Alors, ces primaires? Démocratisation de la vie politique par une ouverture plus grande de partis à bout de souffle et à court de légitimité ou processus d'américanisation de la vie politique française et de marginalisation des autres partis de gauche que l'on cherche à transformer en satellites ou en sectes contestaires s'effaçant devant la grosse écurie gouvernementale qui parle aux français les yeux dans les yeux et leur demande d'arbitrer ses différences idéologiques mineures et ses conflits d'intérêts et d'ambitions internes?
Comment ne pas le reconnaître, il y a beaucoup d'électeurs de gauche, même très critiques vis à vis des choix et dufonctionnement du PS des dernières années ou décennies, qui s'intéressent à ces primaires, et se demandent s'ils vont aller y voter. On vous donne l'opportunité de juger qui à le profil le plus intéressant pour gagner face à la droite et qui conduirait en tant que président la meilleure politique au sein du parti qui à gauche a a priori le plus de chance d'amener un réprésentant au second tour des Présidentielles: c'est tout à fait normal d'être émoustillé par la perspective du choix et de commencer à s'intéresser aux débats des primaires, mêmez feutrés et poseurs. De là à se passionner pour la personnalité et les petites phrases de Martine, Manuel, François, Arnaud ou Ségolène, il y a peut-être un pas dificile à franchir, où alors il faut vraiment que de brillants commentateurs politiques nous prennent par la main...
En tant que simples citoyens, moi et mes amis, nous rêverions que le PS au pouvoir soit enfin de gauche et applique la politique de démondialisation, de transformation de l'Union Européenne, de protection des salariés et de combativité vis à vis du capital, que propose Montebourg... Sans parler de son mot d'ordre d'une 6ème République dont il ne parle plus guère, s'alignant peut-être sur le projet socialiste qui conserve un statut quo favorisant chaque jour davantage le bipartisme et donc les intérêts partisans des socialistes.
Mais j'avoue que je n'y crois pas. Montebourg a démontré ses qualités de girouette opportuniste en passant au gré de ses intérêts personnels et de ses calculs d'un camp à l'autre du PS, de la gauche anti-libérale au soutien à Ségolène Royal. Il cherche surtout dans ce contexte un positionnement tactique qui lui permet d'exister et de continuer à faire parler de lui. Il essaiera peut-être d'arracher quelques promesses à Martine Aubry en monneyant chèrement ses 10 à 15%. Et encore... Un ministère lui suffira sûrement.
Faut-il alors jouer le "tout sauf Hollande" parce qu'il assume le choix de la rigueur budgétaire et de nouveaux sacrifices sociaux à faire au nom du retour à l'équilibre des comptes depuis qu'il se positionne sur une ligne centriste delorienne après avoir eu la mollesse et le sens du non-choix proverbiaux de cet état quand il était premier secrétaire du PS?
Mais, quoique que l'on puisse apprécier davantage sa cohérence et se plaire à imaginer une femme présidente, Martine Aubry offre t-elle vraiment des garanties pour mener une politique de gauche dans le cadre de la crise de la dette et d'engagements européens du PS qui vont avec une adhésion au principe de recherche de compétitivité dans le capitalisme mondialisé et celui, illusoire, d'une gestion travailliste ou sociale-démocrate à la papa de ce système capitaliste qui s'emballe et emporte les sociétés européennes dans la tourmente? Je ne le crois pas.
Sa majorité au PS est à l'origine d'un projet du Parti pour 2012 qui prévoit l'austérité bugétaire faute d'aller chercher l'argent là où il goinfre la minorité de priviligiés, n'envisage pas de tourner le dos au traité de Lisbonne, à la réforme des retraites, ni d'augmenter les salaires, de lutter contre le travail précaire, de revenir sur les déremboursements de médicaments et la réforme de l'hôpital ou de remplacer les centaines de milliers de postes supprimés par Sarkozy et ses sbires dans la fonction publique. Ce sont les insuffisances de ce projet socialiste, pour qui en a connaissance, qui doivent nous conduire à refuser de laisser croire, et donc de vouloir, que seuls les socialistes soient capables à gauche d'atteindre le second tour des présidentielles, et donc que leur candidat représente potentiellement toute la gauche.
