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7 mars 2011 1 07 /03 /mars /2011 16:28

 

Le processus de paix israélo-palestinien dans l'impasse.

 

Un million et demi de Gazaouis qui vivent de manière misérable dans une prison à ciel ouvert surpeuplée depuis 2006, dans l'indifférence apparente de la vieille garde du Fatah contrôlant l'Autorité Palestinienne de Cisjordanie, qui fait tout pour conserver son pouvoir contesté par ses preuves d'impuissance et ses soupçons de corruption et pour fragiliser le Hamas, maître de Gaza. Israël qui continue sa politique d'isolement et de morcellement des zones palestiniennes de Cisjordanie tout en annexant par la politique du fait accompli de ses bulldozers escortés par des militaires armés jusqu'aux dents des pans entiers de Jérusalem-Est et des territoires occupés afin d'étendre ses colonies et de les sécuriser, fût-ce en détruisant des maisons palestiniennes et des champs d'oliviers et en expropriant leurs propriétaires. Un processus de paix moribond depuis les échecs du sommet de camp David et le déclenchement de la seconde Intifada suite à la visite par Ariel Sharon de l'esplanade des Mosquées. Un processus de paix qui n'est réactivé artificiellement par les américains avec la complicité du Fatah, que pour donner le change, calmer les belles âmes avides de justice en Occident et faire patienter les palestiniens exaspérés...

 

C'en est trop pour Ziyad Clot, cet avocat français d'origine palestinienne par sa mère qui raconte ses quelques mois d'expérience en tant que négociateur de l'OLP dans les négociations de paix engagées avec les israéliens à la fin du deuxième mandat de Bush, dans un essai amer mais vivant et instructif publié en 2010 aux éditions Max Milo, Il n'y aura pas d'Etat palestinien.

Le titre de l'essai peut apparaître comme une abdication ou le signe d'un défaitisme dangereux pour les droits spoliés des palestiniens. Il est en réalité la présentation provocatrice et brutale d'une thèse fondée sur une perception pragmatique de la situation au Proche-Orient et qui l'amène à penser que les intérêts concrets et immédiats des palestiniens de Gaza, de Cisjordanie, et d'Israël, comme des réfugiés, seront mieux défendus dans le cadre de la revendication d'une place dans un Israël ou une Palestine multi-ethnique.

 

Cachez cette collaboration de l'autorité palestinienne à l'occupation que je ne saurais voir...

 

Rappelons un peu le contexte et l'enchaînement des événements avec les éléments d'information que rappelle Ziyad Clot. Suite à la victoire du parti de résistance islamiste Hamas aux élections législatives du 25 janvier 2006, Mahmoud Abbas tente dans un premier temps de faciliter la mise en place d'un gouvernement d'union nationale. Mais Washington et Condoleeza Rice qui se rend à Ramallah pour rencontrer le président palestinien exigent qu'Abou Mazen (le nom arabe de Mahmoud Abbas) dissolve le gouvernement du nouveau premier ministre Ismaïl Haniyeh, et le président de l'autorité palestinienne s'exécute. On voit bien que la promotion du respect de la démocratie dans les pays arabes et plus largement du sud dépend très largement des intérêts stratégiques des américains et de leurs alliés... Le Hamas n'est pas le parti laïc, tolérant, hostile à toute forme d'antisémitisme et la solution de la provocation stérile d'un terrorisme inefficace politiquement que l'on aimerait voir triompher chez les Palestiniens, mais il aurait fallu lui laisser sa victoire électorale et le combattre politiquement sans punir toute la population israélienne par l'embargo sur Gaza et une séparation du peuple palestinien évitable.

Face à la violente réaction du Hamas devant son éviction illégitime, les Etats-Unis garantissent que le Fatah sera soutenu matériellement et politiquement, que ses forces de sécurité seront renforcées. L'Egypte, la Jordanie, l'Arabie Saoudite et les Emirats Arabes Unis contribuent au financement, à la formation et au développement des forces armées du Fatah.

