Le Front de Gauche a rencontré samedi 18 juillet dans l'après-midi des représentants de l'association de défense des intérêts des habitants de Troudousten et Coatserho opposée au projet immobilier porté par la municipalité à l'emplacement de l'ancienne école de Troudousten.
L'entrevue a duré 1h30 environ. Pour le Front de Gauche, c'était Pierre Le Steun, Alain David, Ismaël Dupont, Yves Abramovicz, Michèle Abramovicz, Françoise Kéruzoré qui représentaient la liste « Un bien vivre partagé à Morlaix ». L'association de défense des intérêts des habitants de Troudousten était représentée par trois personnes.
Voici les enseignements que nous tirons de cette rencontre et de notre propre réflexion collective:
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Le projet immobilier de Troudousten qui prévoit aujourd'hui l'installation de 44 logements à la place de l'ancienne école qui serait détruite est clairement sur-dimensionné et n'a été précédé d'aucune étude urbanistique sur l'impact global qu'il aura sur le quartier et les aménagements à prévoir. Ce projet ne contient aucun plan de circulation afférent. Or, c'est un quartier où la circulation est déjà difficile avec des rues étroites qui se croisent à la perpendiculaire et où le stationnement est déjà malaisé. C'est un projet de construction plus qu'un projet d'urbanisme: il y a eu aucune étude préalable sur ce qui se passe dans le quartier (circulation, dynamique démographique et besoins des habitants, desserte transport public).
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Ce quartier de Troudousten a beaucoup perdu en vitalité avec la disparition de l'école, décidée par la mairie socialiste dans les années 2000, contre la volonté des élus communistes (une école qui avait 120 élèves en primaire, 60 en maternelle, qui accueillait beaucoup d'enfants de la Vierge Noire et garantissait une mixité sociale comme l'animation du quartier). De nombreuses maisons sont à vendre et ne trouvent pas d'acquéreur. Ce qui manque essentiellement à ce quartier, c'est la présence de commerces de proximité. Or, est-ce raisonnable de construire de l'habitat collectif neuf hors proximité avec les commerces du centre-ville ou des quartiers et zones périphériques sachant que les jeunes couples préfèrent les maisons individuelles et que les personnes âgées ont besoin de logements proches des commerces et si possible de plain-pied? Les membres de l'association se sont positionnés clairement dans une préférence pour l'habitat individuel (quelques petites maisons) qui peut s'entendre au regard de l'aspect du quartier.
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La saturation liée à la circulation automobile trop dense dans le quartier de Troudousten, qui n'est pas vraiment prévu pour l'absorber, comme l'absence de commerce de proximité et d'espaces de vie sociale, peut continuer à dévaloriser le quartier, à l'inverse de l'effet ouvertement recherché. Il y a un vrai problème de manque de dynamisme démographique et même de perte d'habitants à Morlaix, problème qui se répercute sur la pression fiscale et les capacités d'investissement de la ville. Le manque d'adéquation du logement disponible à la demande, même si le nombre de logements vides est important, est une des données du problème, avec le poids de la pression fiscale, la concurrence des communes périphériques et le manque d'emploi sur Morlaix. Mais un tel projet ne nous paraît pas vraiment de nature a aller dans le bon sens pour résoudre ces problèmes d'attractivité de l'offre de logement.
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En réalité, il s'agit d'une opération purement financière de la ville qui récupèrerait 230 000 € en vendant une école historique dont elle voulait se débarrasser pour ne plus en assumer les frais et parce qu'elle ne voulait pas lui trouver d'emploi. La cession des terrains à la société Aiguillon construction s'est faite à un prix modique et la ville de Morlaix a laissé tout loisir à ce promoteur immobilier de concevoir le projet de construction de manière à ce qu'il soit le plus rentable possible, et pour cela il fallait qu'un maximum de logements soit construit et qu'on ne se contente pas de faire des pavillons (qui ont davantage la préférence de la population) mais de l'habitat collectif (alors que de nombreux appartements sont vides à la Vierge Noire, à Kerfraval, à La Boissière, sans parler du centre-ville, où c'est la catastrophe...).
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On peut imaginer que les propriétaires qui vont acheter ces logements y verront également surtout un intérêt financier de défiscalisation et il n'est pas certain du tout que tous ces logements trouvent preneurs à la location sur la durée. En présentant les choses un peu brutalement, on pourrait dire que ces logements s'apparentent à des produits fiscaux pour des propriétaires-bailleurs. Plutôt que de rester prisonniers d'une logique financière à courte vue, il aurait fallu protéger les habitants résidant déjà dans le quartier et les futurs occupants des logements construits à l'emplacement de l'école d'une surdensification de population résidente et passante dans cette partie de Troudousten enclavée par des ruelles et rues étroites.
