Les employés de banque du Crédit Mutuel Arkéa qui compte 8000 salariés entre le centre du Relecq-Kerhuon et les autres centres bretons, ceux du Sud-Ouest et du Massif central, ne sont certainement pas les salariés du privé les plus défavorisés en termes de rémunération mais ils agissent depuis une semaine pour faire valoir des positions de principe concernant la préservation de l'identité mutualiste de leur banque, le partage des bénéfices et la limitation à des écarts décents moralement et logiques économiquement des inégalités de revenus entre les cadres dirigeants et les autres employés. Dans un mouvement de grève et de manifestation très courageux durant depuis une semaine sans que la direction ne fasse de propositions satisfaisantes jusqu'à présent, ils dénoncent la fuite en avant capitaliste d'une banque autrefois mutualiste, la création d'une société fantôme des cadres dirigeants de la banque visant à soustraire leurs revenus aux règles communes de rémunération et à la connaissance des employés, et ils demandent 150 euros net d'augmentation de salaire par mois alors que leurs dirigeants n'ont attendu aucun quitus pour augmenter leurs revenus entre 30% et 50% (en intégrant la part variable du salaire) depuis 2 ans, récompense sans doute de l'activisme de leur management visant à transformer les salariés du Crédit Mutuel en supers vendeurs de produits financiers.
L'an dernier, rappelle Ouest France aujourd'hui, le groupe Arkéa a enregistré un bénéfice de 273 millions d'euros, en progression de 77%: on ne nous dit pas si c'est en grugeant les clients ou les salariés, sans doute un peu les deux. En tout cas, il y a de la marge pour reconnaître l'efficacité du travail des salariés: ceux-ci ne veulent pas se contenter du geste de charité que propose la direction, soit d'une revalorisation des bas salaires à l'embauche, les bac +2 et bac +3 étant recrutés au SMIC la plupart du temps (avec une paye sur 14 mois cependant).
Tous les syndicats de l'entreprise (CGT, CFDT, SNB, UNSA, FO), unamimes pour soutenir le mouvement, ont pu déplorer la remise en cause du droit de grève en voyant les dirigeants du groupe, Jean-Pierre Denis et Ronan Le Moal, tutoyant des sommets de hauteur aristocratique avec leurs salaires respectifs de 615000 € et 490000 € sans compter la part variable (Le Télégramme du 1er octobre), menacer les salariés en lutte d'une action au pénal au motif qu'ils entravaient la liberté de travail.
Le salariat français a encore de la ressource, on le voit, pour défendre une conception de l'activité professionnelle compatible avec l'intérêt général et ne faisant pas honte aux employés, tout comme pour faire valoir l'exigence de justice dans les différences de salaires et la répartition aux salariés de la richesse nouvelle créée par eux.
Des écarts de rémunération dans l'entreprise ne pouvant accéder des échelles de 1 à 20, des hauts revenus taxés à 100% quand ils accèdent 20% du revenu médian, un SMIC porté à 1700 euros bruts, un secteur bancaire en partie renationalisé, mieux différencié entre banques de dépôt et banques d'investissement et cessant d'alimenter cette économie-casino qui plonge les sociétés dans la crise sociale, la préservation des statuts des banques mutualistes, voilà des propositions du programme partagé du Front de Gauche qui pourront rencontrer peut-être les attentes d'un grand nombre de ces salariés en lutte et de ceux qui les regardent se battre avec plaisir ou admiration.
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