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27 septembre 2012 4 27 /09 /septembre /2012 17:08

Nous donnons ici lecture de quelques extraits choisis du stimulant rapport de Patrice Bessac introduisant aux travaux qui vont préparer le 36e congrès du PCF, qui aura lieu début février 2013.

 

 

Chacun, chacune a conscience que la période nécessite un grand travail collectif. Les problèmes sont nombreux, la difficulté immense et le combat, d'une grande brutalité. Ce rapport veut s'essayer à ouvrir quelques réflexions pour la préparation de notre Congrès. Ainsi, il ne reflète pas une quelconque ligne prédéterminée mais plutôt une tentative personnelle, nourrie d'échanges, de soulever quelques enjeux sans préjudice de notre débat commun. Les choses sont ainsi faites qu'exprimer sa pensée propre, ce n'est pas servir un filet d'eau tiède. Donc j'y vais.

C'est fini. C'est fini. Le cycle de la crise des mouvements critiques du capitalisme est fini. Vingt ans, trente ans de domination du capitalisme libéral, de convulsions pour le mouvement communiste et transformateur: tout cela est fini.

Le fait majeur est la crise du capitalisme mondialisé, sa crise économique et, au-delà, la crise du modèle de civilisation issu de la contre-révolution libérale des années 1970.  C'est fini. l ne s'agit plus de tenir, il s'agit d'avancer, de conquérir, de s'arracher à la gangue, aux sédimentations de plus de trente années de recul pour prendre vingt ans d'avance. Il nous appartient de prendre vingt ans d'avance, d'avoir la même ambition que les économistes libéraux eurent dans les années 1970: changer les bases culturelles, idéologiques, politiques du monde actuel. Si une longue et dure phase historique se referme, chacun mesure pour autant les dangers de la nouvelle pèriode: les risques de nouvelles barabaries comme d'une avancée possible des forces révolutionnaires. Nous sommes à la fois devant des changements de longue portée et dans l'urgence.

Ainsi, nous vous proposons que le congrès d'Aubervilliers manifeste par un texte fondateur cette ambition. Il s'agit, au fond, de proposer une vision unificatrice de notre projet, de notre stratégie, de notre conception du Parti et de l'action politique. Ainsi, si chacun sait que le caractère historique d'un congrès ne procède pas du décret, c'est pourtant cela que nous devons viser. Que nos décisions, que nos actes, que notre analyse, que notre travail unifient et fondent un regard complet sur les vingt ans qui sont devant nous.

Alors que notre stratégie de rassemblement, le Front de Gauche, alors que notre parti, le Parti communiste français, ont enregistré au plan des résultats électoraux et de notre effectif des avancées considérables, nous pourrions nous reposer dans la molle satisfaction de nos quelques réussites. Nous vous proposons exactement le contraire. Nous vous proposons d'accélerer, de franchir des étapes, de marquer des ruptures. Nous vous proposons donc que le Congrès soit une Révolution dans l'ordre de notre pensée et de nos pratiques pour répondre à la guerre sociale que livre le capital aux peuples et qu'il réponde à une seule question: Comment être utile au peuple, à la France, à l'Europe, à l'humanité? Ainsi, et sans préjuger de nos décisions communes, je veux évoquer devant vous quelques idées. Je le ferai, je vous l'ai dit, sans filet, en considérant qu'il vaut mieux jeter quelques idées que ne rien dire du tout.

 

D'abord dans l'ordre de la culture.

La réduction du champ de l'activité des partis à l'activité électorale telle que voulue par nos institutions est une réduction de la politique elle-même. Nos institutions, en asservissant progressivement les partis à leur service exclusif, ont agi comme des réducteurs de tête. Elles affaiblissent les fonctions culturelles, sociales, intellectuelles de la politique pour n'en garder que l'activité de représentation dans une démocratie devenue d'opinion. Or c'est la culture, ce sont les représentations qui forment le soubassement de la conquête du pouvoir. La question de l'hégémonie culturelle est donc le point de départ nécessaire de toute réflexion.

 

Déracialiser le débat français: le choix des Lumières

Le fait marquant et en accélération constante depuis les années 1980 est la racialisation du débat politique français. A droite, on ethnoculturalise la francité autour de la blancheur et de la chrétienté; à gauche, comme dans un miroir, on procède à la même ethnoculturalisation de la société française, cette fois en positif. Ainsi, la gauche assume des catégories telles que la diversité qui pose, circonscrit et valide de fait l'existence de groupes religieux, ethniques ou raciaux qu'il s'agit de discriminer positivement. La campagne de 2012 aura constitué une nouvelle accélération en ce sens.(...).

