Pour introduire au débat du 16 mars 2011 sur le thème: quelle démocratie?
En 1852, Auguste Blanqui écrivait que « démocrate » était un mot « sans définition »: « Qu'est-ce qu'un démocrate, je vous prie? C'est un mot vague, banal, sans acception précise, un mot en caoutchouc ».
L'indétermination du signifiant « démocratique », cette polysémie du mot associée à sa valorisation spontanée fait qu'il s'accorde avec toutes les instrumentalisations idéologiques. Comme la lutte politique commence par un combat pour l'appropriation et la juste définition des mots mobilisateurs, il nous reviendra de préciser en quoi on ne peut dissocier l'attachement à la démocratie de l'aspiration à l'égalité.
Hier, les communistes opposaient la démocratie réelle des démocraties populaires où le travailleur était prétendument souverain et l'individu et le citoyen en vérité écrasé par le parti-guide et la bureaucratie d'Etat à la démocratie formelle du parlementarisme et des droits de l'homme bourgeois, accordant des libertés et une égalité de papier, dissociés d'une émancipation concrètes dans la vie civile et le travail.
Aujourd'hui, on justifie des guerres impérialistes par l'exportation de la démocratie et des droits de l'individu, on transforme la démocratie participative en outil de marketing électoral pour une gauche à court d'idées, on impose l'affaiblissement de la souveraineté des Etats-nations, la dérégulation économique et la liberté du marché qui durcissent les inégalités au nom du renforcement et de la consolidation de la démocratie en Europe, et on passe outre la décision des peuples danois, français, hollandais, irlandais de ne pas avaliser les traités européens qui les dessaisissent de leur souveraineté en les faisant passer pour des imbéciles obscurantistes ayant cédé aux sirènes de la démagogie, du populisme flattant leurs bas instincts nationalistes et anti-démocratiques: votes de défiance qui traduiraient non des choix éclairés mais des pulsions contestatrices, et au final, malgré tout, un échec de la pédagogie des élites politiques et médiatiques éclairées par les experts économiques aux verdicts indiscutables.
On est aujourd'hui confronté à un paradoxe, qui n'est peut-être qu'apparent, celui d'une extrême valorisation de la démocratie, mais d'une démocratie sans le peuple et contre le peuple, ou du moins contre ses aspirations possibles à l'auto-détermination et à l'égalité sociale.
Et ce paradoxe d'une sacralisation de l'idée de démocratie se creuse quand on observe, dans les pays occidentaux, la puissance du discrédit dont sont l'objet les représentants politiques et les institutions, discrédit qui se traduit par le vote extrémiste et l'abstention, par la versatilité des choix et la dépolitisation, tout comme par un grand scepticisme de ceux qui accomplissent leur devoir civique sans croire que l'issue de l'élection changera grand chose à leur vie quotidienne, soit parce que les partis majoritaires ont renoncé à l'idée de changer structurellement la société pour la rendre plus juste, soit parce que le volontarisme politique est confronté à une impuissance nouvelle liée à la libre circulation des capitaux et aux stratégies de délocalisation et de dumping social des multinationales ou au transfert de souveraineté à des institutions transnationales plus ou moins démocratiques.
Cette crise de la démocratie représentative peut-elle simplement être conjurée en instaurant de nouvelles règles institutionnelles rendant le monde politique moins fermé sociologiquement, moins attaché à la conservation de ses privilèges, et moins poreux aux sirènes de l'affairisme (par exemple: limitation du pouvoir de l'exécutif, accentuation du contrôle de la justice sur celui-ci, scrutins de liste à la proportionnelle permettant l'élection de plus de femmes, de jeunes, de représentants issus des classes populaires, réforme de la formation scolaire des cadres politiques et administratifs, mandat unique ou non cumul des mandats...)? Implique t-elle de rapprocher les instances de décision du citoyen en allant vers plus de démocratie locale, de décentralisation et de démocratie participative? Faut-il multiplier les référendums d'initiative populaire pour que les individus se ressaisisse des questions politiques et fassent pleinement leur travail de citoyens ?
Ou faut-il croire au contraire que le combat est perdu d'avance, du fait du comportement moyen de l'individu des sociétés démocratiques et capitalistes avancées?
Pour certains contempteurs de la modernité, l'accès au confort matériel et la relative égalisation des conditions, en même temps que la nouvelle division du travail et les contraintes de mobilité que le phénomène urbain et les mutations de l'économie ont généré, auraient dissout les vieilles solidarités et fait émerger la monade individualiste des masses anonymes, l'individu-consommateur indifférent à la vie publique et à l'intérêt général.
Homo democraticus que beaucoup d'essayistes, sociologues, philosophes critiques de l'Etat-Providence et de la modernité démocratique nous décrivent, dans le sillage des anticipations de Tocqueville, des analyses de Hannah Arendt, comme un être indifférent à son voisin et à la vie publique, tournant autour de lui-même et de ses petits plaisirs, ne pensant pas au-delà du cercle étroit de sa famille, ne songeant à la politique que quand des réformes ou des phénomènes sociaux affectent ses intérêts matériels et catégoriels immédiats, ne cherchant pas à défendre les libertés publiques et une vision de l'intérêt général mais se contentant d'être dans un rapport instrumental de consommation (de protection sociale, de services publics, d'assurance contre l'imprévu) à la puissance publique de l'Etat.
