L'éditorial de Jean-Paul Piérot (Journal l'Humanité du mercredi 12 Février).
"Quand on parle d’un billet gratuit pour des enfants de cheminots, on oublie les trente milliards de cadeaux consentis au grand patronat dans la corbeille du mal nommé pacte de responsabilité.".
Avec la Cour des comptes on n’est jamais surpris. Sous un air de défenseur sourcilleux des budgets de la République, drapé de toute la solennité qui sied à sa haute fonction, le président Didier Migaud admoneste toujours du même côté. Les petits en prennent toujours trop à leur aise. On se souvient qu’il y a quelques mois la vénérable institution s’était émue de la trop grande prodigalité dont ferait preuve notre système de protection sociale en matière de remboursement des frais ophtalmologiques. En clair, les myopes seraient budgétivores. Qui donc allait être blâmé dans son nouveau rapport annuel, rendu public hier ? C’est sur les cheminots que la Cour a décidé de jeter l’opprobre. Pensez donc, ces nantis bénéficient de l’insigne privilège de permis de voyages pour eux-mêmes et leurs familles ! Et ce scandale dure depuis 1938, quand fut nationalisé le transport ferroviaire dans la foulée du Front populaire ! Voilà l’origine de la gabegie qui grève nos dépenses publiques ! Que n’y avions-nous pas pensé ? Merci à la Cour des comptes d’avoir eu la clairvoyance de désigner une fois de plus les vrais responsables de nos déficits.
Bien sûr, ce n’est pas sérieux, quoi que assez offensant à l’égard de salariés pour lesquels les permis de voyage sont un avantage social modeste entrant dans leur contrat de travail. Mais en ciblant une catégorie de travailleurs exerçant dans un service public, les membres de la haute juridiction financière alimentent de fausses divisions dans le monde du travail. C’est un rideau de fumée pour brouiller les pistes. Quand on parle d’un billet gratuit pour des enfants de cheminots, on oublie les trente milliards de cadeaux consentis au grand patronat dans la corbeille du mal nommé pacte de responsabilité.
Les magistrats de la rue Cambon estiment qu’il pourrait manquer cette année jusqu’à six milliards d’euros de recettes fiscales et que le déficit de 2013 s’avère plus important que les 4,1 % prévus actuellement. Les prévisions pour 2014 ne laissent pas d’inquiéter tant sur le niveau de l’emploi dans le secteur privé que des salaires, ce qui pèsera à nouveau sur les rentrées fiscales. Sombres perspectives face auxquelles le gouvernement, appuyé en cela par la Cour des comptes qui en réclame toujours davantage, n’entend répondre que par la compression des dépenses publiques, en d’autres termes par une dégradation des conditions de fonctionnement de la société. L’obsession de la compression des dépenses hypothèque fortement les possibilités de conduire une stratégie de redressement industriel.
La protection sociale et les dotations aux collectivités locales sont dans le collimateur des juges en orthodoxie financière qui encouragent le gouvernement à aller au-delà des cinquante milliards d’euros de réductions de dépenses publiques annoncées de 2015 à 2017. Ainsi la France est entraînée dans une spirale de la régression, dont elle ne pourra s’extraire que par un changement de cap, vers la gauche. Un large champ de convergences ne pourra être déblayé que dans le débat entre tous ceux qui croient qu’une alternative est possible. Au Front de gauche bien sûr, mais aussi chez les écologistes et au sein même du Parti socialiste où dans son aile gauche des voix contestent la voie de l’impasse sociale-libérale tracée par le gouvernement et la Cour des comptes.
La fable des Cheminots nantis remises au goût du jour. Dans son rapport la cour des comptes pointe « les facilités de circulation » des salariés de la SNCF. Des « avantages en nature » que la SNCF, en dehors des cheminots, de leurs conjoints et de leurs enfants, étendrait aux « parents et grands-parents, voire arrière-grands-parents des salariés et de leurs conjoints ». La cour estime ainsi que « plus d’un million de personnes bénéficient de ces facilités, dont seulement 15% de salariés de la SNCF » et chiffre le manque à gagner entre 50 et 100 millions d’Euros par an. »La cour des comptes tente de faire passer les cheminots pour des nantis réagit Pascal Poupat de la fédération CGT des cheminots, qui « dénonce les économie de bout de chandelle et explique que « les enfants jusqu’à 21 ans et les conjoints bénéficient de 16 voyage par an, les parents de 4 voyages par an, et qu’en aucun cas grands-parents et arrière-grands-parents ». |
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