Rosemary BERTHOLOM. Publié le
Jour de session, ce mercredi 19 juin 2024, au conseil départemental du Finistère. Sans surprise, l’actualité politique des dix derniers jours s’est invitée dans les débats.
Plus de deux heures de débat. Ce mercredi 19 juin 2024, c’était séance plénière pour les élus du conseil départemental. Forcément, le contexte politique a bousculé les échanges. | KEVIN GUYOT / OUEST-FRANCE
« 30 % des Centre-Bretons ne sont pas devenus fascistes. Ils ont, par leur vote, exprimé leur ras-le-bol ! Il faut entendre ce message et ne pas stigmatiser ces électeurs avec qui nous vivons au quotidien », apostrophe Philippe Guillemot (groupe autonomie et régionalisme, opposition). Sans surprise, ce mercredi 19 juin 2024, l’actualité politique des dix derniers jours s’est invitée dans les débats de la séance plénière du conseil départemental du Finistère. Les différents groupes sont revenus sur la conjoncture et sur des prises de position. La minorité a, notamment, engagé un débat avec le président, Maël de Calan (Ouest-France daté du 19 juin 2024).
« Contexte particulièrement lourd et difficile pour la République »
Kévin Faure, coprésident du groupe Finistère & solidaires (opposition DVG), évoque « une séance plénière singulière car elle se tient dans un contexte particulièrement lourd et difficile pour la République ».
Comme d’autres élus, le coprésident de la minorité, dénonce « la stratégie du chaos : la dissolution de l’Assemblée nationale. […] La décision est politiquement irresponsable pour toutes celles et tous ceux qui ont encore confiance dans la puissance du socle républicain. L’urgence n’était pas à la dissolution, mais au renforcement du pacte fraternel de la République. […] Emmanuel Macron voulait marquer l’Histoire, c’est l’Histoire du pays qui restera marquée négativement par son action ».
Au nom de Finistère & solidaires, l’élu déclare : « Nous défendrons les candidatures de toutes celles et tous ceux qui, à gauche, seront les plus à même de gagner ». Mais aussi : « Nous défendrons une position totalement ferme et sans appel à l’égard des candidatures du second tour : nous soutiendrons tous les candidats qui empêcheront le Rassemblement national de remporter une circonscription finistérienne. »
Et puis ? Kévin Faure dénonce. « En politique, il faut choisir ses combats. Il n’est pas honnête et responsable de considérer qu’il existe un signe « = » entre les candidatures RN et les candidatures LFI. »
« Ne pas caricaturer le Nouveau front populaire »
De son côté, Pauline Louis-Joseph-Dogue (opposition Finistère d’avenir) souligne une décision du Conseil d’État, publiée en mars 2024. Dans celle-ci, la haute juridiction administrative juge que si le RN est bien d’extrême droite, LFI, tout comme le PCF, appartiennent à la nuance « gauche » de la classification du ministère de l’Intérieur.
Le Nouveau Front populaire fait débat. « Il n’y a pas à le caricaturer. Le procès d’antisémitisme est infondé. Et il n’y a pas de risque de guerre civile », lance Ismaël Dupont (Finistère & solidaires).
Philippe Guillemot appuie : « Si on peut avoir des doutes sur la forme comme sur le fond d’un tel accord dicté depuis Paris et imposé à la Bretagne, conclu en si peu de temps et après avoir affiché tant de divergences, il sera toutefois le seul rempart crédible à gauche face au RN ».
« Comptable de ses propres contradictions »
« Chaque formation politique nationale est comptable de ses propres contradictions. » Kévin Faure développe trois axes : « Oui, en tant que socialiste, je condamne le déséquilibre inexplicable de l’accord national qui dessert totalement la Bretagne et le Finistère ; oui, chez LFI, un travail de clarification idéologique sera nécessaire après le scrutin, et les guerres d’égos devront être finalisées ; oui, chez Les Républicains, une clarification de la ligne politique sera nécessaire, et certainement le changement de présidence. Je note au passage que nombreux d’entre vous ont réagi lors de l’annonce d’Éric Ciotti de faire un accord avec le RN, mais que ces réactions étaient bien plus modérées, voire absentes lorsqu’Éric Ciotti a été élu président des Républicains. Chacun connaît ici l’idéologie particulièrement marquée de cet homme dont les valeurs flirtaient fidèlement vers l’extrême droite depuis des années. » Il pointe du doigt « une lente mais certaine mutation de la droite traditionnelle vers l’extrémisme ».