Cet homme démocratique oublieux des durs combats du passé nécessaires à la conquête de ses droits politiques et de ses libertés individuelles, trop gâté et préoccupé essentiellement par ses petits plaisirs abêtissants, décérébré par la civilisation du loisir, les mass médias, la société de consommation serait une forme de "dernier homme" (pour reprendre une notion introduite par Nietzsche) incapable de donner une consistance aux institutions démocratiques et de se méfier des démagogues dangereux qui flattent ses bas instincts anti-fiscaux ou égalitaristes, xénophobes et sécuritaires, serait incapable de préserver la démocratie si des élites plus responsables et conscientes des dangers qui la guettent ne la préservaient, du point de vue de ces intellectuels (Dominique Schnapper, Finkielkraut...).
On pourrait aller plus loin même et dire avec l'essayiste sceptique américain d'origine allemande Walter Lippmann que, structurellement, il est impossible que des électeurs puissent s'intéreresser à suffisamment de champs du savoir pour faire le tour des problèmes techniques qu'a à résoudre le politique. Le peuple est fondamentalement aveugle et doit être guidé par des experts et des politiciens professionnels instruits car il est hautement improbable que « la somme des ignorances individuelles puisse produire une force continue capable de diriger les affaires publiques ». Il faudrait donc « remettre le public à sa place », au sens de le rappeler à son devoir de modestie et de le remettre dans les gradins, car la gestion d'un Etat, d'une économie, est une affaire sérieuse qui n'est pas à la portée du profane, et l'homme de la rue n'est d'ailleurs pas fondamentalement un animal politique, qui manifeste un intérêt spontané pour les questions sociales quand elles n'ont pas d'incidence directe sur sa vie quotidienne.
Notre thèse à nous serait plutôt que c'est le sentiment de la perte de puissance transformatrice de la volonté politique citoyenne - liée à l'homogénéité idéologique des aspirants au pouvoir exécutif, à la puissance de l'instrumentalisation et de la neutralisation des pouvoirs politiques démocratiques par les puissances financières, et l'affranchissement de la politique « de toute promesse d'émancipation sociale, de tout horizon d'attente eschatologique » (Jacques Rancière, Aux bords du politique) qui nourrit la démission citoyenne et le désintérêt pour la politique. C'est d'abord parce que le peuple a le sentiment justifié que son pouvoir ne s'exerce plus guère qu'il se désintéresse de la politique. Les élections libres sont devenus un cirque sans enjeu fait de marketing et de ciblage publicitaire plus que d'affrontements idéologiques et de débats d'idées. Les candidats sont présentés dans un emballage conçu par des experts en publicité plus habitués à promouvoir des marques que des principes politiques... Les médias détenus par les grands groupes financiers occultent les vrais enjeux sociaux des élections et les non-dits de candidats de partis de gouvernement qui acceptent la domination de la finance et s'en font les chargés d'affaire aussi bien dans leur politique intérieure qu'étrangère quand ils parviennent au pouvoir.
Comme l'écrit Jacques Rancière dans La Haine de la démocratie: « Nous vivons dans des Etats de droit oligarchiques, c'est à dire dans des Etats où le pouvoir de l'oligarchie est limité par la double reconnaissance de la souveraineté populaire et des libertés individuelles ». Un peu plus loin: "On prend habituellement l'existence d'un système représentatif comme critère pertinent de démocratie. Mais ce système est lui-même un compromis instable, une résultante de deux contraires. Il tend vers la démocratie dans la mesure où il se rapproche du pouvoir de n'importe qui. De ce point de vue, on peut énumérer les règles définissant le minimum permettant à un système représentatif de se déclarer démocratique: mandats électoraux courts, non cumulables; monopoles des représentants du peuple sur l'élaboration des lois...contrôle de l'ingérence des puissances économiques dans les processus électoraux".
Le triomphe de l'idée démocratique, amputée de sa dimension subversive d'égalitarisme, a servi d'arme de guerre au libéralisme contre les idéaux d'émancipation sociale, et coïncide avec le déclin de la réalité démocratique.
