Le secrétaire national du PCF appelle une nouvelle fois à actionner tous les leviers diplomatiques pour faire cesser le bain de sang au Proche-Orient. Il s’alarme aussi de la répression qui s’abat sur les étudiants mobilisés pour un cessez-le-feu en Palestine.
Fabien Roussel au siège du PCF, place du Colonel Fabien
Dénonçant l’attaque de l’armée israélienne à Rafah, après sept mois d’une guerre ayant fait plus de 34 000 morts, Fabien Roussel appelle à agir fermement pour exiger « le respect des résolutions de l’ONU, le cessez-le-feu et la libération des otages ». « La France s’honorerait à être aux côtés de l’Afrique du Sud pour dénoncer le risque génocidaire. Or elle demeure muette », s’indigne le secrétaire national du PCF, qui salue la mobilisation pour la Palestine de la jeunesse malgré la répression dont elle est victime.
Benyamin Netanyahou a confirmé son intention d’intervenir par voie terrestre à Rafah, malgré les avertissements de l’ONU, des ONG et même de Washington. Comment jugez-vous cet acharnement du gouvernement israélien ?
C’est terrible. Le gouvernement Netanyahou a décidé de cette offensive terrestre quelques heures après que le Hamas a accepté les conditions d’un cessez-le-feu. Cela vient s’ajouter aux mois de souffrances qui se sont abattus sur le peuple palestinien. Le risque génocidaire est en cours et l’impuissance des États-Unis et de l’Union européenne est coupable. C’est une cicatrice béante qui restera marquée sur le visage de l’humanité.
Vous vous êtes rendu en mars en Israël et en Cisjordanie, où vous avez rencontré des familles de victimes des deux côtés. Que vous ont-elles dit ?
Ce que j’ai retenu de ces échanges, c’est que ce qui se passe là-bas ne date pas de l’attaque terroriste du 7 octobre. Depuis l’élection d’un gouvernement d’extrême droite avec des ministres racistes et suprémacistes, la violence s’est développée à l’encontre du peuple palestinien. J’ai rencontré un père, dans le camp de réfugiés d’Aida, donc loin de Gaza, qui venait de perdre son fils de 13 ans, abattu un soir par des militaires. Ceux-ci descendent dans le camp et tirent une salve, tuent sans raison.
J’ai aussi rencontré un père qui a perdu son fils dans l’une des attaques de kibboutz du 7 octobre. Sa colère est aujourd’hui dirigée contre Netanyahou car il est pour lui complice du Hamas. On sait que son gouvernement a participé au financement de cette organisation terroriste, via le Qatar, pendant des années. J’ai aussi rencontré des dirigeants de partis progressistes, arabes et juifs, qui appellent ensemble à une solution politique et à un cessez-le-feu. Il faut soutenir et s’appuyer sur ces mouvements.
Quels sont les leviers dont disposent la France et l’Europe pour faire cesser le massacre ?
Aujourd’hui, la France est en dessous de tout. Emmanuel Macron n’a pas pris la mesure de ce qui se passait là-bas. Nous pouvons prendre des initiatives. La plus forte, la plus emblématique, serait de reconnaître l’État de Palestine – si la France faisait ce choix, d’autres pays de l’Union européenne feraient de même. On doit convoquer l’ambassadeur d’Israël au ministère des Affaires étrangères, comme on sait le faire avec l’ambassadeur de Russie en France.
Nous pouvons interdire de séjour en France les colons qui ont été responsables de meurtres sauvages de Palestiniens dans les territoires occupés, qui ont développé les colonies en violation des résolutions des Nations unies. La France s’honorerait à être aux côtés de l’Afrique du Sud pour dénoncer le risque génocidaire. Or elle demeure muette.
Un fort mouvement de solidarité s’exprime en France, notamment dans les universités, dans le sillage des campus américains. En quoi est-ce important que la jeunesse se mobilise ?
La jeunesse du monde s’identifie à ce peuple qui se fait massacrer. Ces images sont insupportables. Elle est belle, cette jeunesse étudiante française qui réclame un cessez-le-feu et de mettre fin au massacre, ou qui demande simplement à pouvoir en débattre dans les amphithéâtres. Or la jeunesse qui se mobilise est insultée, réprimée. Bien sûr, le débat doit se faire sans propos racistes ou antisémites, de quelque bord que ce soit. Mais je suis certain qu’on peut obtenir une position quasi unanime sur le respect de l’ensemble des résolutions de l’ONU, le cessez-le-feu et la libération des otages. Nous devons trouver un consensus plus large sur ces questions et je regrette que le gouvernement français n’ait pas eu ni les mots ni les gestes pour rassembler les Français sur cette question, au contraire.
« Le gouvernement a décidé de cataloguer tous ceux qui défendent la Palestine et condamnent le massacre à Gaza comme étant pro-Hamas, ce qui est inadmissible. »
Fabien Roussel
Comment expliquez-vous que ce conflit crispe à ce point le débat public en France, notamment à gauche ?
Le gouvernement a décidé de cataloguer tous ceux qui défendent la Palestine et condamnent le massacre à Gaza comme étant pro-Hamas, ce qui est inadmissible. Ensuite, il y a une forte collusion entre l’extrême droite française et l’extrême droite israélienne : elles se parlent et elles se soutiennent, nous devons en avoir conscience.
Je regrette aussi des prises de position à l’extrême gauche qui n’ont pas été assez claires pour condamner le Hamas ou pour appeler à une solution politique à deux États. Le débat ne peut pas se réduire à ceux qui disent, d’un côté, qu’il faudrait une solution palestinienne de la mer au Jourdain, et ceux qui veulent un seul État israélien sans les Palestiniens. Nous ne devons pas dévier du combat historique que le PCF porte depuis le début, celui de la coexistence pacifique entre ces deux peuples.
A voir en vidéo
commenter cet article …