Soutien au mouvement des EHPAD publics en résistance
EHPAD: il y a urgence !
Comme les hôpitaux, comme le domaine général de la santé (fermetures d’urgences, de maternités, manque de médecins, pénurie de médicaments…), les EHPAD sont en grande difficulté.
Depuis des mois, les maires, les élu.e.s, président.e.s de CCAS, directrices ou directeurs d’établissements d’EHPAD publics, dans un mouvement parti des Côtes d'Armor puis du Finistère, alertent et sont mobilisés dans le Finistère comme dans d’autres départements bretons pour réclamer à l’État d’agir avant qu’il ne soit trop tard, pour sauver nos EHPAD de la faillite financière, d’éventuelles fermetures ou rachats à l’euro symbolique par le secteur privé lucratif.
Ces difficultés de gestion ne sont pas nouvelles mais, elles se sont aggravées depuis la crise du COVID. Plus de huit EHPAD publics sur dix sont aujourd’hui en situation de déficit (déficit moyen supérieur à 100 000€).
Quel que soit le statut, les EHPAD publics rencontrent des difficultés croissantes liées à l’inflation, de taux d’occupation dégradés, de financements insuffisants, de recrutement et d’épuisement des personnels. Sur 28 EHPAD publics ayant répondu à une consultation du collectif des élus en lutte, 22 manquent de personnels. Les démissions sont nombreuses, le recrutement difficile entraînant des recours à l’intérim médical et une augmentation des coûts supplémentaires.
À cela s’ajoutent des factures de gaz et d’électricité exorbitantes, nourries par la déréglementation du marché de l’énergie, l’ouverture à la concurrence et la spéculation; un seul trimestre pouvant représenter l’équivalent de la facture de l’année précédente. Les augmentations de facture d'électricité peuvent aller jusqu'à + 500%. Idem pour le gaz. Bouclier tarifaire insuffisant, conditions d'octroi nébuleuses et incertaines; critères du gouvernement incompréhensibles, aucune possibilité de faire une projection budgétaire assurée.
L’inflation touche aussi tous les consommables, les denrées alimentaires (+18%), les produits d’hygiène… Les augmentations salariales nouvelles instaurées par l’État depuis la crise sanitaire (Ségur, prime Grand Age, revalorisation du point d’indice), essentielles pour les personnels et l’attractivité des métiers, ne sont pas compensées par des dotations financières correspondantes et entraînent des déficits supplémentaires.
Plus de 63% des établissements n'ont pas reçu les financements d’État ni de l'ARS correspondant aux revalorisations salariales du Segur 1 et du Segur 2.
Difficultés financières, ruptures de paiements, tensions RH, 18,6 % des EHPAD et résidences autonomie ont encore été contraints de fermer des lits, 92,3 % d’entre eux estiment qu'ils seront déficitaires fin 2023, 50 % des directeurs d’EHPAD envisagent de quitter leur poste à court ou moyen terme...
La charge supportée par les établissements est de plus en en plus lourde et fragilise en particulier le modèle breton qui privilégie les EHPAD à but de non lucratifs, qu’ils soient associatifs ou publics.
En refus de ce constat de faillite et d’absence de mesures à la hauteur de la part de l’État, un mouvement transpartisan « EHPAD publics en résistance » à été initié en mai 2023 par des Maires des Côtes d’Armor, notre camarade Xavier Compain, maire de Plouha, notamment, et du Finistère Nord, s’étendant maintenant à l’ensemble du Finistère et des départements bretons. Des mouvements identiques se développent dans plusieurs régions de France et sont rejoints par la Fédération nationale professionnelle des directeurs d’établissements et de services pour personnes âgées (FNADEPA) qui alerte également depuis longtemps de la situation.
Une délégation des Maires des Côtes d’Armor et du Finistère Nord à rencontré la Ministre des Solidarités Aurore BERGER, le 31 août dernier. Celle ci a partagé le constat et s’est engagée à mettre en place des commissions départementales et un travail en lien avec les parlementaires avant la fin de l’année, pour une loi « Grand âge » à venir.
A l’appel de la FNADEPA, lors d’une journée d’action « Les vieux méritent mieux!», le 4 octobre dernier, près de 20 000 professionnels du grand âge, personnes âgées, familles, élus et bénévoles se sont rassemblés dans les EHPAD de France pour tirer la sonnette d’alarme face à l’aggravation des difficultés auxquelles sont confrontés les établissements et services pour personnes âgées et réclamer des mesures d’urgence et une loi Grand âge structurelle.