Le 1er février 2007, les forces de Dahlan, chef de la sécurité du Fatah, prennent d'assaut l'université islamique de Gaza. Le Hamas répond par des attaques sur les postes de police du Fatah. L'Arabie Saoudite, en promettant de financer les salaires de l'Autorité palestinienne, amène les frères ennemis à trouver un accord et à s'engager à former un gouvernement d'union nationale mais les Etats-Unis de Bush font tout pour complaire au gouvernement israélien et faire échouer le projet de manière à continuer à isoler le Hamas. Comme l'Egypte et la Jordanie continuent à former et à armer les forces de sécurité palestiniennes, le Hamas se sent de plus en plus menacé à Gaza et engage en juin 2007 une série d'attaques contre les forces du Fatah. Le 15 juin 2007, les forces de sécurité du Fatah sont délogées de la bande de Gaza.

Entre cette date et la brutale offensive israélienne de trois semaines « Plomb durci sur Gaza » entre le 27 décembre 2008 et le 18 janvier 2009 qui a fait 1400 morts côté palestinien, 50 blessés côté israélien, avec laquelle s'achève le récit de Ziyad Clot, le Hamas tente tant bien que mal de faire survivre la population de Gaza victime d'un embargo international voulu par les israéliens et les américains et accepté par l'Europe et l'Egypte, tout en purgeant violemment la société des partisans laïcs du Fatah et en envoyant quelques rockets sur la ville de Sdérot.

Pendant ce temps, Bush et Condoleeza Rice, enlisés en Afghanistan et en Irak, suscitant la détestation des peuples arabes dégoûtés par leurs politiques impérialistes et inéquitables, veulent faire croire en une résolution ferme d'avancer vers une paix négociée et une solution à deux Etats reconnaissant les droits respectifs des israéliens et des palestiniens sur la terre palestinienne sans menacer la survie, la puissance et le caractère de foyer juif d'Israël.

Les caciques de l'Autorité Palestinienne s'engagent dans les négociations avec beaucoup de scepticisme, ne se faisant guère d'illusion sur la volonté et la capacité du gouvernement Olmert succédant à celui de Sharon tombé dans le coma de faire des compromis à l'approche des législatives, mais forcés de faire comme s'ils avaient un interlocuteur de bonne foi prêt au compromis car il ne peuvent se maintenir au pouvoir malgré le mécontentement grandissant de la population des territoires occupées qu'avec l'appui des américains. « J'ai maintenant compris, écrit Ziyad Clot à l'issue de son expérience de négociateur, que l'Autorité Palestinienne, au fil des années, est devenue une autorité d'occupation. Elle est réduite à faire le sale boulot en Cisjordanie en lieu et place des Israéliens, avec le soutien des Américains et de l'Union Européenne ».

« Le processus de paix, ajoute l'auteur, est un spectacle, une farce, qui se joue au détriment de la réconciliation palestinienne, au prix du sang versé sur Gaza » (p.104)... Pendant que les Israéliens avec la complicité de la communauté internationale affament et privent de tout les gazaouis, que les israéliens obligent les négociateurs palestiniens à faire des compromis sur le droit au retour des réfugiés palestiniens tout en continuant à charcuter les territoires palestiniens de Cisjordanie et à mener une politique de nettoyage ethnique pour construire le tramway de Jérusalem, protéger les colonies et les multiplier sur les zones les plus favorables à l'installation, le Fatah endort son peuple de promesses de souveraineté et de dignité retrouvée tout en le décourageant de se révolter violemment.

Ziyad Clot était tout particulièrement chargé de la question du retour et de l'indemnisation des descendants de réfugiés palestiniens expulsés entre 1947 et 1949 (comme son propre grand-père maternel) et en 1967. Les 7 millions de réfugiés, chrétiens et musulmans, installés au Liban, en Jordanie, en Syrie, en Europe ou en Amérique, constituent aujourd'hui 70% des palestiniens, pour la plupart vivant à moins de 100km de la frontière palestinienne. Beaucoup, particulièrement en Jordanie et au Liban, sont considérés comme des citoyens de seconde zone victimes de discrimination depuis des décennies, vivant dans la misère et la frustration, et considérés comme potentiellement dangereux par des régimes d'états arabes qui composent avec Israël, qu'ils craignent.

