18 février 2024
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C'était un autre grand nom de la Résistance communiste, arrêté le mardi 16 novembre 1943 (ce jour là, 68 partisans FTP-MOI sont arrêtés par la police française qui les traquait depuis des mois) à la sortie de la gare d'Evry-Petit-Bourg avec Missak Manouchian dont il était le chef: Joseph Epstein.
Epstein, alias "Colonel Gilles", rencontrait Manouchian souvent dans les gares de banlieues, tous les mardis.
"Joseph Epstein est né le 16 octobre 1911 à Zamosc (Pologne), ville natale de Rosa Luxemburg, qui fait alors partie de l'Empire russe. En 1943, il se fait appeler "Joseph Andrej" ou "André Duffau". C'est lui qui prend la tête à 32 ans des Francs-Tireurs et partisans pour Paris et l'Ile-de-France. Il a l'expérience des Brigades Internationales en Espagne, de la Légion étrangère, où il s'est engagé, des camps allemands dont il s'est évadé" (Gérard Streiff, "Missak et Mélinée Manouchian. Un couple en résistance").
Il a été fusillé le 11 avril 1944 et non le 21 février 1944 comme Manouchian et 21 de ses compagnons des FTP MOI.
Effroyablement torturé, il gardera le silence jusqu'au bout; sinon, comme le dit Albert Ouzoulias, alias le "colonel André", toute la direction FTP aurait été décimée. Il est enterré sous son pseudonyme au cimetière d'Ivry.
Le 11 avril 1944, le jour de son exécution, quelques heures avant d'être fusillé par les Allemands au mont Valérien avec vingt-huit autres résistants, Joseph Epstein écrit sa dernière à sa femme, Paula, et à son fils depuis la prison de Fresnes:
Fresnes, le 11 avril 1944
Ma petite Paula bien-aimée,
Fidèle jusqu’au dernier, souffle à mon idéal, cet après-midi à 15 heures, je tomberai fusillé.
Je te laisse seule avec notre petit garçon chéri Je ne pense qu’à vous deux. Je vous aime tellement, je t’aime tellement, ma petite chérie. Je te demande pardon de tout le mal que j’ai pu te faire. Tu m’as donné tellement de bonheur. Maintenant j’y repense ; je revis ces instants de bonheur passés près de toi et près de notre petit garçon chéri. Sois courageuse, ma petite bien-aimée. Défends notre petit Microbe chéri Élève-le en homme bon et courageux. Et je t’en supplie ne lui donne pas un autre papa. Parle-lui souvent de moi, de son papa-car qui l’aime tellement, qui vous aime tellement.
Mes derniers instants, je veux les consacrer à vous. Je te revois, avec notre petit trésor dans les bras, m’attendre à la descente du car. J’entends son (sourire, barré dans le texte original) rire, je revois tes yeux de maman l’envelopper de tain de tendresse ; Je l’entends m’appeler « papa », « papa » Soyez heureux tous les deux et n’oubliez pas votre « papa-car »
Je saurai mourir courageusement et, face au peloton d’ exécution, je penserai à vous, à votre bonheur et à votre avenir. Pensez de temps en temps un peu à moi
Du courage, ma Paula bien-aimée, II faut élever notre petit garçon chéri. II faut faire de lui un homme bon et courageux. Son papa lui laisse un nom sans tache. Aux moments de découragement, pense à moi, à mon amour pour vous deux, à mon amour immense qui ne vous quitte pas, qui va vous accompagner partout et toujours. Ma bien-aimée, ne te laisse pas abattre, tu seras à partir de 15 heures le papa et la maman de notre petit chéri.
Sois courageuse et encore une fois pardonne-moi le mal que je t’ai fait. Te dis, ma Paula bien-aimée, tout mon amour pour toi et notre petit Microbe chéri. Vous serre tous les deux dans mes bras. Vous embrasse de tout mon cœur.
Vive la France, Vive la liberté !
