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26 août 2024 1 26 /08 /août /2024 09:11
Procès de l'agent orange - Le combat continue! (L'Humanité, 24 août 2024)
Agent orange : le combat continue !

Tribune

Malgré le revers enregistré devant la justice française qui refuse de poursuivre les sociétés impliquées dans le scandale de l’agent orange, le collectif Vietnam Dioxine entend poursuivre la lutte

Le jeudi 22 août, la Cour d’Appel de Paris a rendu son verdict sur le procès en appel de Tran To Nga, victime de l’agent orange face à 14 multinationales agrochimiques l’ayant produit ou commercialisé : comme le Tribunal de première instance d’Evry, elle rejette l’appel, confirmant l’argument « d’immunité de juridiction » dont se prévalent les sociétés incriminées. Comble de l’ironie, Nga doit verser 1500 euros à chacune des entreprises.

Nous sommes consterné·es par cette nouvelle, qui atteste d’un net recul dans la reconnaissance des victimes de l’agent orange, aujourd’hui près de 3 millions au Vietnam, au Cambodge, et au Laos. Autant de voix et de corps invisibilisés et abîmés par la Guerre, autant d’espoirs qui s’éloignent, elles qui n’ont jamais pu obtenir une quelconque forme de justice, près de 50 ans après la fin de la Guerre du Vietnam. Elles qui comptaient sur Tran To Nga, dernier recours pour demander réparations aux entreprises ayant perpétré l’un des plus grands écocides de l’Histoire.

Aujourd’hui nous sommes attristé·es de la nouvelle mais nous nous tenons aux côtés de Tran To Nga, une femme qui a consacré et consacre la fin de sa vie à ce digne combat contre l’agent orange. Une femme qui a connu la Guerre, le deuil, la maladie, la prison et la torture, mais qui connaîtra un jour la justice. Une femme qui a politisé toute une génération d’asiodescendants et bien au-delà, et verra, quoiqu’il advienne, sa relève assurée. Avec « patience, courage et détermination », comme elle aime si bien le dire, nous l’encourageons dans son pourvoi en cassation, annoncé suite à la décision de la Cour d’Appel de Paris par ses avocats.

Ce long combat judiciaire a néanmoins permis la visibilité du drame de l’agent orange dans l’espace public, sujet autrefois méconnu en France comme au Vietnam. La bataille n’est pas que juridique mais aussi culturelle et mémorielle, et nous sommes ravi·es de l’engager à ses côtés. Le soutien engagé par des politiques, syndicats militants des associations antiracistes et décoloniaux, écologistes et la médiatisation importante autour du procès nous donne l’envie de poursuivre la lutte.

Ainsi, le Collectif Vietnam-Dioxine, association créée en 2004 par la diaspora vietnamienne pour mettre en lumière les effets de l’agent orange, continuera sans relâche de raconter l’histoire de Tran To Nga, et de défendre toutes celles et ceux qui se sont battus et se battent actuellement contre les pesticides de l’industrie agrochimique et les armes chimiques.

Tran To Nga : « Avec ce procès, les fabricants de l’agent orange montrent leur faiblesse et leur peur de moi »

Ce jeudi 22 août, l’appel de la militante de 82 ans a été jugé irrecevable. Mais la Franco-Vietnamienne continuera la lutte contre les fabricants états-uniens de la dioxine, aussi appelée agent orange, laquelle est responsable de millions de morts en Asie du Sud-Est.

Axel Nodinot, L'Humanité, 24 août 2024

Les multinationales ne souffleront jamais. Quelques minutes après le verdict de la Cour d’appel de Paris, qui a débouté Tran To Nga ce 22 août, la Franco-Vietnamienne pense déjà à la suite, depuis son fief de Hô Chi Minh-Ville. L’infatigable militante promet de repartir pour un tour, après avoir passé sa jeunesse dans la jungle inhospitalière à combattre l’oppresseur américain lors de la guerre du Vietnam.