Pour Ziyad Clot, si l'on veut prendre réellement en compte l'intérêt des réfugiés palestinens, qui est de pouvoir retourner chez eux s'ils le souhaitent ou d'être indemnisés pour que l'injustice de l'expropriation et de l'exil forcé qu'ils ont subi soit reconnue, comme l'intérêt des populations des territoires occupées ou des territoires placés sous administration palestinienne, victimes d'un véritable apartheid, il faut renoncer à cette chimère d'une solution à deux États. En effet, les israéliens ne laisseront jamais un État pleinement souverain et disposant d'un territoire suffisamment cohérent pour accueillir les réfugiés et vivre en dehors du goutte à goutte de la communauté internationale et de son aide humanitaire se constituer.

 

Est-il souhaitable et envisageable de renoncer à l'objectif de la paix dans la séparation en deux États?

 

Depuis les accords d'Oslo, Israël fait croire au monde arabe, à la communauté internationale et aux dirigeants du mouvement de résistance palestinienne qu'il est prêt à accepter la formation d'un Etat palestinien souverain, à condition que les États voisins fassent la paix avec l'État hébreu, qu'ils reconnaissent ses frontières, et que les forces organisées palestiniennes lui assurent sa sécurité. Pendant ce temps, la réalité sur le terrain s'aggrave: les discriminations dont sont l'objet les arabes israéliens se renforcent, la colonisation progresse en ne laissant à la population palestinienne que des lambeaux de territoires discontinus séparés par des centaines de barrages militaires qui asphyxient la vie économique palestinienne, et le regain des injustices et de la misère nourrissent un désarroi chez les palestiniens qui renforce les conflits internes et l'extrémisme.

Dès lors, pourquoi ne pas prendre acte du fait qu'Israël ne laissera jamais un État palestinien viable se former à ses côtés et ne fait qu'agiter cette promesse pour gagner du temps et poursuivre sans craindre de trop les foudres des américains et de la communauté internationale une politique d'expropriation et de marginalisation brutale des populations palestiniennes?

S'il existe de bonnes raisons de s'accorder avec ce constat, on peut se demander si la solution d'un Etat israélien pluri-culturel au pouvoir décentralisé et confiant une large autonomie aux communautés locales palestiniennes que semble préconiser Ziyad Clot est plus satisfaisante et plus réalisable. En effet, elle exigerait, comme le préconisait jadis la gauche israélienne universaliste et communiste, que les israéliens renoncent à leur programme sioniste de définition ethnico-religieuse de la citoyenneté israélienne et du droit à vivre dans l'État israélien et qu'ils acceptent le principe du droit au retour des réfugiés palestiniens. Comment, dans un contexte de droitisation et de la société israélienne et au vu des forts moyens de pression des petits partis religieux et d'extrême droite sioniste dans une Knesset élue à la proportionnelle, des partis de gauche, qui sont de surcroît également parfois sujets à l'angoisse concernant la forte natalité arabe et le risque d'un déséquilibre démographique altérant le caractère juif de l'Etat d'Israël, accepteraient une telle solution d'un Etat pour tous avec des citoyens égaux, reconnus dans leur droit à la différence?

L'alternative à la solution des deux Etats préconisée par Ziyad Clot, dans le sillage du professeur de philosophie et président de l'université Al Qods de Jérusalem, n'est-elle donc tout aussi irréalisable? Est-elle même souhaitable si l'on songe au risque de violences internes né de l'histoire conflictuelle des juifs israéliens et des palestiniens, de la nécessaire limitation de l'immigration juive en Israël qu'implique le droit au retour des palestiniens et des inégalités sociales qui séparent actuellement juifs et palestiniens chrétiens ou musulmans?

Il n'empêche que la question mérite d'être posée, étant donné le rôle de leurre et d'écran de fumée que peut jouer l'espoir de création d'un État palestinien dans une situation où, en réalité, depuis l'assassinat d'Isaac Rabin, les gouvernements sionistes israéliens ne visent qu'à créer des situations irréversibles pour des politiques d'appropriation du territoire unilatérales afin de servir les clientèles électorales des colonies et le rêve mortifère d'Eretz Israël, un foyer de peuplement juif dans les frontières de l'installation hébreu antique.

 

Ismaël Dupont.

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