Dans toute la France, plusieurs milliers de personnes ont défilé à l’appel des organisations de jeunesse et de partis du Nouveau Front populaire pour s’opposer au coup de force démocratique d’Emmanuel Macron et au nouveau gouvernement Barnier.
Anthony Cortès, L'Humanité, 21 septembre
À chaque manifestation parisienne, il fait office de voyageur dans le temps. Avec son gilet jaune sur le dos, le même depuis le 1er décembre 2018 et l’acte 3 de ce mouvement d’autrefois, il est de chaque défilé politique ou social où il se tient sage sur le bas-côté. « J’ai trop mal aux jambes pour marcher maintenant, se marre-t-il du haut de ses 68 ans, à quelques encablures de la place de la Bastille. À chaque fois, un même rituel : je me place en tête de cortège, je le laisse avancer, et je regarde la file passer. Je trouve ça beau ». Sa placidité tranche avec les slogans scandés autour de lui, des « Barnier, dégage » aux « Macron démission », auxquels il ne prend pas part. On lui demande : « Vous n’y avez plus goût ? » « Au contraire, je savoure en silence, sourit-il. Tout ce qu’il se passe là, nous l’avions annoncé à l’époque et on a pris cher pour ça. Ce n’est pas pour faire le vieux con, mais… On a peut-être eu raison trop tôt. Mais ça y est, les gens se réveillent : Macron est un monarque qu’il faut arrêter ».
Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si des milliers de personnes se sont retrouvés à Paris, dont 3200 à Paris selon la préfecture de police de Paris, à l’appel des organisations de jeunesse et de partis du Nouveau Front populaire, à cette date précise. Le 21 septembre 1792, il y a 232 ans, la Convention vote par acclamation l’abolition de la monarchie. L’an I de la République est alors solennellement décrété. « On attend plus que jamais un jour nouveau, s’époumone Alice, 38 ans, dont la voix est masquée par la sono. Pendant de longs mois, toute la gauche a subi les attaques des macronistes, de la droite et de l’extrême droite avec la complicité de certains médias. Tous nous accusaient d’être des extrémistes parce qu’on défendait Gaza ou parce qu’on dénonçait la réforme des retraites. Pourtant, aujourd’hui, avec l’affront démocratique que représente la nomination de ce gouvernement, personne ne peut dire le contraire : la gauche est le dernier camp républicain… On ne doit rien lâcher ».
Ne pas se résigner, malgré une « élection volée »
Venus entre amis, Anissa, Joël et Brice, tous les trois étudiants en master de sociologie, sont surexcités. La première, autocollant rouge « Macron, destitution » sur toute la manche droite, témoigne : « L’attitude de mépris de Macron vis-à-vis du résultat des législatives ne fait que nous motiver, encore et encore, à se mobiliser. On est loin de se résigner ». Brice enchaîne : « En revanche, ce n’est pas le cas de tout le monde… Je vois beaucoup de personnes qui étaient venues voter par peur de l’extrême droite, alors même qu’ils ne l’avaient pas fait depuis longtemps, se dire : ” Bon, finalement, voter ça ne sert à rien, j’avais raison d’abandonner la vie publique”. Le jeu de Macron est dangereux à beaucoup d’égards pour la démocratie. D’où l’urgence de dire stop ! » Mathilde Hériaud, membre des Jeunes de Génération.s, souscrit à cette observation. Elle ajoute : « L’élection a été volée, ni plus, ni moins. Beaucoup ont voté pour plus de justice sociale et on nous sert une nouvelle dose d’austérité. On ne voulait plus Macron et on se retrouve avec Macron en pire. »
Alors que le chant antifasciste « Siamo tutti antifascisti ! » est repris en chœur par les manifestants, plusieurs personnalités de gauche prennent la parole à l’arrière du véhicule de tête. « Malgré l’apathie qu’ils essaient d’instiller, nous disons à Emmanuel Macron que nous n’avons rien oublié, rien pardonné, lance Manes Nadel, président de l’Union syndicale lycéenne (USL), en direction d’une foule qui l’acclame. Ce gouvernement est illégitime, il a été battu dans les urnes ! ». Mathilde Panot, cheffe du groupe parlementaire insoumis, se saisit du micro. Comme d’autres avant elle, elle égraine tous les profils en passe d’entrer au gouvernement. Bruno Retailleau, Laurence Garnier, Patrick Hetzel, etc. « Nous n’avons pas fait barrage à l’extrême droite pour faire naître le macrono-lepénisme, clame-t-elle. L’heure est à la censure populaire. Avant qu’à l’assemblée, avec tout le NFP, nous ne censurions ce gouvernement. Sans perdre de vue qu’il y a un autre locataire à déloger : il se trouve à l’Élysée ».
Au milieu de la foule, la porte-parole des Écologistes, Aminata Niakité appelle tous les participants qu’elle croise à continuer à « faire bloc ». « L’union sera nécessaire et même indispensable face à la menace de l’extrême droite dont l’idéologie et le projet se propagent aujourd’hui bien au-delà de ses cercles habituels, explique-t-elle. Il faudra résister avant de pouvoir appliquer notre projet : écologiste, féministe, pour de vrais services publics… ». Serrer les rangs, se préparer au choc des modèles, et contre-attaquer. En face, l’équipe de Michel Barnier, composée de macronistes, d’anciens de la Sarkozie, et tolérée par les parlementaires RN qui renoncent pour l’heure à la censurer, se dit enfin prête. La gauche aussi, seule véritable opposition.
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