Dans le courant des années 70-80, avec la mode de la pensée anti-totalitaire succédant à celle de l'anti-capitalisme et de l'anti-impérialisme, le discours dominant dans le champ intellectuel et médiatique a commencé à célébrer la démocratie comme une valeur absolue, atemporelle, indiscutable, l'alpha et l'omega du souhaitable politique, le dernier stade du progrès historique. Mais ce nouveau totem, cette idole devant lequel on a sacrifié avec bonne conscience les espérances révolutionnaires, les idéaux d'émancipation, et l'ambition de changer structurellement la société pour installer une démocratie sociale en complément de la démocratie politique, ce n'est qu'une idée historiquement située de la démocratie: la démocratie parlementaire ou représentative, défendue comme rempart de la liberté individuelle et de la liberté du marché contre les excès de la souveraineté du peuple et de son aspiration possible à l'égalité.
cf. Daniel Bensaïd dans un très bel article tiré du recueil Démocratie, dans quel état? publié aux éditions La Fabrique: « vers le milieu des années 1970, la scène mondiale commença à pivoter. Les protagonistes de la guerre froide- capitalisme contre communisme, impérialisme contre libération nationale – s'effaçaient devant une nouvelle affiche annonçant à grand tapage le combat du siècle entre Démocratie et Totalitarisme. Comme sous la Restauration monarchique, la démocratie sans phrases était censée donner un semblant de légitimité à la bassesse d'un interminable Thermidor. Pourtant aujourd'hui comme hier, les libéraux victorieux gardaient une secrète méfiance envers le spectre de la souveraineté populaire qui s'agite sous la surface du formalisme démocratique » (p.27).
Comme l'exprime l'intellectuelle de la gauche critique américaine Kristin Ross dans un article « Démocratie à vendre » (inclus dans ce même recueil Démocratie, dans quel Etat?: « on ne saurait surestimer l'énorme avantage que les États occidentaux ont réussi à pousser en présentant la « démocratie » comme une force faisant contrepoids au « communisme ». Ainsi, ils ont pris le contrôle entier du mot, effaçant toute trace de la valeur émancipatrice dont il était jadis chargé. La démocratie est devenue une idéologie de classe légitimant des systèmes qui permettent à un très petit nombre d'individus de gouverner – et de gouverner pour ainsi dire sans le peuple...Et imposer l'idée que le marché est un préalable évident à la démocratie et que la démocratie appelle inexorablement le marché constitue une victoire retentissante » (p.118).
En même temps qu'ils célèbrent comme la fin de l'histoire, le meilleur des mondes possibles ou le moindre mal (par rapport au maximalisme révolutionnaire conduisant semble t-il naturellement au goulag, au totalitarisme et aux bains de sang) la démocratie moderne des droits de l'homme et des libertés individuelles, de la liberté d'expression, du multipartisme et de l'alternance des représentants politiques, ces même intellectuels libéraux ou conservateurs vouent, comme l'a bien vu le grand philosophe français Jacques Rancière une forme de haine à la société démocratique produite par l'égalisation partielle des conditions, entendent encadrer et contrôler la souveraineté du peuple dont ils se méfient, et manifestent une véritable angoisse vis à vis du mouvement spontané des masses pouvant bousculer l'ordre hiérarchique établi.
"La haine de la démocratie peut se résumer en une thèse simple: il n'y a qu'une seule bonne démocratie, c'est celle qui reprime la catastrophe de la civilisation démocratique" (Jacques Rancière, La Haine de la démocratie). Pour exemple, le rapport de cette Commission Trilatérale composé par Michel Crozier, Samuel P. Hundington, Jogi Watanaki, qui a donné sa feuille de route au néo-libéralisme brutal des années 80: pour eux, la démocratie signifie l'accroissement irrésistible des demandes qui fait pression sur les gouvernements, elle entraîne le déclin de l'autorité et rend les individus rétifs à la discipline et aux sacrifices requis par l'intérêt commun". Dès lors, on qualifiera du terme devenu injurieux de "populiste" toute politique qui vise à satisfaire les revendications populaires et on louera le courage et l'esprit de responsabilité des hommes politiques qui écoutent ceux qui savent, les experts économiques, plutôt que les citoyens, et qui réduisent de ce fait les garanties sociales de la population pour accroître la compétitivité des entreprises et réduire les impôts.