Ce mouvement est sans fin. Et il répond à un besoin profond du capitalisme dans la situation actuelle: reformuler le social pour le désintégrer, c'est la réplique interne du choc des civilisations. Les individus sont enfermés dans des politiques identitaires. Elles agissent de manière performative: à chaque fois que l'on crée une manière de classer les individus, ils y entrent! Cette situation est potentiellement mortelle pour la société et pour le mouvement de transformation sociale. La déracialisation du débat politique français, la suppression des politiques identitaires, en bref le retour aux Lumières, c'est à dire à la seule reconnaissance des individus libres, souverains et égaux dans la République est un axe majeur de reconquête. Il faut jeter par dessus bord et dans le même mouvement les politiques d'assimilation, d'intégration ou les politiques multiculturelles pour entrer dans un processus historique qui brisera le lien de la citoyenneté des sociétés modernes avec l'ethnomorphisme, c'est à dire l'association d'une couleur de peau, d'une culture et d'une origine supposée à une citoyenneté - les grands blonds sont norvégiens, les gens typés viennent d'ailleurs, les musulmans sont des immigrés...

Notre vocation est d'établir l'égalité des citoyens de la République sans considération d'origine ou d'appartenance supposées. Ce qui caractérise les cultures, contrairement à ce que pensent les ethno-bobos, ce n'est pas leur permanence, c'est leur capacité de dialogue et de transmutation. Les politiques identaires, fussent-elles de gauche et pavées de bonnes intentions, ne sont en réalité qu'un des avatars de la période coloniale, une négation organisée de l'égalité. Il s'agit donc de défendre un universalisme abouti, c'est à dire ne cédant pas à l'hypocrisie qui consiste à nier et à entretenir les inégalités de genre, d'orientation sexuelle, de discriminations fondées sur des origines supposées au nom d'une égalité fantasmée. Un universalisme de combat qui, dans un contexte de régression identitaire, affirme, développe et rend effective l'unité du genre humain.(...).

 

La politique de classe contre les politiques racialistes

Cette reformulation du social par la gauche puis par la droite a eu comme effet de laisser en déshérence la question sociale. Lors de sa campagne en 2007, Nicolas Sarkozy a été un ingénieur doué de la dignité des travailleurs et des travailleuses. Or, à l'issue de la période que j'ai décrite, le travail n'est plus un marqueur de gauche: c'est un marqueur de droite dans le discours politique. Je rappelle que Marine Le Pen a totalisé 29% du vote ouvrier au premier tour de l'élection présidentielle, François Hollande 27% (Lionel Jospin avazit totalisé 13% en 2002) et Jean-Luc Mélenchon 11% du vote ouvrier. Et il est frappant de constater que la perte de centralité du travail dans le discours de la gauche correspond à sa propre impuissance à résoudre la question du chômage. La gauche s'est désaffiliée de sa relation aux travailleurs, a détourné son regard des questions sociales et de classe à mesure qu'elle perd l'ambition d'un réel changement économique. Les résultats électoraux de premier tour sont sans appel: la gauche est plus forte là où le peuple est le moins présent. (...).  

Le rapport avec le Congrès est le suivant: comment nos discours s'agissant des trois grandes sphères de la société - la sphère nationale en liaison ouverte avec l'Europe et le monde, la sphère économique et sociale et la sphère démocratique - cessent d'agir chacun de manière autonome pour résonner en écosystème, en ensemble unificateur, en opérateur de valeurs, de lutte et d'action? Sur ce sujet, mon hypothèse est la suivante: l'entrée dans une nouvelle période historique ne concerne pas que nous. Cela affecte l'ensemble du champ mobilisable: intellectuel, syndical, populaire. Et le problème n'est pas tant de leur faire signer des appels électoraux que de leur donner un espace de travail réel. Ainsi, j'ai la conviction qu'il faudrait décider de créer une coopérative de travail, qui échappe aux problèmes de pouvoir immédiat et de débat politique dans le Front de Gauche. Il faut un lieu de renaissance pour la pensée révolutionnaire avec l'aide des différents organismes existants qui dépasse le fractionnement. D'une certaine manière, l'Appel des économistes attérés ou l'Appel des appels participent de cette recherche. Mais un saut qualitatif doit être fait.

Comme à de grands moments de l'histoire du PCF, l'anticolonialisme, le Front populaire, la Résistance, nous devrions prendre rendez-vous avec l'Histoire et déclencher le mouvement nécessaire de travail pour la pensée et l'action communiste et de transformation sociale.

