemps face à de telles positions ou non-dits. Gagner la Coupe du monde est finalement un détail dans tout cela. La FFF gère le football de masse, pas seulement l’équipe de France. Enfin, quand on voit au niveau international que les présidents de la Fifa ou de l’UEFA sont réélus sans opposition, cela interroge. Gagner beaucoup d’argent est plus important pour eux que de développer le football ou de créer du lien social.

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