Où est la gauche ? L’année 2014 égrène ses premières semaines sous d’inquiétants auspices. De ses vœux télévisés à sa conférence de presse, et lors de son allocution aux forces vives (syndicats et associations), François Hollande martèle son credo libéral, n’en finit pas de prendre congé du socialisme. Le débat qui animait historiquement la gauche depuis un siècle sur les moyens à mettre en œuvre, sur le rythme à imprimer pour répondre aux demandes du monde du travail, objectif sur lequel tout le monde se déclarait d’accord, semble dépassé. Selon le nouveau paradigme de capitulation sociale défendu par l’hôte de l’Élysée, entre la demande de ceux qui n’ont pas grand-chose, et l’offre à consentir pour ceux qui ont plus que tout, le choix est vite fait. En couvrant les grands patrons et les actionnaires de cadeaux – par brassées de baisses de cotisations et d’allégements fiscaux –, on espère qu’en retour les bénéficiaires feront quelques gestes en matière de création d’emploi. C’est la mystification du « socialisme de l’offre » : l’offre existe bien, mais où est le socialisme ? Face à une offensive idéologique visant à imposer le modèle social-libéraltel que l’ont forgé au cours des deux dernières décennies Tony Blair en Grande-Bretagne et Gerhard Schröder en Allemagne, la gauche sera-t-elle en capacité de se ressaisir ? Le débat n’est pas clos au sein du Parti socialiste. Le coming out ou la conversion – on l’appellera comme on voudra – de François Hollande n’y fait pas l’unanimité. Le désarroi de l’électorat de gauche, que traduit la marée basse des sondages de popularité de l’exécutif, est devenu une réalité durable.
Dans un tel contexte, le Front de gauche est placé devant des responsabilités nouvelles.Pendant plusieurs mois, ce Front, rassemblant les forces de la gauche de transformation sociale, qui s’était installé dans le paysage politique depuis sa création en 2008, était nettement moins audible. Il apparaissait, au moins à son sommet, comme une sorte de champ clos de controverses sur les alliances locales pour les élections municipales. Ce climat, déjà passablement désespérant pour des dizaines de milliers de citoyens qui avaient, avec le Front de gauche, découvert ou retrouvé des raisons de militer, serait devenu tout bonnement inacceptable pour le monde du travail à l’heure du pacte de François Hollande. Un pacte d’irresponsabilité applaudi par le Medef et approuvé mezzo voce par plusieurs dirigeants de droite conscients d’avoir remporté une victoire politique. La rencontre entre le PCF et le Parti de gauche, la reprise de contact entre Pierre Laurent et Jean-Luc Mélenchon, qui ont défilé ensemble au cours d’une manifestation samedi à Marseille, devraient permettre de réenclencher une dynamique d’intervention citoyenne à la veille des élections municipales et européennes, même si tous les désaccords n’ont pas été dissipés.
Mais, plus généralement, et c’est là l’enjeu principal auquel le Front de gauche est confronté, il s’agit pour lui d’empêcher que l’espace politique et idéologique ne soit accaparé et obscurci par le consensus à l’œuvre entre l’exécutif, le Medef et la droite, toutes chapelles confondues, contre toute perspective de changement
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