En Bretagne, des rassemblements d’élus et de responsables d’EHPAD se sont déroulés à Plourin-les-Morlaix (29), Bégard (22), Châteauneuf-du-Faou (29), Cléguérec (56). Certains édiles décidant de suspendre ou d’arrêter de payer les factures d’énergie. Un collectif de maires réfléchissant à lancer un recours en justice.
Le président du département du Finistère a également rencontré la Ministre des Solidarités , Aurore BERGER, pour obtenir des moyens d’urgence pour les EHPAD du département, en difficulté financière. Il a obtenu 8 millions d’euros d’aide venant s’ajouter au 2 millions d’euros déjà attribués dans le cadre du fond d’aide national. Cette allocation sera accordée, via l’ARS avant la fin d’année, à la plupart des 120 EHPAD publics et privés finistériens.
Mais, ces 10 millions d’euros d’aide versés par l’État sont loin de faire le compte face au déficit de 30 millions d’euros des EHPAD du Finistère. C’est mieux que rien mais, c’est une cautère sur une jambe de bois .
En conséquence ou contrepartie le président du département du Finistère décide d’une nouvelle augmentation pour l’année 2024, jusqu’à 5% du tarif d’hébergement pour les résidents des EHPAD du Finistère et, également d’appliquer une tarification différenciée pour les plus aisés nouveaux entrants, tout en disant vouloir rester un des départements aux tarifs les moins cher de France !
Des tarifs différenciés pour de mêmes prestations, prise en charge et soins identiques, c’est injuste, inégalitaire, particulièrement dans les EHPAD publics.
Des tarifs différenciés ajoutant également de la concurrence entre EHPAD et des disparités de gestion supplémentaires dans les établissements, pouvant entraîner des dérives comme dans les EHPAD privés.
En 2023 dans le Finistère, une augmentation tarifaire d’hébergement de 3 % avait déjà été appliquée, ainsi qu’à nouveau 2,5 % au 1er juillet, devenant insupportable pour les résidents et les familles victimes eux même de l’inflation. Les pensions de retraites n’ayant augmenté que de 0,8 % au 1er janvier 2023 et l’annonce du gouvernement d’augmenter les pensions de base, reste insuffisante compte tenu des retards accumulés et, ne fera qu’accroître les écarts différentiels. Depuis la désindexation des pensions sur les salaires et sur l’inflation, les retraités ayant perdus un mois de pension par an !
Le président du département du Finistère se défend d’avoir les tarifs d’hébergement des EHPAD restant parmi les moins chers de France mais, sait-il qu’ils sont déjà très largement supérieurs aux pensions des résidents. Ces tarifs d’hébergements, auxquels il faut ajouter en plus, un reste à charge supplémentaire important pour la dépendance, représentant au total plus du double des pensions moyennes des résidents et surtout des résidentes, en grande majorités dans les EHPAD. Il y avait le moyen pour limiter l'augmentation du coût des EHPAD pour les résidents tout en réduisant les déficits des EHPAD de jouer sur la valeur du point GIR dépendance. Ce moyen qui aurait sollicité davantage les finances du département n'a pas été activé. Le coût d’hébergement des EHPAD a augmenté de plusieurs centaines d'euros par mois dans beaucoup d’établissements, atteignant des tarifs de plus en plus élevés et insupportables. Il n'est pas raisonnable de faire supporter indéfiniment aux familles et aux résidents ces augmentations de charges quand on sait que les retraites et les retraites n’augmentent pas. Ce serait aggraver les inégalités sociales face à la perte d’autonomie liée au vieillissement qui est d’abord un problème de santé publique, devant être couvert par la solidarité nationale. Pour le PCF, il est inacceptable que les résidents et les familles soient à nouveau, au final, les victimes de cette variable d’ajustement d’un système dysfonctionnel et injuste du manque de financement des EHPAD par l’État, contraire aux principes de la Sécurité Sociale.
Les EHPAD, publics ou associatifs à but non lucratif, ne sont pas des lieux de villégiature , ce sont avant tout des établissements de de santé, de soins de personnes vulnérables, d’accompagnement de fin de vie où l’on rentre le plus tard possible, après hospitalisation, en perte d’autonomie, quand le maintien à domicile n’est plus possible.
Il est impensable également de consentir à une dégradation de la qualité d’accueil pour les résidents d’EHPAD, quand on sait que les temps de disponibilités des personnels pour les personnes âgées en structure sont déjà limités ; si les personnels absents ne sont plus remplacés pour des raisons budgétaires, ce serait encore aggraver cette situation.
Nous sommes aujourd’hui au bord de la rupture.
