De nombreuses initiatives vont rendre hommage aux résistants FTP-MOI de l’Affiche rouge. Serge Wolikow, historien et président du conseil scientifique de la Fondation Gabriel-Péri, revient sur la portée mémorielle et historique de cette reconnaissance par la nation.
En ce mois de février 2024, quatre-vingts ans après l’exécution des résistants membres du groupe dit de l’Affiche rouge, plusieurs initiatives auront lieu d’ici l’entrée au Panthéon de Missak et Mélinée Manouchian. Nous revenons sur la portée de cet hommage avec l’historien Serge Wolikow, président du conseil scientifique de la Fondation Gabriel-Péri, qui organisera un colloque, le 9 février, au palais du Luxembourg, sous le parrainage de Pierre Ouzoulias, vice-président du Sénat, sénateur communiste des Hauts-de-Seine.
La Fondation Gabriel-Péri organisera le colloque « l’Affiche rouge et les FTP-MOI », au palais du Luxembourg, le 9 février 1. Quel est l’apport particulier de cette rencontre ?
La Fondation Gabriel-Péri, après avoir organisé il y a deux ans une journée consacrée aux massacres des otages communistes et juifs en 1941 et 1942, poursuit son activité mémorielle et scientifique en organisant une séance portant sur l’engagement et l’action résistante des Francs-Tireurs et Partisans-Main d’œuvre immigrée (FTP-MOI).
En ces temps commémoratifs, il nous a semblé utile d’associer la mémoire et l’Histoire afin de situer l’action de Missak Manouchian dans la longue durée historique de l’organisation et du mouvement dont il est, au moment de son arrestation, l’un des animateurs.
Nous souhaitons notamment, grâce à la participation des historiens et des archivistes spécialistes de la question, mettre en perspective cette action résistante, mais aussi la répression à Paris comme à l’échelle nationale, où les détachements FTP-MOI ont joué, dans plusieurs régions de France, un rôle important jusqu’à la Libération.
Nous souhaitons que ce soit l’occasion d’un moment de connaissance et d’échange fructueux qui permette en particulier au jeune public comme aux intervenants de revenir sur l’histoire et la diversité des combats de la Résistance en France.
Le 21 février, Missak Manouchian accompagnée de Mélinée Manouchian, rejoindra le Panthéon, quatre-vingts ans après l’exécution de son groupe de résistants dit de l’Affiche rouge. Que représente, pour vous, cette panthéonisation ?
Cet événement, marquant, comporte plusieurs dimensions attachées à la personnalité des Manouchian. Leur entrée au Panthéon est celle non seulement d’étrangers, mais aussi de communistes. Qu’il ait fallu attendre quatre-vingts ans pour que cela devienne effectif peut laisser perplexes seulement ceux qui méconnaissent l’imbrication complexe entre Histoire et mémoire !
L’implication en France des communistes dans la Résistance 2 et celle des étrangers dans la lutte antifasciste, comme le tribut qu’ils ont payé à la répression exercée par les occupants nazis et la police de Vichy sont attestés de longue date par le travail historique. Ainsi, cette entrée au Panthéon représente la fin d’un ostracisme injustifié.
Pour lancer la lutte armée contre l’Occupation, dès l’été 1941, le Parti communiste a dû surmonter réticences et incompréhensions, car la culture du mouvement ouvrier avait de longue date mis en avant l’action de masse et la mobilisation militante dans l’espace démocratique et récusé l’action directe violente. Les communistes avaient rejeté l’action minoritaire et violente, y compris dans la lutte antifasciste, si ce n’est en Espagne où nombre de militants étaient allés combattre dans le cadre des Brigades internationales.
En France, le seul précédent était la lutte patriotique et sociale, lors de la Commune de Paris. À partir de 1941, les jeunes communistes, les militants aguerris dans la guerre d’Espagne, mais aussi les militants ouvriers de la MOI vont constituer les combattants dont l’action inflige aux troupes allemandes des coups qui détruisent sa superbe. Missak Manouchian prend sa place dans l’organisation des FTP, créés au printemps 1942. Dans la région parisienne, il va déployer avec ses camarades de la MOI de nombreuses actions d’éclat.
Pourquoi existe-t-il un si grand décalage entre le vote récent de la loi immigration et l’hommage rendu à ces immigrés ?
Le télescopage entre ces deux événements est frappant. Il donne paradoxalement encore plus de force à l’engagement même qui a été celui de Manouchian dans la période des années 1930, puis dans celle de l’occupation allemande où les étrangers ont été considérés comme des boucs émissaires et stigmatisés par les forces de droite et d’extrême droite.
Son combat, au sein de la MOI puis des FTP, s’est nourri de sa rencontre avec le mouvement ouvrier français, de ses idéaux démocratiques et internationalistes, mais aussi de la culture française en écho à la défense et la survie de son identité arménienne.
Sa panthéonisation reconnaît son combat, qui s’inscrit à l’opposé de l’esprit de fermeture et de discrimination qui a présidé à l’adoption de cette loi, dont le tiers des articles a été censuré par le Conseil constitutionnel.
- Le vendredi 9 février, de 14 heures à 18 heures, au palais du Luxembourg, salle Médicis au 15, rue de Vaugirard, à Paris. Inscription obligatoire en précisant vos nom et prénom à : inscription@gabrielperi.fr ↩︎
- Une soirée d’hommages aura lieu au siège national du PCF, le lundi 5 février, à 19 heures, place du Colonel-Fabien, à Paris. Inscription sur : pcf.fr/soiree_hommage_manouchian ↩︎
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