On en lit des choses intéressantes sur le site web du Figaro (on ne va tout de même pas acheter le journal... Bénéficier d'un abonnement d'essai de deux mois gratuit à La Croix: c'est faire déjà beaucoup de concession à l'ouverture d'esprit): en juillet 2010, on y apprenait ainsi qu'Ingrid Bettencourt, la femme qui faisait des chèques de 1 milliards d'euros pour témoigner de son amitié à un photographe mondain et dont le comptable versait 50000 euros en liquide par semaine aux amis de l'UMP ruinées par leurs campagnes électorales dispendieuses à l'américaine, a reçu en mars 2008 un chèque de 30 millions d'euros au titre du bouclier fiscal grâce à la sollicitude des services de l'Elysée qui ont remarqué qu'elle avait trop payée d'impôt précédemment. Rappelons, avec le journaliste du Figaro, que le feu le bouclier fiscal, promis par cet homme de parole qu'est Nicolas Sarkozy à la France du Fouquet's et des résidences de luxes de Neuilly, plafonnait les prélèvements (impôts divers, CSG et CRDS) de tout contribuable à la moitié de ses revenus: 47% des bénéficiaires redevables de l'ISF (les plus riches, par les agriculteurs qui paient l'ISF parce qu'ils ont des terres constructibles à l'île de Ré...) obtenaient 99% des sommes remboursées.
Un lecteur, gaulliste social peut-être, commentait l'information de manière laconique et brillante sur le blog du Figaro en citant un général qui manque cruellement à la droite actuelle pour lui rendre un peu de cervelle républicaine: « Les riches sont possédés par ce qu'ils possèdent, et ils n'ont qu'une seule patrie, leur argent ».
Comme pour confirmer ses dires, un de ses contradicteurs, au pseudonyme évocateur - « libéralissime » - et au cynisme assumé, lui répondait: « la lutte des classes, elle existe déjà: ce sont les rayures sur ma voiture; car elle a un gros défaut: elle est plus belle que celle des gens que je nourris avec mes impôts et charges. J'en ai assez de nourrir ceux qui me haïssent, je préfèrerais qu'ils me remercient ». Ce gros con impudique dit tout haut ce que beaucoup de propriétaires ventrus ou non pensent tout bas: « les assistés survivent à ma charge alors que je n'ai contracté aucune dette vis à vis d'eux, et encore... loin de me faire des courbettes, ils ont le culot de me rendre coupable de ma bonne fortune et, excités par les passions tristes du ressentiment et de l'envie, de propager des idées de redistribution sociale... Que la police éloigne de moi tous les envieux qui triment et qui puent et qu'on me laisse boire mon cognac en paix... ».
Un sage lecteur du blog du Figaro, conservateur intelligent soucieux de prévenir les désordres en rappelant qu'un excès d'injustice nuit à la conservation d'un ordre inégalitaire, commentait ainsi l'article: « La loi par nature est le reflet d'un fait social, elle l'encadre juridiquement ! En l'espèce elle encadre une situation socialement et moralement indécente : le rétrocession de près de 30 000 millions d'euros a une femme qui est capable d'en donner un milliard a un seul homme. Le morceau de papier qu'est la loi parlementaire (donc modifiable) se situerait-il au-dessus de toute moralité? N'oublions pas que l'indécence "des classes très aisées" et la pression fiscale sont à l'origine de beaucoup de révolution ! en particulier la nôtre en 1789... ».
Pourtant, après avoir allégé l'impôt sur les successions pour servir les rentiers, Nicolas Sarkozy aurait bien aimé supprimer l'Impôt de Solidarité sur la Fortune (ISF), qui apportait jusqu'à présent 4 milliards d'euros aux caisses de l'État, mais la mesure était coûteuse en creusement des déficits électoraux et financiers. Qu'importe! Pour diminuer le nombre de ménages redevables de cet impôt, le gouvernement a choisi début avril 2011 la manière la plus simple et discrète: relever le plancher d'imposition de 800000 € à 1,3 million et ainsi exclure du dispositif 300000 ménages, la moitié des actuels assujettis à l'ISF. Les autres contribuables plus riches payant toujours l'ISF ne sont pas oubliés et le gouvernement de François Fillon s'occupe de conserver le soutien des beaux quartiers de l'ouest parisien au vaillant mais imprévisible petit poulain de l'oligarchie, Nicolas Sarkozy, en leur faisant, grâce à une refonte du barème de l'ISF qui compense les effets de la suppression du bouclier fiscal, un cadeau fiscal de 1,5 milliards d'euros.
Les taux d'imposition des plus riches sont revus clairement à la baisse. Les patrimoines compris entre 1,3 et 3 millions d'euros seront imposés à 0,25% tandis que les fortunes de plus de 3 millions d'euros seront soumises à un taux unique de 0,5% alors qu'auparavant le taux supérieur montait à 1,8% sur les patrimoines supérieurs à 16,8 millions d'euros.
