Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
20 mai 2014 2 20 /05 /mai /2014 11:31

L’Europe était une belle promesse d'affirmation de valeurs humanistes, de dépassement des chauvinismes par des échanges internationaux plus réguliers et une meilleure connaissance et compréhension réciproque, de rattrapage des pays européens les moins développés, de coopération à tous les niveaux entre des peuples jadis opposés par l'histoire, d'harmonisation par le haut des législations sociales, de préservation d'un modèle social globalement plus protecteur et égalitaire sur le vieux continent que partout ailleurs, de contrepoids à l'hégémonie américaine et à son modèle économique pro-capitaliste, de construction d'un modèle de transition écologique.

Comme beaucoup, nous y avons cru, et nous voulons toujours la construire, cette Europe démocratique et sociale des peuples, car la nostalgie du repli sur les frontières nationales est une fausse solution, probablement à contre-courant de l'histoire, même si les peuples sont de plus en plus désanchantés vis à vis de l'Union Européenne. Et on peut les comprendre... 

En effet, quel triste spectacle nous offre l'Union Européenne depuis trois décennies! Acte Unique imposant la politique de rigueur et la priorité à la lutte contre l'inflation en 1986 sous l'impulsion de Jacques Delors, une mise en place de l'euro et un élargissement précipités qui l'ont réduit au rôle de grand marché concurrentiel et d'instrument de discipline économique ultra-libérale ! La privatisation du secteur de l'énergie, des télécommunications, le démantèlement de la Poste, du fret ferroviaire public, et bientôt l'ouverture à la concurrence des TER.

1600 migrants meurent chaque année en tentant de gagner les rives de la survie et de l'espoir en Europe. L'Europe de la libre circulation des capitaux et de la mise en concurrence généralisée des travailleurs protège ses frontières extérieures derrière les barbelés et les dispositifs policiers de Schengen, mais elle ne protège surtout pas les classes populaires, les salariés, les retraités, mis à la diète et livrés en pâture aux intérêts du grand capital qui ne jure que par la suppression des dispositifs de protections sociales et des services publics, par la baisse du coût du travail.

Gouvernements élus contraints à la démission et remplacés par des technocrates sans légitimité démocratique mais choisis par la Finance (en Grèce, Lucas Papadamos, ancien banquier central ; en Italie, Mario Monti, ancien commissaire européen et président d'un think tank pro-patronal, conseiller de Goldman Sachs et Coca Cola ) ; toute-puissance d'une institution hors de contrôle démocratique (BCE dirigée par Mario Draghi, un autre ancien de Goldman Sachs) ; effacement du rôle du Parlement Européen ; Commission Européenne devenue avec Barroso le pro-consul de l'empire des intérêts marchands ; annulation de référendums ou encore intrusion du secteur privé et des multinationales au cœur de la prise de décision politique, ce que nous pouvons encore observer récemment avec les négociations secrètes et opaques du Traité Grand Marché Transatlantique...

L'Europe telle que nous la connaissons n'est plus qu'un instrument au service de réactionnaires qui ne rêvent que de détruire les conquêtes sociales du mouvement ouvrier. Seule la rupture avec ses Traités et ses normes de bonne gouvernance peut relancer l'efficience de la démocratie, l'emploi et le partage des richesses.

En juillet 2008, alors que s'ouvrait la présidence française du Conseil de l'Union européenne, Nicolas Sarkozy rappelait, devant les cadres de l'UMP, les vertus du processus d'intégration européenne : « Imaginons un peu ce qu'il serait advenu de la France et de son débat politique, lorsque nous avions des ministres communistes et des dirigeants socialistes au gouvernement de la France... Heureusement qu'il y avait l'Europe pour empêcher ceux-ci d'aller jusqu'au bout de leur idéologie et de leur logique. C'est aussi cela, l'Europe ! » Disons-le tout de go, depuis le Traité de Rome de 1957, mais plus encore depuis le Traité de Maastricht de 1992, c'est surtout cela. Une machine anti-égalitaire !