J. E.
Mon petit Microbe, mon fils,
Quand tu seras grand, tu liras cette lettre de ton papa. II l’a écrite 3 heures avant de tomber sous les balles du peloton d’exécution. Je t’aime tellement, mon petit garçon, tellement, tellement. Je te laisse seul avec ta petite maman chérie. Aime-la par-dessus tout.
Rends-la heureuse, si heureuse. Remplace ton papa-car auprès d’elle. Elle est si bonne ta maman, et ton papa l’aime tellement Console-la, mon petit garçon chéri, soutiens-la. Tu es tout maintenant pour elle. Donne-lui toute la joie. Sois bon et courageux.
Je tomberai courageusement, mon petit Microbe chéri, pour ton bonheur [et celui] de tous les enfants et de toutes les mamans. Garde-moi (et, rayé dans le texte original) un tout petit coin dans ton cœur. .
Un tout petit coin, mais rien qu’à moi. N’oublie pas ton papa-car. Mon petit fils chéri, je revois ta petite figure souriante, j’entends ta voix si gaie. Je te vois de tous, mes yeux. Tu es tout notre bonheur, le mien et celui de ta maman chérie.
Obéis à ta maman, aime-la par-dessus tout, ne lui cause jamais de chagrin. Elle a déjà tellement souffert. Donne-lui tellement de bonheur et de joie.
Mes derniers instants. Je ne pense qu’à toi, mon petit garçon chéri et à ta maman bien-aimée. Soyez heureux, soyez heureux dans un monde meilleur, plus humain. Vous dis encore une fois tout mon amours. Sois courageuse, ma petite Paula chérie. Aime ta maman par-dessus tout, mon petit garçon chéri, mon petit Microbe chéri. Sois bon et courageux, n’oubliez pas votre papa-car. Vous serre tous les deux dans mes bras. Vous embrasse de toutes mes forces, de tout mon cœur, votre papa-car.
Mes amitiés à tous nos amis. Je leur demande de t’aider, de vous aider et soutenir.
Joseph
Daniel - prend soi de ma petite Paula chérie et de mon petit Microbe adoré."
***
Joseph Epstein appartient à une famille aisée de culture yiddish. Dès son plus jeune âge, il participe, dans les rangs du Parti communiste de Pologne, à la lutte contre le gouvernement de Józef Piłsudski. Il poursuit par ailleurs des études de droit à l'université de Varsovie. En 1931, il doit s'exiler et choisit la France pour terminer ses études. Il emménage avec sa femme Paula à Bordeaux où il termine ses études de droit en novembre 1935. En 1936 durant la guerre d'Espagne, il combat aux côtés des républicains espagnols dans les brigades internationales et il est grièvement blessé. Pendant sa guérison, il participe à l'action de la compagnie maritime « France Navigation », laquelle est chargée du transport de l'aide à l'Espagne républicaine. De retour en Espagne, il est affecté à la compagnie d'artillerie « Anna Pauker ». Il participe à la bataille de l'Èbre et il est cité à l'ordre de l'Armée. À son retour en France en 1939, il est emprisonné au camp de Gurs. Il est libéré en juillet 1939. Engagé dans la Légion étrangère, il est fait prisonnier pendant la campagne de 1940. Il est envoyé dans un stalag en Allemagne, près de Leipzig, d'où il s'évade en décembre 1940 et rejoint la lutte clandestine en France auprès des Francs-tireurs et partisans (FTP).
Tout d'abord principal responsable, en 1942, des groupes de sabotage et de destruction (GSD) créés par les syndicats CGT dans les entreprises travaillant pour l'occupant, il prend la direction de l'ensemble des FTP de la région parisienne, en février 1943, sous le nom du colonel Gilles. Il a l'idée d'engager des commandos de quinze combattants à Paris, permettant de réaliser un certain nombre d'actions spectaculaires qui n'auraient pas été possibles avec les groupes de trois qui étaient la règle dans l'organisation clandestine depuis 1940. Il instaure ainsi une tactique de guérilla urbaine que mettent en œuvre les Francs-tireurs et Partisans.
Published by Section du Parti communiste du Pays de Morlaix
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