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10 janvier 2015 6 10 /01 /janvier /2015 13:01

Nous nous faisions la réflexion avec un camarade ce matin que tout en ayant été globalement à la hauteur de la situation dramatique, et en ayant bien pris le soin de dire que les musulmans et l'Islam dans leur ensemble n'étaient en aucun cas responsables - ce qui est une évidence - des meurtres liberticides et antisémites commis cette semaine au nom d'une idéologie politique bien rodée, qui ne relève pas à proprement parler que d'un "obscurantisme", s'il faut entendre par là une arriération, mais d'un projet de société d'ordre totalitaire ou fasciste, François Hollande avait oublié dans ces allocutions deux dimensions fondamentales:

- 1/ La première et on comprend cet oubli de la part d'un président qui a justifié une politique d'intervention militaire tout azimut de la France, c'est que le djihadisme s'appuie et se nourrit aussi sur l'échec et les conséquences des interventions américaines et occidentales en Afghanistan, en Irak, en Lybie, ... et qu'il prétend se justifier comme réponse à la guerre menée contre des groupes se revendiquant de l'Islam.

Avoir pour seule réponse aux attentats horribles de ce week-end le renouvellement du credo de "la guerre contre le terrorisme", utilisé de Poutine à Bush, en passant par Bachar el Assad, n'est pas raisonnable et efficace.

C'est même dangereux parce que cela peut justifier de nouvelles remises en cause des libertés individuelles en France, au nom d'un Patriot Act à la française.

Des pouvoirs discrédités pour leurs politiques inégalitaires ou leur impuissance économique peuvent avoir intérêt, comme l'a montré notamment le sociologue Laurent Bonelli, à utiliser la stratégie de la tension en rassemblant dans une peur alimentée et la promesse d'une politique sécuritaire efficace.

En réalité, ce type de réponse, qui est souvent celle de la droite mais qui peut être aussi celle du gouvernement de Manuel Valls, qui dans le style s'est montré souvent très proche de Sarkozy, peut être efficace d'un point de vue strictement politicien, en détournant notamment l'attention des problèmes sociaux quotidiens (inégalités, pauvreté, chômage, ...) et de l'absence de réponses adéquates du gouvernement - et encore ce n'est pas sûr, car la droite et l'extrême-droite promettront toujours plus en matière d'Etat policier - mais sur le plan des résultats contre le terrorisme, ce sera toujours un échec.

Puisque cela contribuera à alimenter les clivages dans la société, la posture de victimisation, la virulence, le discours paranoïaque et la violence de l'autre camp.

Sans vouloir donner la moindre excuse aux islamistes djihadistes qui ont sévi cette semaine, des fanatiques indifférents à la souffrance d'autrui, la meilleure manière de contenir ce phénomène en France, outre les dispositifs de renseignement évidemment nécessaires, est de rester ferme sur le maintien des libertés démocratiques, de prendre en charge réellement le problème du chômage et du manque de perspectives dans les cités populaires, de renforcer la présence de services publics dans les banlieues, y compris au niveau de la police de proximité, de remettre aussi des moyens et de l'ambition dans l'éducation de notre jeunesse. 

 La France doit aussi être plus prudente et attentive aux leçons de l'histoire avant de s'engager dans des interventions étrangères contre le "terrorisme" ou pour la démocratie, alors que dans le même temps elle s'allie à des Etats réactionnaires et autoritaires qui ont pour seule vertu d'être alliés des Etats-Unis.

Elle doit redevenir un des pays influent qui aide rééllement à la reconnaissance du droit international et du droit des peuples dans le conflit israélo-arabe.

C'est aussi ces dimensions de politique internationale "alignée" de la France, de soutien à Israël, en dépit de sa politique coloniale et extrêmement brutale vis à vis des palestiniens, d'intervention impérialiste ou néo-coloniale dans les pays d'Afrique, d'Afrique du Nord ou du Proche-Orient, qui peuvent servir de prétexte aux jeunes français de tradition ou d'origine musulmane, sans réelle connaissance religieuse ou culturelle, pour se radicaliser, dans un contexte aussi où les conditions sociales et familiales les poussent parfois facilement dans le "no future", la délinquance et/ou le besoin d'un "idéal" qui leur redonne de l'importance et une justification à leurs yeux.