Comme le disait au Nouvel Observateur l'économiste socialiste Liem Hoang Ngoc: « en France, plus on est riche, moins on paie! L'impôt est en train de devenir régressif, au mépris des principes républicains ». Le Canard enchaîné du mercredi 20 avril a ainsi révélé que Liliane Bettencourt, la femme la plus riche de France, ne sera imposée qu'à la hauteur de 4% de ses revenus effectifs en 2012. Elle bénéficiera toujours l'an prochain du bouclier fiscal, calculé sur les revenus perçus deux ans auparavant, auquel s'ajoutera le bénéfice de la réforme de l'ISF: en conséquence, elle verra son impôt divisé par quatre. En 2010, elle payait 40 millions d'euros d'impôts au titre de l'impôt sur le revenu et de l'ISF. En 2012, elle paiera 10 millions d'euros...
A la rentrée 2011, Thomas Piketty, directeur d'études à l'EHESS et professeur d'économie à Paris a publié un petit essai très commenté par les médias, intitulé Pour une révolution fiscale. En réalité, ses analyses et ses propositions le situent moins dans une tradition révolutionnaire de remise en cause radicale de l'inégalité que dans une perspective sociale-démocrate de défense de la rémunération du travail (selon « le mérite ») plus que du capital et du patrimoine et d'efficacité de la progressivité de l'impôt. Piketty fait des constats intéressants: a) pour une bonne partie des contribuables, plus on monte dans l'échelle des revenus, plus le taux d'imposition moyen baisse, et, du fait de la multiplicité des niches et déductions fiscales, l'impôt sur le revenu, qui, grâce à sa progressivité, devrait être l'un des plus justes en théorie, rapporte 3 ou 4 fois moins en France que dans les pays européens qui nous entourent. A titre d'exemple, ces chiffres donnés par l'hebdomadaire Politis du 11 mars 2011:
| Allemagne | France |
Impôt moyen sur le revenu | 20,70% | 14,00% |
Taux plancher | 14,00% | 5,50% |
Taux maximum | 45% (+250000 €) | 41% (+70830€) |
b) le système français de protection sociale repose beaucoup trop sur le travail et pas assez sur le patrimoine et le capital puisque ce sont des cotisations sociales prélevées sur les salaires qui financent l'assurance-maladie, les allocations familiales, le logement social, la formation professionnelle,...etc. Or, « les patrimoines ne se sont jamais aussi bien portés en France qu'aujourd'hui. Il faut remonter à la Belle Epoque, un siècle en arrière, dit Piketty dans un entretien du 26 janvier 2011 consultable sur le site web du Monde, pour retrouver des niveaux de patrimoine aussi élevés qu'aujourd'hui. Les revenus, en revanche, et en particulier les salaires, ont stagné au cours des 30 dernières années ».
La proposition phare de Thomas Piketty (reprise par le projet du PS pour 2012), qui ne pense pas qu'une augmentation de l'impôt sur les sociétés puisse se concevoir en dehors d'un cadre européen pour éviter le dumping fiscal entre États de l'Union, est la fusion de la CSG et de l'impôt sur le revenu, avec un impôt sur le revenu bénéficiant d'une large assiette et prélevé à la source comme l'actuelle CSG, tout en conservant une grande progressivité. Cette réforme s'accompagnerait d'une mise à plat de toutes les niches fiscales, qui peut avoir des effets pervers en matière d'encouragement aux pratiques d'économie d'énergie ou de défense du pouvoir d'achat des classes moyennes et populaires.
Que proposait avant les derniers travaux de la plateforme pour un programme partagé pour 2012 le PCF en termes de redistribution des richesses et de réforme fiscale?
Le premier objectif est un nouveau partage de la richesse nationale visant à reconquérir la part des salaires dans la valeur ajoutée telle qu'elle était au début des années 1980. Cela représente d'environ 165 milliards d'euros chaque année (10 % de la valeur ajoutée). Ce déplacement s'opérera par la fiscalité, les cotisations patronales, les diverses mesures sociales (hausse du SMIC, des salaires, sécurisation des parcours de travail et de vie, baisse du temps de travail créatrice d'emplois, etc), le développement des activités qui entraînent une amélioration des rentrées fiscales et sociales. Quelques indications : 1 million de chômeurs en moins et 1% de croissance supplémentaire entraînent respectivement environ 9 et 3 milliards d'euros de rentrées fiscales supplémentaires. Le PCF, dans ses documents programmatiques, propose aussi une refonte du barème de l'impôt sur le revenu avec 10 tranches et une remontée du taux marginal à 55%.
L'impôt sur les sociétés, devenu l'un des plus faibles d'Europe, sera revalorisé par la suppression d'effets d'assiette (zones franches), de régimes dérogatoires (bénéfice mondial consolidé), pour un rapport de 760 millions. Et par une modification des taux. Nous proposons aussi d'imposer plus fortement les bénéfices distribués ou placés sur les marchés financiers que ceux consacrés à l'amélioration de l'outil de travail, la recherche, l'emploi ou les salaires.
Les impôts sur la fortune ( élargissement de l'assiette : biens professionnels, œuvres d'art, part du patrimoine financier qui y échappe ; augmentation du taux pour les tranches supérieures) et sur le patrimoine (annulation des mesures telles que le relèvement du seuil d'imposition en matière de transmission du patrimoine) seront revus pour un rapport de 5 milliards.
Une négociation sera menée dans différents secteurs pour supprimer la TVA frappant les produits de base.
I.D
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