Au Front de Gauche, nous avons l'ambition de rendre le pouvoir au peuple en commençant par le repolitiser et faire monter le niveau de ses exigences en faveur d'un changement de société émancipateur. Nous voulons que cette société de plus en plus dure, individualiste et inhumaine change vraiment et non pas simplement que les pauvres et les classes moyennes prennent moins de coups parce que Sarkozy, le représentant assumé de l'oligarchie, sera détrôné. Nous avons donc l'espoir et la volonté de passer à plus ou moins court terme devant les socialistes au premier tour des élections. Ceux-ci, même si leurs scores et leurs butins électoraux restent flatteurs du fait des institutions, du black-out des médias sur les alternatives et des logiques du pseudo-vote utile, ne suscitent guère la confiance et l'estime de la population, au niveau national du moins, et n'ont plus de projet historique à la hauteur des enjeux de la période. De plus, les dirigeants du PS, qu'ils soient des politiciens professionnels précoces ou bourgeois dotés d'un capital social, culturel, scolaire, qui les persuadent d'être nés pour gouverner, ont montré à de multiples reprises qu'ils faisaient corps avec le système et n'étaient nullement une menace pour les intérêts capitalistes.
L'avantage de leur primaire pour les socialistes, c'est que même les médias de droite ou de centre-droit se choisissent un champion au PS pour ne pas décevoir l'intérêt du public et renforcer le bipartisme tout en faisant croire qu'ils respectent la diversité des sensibilités politiques des lecteurs.
A défaut de DSK, et en pleine sarko-sinistrose, le Télégramme de Brest, soutiendrait Hollande..
Ainsi, y a dix jours, en page 3 du Télégramme du 19 septembre 2011, je lis un gros titre à rassurer papi et mamie "La compétence et la morale" et juste, en dessous, devinez qui apparaît avec l'air vraiment sérieux et chagriné d'avance pour nous qui allons, par "esprit de responsabilité", tout faire pour revenir à 3% de déficit dès 2013 (on est presque à 7% du PIB de déficit aujourd'hui) et appliquer le Pacte de Stabilité pour l'euro... Je vous le donne en mille: François Hollande en veste et cravette bleue, les lèvres fermées et le regard sévère de l'homme qui sait qu'il va nous dire quelque chose qui ne va pas plaire mais qu'on doit être capable d'entendre.
La légende: "Pour séduire les français en vue de la présidentielle, les candidats à l'Elysée ne pourront faire l'économie d'un discours sur la morale publique". Tant qu'il ne s'agit que d'un discours et d'un impératif de communication, tout va bien. Strauss Kahn avait, selon les raccourcis du Télégramme qui ne prétend s'appuyer que sur la rumeur publique, la compétence sans la morale. Hollande incarnerait-il la réconciliation de ces deux qualités si l'on en croit le raccourci inconscient qui se fait à la vue du titre et de la photo?
L'éditorialiste Christine Clerc, marque néanmoins certaines réserves dans l'article renversant de subtilité qui entoure la photo, où elle définit l'homme, très calculateur et ennuyeux malgré son sens de l'humour pince sans rire, en "bon élève de Jacques Chirac le Corrézien et de François Mitterrand le Charentais". Oh! tout de même, il n'a pas toutes les qualités François, puisqu'il promet 60000 créations de poste dans l'éducation nationale et pour Mme Clerc spécialisée en voyance, c'est sans doute le gros mensonge qui lui fera de gagner des chances d'être élu. Elle préfère néanmoins Manuel Valls qui ne sacrifie pas la vérité à la conquête du pouvoir.
Il y a deux jours, je reçois dans ma boîte aux lettres comme beaucoup de morlaisiens deux tracts du PS destinés à aller ensemble, l'un pour appeler à voter aux primaires socialistes, l'autre pour aller voter comme Marylise Lebranchu (députée), Richard Ferrand (Pdt du groupe PS à la région), Jean-Luc Fichet (Sénateur), Gwenegan Gui (vice président de la Région), Joëlle Huon (vice présidente du Conseil Général du Finistère), André Prigent (maire de Plougonven)...etc.
Car, me dit-on, le Finistère (il s'agit peut-être ici plutôt du Finistère qui compte vraiment) est avec Martine Aubry. Le texte commence par coutumière concession à la lamentation compassionnelle: "La République va mal et les français souffrent" pour se terminer sur un éloge de Martine Aubry "femme de gauche et femme d'Etat". On n'a pas jugé utile de dire ici que Martine Aubry a gagné ses brevets de pilote d'Etat par sale temps de crise financière en rappelant qu'elle a été n°3 de Péchiney avant de hanter les palais de la République.
Comment interpréter la forme significative de ce prospectus sans contenu ?