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Le fait que dans l'actuel projet de construction, une voie traverse les logements, une voie potentiellement empruntable par tous les habitants du quartier pour relier la rue Jean de Trigon et la rue du Maréchal Foch est un danger pour les futurs habitants, particulièrement les enfants. Il aurait fallu prévoir un cheminement piéton entre deux impasses pour prévoir la liaison de ces logements à partir des deux rues et empêcher que cela devienne un lieu de passage.
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Ce complexe de logements n'est pas auto-suffisant en places de parking. Les parkings prévus à côté de ces logements sont insuffisants. Cela veut dire que les locataires et propriétaires de ces logements vont garer leurs voitures dans des rues déjà saturées et souvent sans trottoirs et sur les emplacements (12 au lieu de 16 initialement prévus) destinés à la maison de quartier de Troudousten.
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Les 3 parcelles où se trouve cette salle commune (265 – 266 - 421) , dont la majorité municipale a garanti qu'elle serait conservée et resterait dans le domaine public, seront néanmoins vendus à Aiguillon Construction. Quelles garanties que la maison de quartier à caractère inter-générationnel qui anime le quartier soit conservée sur la durée même si pour l'instant il n'est pas question de la céder ou de la détruire (elle reste communale)? Le projet immobilier supprime déjà des espaces verts où avaient lieu toutes les fêtes de quartiers (circuit d'eau des bateaux pop-pop, montage de tentes de restauration, jeux...). Ce point doit inspirer une vigilance toute particulière: un quartier sans espace de vie collectif est un quartier dortoir qui vit moins bien.
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L'espace herbé de 180 m2 qui a été rajouté dans la deuxième ou troisième version du projet est d'importance ridicule, appartiendra à Aiguillon Construction et il n'y a pas de garantie que les habitants du quartier pourront y jouer et y circuler. Demain, l'espace pourra tout à fait être grillagé et inaccessible pour les riverains si on en décide ainsi.
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Le plus grave dans cette affaire est la manière dont Agnès Le Brun et son équipe ont baladé les habitants du quartier. Un premier projet architectural présenté si évidemment mauvais qu'on était sûr qu'on présenterait un second projet en faisant croire qu'on avait tenu compte des remarques critiques des riverains. Une présence à la première réunion de quartier convoquée sur le sujet où Agnès Le Brun et Bernard Guilcher s'étaient engagés à tenir les habitants régulièrement au courant de l'état d'avancement du dossier et à tenir compte de leurs interrogations et remarques, puis plus rien... Aucune information, aucune discussion, aucune participation. Une communication manipulatrice dans la presse et le « Morlaix Mag' » faisant passer ce projet de construction pour un projet social et les riverains, soit comme des gens convaincus par les évolutions positives du projet, soit comme des opposants irréductibles attachés à leurs seuls intérêts particuliers … alors qu'il est bien question d'intérêt général du quartier et de Morlaix. Un avancement du projet sans aucune transparence ni co-élaboration avec les habitants, avec souvent des informations erronées qui ont été transmises, en contradiction avec les plans d'Aiguillon Construction. Cet aspect là est sans doute le plus grave car il traduit un autoritarisme réel, un manque de considération des exigences démocratiques les plus élémentaires.
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Et maintenant? Le conseil municipal a voté la vente des parcelles à Aiguillon Construction le 19 décembre et l'association a déposé un recours de contestation contre le permis de construire qui court jusqu'au 17 février. Au nom du principe de continuité des engagements pris, si l'acte de vente est signé avant les municipales, il sera difficile de revenir sur la vente à Aiguillon Construction. Pour l'instant, le dossier est à l'étude et, compte tenu de sa complexité, l'acte de vente pourrait mettre du temps à être signé.
Si la vente n'a pas lieu avant les municipales et que nous arrivons aux affaires, la Mairie pourra chercher à négocier une modification du projet de construction, une baisse du nombre de logements prévus, quitte à rétrocéder une partie de la somme accordée par Aiguillon Construction pour la vente des parcelles. Ce sera compliqué, nous ne nous en cachons pas. De toute façon, le problème de l'aménagement de ce quartier au niveau plan de circulation, commerce de proximité, desserte par rapport aux transports en commun, se posera, et notre équipe municipale s'y attèlera en prenant le temps de la concertation avec les habitants pour qu'ils puissent exprimer leurs besoins et ce qui dysfonctionne actuellement.
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