C'est pourquoi le discours de l'"union sacrée des démocraties ou des pays de civilisation contre la barbarie" est quelque part à la fois peu conforme à la réalité (Guantanamo ne fait des Etats-Unis un pays extrêmement démocratique, les assassinats par drones non plus, le soutien aux bombardements israéliens non plus...), extrêmement partial, d'inspiration néo-conservatrice, et ne fait qu'alimenter les divisions à l'intérieur de la société, nourrissant finalement le terreau du terrorisme.

Cela conforte ceux qui considèrent que l'Islam est difficilement soluble dans la démocratie, qu'il y a une partie de la population française qui pose problème à notre République, ou qui tiennent tout simplement un discours islamophobe par racisme ou xénophobie spontanée. Cela renforce le discours extrêmiste de ceux qui alimentent les théories du complot, qui considèrent que le choix est entre la domination américaine et la résistance des peuples opprimés au nom de leur culture.

Cela nourrit en créant un climat civil conflictuel et intolérant à la fois l'extrême-droite et l'islamisme radical. Ces deux là sont d'ailleurs des alliés objectifs, prospérant en quelque sorte l'un par l'autre. Pas de croisade des démocraties contre le terrorisme, donc, pas de lutte du Bien contre le Mal, de la Liberté occidentale contre la Servitude religieuse orientale. Ces discours manichéens et de propagande qui nous donnent le beau rôle en une sorte de superstitition de soi-même masquent la complexité des causes et responsabilités du terrorisme et de l'islamisme, gomment le poids de l'histoire et de la politique (nationale, coloniale et post-coloniale, internationale) au profit d'un essentialisme culturaliste dangereux, qui est lui-même une forme de pensée communautariste et religieuse, et il rachète à bon compte une virginité aux Etats qui conduisent des guerres irresponsables dans les pays musulmans, même si on admettait qu'elles puissent être réellement motivées par la défense du droit et de la démocratie, ce qui est également très discutable.

Pas d'union sacrée des Français non plus contre les "barbares" et les "terroristes".

Bien sûr, l'émotion est très largement partagée, l'attachement à la liberté d'expression et à la paix civile aussi, mais quoi de commun entre nos raisons de manifester dimanche pour la liberté, l'égalité, la fraternité, la laïcité et celles qu'invoque l'UMP dans son communiqué national qui rappelle dans le choix très conscient des mots toutes les tentatives de récupération de l'électorat d'extrême-droite ou de virage extrême-droitier de Sarkozy, Buisson, Guaino, avec la thématique de l'identité nationale, les thématiques néo-conservatrices:  


Déclaration solennelle de l'UMP
Le bureau politique de l'UMP, sous la Présidence de Nicolas SARKOZY, s'est réuni de façon exceptionnelle cet après-midi et a adopté de façon unanime la déclaration solennelle suivante : 
Notre Nation est meurtrie et endeuillée par l'ignoble et sanglant attentat terroriste perpétré dans les locaux du journal Charlie Hebdo.

Il s'agit d'une guerre déclarée non seulement à la République et à la démocratie mais à la civilisation. Nous avons le devoir de nous défendre avec la plus grande détermination.

Nous appelons tous les Français à présenter un front uni face au terrorisme djihadiste.

Il faut que tous ceux qui sont attachés aux valeurs de notre civilisation, quels que soient leurs choix partisans, s'unissent face à la barbarie.

Aucun compromis n'est tolérable sur notre mode de vie, sur nos traditions, sur la liberté d'expression, sur la liberté de la presse, sur la liberté de caricaturer. Aucune justification du terrorisme djihadiste et de son idéologie barbare ne saurait être tolérée.