Adolescente dans le maquis, elle passe des colis ou écrit pour les communistes du Viêt Minh. Victime directe de la dioxine, la jeune femme y perd sa première-née ainsi que des camarades, tués sous les bombardements. Un terrible destin qu’elle raconte dans son autobiographie, Ma terre empoisonnée (Stock, 2016).

Désormais, l’octogénaire représente les millions de victimes de l’agent orange qui réclament justice. Cette substance a été épandue entre 1961 et 1971 par les avions états-uniens. Une arme de guerre biologique particulièrement infâme, utilisée pour débusquer les résistants de la piste Hô Chi Minh, et qui a tué entre 3 et 5 millions de personnes au Vietnam, au Cambodge et au Laos.

Plus de cinquante ans après, des bébés continuent de naître avec des malformations, et plusieurs millions d’hectares de forêt et de mangrove sont toujours pollués par la dioxine. Mais ce qui est devenu le premier écocide de l’histoire n’a pas suffi aux juges pour mettre en cause Monsanto, Dow Chemical et la dizaine d’autres multinationales ayant fourni l’armée américaine. Pas de quoi faire baisser les bras à l’ancienne journaliste et résistante.

Le verdict vient de tomber. Quelle est votre réaction ?

Je ne pense pas que nous ayons perdu, même si la décision de la cour d’appel est telle qu’elle ne nous arrange pas. Nous ne sommes pas très surpris, je ne suis pas si déçue que ça non plus. Bien sûr, nous avons espéré et attendu que les juges de la cour d’appel soient plus forts que ceux du tribunal judiciaire d’Évry. Mais c’est une décision conservatrice, selon mes avocats.

Les avocats des multinationales qui ont produit l’agent orange ont été très virulents envers vous lors des deux audiences de 2021 et 2024. Comment êtes-vous parvenue à rester calme ?

À travers leur méchanceté et leur mépris, ils montrent leur faiblesse et le fait qu’ils ont peur de moi, mais aussi de la justice quant à notre cause et notre combat. Ils ont dit : « Madame Tran To Nga ne peut pas prouver qu’elle a été victime de l’agent orange, elle ne fait que rameuter des personnes. »

Mais si la véritable justice n’était pas de mon côté, comment aurais-je fait, moi, une personne âgée, pour rassembler sur la place de la République ces centaines de personnes de tous âges qui ont crié « Justice pour Tran To Nga » ? Comme à Évry, ils montrent qu’ils ont peur de la justice et de la vérité. Moi, je n’ai pas peur d’eux

Les soutiens qui vous accompagnent au quotidien vous aident-ils aussi à mieux supporter leur cynisme ?

C’est vrai qu’ils ont été choquants et particulièrement méchants. Mais ils ne voient pas mes maladies, et je ne m’en plains pas. Ce n’est pas grave, nous ne réagissons pas aux mensonges. Nous allons continuer à prouver au monde que la justice est de notre côté, et nous allons poursuivre notre lutte pour les victimes de l’écocide, les déshérités et les malheureux. C’est pour ça qu’ils ont peur : ils sont seuls, alors que nous étions entourés d’amis qui ont attendu quatre heures pour nous témoigner leur sympathie, leur générosité et leur soutien.

Pas à Tran To Nga, mais à notre combat. Parce que cette action n’est pas que notre combat, c’est celui de tous ceux qui sont épris de justice et qui aiment aider les plus malheureux qu’eux. Ce n’est pas que nous soyons très heureux nous-mêmes, mais il y a pire, et on peut encore aider, on le prouve.

Comment s’annoncent les semaines à venir ?

Je vais revenir en France, assister à une réunion du comité de soutien. Nous ferons une conférence de presse et appellerons à un rassemblement. Avec William Bourdon et Bertrand Repolt (ses avocats – NDLR), nous avons tout de suite pris la décision de nous pourvoir en cassation. C’était prévu. On avance, toujours, on ne s’arrête pas. Donc, non, ne croyez pas que nous soyons déçus. Je n’ai pas perdu courage, je suis plus déterminée que jamais à mener ce combat.

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