Appelle t-on le lecteur à se dire: "j'aime mon chef qui aime ce chef, donc je devrais aimer le chef que se reconnait mon chef"... ? "Les mauvais langues diront peut-être avec perfidie que l'on a constitué les comités de soutien en mode mineur que l'on voit s'étaler dans les communiqués publiés par les socialistes ces derniers jours dans les pages locales des quotidiens régionaux selon la même logique de caporalisation motivée par des intérêts d'ambition individuelle: "mon chef dit que ce chef serait mieux pour nous, donc si je veux être bien vu, il vaut mieux que je me range à son avis..."
D'autres, plus malveillants encore, diront que les élus locaux se donnent de l'importance en s'affiliant à l'un des poids lourds en concurrence, Aubry et Hollande, conduits en attelage jusqu'à la victoire ou la défaite par des chevaux légers toujours aussi impétieux malgré les années et le cumul des mandats: sénateurs ou députés, conseillers régionaux, maires ou présidents de comité d'agglomération...
En tout cas, on ne peut que constater une chose: il n'y a dans ces tracts aucun projet, aucune proposition faite à la population, aucune analyse de la situation de crise profonde qu'elle subit. Ces Primaires censées passionner les français selon les médias dominants lassés de la mafia sarkozyste et en mal de gouvernements "sérieux et modérés", sont moins une résonnance des luttes sociales, des interrogations politiques et des difficultés que traverse le pays que des exercices d'auto-satisfactions nombrilistes et des exercices d'affiliation à des Champions dont on décline à l'envie, à défaut de projets structurés en phase avec les enjeux de l'époque, les traits de personnalité, les stratégies de com' et les habiletés. Bref, encore une fois, ce qui sembler primer sur le débat d'idées, c'est la politique-spectacle, la personnalisation des enjeux électoraux, la lutte pour les bonnes places à tous les niveaux du pays et du parti, l'espoir rabougri du changement des dirigeants sans le changement social... En interne, il est possible qu'on parle plus logos, coupes de cheveux, pages Facebook, comptes twitter, passages radios et télés des champions, trahisons des personnalités et revanches à prendre, pronostics et sondages, plus que de la crise financière, du chômage, des bas salaires et de la précarité, de la montée du Front National.
En attendant, les socialistes parviennent depuis quelques semaines à occuper la quasi-totalité de l'espace médiatique, en laissant à peine une petite place pour les états d'âme de centristes sarkozistes repentis comme Borloo ou Morin ou pour les déroutes et les affaires de corruption de la droite. Depuis qu'Hulot n'est plus l'homme providentiel de l'écologie, on entend plus parler d'Europe Ecologie les Verts, encore moins du NPA, du Front de Gauche, si ce n'est pour salir Mélenchon, à défaut de prendre au sérieux et d'argumenter contre nos analyses de la situation et nos propositions, en repassant en boucle le film de ses mouvements d'humeur périodiques.
Dans l'opinion, on cherche à imposer l'idée que les espoirs de la gauche ne peuvent être portés que par un candidat PS que l'on retrouvera quoiqu'il arrive au second tour si l'électeur ne joue pas la politique du pire en se faisant plaisir en votant pour des petits, laissant ainsi une voie royale à Marine Le Pen. Cette exposition médiatique de leur compétition pour le pouvoir est à double tranchant pour les socialistes car elle ne les rend pas forcément plus aimables en condamnant à l'effacement leurs adversaires de gauche.
En tout cas, elle est l'occasion pour les notables du PS de se faire valoir. Un exemple choisi en tout bien tout honneur: après avoir opportunément rappelé qu'il serait presque logique que DSK appelle à voter Aubry car "après tout, Martine et Dominique ont toujours été sur la même longueur d'ondes" , ce qui est inquiétant, et annoncé sans faire de manière qu'elle serait candidate à un quatrième mandat de député, parce que la démocratie françaisea besoin d'un nouveau souffle, Marilyse Lebranchu confie sans fausse pudeur ses ambitions à Sophie Prévost dans le Ouest France du 10 septembre, en disant qu'elle accepterait sans hésiter un ministère confiée par sa vieille amie Martine Aubry. Tout le monde est appelé à se rejouir pour elle... Mais quel service veut-elle rendre aux français? Quel projet politique veut-elle défendre en prenant des responsabilités dans un gouvernement de gauche éventuel en 2012? Sans doute que l'exercice d'une conférence de presse pour un quotidien régional où il s'agit surtout de se faire photographier avec Martine ne permet pas de rentrer dans ces détails qui n'intéressent guère le lecteur moyen, qui n'aspire qu'à savoir que ses chefs sont bien où ils sont, bien dans leurs pompes...
Ismaël Dupont.
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