Chacun voit que l'Europe sert depuis des années d'alibi à les politiciens nationaux pour des politiques de régression sociale prétendument imposées par des contraintes extérieures, qu'elle est dirigée de manière parfaitement anti-démocratique par un Conseil des chefs d'états donnant mandat sans en avoir reçu eux-mêmes des peuples, une Commission Européenne constituée de dirigeants cooptés et non élus et une Banque Centrale gardiennes de l'orthodoxie libérale tandis que le Parlement que nous allons renouveler le 25 mai prochain n'est là dans une large mesure que pour amuser la galerie, réduit à un rôle de faire-valoir.

Depuis l'annulation du référendum de 2005 sur le Traité Constitutionnel Européen, le refus des gouvernements français et hollandais de tenir compte du vote des citoyens et la ratification du Traité de Lisbonne en 2007, nous le savons : les peuples de l'Union Européenne sont dépossédés de leur souveraineté avec le type d'institutions et de politiques européennes qu'on leur impose. Ce à quoi nous assistons depuis 20 ans n'est malheureusement que le raidissement d'une pente suivie dès les premiers pas.

La construction européenne s'est faite sous l'influence des lobbies industriels et financiers et de quelques technocrates et dirigeants libéraux à leur service, comme Jean Monnet, qui a fait ses armes dans le milieu de la Finance américaine et a toujours professé son mépris de la démocratie sociale. Elle s'est faite sans les peuples et contre les intérêts des salariés européens, pour réduire l'emprise de la souveraineté des peuples sur les décisions économiques et sociales, mettre en concurrence les systèmes sociaux et fiscaux, libéraliser les entreprises et les services publics, ouvrir toujours plus de champ de l'activité sociale aux appétits capitalistes.

Depuis la mise en place de l'euro en 1999, à cause des règles de discipline économique contenues dans le Traité de Maastricht de 1992, les États sont astreints à considérer que la priorité des priorités est la réduction des déficits, donc, en période de croissance faible, le moins d’État.

Ils n'ont plus d'outil monétaire pour accompagner une politique industrielle, une politique de relance au service de l'emploi. Le seul remède proposé à la hausse du chômage est la course à la flexibilité et à la baisse des salaires. L'euro fort a favorisé les intérêts des retraités et des rentiers allemands, pas celui des activités industrielles françaises. Si l'industrie allemande a pu prospérer, c'est au prix d'une réduction brutale des salaires et des protections des salariés, son dynamisme à l'exportation à pour envers un dumping social éhonté.

Dans les pays du sud de l'Europe, le passage à l'euro s'est traduit par un affaiblissement de l'appareil productif, une illusion de prospérité, un boom des investissements liés à la spéculation immobilière et une explosion de l'endettement des ménages.

Les dérives de l'économie financière américaine et européenne ont conduit à fragiliser ces États, dont la dette est devenue objet de spéculation en 2009 après la crise des subprimes de 2007-2008 : les banques ont voulu récupérer leurs pertes en mettant les États à genoux, ce qui a été possible dans la mesure où la BCE se refusait à racheter de la dette publique ou à prêter directement aux États. Comme il était évident que les États grecs, italiens, espagnols, portugais ne pourraient rembourser leurs dettes aux banques françaises, allemandes, autrichiens et que l'on considérait que ces banques étaient trop grosses pour sombrer, les chefs d’État européens ont choisi de sécuriser les prêts bancaires par des aides aux États attaqués par les marchés et les agences de notation en leur versant des aides par tranche en échange d'engagements à la purge sociale dignes de ceux imposés par le FMI aux États du Tiers-Monde dans les années 1980-1990. 1000 milliards d'euros de prêts à trois an consentis pour sauvegarder la solvabilité des pays du Sud et éviter des attaques spéculatives sur les dettes d'autres pays comme la France, sommes qui ont profité essentiellement aux institutions bancaires.

Le résultat des contreparties exigées pour ces pseudo « aides », cela a été partout 30 à 40% de chômeurs, de pauvres, la récession, la baisse des recettes fiscales et, partant, l'augmentation de l'endettement.

