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15 novembre 2011 2 15 /11 /novembre /2011 06:54

Il y avait le lundi 14 novembre un mouvement de grève nationale à Pôle emploi à l'appel de du SNU Pôle emploi, se rattachant à la FSU. Il s'agissait de protester contre:

- la suppression de 1800 CDD non reconduits cette année

- la stagnation du budget de Pôle emploi en 2012 alors que le nombre de demandeurs d'emplois enregistrés atteint un pic de 4 millions qu'il n'avait pas connu depuis 11 ans (depuis 3 ans, 680.000 demandeurs d'emplois nouveaux ont été enregistrés).

- l'application mécanique de la décision de non-remplacement d'un fonctionnaire sur 2 partant à la retraite qui a abouti à la suppression de 1600 emplois ces deux dernières années quand 2000 nouvelles suppressions de poste sont déjà programmées.

- une prise en charge des demandeurs d'emploi déshumanisée en raison du manque d'effectif, mais aussi des nouvelles normes de management, de la politique de la radiation, de la suspicion et du contrôle social vis à vis des chômeurs.

En moyenne, en 2008, un agent de Pôle emploi suivait 85 demandeurs d'emploi. Aujourd'hui, c'est plutôt 150, et en région Bretagne comme en région parisienne, le ratio est souvent plutôt de un agent pour 200 à 250 chômeurs... 

Les agents de Pôle emploi gèrent les flux comme ils le peuvent: les usagers doivent fatalement se sentir de plus en plus réduits à des matricules devant rentrer dans des cases en fonction de leur employabilité... Une salariée dénonçait hier dans la presse (article repris par le très pédagogique blog finistérien, réalisé par deux et ex-salariés de l'ANPE, dénonçant l'évolution du service public de l'emploi: La Fusion pour les Nuls) la "dictature du chiffre": "la direction n'attend que des données statistiques de son personnel", et surtout pas d'investissement réellement suivi et particularisé vis à vis des demandeurs d'emplois. "Nous sommes en pleine deshumanisation, déclarait hier une autre employée rentrée à l'ANPE en 2000. L'usager est devenu une marchandise. D'ailleurs, nos animateurs d'équipe s'appellent maintenant des responsables d'équipe de production. La production, quel terme horrible quand on parle d'accueil d'êtres humains". 

- De la même manière que l'on ne peut plus déplacer ou prendre un rendez-vous pour parler directement à un conseiller de pôle emploi en agence, il n'y a plus de ligne directe pour appeler une agence de Pôle emploi: le central d'appel est le seul moyen de contacter Pôle emploi. Au bout du fil, des employés en CDD remplacés tous les six mois avec seulement 4 jours de formation, excèdent les chômeurs en leur servant des discours pré-fabriqués et inadaptés. Le résultat, une syndicaliste SNU le rappelle: "les usagers débarquent dans les agences chargés de rancoeur et d'agressivité". 

- Cette rancoeur est entretenue aussi par le rappel constant de la radiation possible en cas d'absence à un rendez-vous téléphonique ou à Pôle emploi, de refus de plusieurs emplois successifs, mais aussi par l'allongement du délai d'attente à 2 mois pour pouvoir bénéficier d'un début de prise en charge. Cela a pour effet de multiplier les altercations, voire les agressions entre chômeurs et salariés de Pôle emploi.

Récemment, un chômeur a essayé de se suicider dans une agence de Saint Denis. Le 17 octobre, il y a eu une prise d'otage au Pôle emploi du XIème arrondissement de Paris. Les agressions ont augmenté de 20% depuis le premier trimestre 2011, conséquence des transformations des missions et des moyens des agents depuis la fusion ANPE-Unedic de 2008, mais aussi de la violence de la crise et de la prise en charge de plus en plus standarisée et repressive des chômeurs.

- A Pôle emploi, d'ailleurs, on recrute de moins en moins de travailleurs sociaux, alors qu'ils étaient majoritaires depuis les années 1970 à l'ANPE, et de plus en plus de commerciaux chargés d'optimiser, de vendre, ou d'adapter au besoin de l'entreprise les usagers-clients, mais aussi peut-être de les radier sans trop d'état d'âme s'ils sont trop rétifs à l'employabilité. La mise en place de plateformes régionales pour le contact avec les entreprises a de plus détruit le lien qui existait entre les sociétés locales et leur référent au sein des agences. Les agents Pôle emploi ne peuvent plus exercer vraiment leur rôle traditionnel d'intermédiaire entre employeurs et demandeurs d'emploi, se contentant désormais de faire passer les chômeurs dans des cases administratives pour les guider dans leur parcours du combattant. C'est un appauvrissement  de leurs missions que les agents supportent mal.    

