Forum de la mer (Lorient 17/01/15)
Table ronde : « pêche et aquaculture défi alimentaire,
écologique, social et économique »
Ouverture par JL Mélenchon
Comment penser une « relance écologiquement responsable » ? Paradoxe, défi qui suppose une part de décroissance nécessaire de certains secteurs àl’économie de la mer pourrait constituer le « volant d’entraînement » de cette relance. La politique de l’offre est par définition incompatible avec la mer.
Ce thème (l’éco de la mer) est de + en + récupéré par d’autres formations politiques, notamment le FN. « Gramsciens, nous construisons des hégémonies culturelles, nous essayons de faire avancer des idées, nous ne récupérons rien, nous cherchons à être récupérés. »
2 événements récents :
- 2013 : 1er année où pêche < aquaculture ; changement majeur, un peu comparable au passage de la cueillette à l’agriculture.
- Déclaration de la FAO il y a quelques jours seulement : avec 9 Mds d’humains, il va falloir 60% de ressources alimentaires en + dans les années à venir.
à C’est bien la preuve qu’il est impératif de nous réapproprier le temps long sur ces sujets.
1er débat :
Table ronde « pêche et aquaculture défi alimentaire, écologique, social et économique »
Charles BRAINE, secrétaire nationale de la Plateforme de la petite pêche artisanale française
Robert BOUGUEON, ex-président du comité des pêches du Guilvinec, président de l’Association PESCA
Hervé BALUSSON, PDG d’Olmix, initiateur du groupement ULVANS de valorisation des algues
Alain CADEC, député européen UMP, président de la Commission Pêche du Parlement européen
Nicolas MAYER, animateur de la commission Mer du Parti de Gauche
Pêche : prod° annuelle = 90 millions de tonnes
UE = 90 000 navires de pêche, 3e prod° mondiale
Robert Bouguéon, ex pdt du comité des pêches du Guilvinec :
La pêche est dans une situation catastrophique. Les bateaux et les marins disparaissent. Aujourd’hui on ne peut plus acheter un bateau : il faut d’abord aller voir si on peut avoir des quotas, puis aller voir un banquier. Les quotas européens sont distribués à la nation puis aux régions puis ils sont liés aux bateaux. Les O.P. (organisations de producteurs) se sont accaparé les quotas.
Charles Braine, représentant de la petite pêche artisanale :
Il y a des quotas car notre capacité de pêche est bien plus importante aujourd’hui que ne le permet la ressource. Ils sont nécessaires car sinon on la détruirait.
Le droit à pêcher est très cher ; il fonctionne un peu comme pour les taxis - même si ce n’est pas officiel. Par ex, pour un tout petit bateau qui vaut 5000 euros, il sera vendu 40.000 si on peut pêcher avec.
Les représentants de la pêche disent toujours que les écolos / les assos sont catastrophistes, mais sur les quais, les marins disent tous que la ressource a beaucoup baissé.
Le système des criées est un système d’enchères, le marin n’a aucune prise dessus. Ex il découvre après enchères que son kilo de maquereaux a été vendu 0,5 euro ou… 3 euros !
L’autre solution, c’est la vente directe. C’est plus long mais c’est mieux, ça marche, et un pêcheur peut vivre avec 60/70 kg de poisson / jour. Cependant, ceux qui choisissent ce mode de vente se voient accuser par les autres pêcheurs de faire du black, de ne pas jour collectif…
L’indicateur important, celui qu’on devrait avant tout considérer, c’est le nombre d’emplois au millier de tonnes débarquées. Aujourd’hui, il y a une course folle à la puissance des bateaux, des sonars, des chaluts (sans augmentation de la sécurité pour les marins par contre). On montre beaucoup les cartes postales qui comparent Concarneau en 1915 (400 bateaux) et 2015 (3 bateaux) mais il faut bien voir que ces 3 bateaux débarquent autant de sardines que les 400 d’avant !
Alain Cadec, député européen UMP, président de la commission pêche au parlement européen :
La pêche européenne représente 25% de la conso de poisson en Europe : on importe 75%. La pêche est la dernière activité de « cueillette » au monde aujourd’hui !
