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Comment réagissez-vous au projet de fusion de l’audiovisuel public, voulu à marche forcée par la ministre de la Culture Rachida Dati ?
On voit surtout les deux objectifs derrière cette décision : d’abord, le souhait de réaliser des économies financières. Or, nous devrions plutôt investir dans le service public pour lui permettre d’être à la hauteur de ses missions. Ensuite, il existe une volonté de mettre un peu plus sous contrôle une direction qui rendra des comptes à l’exécutif.
C’est un retour à une ORTF sous tutelle, qu’on a bien connue et qui a été remise en cause, à juste raison. Depuis le début, nous nous opposons à cette mauvaise idée, qui aura pour conséquence d’affaiblir le pluralisme dans le service public lui-même.
Dès 2017, Macron parlait de l’audiovisuel public comme de « la honte de la République ». Or, avec les fictions, l’investigation, l’information, le service public ne fait-il pas contrepoids au privé, aux médias de Bolloré ?
Un certain nombre d’acteurs privés ont bien l’intention de coloniser nos imaginaires en les uniformisant, en nous vendant de la soupe et du blockbuster. Le service public, c’est bien entendu l’information, mais c’est aussi une part de la création culturelle dans le pays, il faut donc lui en donner les moyens.
« Les fusions locales dans les rédactions entre France Bleu et France 3 ont déjà donné lieu à des suppressions de postes, qui manquent aujourd’hui à l’appel. »
Le paysage de l’audiovisuel est plutôt inquiétant, avec une concentration des médias, des risques d’instrumentalisation de l’information. Face à cela, et pour une vie démocratique saine, l’existence d’un service public fort, indépendant, est un atout. C’est pour cette raison que j’insiste sur la question du pluralisme au sein de l’audiovisuel public : ce rôle ne doit pas être simplement assuré par les médias privés, d’un côté, et un service public uniforme, de l’autre.
Il doit aussi vivre au sein du service public, car on voit bien que, selon les antennes ou la chaîne que l’on choisit, on n’est pas toujours dans le même registre.
Les personnels craignent aussi les coupes claires dans les effectifs…
Les fusions locales dans les rédactions entre France Bleu et France 3 ont déjà donné lieu à des suppressions de postes, qui manquent aujourd’hui à l’appel. Le député PCF de Seine-Maritime, Sébastien Jumel, me faisait observer qu’un des enjeux de taille, c’est justement la couverture du territoire.
Lui me racontait qu’il a une antenne France 3 à Dieppe. Moi, je n’ai pas cela à Martigues, puisque tout est centralisé à Marseille : quand je les vois, c’est qu’il a neigé. La capacité à se projeter sur le territoire et à être dans la vie de nos concitoyens, à ne pas venir simplement quand survient un événement racoleur, c’est important et, aujourd’hui, délaissé.
Cette fusion intervient alors que le mode de financement de l’audiovisuel public a été revu en 2022, avec la suppression de la redevance. Pourquoi n’est-il pas pérenne aujourd’hui ?
Il est très dangereux. Notre groupe a critiqué dès le départ la suppression de la redevance, qui avait été aussi décriée à l’échelle européenne. Cette décision affaiblit l’indépendance de l’audiovisuel public et lui met une pression supplémentaire.
Les attaques contre l’audiovisuel public sont puissantes, à commencer par celles d’Emmanuel Macron. Mais j’entends surtout régulièrement le RN expliquer que l’une de ses premières actions, s’il arrivait au pouvoir, ce serait de couper les vivres à l’audiovisuel public. Là aussi, ça devrait nous inquiéter. La défense de ce service public, c’est une vraie garantie démocratique.
Les directions de Radio France et de France Inter semblent déjà très sensibles aux remarques de l’extrême droite et à leurs dernières décisions qui éjectent des voix de gauche emblématiques…
Il ne faut pas idéaliser le service public. Il ne s’agit pas simplement de défendre l’existant, on doit fournir un effort constant pour qu’il soit à la hauteur de ses ambitions. Nous sommes globalement à une époque où le pouvoir essaie de limiter le champ de la liberté d’expression et de faire taire un certain nombre d’opinions.
Published by Section du Parti communiste du Pays de Morlaix
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POLITIQUE NATIONALE
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