Face à l'évolution de la menace, notre Nation doit augmenter son niveau de vigilance et faire évoluer le dispositif de protection des Français, vers davantage d'efficacité et de fermeté.

L'UMP soutiendra toutes les initiatives du gouvernement qui iront dans cette direction. Dans ces heures tragiques, l'impératif d'unité nationale s'impose.

Dans cet esprit, l'UMP appelle tous ceux qui se reconnaissent dans ses valeurs à manifester dimanche prochain dans un climat de recueillement et de dignité. Ce rassemblement exprimera la demande de fermeté de tous les Républicains. La France donnera ainsi d'elle-même l'image d'une Nation déterminée et sereine.     

 

- 2/ un autre manque dans le discours du chef de l'Etat est le rappel de l'importance de la notion de laïcité. La laïcité, c'est là peut-être une vraie particularité de la France depuis 1905, du moins sous cette forme qui n'est pas que minimale (toutes les religions ont le droit de s'exprimer et de se vivre) mais fondamentale (l'espace public, la politique, l'éducation publique doivent être si possible vierges de références religieuses, de relation à une transcendance: les citoyens doivent se reconnaître un destin commun, être éduqués à l'esprit critique et à la liberté, indépendemment des religions, des appartenances communautaires). C'est parce que les dessinateurs de Charlie Hebdo étaient des défenseurs de la laïcité, c'est parce que la France est cet Etat laïque, qu'il y a eu l'attentat de mercredi. C'est important de rappeler qu'on ne peut négocier, sous l'égide de cette laïcité qui est une valeur cardinale de notre démocratie, et aucunement relative à une culture donnée mais bien un acquis de l'histoire (notamment celle des guerres de religion et de l'essor de la philosophie des Lumières) qui permet de faire cohabiter plusieurs traditions culturelles dans l'égalité et le respect de la liberté individuelle, avec l'égalité homme-femme, la liberté des femmes, la neutralité de l'école et de l'Etat vis à vis des religions, le refus du communautarisme et des lois se déclinant différemment suivant les citoyens. Les prescriptions de l'islamisme ou d'autres idéologies religieuses refusant la laïcité ou la critique de la religion, doivent être combattues. Les religions en elles-mêmes peuvent être sources d'enrichissement intérieur et social, elles peuvent porter une authentique spiritualité et une intelligence du monde, une morale et une sagesse qui les rendent éminemment respectables, comme les croyants du reste, sous certaines formes. Mais en démocratie c'est la liberté et la loi commune décidée par les citoyens au terme d'un débat que ne doit pas contraindre quelque absolu, loi sacrée ou révélée, qui doivent primer. La laïcité, tout particulièrement dans une société qui est multi-culturelle, est le garant de la liberté de l'incroyant comme du croyant, de l'égalité de tous les citoyens, athés ou de quelque appartenance religieuse que ce soit, le garant aussi de la fraternité car comme valeur, elle implique le refus du blâme a priori par rapport à ce qui est différent de nous, une certaine exigence de partage et de compréhension. Au nom de la paix civile, on ne peut donc pas renoncer à la laïcité et à ses exigences. Rien ne serait pire qu'une société clivée en communautés vivant chacune sous sa loi propre. En même temps, la défense de la laïcité ne doit pas non plus être instrumentalisée par la xénophobie ou l'islamphobie comme c'est le cas avec le FN, beaucoup moins regardant et critique avec l'intégrisme catholique. Défendre et promouvoir la laïcité, comme philosophie sociale, condition du vivre ensemble est important: cela ne nous protégera certainement pas du terrorisme ou de l'islamisme d'une petite minorité à court terme, mais cela fait que des valeurs communes et des possibilités d'unité et de rassemblement sont possibles dans notre société. C'est aussi une manière de s'assurer que la liberté individuelle, l'égalité filles-garçons, le droit à l'auto-détermination, soient également défendus dans toute la société. 

 Ismaël Dupont

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