« Nous sommes, évidemment, contre Bardella tout comme nous sommes contre Mélenchon »
« Je rejette en bloc les valeurs d’Éric Ciotti », insiste Alain Le Grand, vice-président de la majorité départementale et candidat aux législatives (1re circonscription, Quimper-Briec-Fouesnant). Et souligne : « Aucune alliance avec aucun extrême. Quid de vos valeurs à vous (opposition, NDLR.). Votre alliance va de Poutou à Hollande. »
Avant d’évoquer la situation dans la 8e circonscription (Concarneau – Quimperlé) : « J’ai une pensée pour Sébastien Miossec qui est, lui, droit dans ses bottes (candidat DVG face à un candidat investit par le Nouveau front populaire, NDLR.). Je regrette que votre engagement ne soit pas plus clair, alors que vous vous engagez dans un mix électoral. Il y a une certaine forme de manque de courage. »
Stéphane Le Doaré, vice-président, poursuit : « Nous sommes, évidemment, contre Jordan Bardella, tout comme nous sommes contre Jean-Luc Mélenchon. Ne vous trompez pas de combat : les extrêmes ne sont pas dignes d’être au pouvoir. L’image des députés LFI à l’Assemblée nationale a été un piètre spectacle. Aujourd’hui, il ne faut pas s’étonner que les gens soient déçus par, justement, ce spectacle pitoyable. Moi, je constate que votre Front populaire a du mal à prendre. Si le général de Gaulle se retourne dans sa tombe aujourd’hui, Léon Blum doit faire le grand huit dans la sienne. »
« C’est d’une grande clarté chez nous. » Maël de Calan, président du conseil départemental, l’assure : « On doit pouvoir défendre ses convictions sans s’allier avec le diable. » « Entre un candidat du Rassemblement national et un candidat de la gauche issu de cette assemblée, je n’hésiterai pas un instant. Jamais je n’hésiterai, je voterai pour vous. »
Intervention d'Ismaël Dupont (PCF, Finistère & Solidaires), en introduction du Conseil Départemental du Finistère du 19 juin:
"Monsieur de Calan, M. le Président,
Vous prétendez incarner un combat de la raison et de la modération contre la violence politique et les "extrêmes", mais c'est bien vous qui tenez un propos outrancier, d'extrême caricature et d'extrême clivage, en agitant des peurs et des fantasmes qui ne correspondent pas à la réalité. Alors oui la progression de l'extrême-droite avec son racisme est porteuse d'une lourde menace pour les valeurs démocratiques et de notre République sociale et laïque bâties notamment par le gouvernement de rassemblement du Conseil National de la Résistance au sortir de la guerre alors que l'extrême-droite française et une partie de la droite s'étaient discréditées dans la collaboration avec les nazis. La colère populaire vis-à-vis de la politique d'E.Macron et la banalisation des idées d' extrême-droite par de nombreux grands médias expliquent en partie ce vote, avec une propension depuis le 10 juin dans une ambiance de véritable hystérie de tout faire pour salir et discréditer le Front populaire. "Plutôt Hitler que le Front populaire", c'est un mot d'ordre que semblent de nouveau prendre à leur compte une partie des élites médiatiques et politiques, en 2024 comme en 1936, signe que les possibilités de victoire d'une gauche unie sur un programme social ambitieux dérangent. On diabolise désormais la FI, le Front populaire, alors même que l'on normalise le Rassemblement National dont il faut se souvenir que le parti source, le Front national a été créé par des anciens nazis de la Légion des Volontaires français contre le bolchevisme, des anciens collaborateurs, et beaucoup d'antisémites notoires. Et à l'opposé du spectre politique, du côté de ce Front populaire que vous mettez dos à dos comme "extrême" avec l'extrême droite, que trouvons-nous comme mesures radicales? Des propositions qui correspondent aux aspirations et attentes populaires: le retour de l'ISF, la taxation des profits, la lutte contre l'évasion fiscale, le blocage des prix de première nécessité, le retrait de la réforme des retraites et de la réforme de l'assurance chômage, l'augmentation des salaires et des pensions, la revalorisation des APL, la relance de la construction du logement social, etc. Comme argument pour dénoncer une alliance “contre nature” et dangereuse à travers le front populaire, vous dénoncez ici dans votre introduction et dans votre lettre aux maires un prétendu antisémitisme de la France Insoumise. Je m'inscris en faux contre ce procès en antisémitisme que j'estime malhonnête quand il vise des gens dont le tort essentiel est de plaider pour une plus grande solidarite avec le peuple palestinien. J'ai parmi mes amis, mes connaissances, les journalistes et essayistes que je lis, plusieurs juifs français, israéliens, américains qui critiquent la politique de Netanyahou, inspirée par l'extrême-droite raciste, colonialiste et suprématiste juive. Cela ne les rend pas antisémites. C'est bien Netanyahou qui à l'inverse collabore internationalement avec des gouvernements d'extrême droite antisémites européens ou avec des personnalités d'extrême droite américaine. Ce n'est pas être antisémite de plaider comme ces centaines de milliers jeunes et moins jeunes partout dans le monde pour le cessez-le-feu immédiat à Gaza, la fin des crimes de guerre et crimes contre l'humanité contre les Palestiniens, de défendre le droit international, les résolutions de l'ONU, mais aussi les préconisations et qualifications de la Cour pénale Internationale, de défendre la Paix, la solution à deux états, la reconnaissance par la France de l'état de Palestine, le droit à l'auto-determination des palestiniens, leur droit à l'existence dans la coexistence avec le peuple israélien. L'utilisation à tort et à travers pour disqualifier toute critique d'Israël du terme d'antisémitisme est dangereuse, car on enlève de la force à ce terme qui qualifie aussi une forme de racisme bien réelle et dangereuse. Je vous encourage à lire à ce sujet le remarquable essai de l'ancien journaliste du journal “ Le Monde” aux Etats-Unis et en Israël Sylvain Cypel, également ancien directeur du “Courrier international”: "L' État d'Israël contre les juifs". Pour notre part, en tant que communistes, nous refusons les assignations identitaires et l'importation en France d'un conflit de politique internationale, un des derniers conflits coloniaux, par des discours qui divisent le peuple et nous refusons d'enfermer les citoyens dans des identités définies de manière ethnique et religieuse. C'est contre ce projet de régression et de division que le projet de l'union de la gauche et des écologistes du front populaire prend tout son sens".
Intervention au Conseil départemental du Finistère, mercredi 19 juin.
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