Cette haine de la démocratie a plusieurs symptômes et prend plusieurs formes: a) Chez les intellectuels d'État libéraux de la Fondation Saint Simon dans les années 90: survalorisation, à l'encontre du débat idéologique contradictoire, de la nécessité du conseil technique et scientifique aux représentants pu peuple, du pouvoir des experts capables, contrairement aux citoyens peu lucides et ignorants, de trouver des moyens pour mettre en œuvre efficacement des fins à travers une connaissance des lois de l'économie... Survalorisation aussi des corps intermédiaires de la société civile (syndicats, médias, partis, églises, associations...) qui peuvent discipliner et éclairer les revendications populaires et faire de la pédagogie auprès du peuple pour lui expliquer les dures nécessités de l'action politique responsable en période de mondialisation. Idéal d'un silence des passions politiques, des conflits idéologiques, au profit d'un pragmatisme technicien à finalité purement utilitariste -augmenter la croissance, la prospérité économique nationale, diminuer le chômage- commandant des réformes dont la nécessité devrait s'imposer à tous. b) Idée que la démocratie politique, le droit du peuple à élire ses représentants, se justifie essentiellement comme moyen de les contrôler pour qu'ils ne remettent pas en cause les libertés individuelles. Les droits de chacun doivent l'emporter sur le pouvoir de tous. c) Ou alors, idée qu'elle se justifie au nom de la paix civile comme moyen de régler pacifiquement des conflits liées à la contradiction des intérêts et des opinions de groupe sociaux. Cf. pour Raymond Aron, dans une perspective pragmatique, la démocratie n'est jamais que « l'organisation de la concurrence pacifique en vue de l'exercice du pouvoir » qui présuppose des « libertés politiques » sans lesquelles « cette concurrence est faussée ». Toutefois, cet attachement à la démocratie comme moyen de paix civile est contradictoire avec tout attachement religieux à un absolu politique, toute ambition de changer la société à marche forcée pour la rendre plus juste, dans la mesure où ces attitudes politiques maximalistes supposent la neutralisation des adversaires politiques et sociaux, la suppression du multipartisme et de l'alternance politique, la suspension des libertés publiques. Être démocrate, cela suppose une certaine forme de résignation au moindre mal de la domination provisoire d'opinions politiques qui nous semblent erronées et contraires à l'intérêt général. La démocratie s'accorderait mieux avec le scepticisme (les solutions que je préconise ne sont pas forcément les meilleures et des nécessités absolues, même si j'ai tendance à le croire du fait de mon histoire, de mon éducation de mon point de vue particulier sur les choses) et avec le relativisme (tolérance liée à l'absence de croyance en une vérité absolue en matière politique: il n'y a que des opinions), voire à l'indifférentisme politique qu'avec le dogmatisme et l'attachement fanatique à la réalisation rapide d'idéaux de transformation sociale perçus comme moyen de salut pour l'humanité. d) Toute ambition révolutionnaire visant à obtenir une émancipation complète du peuple sur le court terme serait vouée à justifier la confiscation du pouvoir par une minorité et la violence contre les récalcitrants, au nom du Bien, et comme la nature humaine est ainsi faite que le pouvoir absolu corrompt absolument et rend fou, une idéologie qui justifierait au nom d'idéaux de libération ultime un pouvoir absolu provisoire d'un État ou d'un parti sur la société conduirait, comme l'ont montré l'exemple du moment jacobin de la Révolution Française de 1793-1794, des révolutions communistes russes, chinoises, vietnamiennes, cambodgiennes, à des dictatures venant progressivement à se considérer comme leurs propres fins. e)Parallèlement, chez beaucoup de philosophes, sociologues, essayistes (Finkielkraut, Jean-Claude Milner, Dominique Schnaper...), on observe une critique des principes mêmes de la démocratie et de l'individu produit par la société démocratique, critique héritée de Platon et de Tocqueville qui est une critique à peine voilée de la civilisation démocratique entendue en termes sociologiques comme impliquant l'égalité sociale. La civilisation égalitariste de l'âge démocratique dégraderait les vertus humaines.
Or la démocratie, dans son sens originel, c'est le pouvoir du demos, du peuple, pour le peuple, le peuple au sens du peuple sociologique: le commun, le vulgaire, les classes moyennes et populaires... soit le pouvoir du citoyen qui n'a aucun titre à gouverner...
Ainsi, Demokratia veut dire le pouvoir du peuple en un double sens: a) du peuple en tant qu'entité politique, communauté organisée de manière conventionnelle pour faire les lois, dire le droit b) le peuple en tant que réalité sociale, le grand nombre des classes populaires et moyennes, opposé aux vieilles familles aristocratiques et aux riches. D'emblée donc, la démocratie acquiert une double signification d''égalité politique et d'orientation vers l'égalité sociale. Politique dans la mesure où elle implique l'égale capacité de tous les citoyens à produire la loi et à gouverner la cité, comme l'absence de commandement d'un homme éminent ou d'une élite. Sociale, dans la mesure où c'est la plèbe, pour utiliser un mot latin, le bas peuple, qui prend le pouvoir dans la démocratie, pouvant ainsi l'utiliser selon les intérêts du plus grand nombre. L'installation de la démocratie a coïncidé avec un moment de la lutte des classes, les « démocrates » étant d'abord les défenseurs du parti populaire.
L'essence égalitaire de la démocratie, telle qu'elle est revélée par sa naissance...
Chacun sait aussi que la démocratie naît dans la Grèce antique, et en particulier à Athènes au VI ème av. JC. Depuis le VIII ème siècle, les Grecs s'étaient organisés en cités autonomes au travers de rassemblement de villages s'organisant à partir de mêmes lieux de décision et de délibération commune, la loi n'étant plus considérée comme l'expression d'une tradition sacrée, de la volonté d'un homme situé au-dessus des autres ou de la volonté divine, mais le produit d'une décision collective révisable visant l'intérêt général.
Entre le VIIIème siècle et le Vème siècle av. JC, les cités grecques ont principalement été administrées par des oligarchies ou des tyrannies.
L'oligarchie renvoyait au gouvernement d'un conseil fermé de notables (les Eupatrides à Athènes),de riches appartenant souvent à une aristocratie héréditaire et se partageant les magistratures, les fonctions publiques de commandement à caractère politique, religieux ou militaire.