 

A présent, quelques remarques dans l'ordre de la politique et de notre stratégie de rassemblement, le Front de Gauche

Comment  être utiles au peuple et à la France, à l'Europe et à l'humanité? Je traiterai la question de nos rapports avec la majorité gouvernementale puis de notre stratégie de rassemblement, le Front de Gauche.

La première question est: au nom de quoi, de qui parlons-nous? En d'autres termes, au nom de la gauche ou d'une partie de la gauche ou au nom des intérêts de notre peuple et de notre pays? Cette question n'est pas anodine, car il me semble que la posture politique, c'est à dire nos rapports avec la majorité gouvernementale, doivent passer au second plan par rapport à notre objectif premier: l'intérêt général. L'interview de François Hollande dimanche dernier marque l'atterrissage entre une tactique électorale, la fameuse guerre à la finance, et la réalité de sa stratégie économique, l'austérité et l'espérance d'un retour de la croissance en 2014. L'expression du Premier ministre appelant à un "choc de compétitivité" est de ce point de vue effrayante de clarté. Je ne reviendrai pas... sur les effets d'une telle politique. Je veux juste faire la remarque suivante: la situation est dangereuse, les conséquences sociales seront dures, les conséquences politiques potentiellement dramatiques.

Ainsi, nous sommes face à nos responsabilités. Déclarons-nous l'affaire entendue et adoptons-nous la posture du combat désespéré et de l'attente d'un pouvoir futur? Ou cherchons-nous à inverser la situation? En 2005, si nous avions fait l'hypothèse d'un rapport de force immuable, nous aurions bloqué les possibilités de mouvement de l'électorat socialiste vers le Non. Il faut donc considérer qu'un mouvement est possible parmi l'électorat socialiste, de gauche, populaire, parmi un certain nombre de dirigeants de la social-démocratie vers le refus de l'austérité et pour une autre politique. La Chine, les Etats-Unis d'Amérique, notre continent et leurs dirigeants sont tous face à ce problème: nous sommes à l'heure des grandes transformations, de la nécessité d'un basculement radical du système économique mondial et cette perspective provoque une reprise en main tout aussi radicale et autoritaire des forces du capital sur les principaux leviers de gestion de l'économie. Alors comment être utiles? C'est la seule question. Comment être utiles pour contribuer à l'accouchement d'une politique nouvelle? Commnt battre l'austérité comme seule réponse? A cette aune, la question du rapport au gouvernement actuel est seconde. Le problème n'est pas de faire arbitrer un match entre le Parti socialiste et le Front de Gauche, mais de faire arbitrer deux choix politiques: l'austérité ou le développement. C'est dans ces conditions, me semble t-il, que nous devons aborder à la fois nos rapports avec le gouvernement et l'avenir du front de gauche.

 

L'avenir du Front de gauche: un nouveau front populaire

J'y viens donc. Avec le Front de gauche, la séquence politique qui vient de se clore a permis une avancée spéctaculaire: le retour des forces critiques du capitalisme sur la scène politique. Nous sommes de retour, nous sommes à nouveau dans le match. Mon sentiment est que le plus difficile commence. Car il ne s'agit plus d'unir des familles, des militantes et des militants dispersés par la longue histoire. Il s'agit à présent de poursuivre un déploiement qui dépasse nos frontières actuelles, de viser une hégémonie culturelle nouvelle. Et à partir de cet instant, la vitalité de notre rapport avec le monde salarié, aux syndicalistes, aux intellectuels, à la création, aux citoyens sur l'ensemble du territoire se pose avec cette ambition à l'esprit. Car ce n'est plus seulement un problème d'en haut, un problème électoral, un problème d'efficacité de la parole médiatique, c'est un problème d'en bas /en haut, de développer le Front de gauche en dépassant les hiérarchies institutionnelles.(...).

J'ai évoqué dans la partie précédente l'hypothèse d'une coopérative. Cela ne résout que la partie que j'ai appelée culturelle du problème. Reste l'organisation du travail politique et l'association à un niveau local et national de ces forces disponibles. Un équilibre imparfait a été trouvé entre le rapport des forces politiques entre elles et le Conseil National de campagne durant l'élection présidentielle... Le Front de Gauche, dans sa forme et son fonctionnement actuel, n'est pas le début et la fin de tout. Nous entendons qu'il continue d'être un mouvement qui agrège, qui rassemble les forces mobilisées contre l'austérité et pour une sortie de crise sociale et démocratique. Ainsi, il s'agira de préparer aussi les futures échéances sans esprit conservateur mais avec l'idée d'un Front de Gauche en mouvement...".    

 

Patrice Bessac        

     

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