 

Sur le blog La Fusion pour les Nuls, on peut lire un exemple des raisons du mécontentement des agents de Pôle Emploi, en l'occurence ceux de Saint Brieuc, qui expliquent à travers une liste de dysfonctionnements les raisons de leur participation à la grève départementale du 18 octobre, en solidarité avec les grévistes des agences de Brest, qui ont maintenu leur mouvement près d'une semaine:

 

- Rendez-vous pour les demandeurs d'emploi à plus de 30 jours.

- disparition des courriers par voie postale, remplacés par des SMS, courriels: non respect des procédures légales.

- indemnisation différée de 30 jours sans paiement des allocations.

-suivi professionnel inexistant: pas de renseignement sur l'indemnisation et pas de conseil sur le projet professionnel.

-les convocations virtuelles déclenchent des radiations réelles.

-les entreprises ne peuvent plus nous joindre, nous ne sommes plus en capacité de rencontrer les employeurs: il n'y a donc plus d'offres d'emploi à proposer.

 

Face à cet état de fait, le Front de Gauche demande d'autres objectifs, d'autres méthodes de gestion du personnel, et plus de moyens et de considération pour les chômeurs et les personnels au service public de l'emploi. Il se bat pour  la marginalisation, décidée dans la loi (5% d'emploi précaires dans les grandes entreprises au maximum, 10% dans les PME) des contrats précaires et des temps partiels imposés qui expliquent la faible indemnisation de certains chômeurs ayant des emplois irréguliers et des carrières en dent de scie. Mais aussi pour la prise en charge des jeunes sortant du système scolaire par une sécurité sociale professionnelle leur assurant l'autonomie avant leurs premières embauches. Parmi les centaines de milliers de chômeurs pauvres, les jeunes sont parmi les catégories les plus representées. Elever le niveau de qualification à l'école et par la formation professionnelle contenue prise en charge par cette sécurité sociale professionnelle est également un moyen de favoriser la lutte contre le chômage, à condition que l'on n'accepte pas d'emblée la désindustrialisation ou la disparition de toute économie productive au profit de la conversion à une économie de services qui repartit les salariés entre des emplois peu qualifiés, reconnus et dévalorisés (services à la personne, ...) et des emplois de cadres commerciaux.    

Notre solution pour augmenter les salaires et lutter contre les déficits de la caisse d'assurance chômage passe par des mesures résolues de lutte contre le chômage, non pas en s'attaquant une nouvelle fois aux charges patronales et salariales qui financent la protection sociale, au nom de la course à la compétitivité de nos entreprises, fausse solution qui a montré son inefficacité car on ne rattrapera jamais l'attractivité des chinois ou des roumains en termes de bas coût du travail, mais en imposant une rupture avec les recettes économiques néo-libérales appliquées depuis 30 ans pour le plus grand profit du capital.

Nous voulons ainsi agir contre le chômage de masse en rendant effective la réduction du temps de travail (suppression de la réduction des charges sociales sur les heures supplémentaires) avec les embauches qui doivent aller avec. Les autres moyens que nous proposons au débat public de combattre les politiques monétaristes de la BCE favorables aux rentiers mais non à la relance de l'activité, d'en finir avec le dogme sacro-saint en Europe du libre-échange- entendez la concurrence libre et faussée par le dumping social des salaires bas des pays émergents, le dumping écologique et fiscal- qui favorise les délocalisations et la désindustrialisation. Nous voulons également une réappropriation publique du secteur bancaire afin d'orienter le crédit vers l'investissement utile pour l'emploi, les solidarités, et la conversion écologique de notre économie.

Nous visons enfin la définition d'une nouvelle convention Unedic pour mettre fin aux radiations, cesser le contrôle suspicieux des chômeurs et rééavaluer les indemnisations chômage des précaires et des chômeurs de longue durée afin qu'elles ne puissent en aucun cas se situer en dessous du seuil de pauvreté. Ces mesures s'ajoutent à d'autres en faveur notamment d'un accès de tous à un logement décent, à la santé, au transport, à la culture, au sport...etc.   

 

Avant-hier, j'ai été interloqué à cet égard d'entendre sur France Culture que le député socialiste responsable de la commission parlementaire réfléchissant au devenir de l'assurance-chômage avait pu proposer de réduire la prise en charge des chômeurs d'un an pour faire faire de nouvelles économies à l'UNEDIC. François Hollande et ses lieutenants cherchent semble t-il davantage à se crédibiliser vis à vis des milieux d'affaire (Michel Sapin, le responsable du projet présidentiel socialiste, organisait hier un dîner de séduction avec les principaux gestionnaires de portefeuilles de France pour montrer que, non, décidemment, il n'y avait rien à craindre de François Hollande de ce côté là)  que des français qui sont exposés à la précarité et au mal être au travail.