Et pourtant, les associations d’usagers, de familles et les associations de directeurs d’ EHPAD ne cessent d’alerter depuis des années sur le besoin de trouver un financement solidaire pérenne de la prise en charge de la perte d’autonomie des personnes âgées. Ils et elles ont besoin d’accéder à une alimentation de qualité, à des animations, des sorties, des toilettes et des douches dans de bonnes conditions, des soins esthétiques et de confort.
Il y a une irresponsabilité terrible dans les reports successifs pour de bien mauvaises raisons d’une véritable « loi grand âge » assurant de nouveaux financements durables pour le secteur de la prise en charge des personnes âgées, notamment avec une intégration dans le cadre d’une nouvelle branche et de nouvelles recettes pour la sécurité sociale. Nous constatons que, pour l’instant, l’État, le gouvernement n’a toujours pas compris car, pour 2024, la prévision du budget de la Santé en France se situe au 20ème rang, avec 2,3 milliards d’euros programmés, en recul par rapport à 2023 ( 3,3 mds € ), alors que tout le monde sait que c’était déjà très insuffisant par rapport aux besoins grandissant liés au vieillissement de la population et à la désorganisation du système médical accumulé depuis plusieurs décennies ( à comparer du budget de la Défense, au 2ème rang, avec 47,2 milliards d’euros, en augmentation par rapport à 2023 )
Idem pour la projet de loi du budget de finance de la Sécurité Sociale ( PLFSS 2024 ) en recul par rapport à 2023. C’est inadmissible !
Nos anciens ont travaillé toute leur vie, créé les richesses de la société dont nous bénéficions, cotisé à la Sécurité Sociale. Ils méritent reconnaissance, respect, considération et prise en charge à la hauteur de leur besoins.
Nous réclamons des mesures et des financements pérennes et structurées dans une loi « Grand âge » intégrée dans la 5ème branche de la Sécurité Sociale, par la création d’un réel service public de l’autonomie et du grand âge, couvert à 100% par la Sécurité Sociale (branche maladie).
- Reconnaître l’utilité et toute la place de nos à EHPAD publics en favorisant l’autonomie de nos aînés avec un ratio d’encadrement d’ 1 soignant pour un 1 résident.
- Recruter, dès cette année, 100 000 emplois/an sur 3 ans dans nos EHPAD
- Revaloriser les salaires des personnels selon un coefficient multiplicateur d’utilité et de responsabilité médico-sociale.
Comment financer ces mesures et trouver des ressources pour la Sécurité Sociale ?
Les moyens existent.
C’est une question de volonté et de choix politiques. Le gouvernement n’a t’il pas fait voter récemment 413 milliards € pour la loi de programmation militaire et, en 2008 attribué 600 milliards € pour sauver les banques lors du crac financier!
On évalue dans notre pays à 100 milliards € de fraude – évasion fiscale tous les ans (scandale des paradis fiscaux) et, rien est fait pour l’enrayer et récupérer cet argent !
Selon l’observatoire européen de la fiscalité, l’évasion mondiale globale des multinationales se chiffrait à 650 milliards de dollars en 2016 , 900 milliards de dollars en 2019, 1000 milliards de dollars dépassés en 2021 et 2022 !
L’État a bien trouvé les moyens d’aider le groupe d’ EHPAD privé ORPEA (1 milliards €), via la Caisse des dépôts, rendu tristement célèbre par la sortie du livre d’enquête « Les Fossoyeurs », mais n’a pas de solution pour les établissements publics !
Rien n’est fait pour mettre sous tutelle les EHPAD privés qui bénéficient d’un financement public et stopper les dérives tarifaires et de gestion. (1 millions/an de salaire pour la DG du groupe Korian).
Une « contribution solidarité » (CASA-ACT) des actionnaires à hauteur de 2% des dividendes (2 milliards en 2021) pourrait être votée et mise en place rapidement (par exemple)...
Pour réaliser des économies de gestion, réguler et interdire l’intérim social et médical dans les hôpitaux et les EHPAD, publics comme privés. La santé n’est pas une marchandise.
De même, afin de réduire les charges d’énergies, sortir le gaz et l’électricité du marché et de la spéculation et revenir à l’EDF-GDF nationalisé, 100 % public, comme cela à existé depuis 1946 jusqu’au début des années 2000.
Dans notre pays, à la démographie vieillissante, on ne peut donc faire l’économie, au niveau départementale comme national, d’une ambition forte pour résoudre et pérenniser la situation dans les EHPAD. C’est un enjeu de civilisation essentiel.
Nous appelons à faire voter en ce sens des vœux dans les communes et collectivités territoriales et enfin, une loi « Grand âge » ambitieuse pour notre pays, parmi les plus riches au monde !
Soutien et encouragement au mouvement des EHPAD publics en résistance
Déclaration du PCF Finistère
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