Les Anglo-Saxons pèsent très / trop lourd dans les décisions de l’UE ; ce sont eux qui décident…
Pb de la directive « 0 rejet » = « obligation de débarquement » : les pêcheurs devraient rapporter tout ce qu’ils pêchent, or c’est inapplicable ; les bateaux ne sont pas adaptés.
Nicolas Mayer, animateur de la commission Mer au PG :
Les quotas sont basés sur les pêches de l’année précédente. Or il faut des « plans pluriannuels » pour organiser les choses, sinon c’est trop fluctuant. Aucune entreprise ne peut vivre sans savoir quelles conditions lui seront appliquées l’année d’après…
La flotte français = 7000 navires. Près de 30 ans de moyenne d’âge (une des plus vieilles d’Europe)
Depuis 1983, l’UE essaie de juguler la puissance de pêche (en fixant une jauge max ce qui est stupide, car alors la seule variable d’ajustement si on veut pêcher un maximum c’est de réduire les espaces de vie des marins). Comme la flotte est ancienne, de grosses unités viennent se replier sur la bande côtière or c’est une zone sensible et une nourricerie.
à Il faudrait que les zones de pêche correspondent aux types de bateaux
à Il faut moderniser notre flotte :
- pour pêcher mieux, pas +
- Pour + de sécurité des marins
Hervé Balusson, PDG d’Olmix (valorisation des algues) :
Société créée il y a 20 ans. Elle récupère les algues vertes (très anciennes, et très riches), elle les presse. Les molécules intéressantes sont récupérées pour faire des antibiotiques par ex ou encore pour le traitement du cancer du colon. Le reste, la biomasse, est travaillée pour en faire ressortir les protéines. Les algues sont pleines de protéines, mais elles ne sont pas digestes ; il faut les rendre digestes. Elles sont travaillées par des enzymes pour en faire ressortir les protéines, transformées en compote, mélangées à de l’argile… A partir de là, elles peuvent servir de nourriture pour les porcs, vaches, etc., et pour l’aquaculture (d’habitude l’aquaculture est une aberration écologique : on broie en Amérique du Sud des poissons pêchés au large de l’Afrique de l’Ouest ou ailleurs … pour nourrir des poissons chinois !)
Les lobbies (notamment pharma) sont tellement puissants qu’il était impossible de faire quoi que ce soit en Europe à a développé sa société vers l’Indonésie. Aujourd’hui, travaille à nourrir dindes, cochons, etc. sans antibiotiques. Tilly Sabco relancé grâce à cela.
Nicolas Mayer, animateur de la commission Mer au PG :
Il faut sortir de la logique sectorielle, penser le « co-développement » de la mer : ferme d’éoliennes + pisciculture + culture d’algues + culture de moules de bouchot…
Pour qu’une crevette gagne 1 kg, il lui faut de 1 à 7 ( !) kgs de farine de petits poissons broyés, qui auraient souvent été consommables, et sont pêchés sans aucune norme au large de la Guinée ou du Pérou…
Charles Braine, représentant de la petite pêche artisanale :
1 emploi en mer = 5 emplois à terre pour la pêche artisanale.
Pb : les armements industriels font la pluie et le beau temps et viennent de plus en plus souvent piller la bande côtière.
Un territoire : la terre + la mer. Le pb de la baisse de la ressource vient aussi de ce qui se fait à terre (tourisme, bétonnage…).
A Lorient la pêche = 3000 emplois induits environ.
Le Nord pille le Sud, et notamment l’Afrique. Le colonialisme perdure en mer.
La mer est accaparée par les grands groupes pétroliers, qui sont souvent financeurs d’assos et de groupes apparemment écologistes. Monsanto s’intéresse beaucoup à l’aquaculture…
Hervé Balusson, PDG d’Olmix (valorisation des algues) :
Dans le monde on consomme 20 millions de tonnes d’algues /an. 17 millions en Chine, 60.000 tonnes en France.
Compte rendu par Julien Kerguillec (Parti de Gauche, Front de Gauche pays de Morlaix)
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