Député du Puy-de-Dôme et président du groupe GDR à l’Assemblée nationale, André Chassaigne est le « référent » de la politique agricole commune à la Chambre. Il estime qu’il ne faut pas remettre en question les normes environnementales nationales et européennes et prône un plus fort accompagnement des agriculteurs.
Comment expliquez-vous l’inquiétude qui s’exprime dans le monde agricole ?
Au cours de rencontres, début janvier, avec des agriculteurs de ma circonscription rurale, j’ai constaté à quel point il leur était encore plus difficile de vivre de leur travail. On a un gouvernement qui fait beaucoup de communication. Mais sur le terrain on est très loin des grands moulinets de l’exécutif sur les résultats de sa politique, de l’application de la loi Egalim (censée protéger les revenus des agriculteurs – NDLR).
Il manque, comme nous le demandions, une intervention directe de la puissance publique. Tout se passe dans le cadre des négociations commerciales : la grande distribution fait pression sur l’agro-industrie, qui fait pression sur les producteurs.
Nous demandons de longue date que l’État intervienne dans la formation des prix ; il ne le fait pas. On a bien l’Observatoire de la formation des prix et des marges qui constate les choses, mais qui n’a pas de pouvoir d’intervention. Lundi matin, le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, a annoncé un contrôle des prix pratiqués. Par le passé, chaque fois que nous demandions une intervention directe de l’État, le gouvernement bottait en touche. Il se pose maintenant en pompier. Si nous avions été écoutés plus tôt, nous n’en serions pas là.
D’autres problématiques, plus conjoncturelles, sont également avancées.
Pour gagner de l’argent, le gouvernement a maintenu dans le projet de loi de finances la suppression de l’avantage fiscal lié au gazole non routier (GNR), à un moment où le prix de celui-ci augmente. Les agriculteurs vont subir une charge supplémentaire.
Les agriculteurs mobilisés exigent la « pause réglementaire ». Est-ce juste ?
Il ne faut pas faire de la question des normes un argument qui porte un coup à la transition écologique. Des décisions sont prises pour développer l’agroécologie, une agriculture moins polluante. Cette orientation est européenne, avec des textes pour faire évoluer la production.
Les agriculteurs font d’énormes efforts en ce sens. On ne peut pas tirer un trait sur l’évolution des pratiques agricoles. Il faut accompagner les mutations. Mais les choix politiques sont loin d’être à la hauteur. Car un agriculteur qui fait évoluer ses pratiques, qui use moins de produits phytosanitaires peut faire face à une baisse de rendement. Cela crée des distorsions de concurrence.
Au sujet des normes, le scandale est celui du libre-échange. On impose des normes sanitaires, environnementales aux agriculteurs européens, mais pas aux produits importés. On sacrifie l’agriculture européenne pour vendre des produits manufacturés. On vient de passer un accord avec la Nouvelle-Zélande : les viandes ovines vont venir en bateau, plongées dans l’azote et produites dans des conditions que nous ne sommes pas à même de contrôler.
Aujourd’hui, 26 % de la viande bovine consommée en France provient de l’importation ; c’est aussi le cas de 50 % du poulet. Il y a une concurrence qui tire les prix vers le bas. On ne va pas pouvoir maintenir l’agriculture française dans une telle situation. Ces accords de libre-échange mettent en cause notre souveraineté.
L’élargissement programmé de l’UE à l’Ukraine et à la Moldavie pose-t-il problème ?
L’UE se construit sur une concurrence effrénée : le plus bas prix et la compétitivité. Si l’on l’élargit dans ces conditions, cela va aggraver la situation. Sans droits de douane, on va avoir des importations, par exemple de céréales ukrainiennes, qui vont tirer vers le bas les revenus de nos agriculteurs. Nous sommes favorables à la coopération, mais pas à un élargissement aux conséquences désastreuses.
Le Rassemblement national se campe en défenseur du monde agricole. Est-ce une imposture ?
Les élus du RN combattent la politique agricole commune (PAC) et défendent sa renationalisation. Cela serait catastrophique. Nous serions soumis à une concurrence exacerbée, notamment sur les normes environnementales. Je préfère encore une politique agricole commune, même imparfaite, mais avec des normes qui s’appliquent partout, avec une volonté, et je le répète même imparfaite, d’accompagner le maintien des agriculteurs. Une sortie de la PAC serait pire.
Jusqu’à nouvel ordre, le RN ne remet pas en question la libre concurrence ni le néolibéralisme. Ses élus jouent sur le mécontentement, mais ne font aucune proposition pour avoir une PAC dont les objectifs seraient moins de concurrence, une agriculture européenne qui avance de concert pour être plus protectrice de l’environnement. Ils estiment qu’il y a trop de normes environnementales. Nous disons qu’il faut maintenir la PAC, la faire évoluer, pour qu’elle ne soit plus fondée sur la concurrence. Les propositions du RN sont démagogiques et mèneraient l’agriculture française à sa perte.
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