Ces grands propriétaires gouvernaient avec morgue un petit peuple de paysans, d'artisans et de commerçants, ouvriers et manœuvres constituant le démos, le peuple, provisoirement tenu à l'écart de l'agora. Toutefois, le développement rapide des implantations coloniales, des échanges commerciaux, du capitalisme et de l'urbanisation, comme des guerres impériales à partir du VIIIème siècle en Grèce a rendu plus fragile cette domination oligarchique, les tensions entre les classes sociales installant un climat de guerre civile larvée dans les cités (affrontement entre les grandes familles et leurs clientèles, expropriation des petits paysans, paysans promis par leur dette à l'esclavage, exploitation des ouvriers et artisans des villes...), provoquant de nombreuses révolutions.
Ces révolutions ont d'abord accouchés de tyrannies, accaparement du pouvoir par des aventuriers gouvernant par usurpation, ex lex et selon leur bon plaisir en servant leurs alliés et leurs clientèles et en humiliant les vieilles familles, en les expropriant pour redistribuer une partie de leurs richesses au peuple, sur lequel ces tyrans s'appuyaient. Quand les tyrans laissaient en place pour faire illusion les Assemblées des notables, ils les faisaient voter sous la surveillance de porte-gourdins des propositions populaires. « Abaisser l'aristocratie et relever les humbles: tel est le principe général qui guide les tyrans » (Gustave Glotz, La cité grecque, 1928). Moyens de se concilier le peuple: exiger l'augmentation des salaires, lui donner du travail en financement des programmes de grands travaux avec l'argent prélevé sur la fortune des notables, lui promettre du butin en organisant des expéditions militaires financées là encore avec des impôts sur les riches.
La démocratie athénienne, dont on connait précisément l'histoire, s'est organisé en plusieurs temps:
- avec Solon d'abord, en 594 sur une base censitaire (les obligations et les droits des classes, leur participation aux magistratures mais non à l'assemblée et aux tribunaux, étant dépendant du cens ou de l'impôt qu'elles versent en fonction de leurs richesses).
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avec Clisthènes après l'épisode de la tyrannie de Pisiscrate en 508/7 – les tyrans et leurs alliés furent proscrits, les citoyens d'Athènes furent classés selon leur domicile et non selon leur classe sociale. Le pays athénien fut divisé en dèmes, petites communes qui avaient chacune leurs assemblée, leurs magistrats, leur administration. Les différents dèmes, indépendamment de leurs proximités géographiques et de leurs intérêts communs, furent repartis en 10 tribus, qui élirent chacune 50 membres de La Boulé, le conseil des 500, lieu de représentation proportionnelle des dèmes, dont le travail était préparé par une commission de 50 élus d'une même tribu, cette commission étant composée à tour de rôle des représentants de plusieurs tribus y siégeant pendant 1/10 ème de l'année. La Boulé, ou conseil des Cinq Cents, préparait des projets qui étaient ensuite soumis à la ratification de l'ensemble des citoyens réunis. Le pouvoir exécutif était assuré par 9 archontes accompagnés d'un secrétaire représentant les 10 tribus athéniennes.
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Pendant les guerres médiques (opposant les Grecs aux Perses), des retouches furent apportés à la constitution politique d'Athènes, la rendant encore plus démocratique. En 487, on décida de tirer au sort les archontes, un par tribu. En 462, le parti démocratique dirigé par Ephialtès obtint que l'Aréopage, un conseil de notables équivalent à une forme de Sénat qui avaient la garde de la constitution ou des lois fondamentales d'Athènes, pouvait juger des crimes et infractions et exercer un contrôle sur le gouvernement, fut privé de ses prérogatives et réduit à des fonctions religieuses honorifiques. Periclès, lieutenant d'Ephialtès et petit-neveu de Clisthènes, prolongea ses réformes démocratiques par plusieurs innovations fondamentales: il éleva la loi au-dessus des caprices populaires en permettant à n'importe quel citoyen de dénoncer une proposition d'arrêt populaire jugé contraire aux lois fondamentales et de faire poursuivre, et parfois même condamné à mort, son auteur (c'est la pratique du graphè paranomôn, action criminelle en illégalité). Périclès, pour permettre aux citoyens modestes devant travailler pour survivre de remplir pleinement leur rôle souverain à la Boulé, dans les tribunaux ou pour occuper une charge de fonctionnaire après tirage au sort, leur attribua des soldes, ou misthoi. Au IVème siècle, les citoyens eurent droit à des indemnités, non seulement pour rémunérer des services exceptionnels, mais pour se rendre à l'Assemblée plénière des citoyens (l'Ecclésia) et y voter les lois.