L'austérité ne marche pas : qu'importe, elle a moins la vertu de servir les intérêts financiers.

Les chefs d’État européens, sur proposition de la Commission Européenne, l'ont donc imposé à tous en échange du Fonds de stabilité Européen visant à mutualiser les dettes, sous la forme du Traité Budgétaire Européen (TSCG), autrement appelé en France pacte Merkel-Sarkozy, que Hollande s'est empressé de ratifier sitôt son élection passée, sans y changer une virgule malgré ses engagements. Le PS et les VERTS au Parlement ont voté sans rechigné ce TSCG qui a pour traduction la politique de baisse des dépenses sociales et publiques de 50 milliards en France d'ici 2017, avec une augmentation considérable des inégalités à la clef.

Désormais, les budgets des Parlements Nationaux doivent forcément contenir leurs objectifs de baisse des dépenses sociales et publiques, de flexibilisation du marché du travail, et peuvent subir la censure de la Commission Européenne. En cas de déficit et d'endettement jugés excessifs, les représentants élus des peuples perdent tout bonnement leur souveraineté en matière de politique économique et sociale. La Commission Européenne se comporte alors comme un huissier, réclamant la vente et la liquidation de biens nationaux au profit des intérêts privés.


L'Europe est devenue un autoritarisme trans-national au service du capitalisme.

Elle peut être autre chose : un agent de sécurisation de l'emploi, de solidarité et de relance de croissance. Il faut abolir le Pacte de croissance et de stabilité, le Traité de Lisbonne et le TSCG ou en sortir de manière unilatérale, en misant sur la contagion et des partenariats pour construire autre chose. Il faut modifier les statuts de la BCE pour lui permettre de prêter aux États membres, effacer une partie de la dette des pays du sud de l'Europe, de toute façon objectivement non remboursable. A condition qu'il soit davantage contrôlé par un Parlement Européen au fonctionnement démocratisé, il est souhaitable d'augmenter le budget européen pour permettre des transferts significatifs vers les pays pauvres, le soutien à une politique de relance par l'investissement dans les secteurs innovants, la transition écologique et la solidarité. Enfin, une politique protectionniste aux frontières de l'Europe et un salaire minimum européen permettraient de contenir les différentiels de compétitivité et de réduire les inégalités.

 

Il est urgent de donner un contenu social et démocratique véritable à l'Union Européenne, qui jusqu'à présent s'est construite sans ou contre le consentement des peuples, et qui aujourd'hui sert surtout de repoussoir et d'argument électoral des extrêmes-droite à l'offensive. Il est douteux que les élections européennes du 25 mai parviennent à changer significativement le rapport de force à l'intérieur de l'UE et du Parlement Européen – les conservateurs et les socio-démocrates convertis au néo-libéralisme continueront à tenir le haut du pavé, malgré une probable poussée de l'extrême-droite nationaliste et populiste.

 

 

Il est important que le groupe du PGE piloté par le dirigeant grec de SYRISA Alexis Tsipras puisse gagner de nouveaux sièges de députés pour donner le signe d'une attente forte d'une autre Europe au service des travailleurs et des moyens de dénoncer les dérives anti-démocratiques et anti-sociales déjà programmées, tout comme de faire des contre-propositions progressistes. Mais, ne nous faisons pas d'illusion, seules les mouvements de mobilisations citoyennes et les mouvements sociaux dans les pays européens sous la botte de cette politique inepte pourront changer réellement le cours des choses, en créant des dynamiques électorales pour la vraie gauche dans des pays soumis depuis des années à la Pensée Unique pro-libérale, en dépit des alternances.

 

Ismaël Dupont

 

Unknown.jpeg

Partager cet article
Repost0

commentaires

Présentation

  • : Le chiffon rouge - PCF Morlaix/Montroulez
  • : Favoriser l'expression des idées de transformation sociale du parti communiste. Entretenir la mémoire des débats et des luttes de la gauche sociale. Communiquer avec les habitants de la région de Morlaix.
  • Contact

Visites

Compteur Global

En réalité depuis Janvier 2011