 

De manière plus prévisible, ces derniers mois, l'UMP allume ses contre-feux à la progression des thématiques de gauche et détourne l'attention du public de la dictature de la finance qui s'installe en Europe, creusant la recession par l'austérité, en martelant un discours poujadiste irrespectueux des personnes en souffrance, ayant pour but de diviser les français et de désigner des boucs-émissaires qui éloignent le regard du travail non déclaré par les entreprises, des exonérations de charges patronales et des évasions fiscales qui grèvent bien davantage les comptes de l'Etat et des caisses de protection sociale. Ce discours est honteusement adossé à un objectif prétendu de défense de la protection sociale alors qu'il vise à la démanteler et à faire croire aux français que l'excès de protection sociale est responsable de la crise de la dette. On s'insurge ainsi contre les assistés, "cancers de la société" selon Wauquiez, sur les profiteurs de la France d'en bas, salariés tire-au-flanc, malades imaginaires, à qui serait dû, plutôt qu'aux allégements de charges sociales et au stress entrenu au travail pour une meilleure productivité et de plus grands profits, le déficit de la sécurité sociale. 

La droite ne promet cependant aucune mesure supplémentaire pour dissuader ou poursuivre réellement les abus isolés éventuels: elle transforme la maladie au travail en faute professionnelle, brise des droits collectifs et considère tous les salariés comme des fraudeurs en puissance, en leur enlevant, dans le public comme dans le privé, une journée de salaire en cas de maladie, ce qui est aussi un moyen de stigmatiser les salariés du public, honteusement avantagés jusqu'ici par rapport à ceux du privé, avec leur absence de délai de carence pour l'indemnisation par l'assurance maladie (sachant que les 3 jours de délais de carence du privé étaient généralement indemnisés par des mutuelles).

 

Les chômeurs sont eux aussi visés par ce discours stigmatisant visant à réduire les solidarités sous prétexte qu'elles réduisent la compétitivité de nos entreprises ou bénéficient parfois à des "fainéants profiteurs" dont elles "entretiennent la paresse".  Jean-Baptiste Say, l'économiste libéral de la restauration, disait déjà pour lutter contre l'assistance publique aux pauvres sans travail qu'il n'y avait pas de plus efficace stimulant pour l'activité que l'aiguillon de la misère et du spectacle de la misère des autres, ceux "qui ne se prennent pas en charge". En janvier 2011 et août 2011, Pierre Méhaignerie et Bruno Le Maire avaient ouvert une brèche pour réduire les allocations chômage et la durée d'indemnisation en s'appuyant sur une analyse tronquée de la spécificité de notre régime d'indemnisation par rapport aux autres Etats européens.

 

En France, rappelons que plus du tiers des demandeurs d'emploi sont en situation de pauvreté, que 40% d'entre eux ne sont indemnisés ni par l'assurance chômage, ni par l''allocation de solidarité spécifique versée à des chômeurs en fin de droit (l'ASS) et que le taux de demandeurs d'emploi indemnisés par l'assurance chômage n'est que de 50%. Les chômeurs ont droit à 23 mois d'allocation sans dégressivité à condition d'avoir travaillé autant de temps d'affilé au moins, le principe étant, qu'à partir de 4 mois travaillés, on bénéfice d'une journée d'indemnisation chômage pour une journée travaillée, la durée d'indemnisation étant calquée sur la durée du travail. La France s'écarte du modèle dominant en Europe en ayant le taux de cotisation pour l'assurance chômage le plus élevé (6,4% du salaire brut) et le plafond d'allocation le plus haut également (5800 euros nets par mois alors qu'il est plafonné ailleurs à environ 2500 euros mensuels) qui ne prend pas en compte la situation de famille de l'assuré. C'est que l'indemnisation chômage n'est pas conçue comme une assistance mais comme un droit obtenu grâce à une cotisation de type assurantielle permettant une mutualisation des risques. En termes de pourcentage de son ancien salaire, le taux d'indemnisation varie de 57% à 75%, contre 90% au Danemark, 80% en Suisse, 70 à 75% aux Pays-Bas.  Selon un article de Samuel Laurent dans Le Monde  démentant les mensonges de Méhaignerie en janvier 2011:" Notre pays n'est pas non plus le seul pays à offrir une durée du chômage sans dégressivité de presque deux ans.  Sur 11 pays européens en 2008, l'Allemagne, l'Espagne ou la Suisse indemnisent également vingt-quatre mois. Au Danemark, l'indemnisation est de quatre ans maximum. Au Pays-Bas ou au Portugal, elle peut aller jusqu'à trente-huit mois. De même, le système français d'indemnisation chômage, certes généreux, n'est pas le plus généreux d'Europe : avec un taux de remplacement de 57 % du salaire sur soixante mois, notre pays n'est que troisième, derrière l'Allemagne ou les Pays-Bas. Et en matière d'effort d'indemnisation, c'est-à-dire la part de richesse nationale consacrée au versement des allocations chômage, la France est au quatrième rang, derrière les Pays-Bas, l'Allemagne et la Belgique".

 

Ismaël Dupont.  

 

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