Au terme de toutes ces réformes qui à chaque fois ont coïncidé avec des progrès du parti populaire dans la lutte des classes qu'il mène contre les élites conservatrices, la minorité de citoyens Athéniens, distincte d'une majorité d'esclaves et de métèques d'origine étrangère privés de citoyenneté et soumis à un impôt spécial, se pense comme une société d'égaux, la seule à vivre dans un régime vraiment républicain (où le pouvoir est la « chose publique ») caractérisé par l'isonomia, l'égalité devant la loi, et l'iségoria, le droit égal de parler. Plus aucun titre de noblesse n'a de valeur: on ignore même les noms de famille et tout Athénien accole à son nom personnel le nom de son dème, plus rarement celui de son père s'il est illustre. Même si les hommes politiques influents viennent souvent de grandes familles, y compris dans le parti populaire, l'État ne reconnaît que des individus et non des familles appartenant à des castes différentes. « Les citoyens ont tous les mêmes droits. Ils peuvent entrer à l'Assemblée pour parler, s'ils le veulent, et pour voter; car le système représentatif n'existe pas et eût semblé une restriction oligarchique de l'iségoria. Ils peuvent se porter candidats au Conseil et aux autres fonctions publiques dans des conditions légales: ils sont tour à tour obligés d'obéir et admis à commander. Ils prennent part aux fêtes publiques, aux processions, aux sacrifices, aux jeux, aux représentations théâtrales, sans autre distinction que la préséance accordée aux magistrats » (Gustave Glotz, La Cité Antique, p. 140).
Pour Platon (philosophe athénien, V-IVème s av. JC) la démocratie, qui correspond à la prise de pouvoir par la majorité des pauvres conduits par des démagogues à prendre des orientations politiques contradictoires en fonction des intérêts de ses derniers aboutit aussi à servir les intérêts de classe et la cupidité du peuple avant toute chose au détriment de l'intérêt général (par exemple en encourageant à la guerre ou à des politiques impérialistes vis à vis des cités voisines, pour donner des indemnités aux citoyens engagés dans les navires de guerre, du travail pour les construire, et des promesses de butin). Le gouvernement démocratique conduit aussi à l'absence de gestion rationnelle de la cité: pour cela, il faudrait que les décisions émanent des plus compétents, des experts formés au sein de l'élite sociale par les philosophes, et non des aventuriers, qui grâce à leur sens de l'intrigue et de leur maîtrise de la démagogie, parviennent à séduire le peuple. Alors qu'une société bien organisée est celle où les statuts et les devoirs sociaux sont bien hiérarchisés, différenciés et complémentaires pour servir l'intérêt de l'ensemble de la société, la démocratie tend à favoriser l'indifférenciation sociale, la prétention des individus à échapper aux obligations traditionnelles liées à leur sexe, leur âge, leur rang social. La démocratie favorise l'esprit d'insoumission et un hédonisme individualiste qui génère de l'anarchie, de la licence généralisée et la corruption des vertus morales du peuple. Pour Platon, dont Tocqueville et les réactionnaires contemporains s'inspireront, le régime populaire crée un type d'homme perverti incapable de s'astreindre à une discipline morale. L'homme démocratique laisse s'établir en lui des désirs multiples et se montre velléitaire, inconstant, incapable de courage et de sens du sacrifice: « il passe chacun de ses jours à complaire au désir qui lui échoit au passage ». Cette avidité débridée et cette perte d'esprit civique et public des individus qui composent la démocratie favorisent l'instabilité des régimes et l'arrivée au pouvoir d'ambitieux qui flattent le peuple de vaines promesses tout en n'ayant pas la connaissance suffisante pour bien le préserver des écueils (invasion étrangère, crise économique, révolution violente...) ou qui cherchent à établir des tyrannies en s'appuyant sur les citoyens les plus modestes. La constitution démocratique, née de l'insurrection violente des pauvres, s'achève naturellement par la spoliation des riches, à moins que ceux-ci parviennent à se défendre en préservant leurs intérêts par la force et en constituant des oligarchies tyranniques. Dans une démocratie, les rôles sont inversés et les gouvernants qui doivent conduire et éclairer tendent à être les gouvernés car pour conserver une influence sur le peuple et des magistratures accordées par élection, ils doivent le flatter, abonder dans le sens de ses erreurs, de ses ignorances et de ses bas instincts qu'il faudrait corriger. Or, selon Platon, « la foule est le critère du pire ». Le nombre, la règle majoritaire, n'ont rien à voir avec la vérité, rien à voir avec les conditions de l'harmonie sociale, puisque les passions l'emportent sur le jugement rationnel chez les hommes qui n'ont pas la distinction naturelle ou l'éducation pour faire un bon exercice de leur raison.
Les fondements de la démocratie libérale moderne ne sont pas égalitaristes.
« Si la démocratie prémoderne, républicaine, était fondée sur l'idée d'exercer le pouvoir en commun – le pouvoir du peuple pour le peuple- et était par conséquent centrée sur un principe d'égalité, la promesse de la démocratie moderne a toujours été la liberté. Cette démocratie moderne n'a jamais prôné l'égalité, sauf sur le mode le plus formel, celui de la représentation (le bulletin de vote) ou de l'égalité devant la loi ». (Wendy Brown).
La philosophie politique et des théoriciens du droit ont commencé à définir les fondements et les conditions de bon fonctionnement de la démocratie comme système politique entre le XVIIème s et le XXème s.
Il revient à Hobbes, philosophe anglais matérialiste du XVIIème s, d'avoir affirmé le premier que la loi civile n'émanait ni de Dieu ni d'une supériorité naturelle d'un homme sur un autre mais d'un accord originel et tacite, d'un pacte ou contrat social à partir desquels les hommes pour échapper aux conséquences dramatiques de leur liberté naturelle, la guerre de tous contre tous, ont décidé de sacrifier leur liberté illimitée à une sécurité et une liberté encadrée protégée par des lois et une force publique. Le champ du politique était donc défini comme l'exercice d'un pouvoir protégeant les individus ayant des opinions et des intérêts différents les uns des autres et leur permettant de vaquer à leurs affaires privés sans avoir à craindre leur voisin. Mais pour Hobbes, pour rendre possible cette quiétude publique et cette liberté individuelle définie négativement comme absence de contrainte, il fallait un pouvoir central s'exerçant de manière absolue, aux prérogatives illimitées.
Face à cette légitimation de l'absolutisme royal par Hobbes, Locke et Montesquieu vont au contraire mettre en avant la nécessité de préserver la liberté de chacun contre les empiètements du pouvoir central. Pour cela, il faut que les dirigeants soient élus afin qu'il soit plus facile de les contrôler et pour éviter qu'ils n'empiètent sur la liberté individuelle. Il faut qu'ils soient révocables et qu'ils respectent une constitution garantissant des libertés individuelles fondamentales (liberté de conscience, d'expression, de presse, de circulation, propriété, libre entreprise...). Il faut que le pouvoir soit divisé et que différents pouvoirs s'équilibrent et se contrôlent entre eux, s'empêchant réciproquement de dériver vers un exercice absolu et arbitraire: indépendance de la justice, Sénat non soumis aux aléas de la vox populi garant des lois fondamentales, contrôle des magistrats par une opinion publique pouvant s'exprimer librement et un Parlement représentant une diversité de partis politiques, fédéralisme et indépendance des collectivités locales empêchant le pouvoir central d'avoir trop d'emprise sur l'individu.
La question centrale de la démocratie libérale est de trouver les garanties institutionnelles pour préserver la liberté des individus, y compris la liberté des affaires, contre les menaces incarnées par le pouvoir, d'autres d'autres individus ou d'autres forces sociales. Cette démocratie libérale n'est aucunement faite pour permettre au peuple de transformer la société pour la rendre plus égalitaire: elle vise à limiter la souveraineté du peuple au nom d'une conception individualiste du fondement de l'Etat: il n'est là que pour nous protéger les uns des autres.
C'est cette pensée politique que l'on trouve à l'origine de la première démocratie du monde, celle des Etats-Unis fondée suite à la guerre d'indépendance contre l'Angleterre en Amérique.
La Révolution Française de 1789 a pour partie aussi été influencée par cette philosophie politique libérale (révolution modérée s'accordant d'une monarchie constitutionnelle et d'une démocratie représentative ayant pour but le respect des droits de l'homme et du citoyen de 1789-1791) et ... pour partie aussi influencée par le républicanisme nostalgique de l'antiquité gréco-romaine de Rousseau et son idéal de démocratie directe et de pleine souveraineté d'un peuple pensé comme naturellement droit et juste dans ses arrêts, à condition de n'avoir pas le jugement troublé par des ambitieux ou des factions aux intérêts particuliers variés. Pour Rousseau, l'homme n'a pas simplement intérêt à être citoyen pour préserver ses droits d'individu privé contre les empiètements de la masse, il se réalise en tant que citoyen utilisant sa raison et laissant de côté ses intérêts privés pour débattre de l'intérêt général avec ses pairs et énoncer la loi.
Depuis la mise en place douloureuse, surtout en France, de ces démocraties modernes, qui ont d'abord été censitaires, puis fondées sur le suffrage universel, l'idée semble s'être imposé que la volonté du peuple est le fondement légitime de tout pouvoir, que tous les hommes sont naturellement égaux et doivent être égaux en droits, devant la loi, que la liberté individuelle étant une valeur fondamentale, elle ne doit être contrariée par le pouvoir central de l'État que si elle entrave la liberté d'autrui ou s'adonne à des pratiques jugées inacceptables moralement. Ces trois valeurs consensuelles sont au fondement des institutions démocratiques.
Critique marxiste du formalisme de la démocratie représentative libérale, pensée comme démocratie inachevée.
Dans L'Idéologie allemande, en 1845, Marx et Engels font de l'État « la forme par laquelle des individus d'une classe dominante font valoir leurs intérêts communs »... et l'État démocratique ne déroge pas à la règle. « L'Etat est le comité qui gère les affaires courantes de la bourgeoisie » diront Marx et Engels dans le Manifeste communiste en 1848.
Il est la forme à travers laquelle, sans forcément en avoir conscience car elle se dissimule sa politique d' intérêt de classe sous des mots d'ordre grandioses et des idéaux d'émancipation humaine, la bourgeoisie, classe sociale ascendante a pris le pouvoir social à la noblesse, tout en asujetissant le prolétariat à une exploitation sociale brutale mais dissimulée sous l'apparence de la liberté politique et individuelle et de l'égalité de droit
Même si Marx, en tant que journaliste aux Nouvelle Gazette Rhénane, défendait la démocratie politique, il critique dès 1844 le culte des droits de l'homme et du suffrage universel dans A propos de la question juive en montrant que ces fondements de la démocratie libérale, dans la mesure où ils affirment la liberté et l'égalité abstraites de l'homme, sans considérer les relations de production et de travail, la production concrète de l'existence et les rapports de classe, ont pour fonction de dissimuler aux hommes concrets la vraie nature de leurs rapports sociaux en leur faisant croire qu'ils sont égaux et souverains.
Politiquement émancipé (par l'instauration du suffrage universel), l'homme n'en participe pas moins à une souveraineté imaginaire; être souverain jouissant des droits de l'homme, il mène une double existence, celle idéale et fictive de citoyen aux droits égaux à ceux des autres et membre de plein droit d'une communauté politique souveraine, et celle, réelle ou concrète, d'individu instrumentalisé ou instrumentalisant son prochain sous le règne brutal de la souveraineté de l'argent et de la propriété privée.
Pour résumer, la démocratie politique est un leurre pour Marx sans démocratie sociale, sans suppression de la propriété privée des moyens de production et de la domination de classe: Car la souveraineté du peuple et le pouvoir de tous en tant que citoyens et membres de la communauté politique sont limités dans la démocratie libérale pour les droits de l'homme qui sont les droits de l'individu propriétaire et égoïste. Marx commente l'article 2 de la constitution française de 1793: « Ces droits naturels et imprescriptibles de l'homme sont: l'égalité, la liberté, la sûreté, la propriété ». La liberté est définie non pas en termes politiques (pouvoir de tous sur chacun pour dire le droit), non pas en termes sociaux (pouvoir de satisfaire ses besoins ou ses envies: liberté réelle ou concrète vs. Liberté formelle) mais comme droit de faire tout ce qui ne nuit pas à autrui. Ce principe affirme la séparation ultime des hommes qui ne doivent pas s'occuper de leurs voisins, empiéter sur leur pré carré, l'empêcher de vaquer à ses affaires. L'Etat ne se justifie que comme moyen de préserver à tous ces libertés individuelles qui ont pour condition d'exercice la propriété et la sûreté. « La sûreté est la plus haute notion sociale de la société civile, la notion de police d'après laquelle la société tout entière n'existe que pour garantir chacun de ses membres la conservation de sa personne, de ses droits, de ses propriétés... Par la notion de sûreté, la société civile ne s'élève pas au-dessus de son égoïsme. La sûreté, c'est plutôt l'assurance de son égoïsme » (La question juive, 1844).
Même avec le suffrage universel, les classes dominantes qui ont tendance à dominer aussi la scène intellectuelle disposent de moyens idéologiques puissants (livres, médias, religion, philosophie...) pour diffuser les valeurs morales et politiques qui légitiment et perpétuent leur domination, aliénant ainsi les classes exploitées en lui dissimulant la nature réelle de leur situation sociale et de leurs intérêts. Critique qui n' a rien perdu de son actualité...
Toutefois, Marx et Engels considèrent aussi que le suffrage universel et la démocratie politique peuvent être des moyens de faire grandir l'exigence de la démocratie sociale, de l'égalité de droits effective, et ils soutiennent l'émergence de partis politiques communistes et leurs participations aux élections.
Par ailleurs, s'ils pensent que pour supprimer la propriété privée des moyens de production et l'exploitation capitaliste, on ne pourra faire l'économie d'une révolution, car même si le parti qui sert d'avant-garde au prolétariat arrive au pouvoir démocratiquement, il devra se protéger contre les forces de la réaction (armée, administration, propriétaires...), leur but n'était aucunement d'installer durablement un parti état au pouvoir centralisé et bureaucratique asujetissant tous les individus privés de capacité d'auto-détermination à des missions d'intérêt social, mais de supprimer l'Etat et de créer des sociétés sans police s'auto-gérant sur un mode démocratique.
Reste le problème fondamental et redoutable pour les communistes instruits par la triste expérience des destinées des révolutions russes, chinoises, vietnamiennes, cubaines, de la révolution nécessaire à l'avènement de cette société sans pouvoir d'Etat car sans exploitation de classe. Ne faut-il pas penser, avec le George Orwell de La Ferme des animaux que l'homme est ainsi fait qu'il abusera absolument d'un pouvoir absolu qu'il s'arrogerait au nom d'une émancipation rapide du peuple pour continuer à l'opprimer pour son intérêt et celui de sa clientèle par d'autres voies...?
Peut-on rééllement concevoir une révolution qui conserve une forme et un contenu démocratique ou, réciproquement, des institutions démocratiques ouvertes au multipartisme et à l'alternance qui soient animées d'une dynamique de révolution sociale prolongée?
Ismaël Dupont.
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