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11 décembre 2023 1 11 /12 /décembre /2023 06:34
l’ambassadeur Yves Aubin de La Messuzière: « Joe Biden court le risque d’être associé à une politique génocidaire » (L'Humanité, 10 décembre 2023)
Guerre Israël-Hamas : « Joe Biden court le risque d’être associé à une politique génocidaire »

Spécialiste du monde arabe, l’ambassadeur Yves Aubin de La Messuzière est longtemps resté à la tête de la direction Afrique du Nord et Moyen-Orient au Quai d’Orsay. Selon lui, la Maison-Blanche joue avec Israël un jeu dangereux.

Elisabeth Fleury. L'Humanité, 10 décembre 2023

Les États-Unis jouent-ils toujours un rôle prépondérant dans l’ordre mondial ?

Avec l’émergence notamment de la Chine, les États-Unis sont de moins en moins seuls sur la scène internationale. Au regard du conflit israélo-palestinien, ils conservent néanmoins une position dominante, leur poids dans la région reste central, et leur relation avec Israël demeure très forte. Israël, c’est leur principal point d’appui au Proche-Orient.

Au point de soutenir sans réserve sa politique de colonisation et sa campagne de bombardements à Gaza ?

C’est ce que semble indiquer leur récent veto à la résolution de cessez-le-feu, pourtant très majoritairement votée au Conseil de sécurité. Les commentateurs soulignent à juste titre qu’il s’agit du 35e veto américain visant à exonérer Israël des résolutions des Nations unies. Les États-Unis fournissent aussi des armes et font des prêts bancaires à Israël. Mais il faut avoir de la mémoire. Il y a eu, dans leurs relations, des hauts et des bas.

En 2001, à Madrid, les États-Unis ont contraint Israël à accepter l’intégration de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) à la délégation jordanienne, afin qu’elle participe aux négociations qui ont abouti aux accords d’Oslo. Et, en décembre 2016, leur abstention au Conseil de sécurité a permis l’adoption de la résolution 2334, appelant Israël à mettre fin à la colonisation des territoires occupés, y compris Jérusalem-Est. Même s’ils ont tendance à user de leur droit de veto au Conseil de sécurité, les États-Unis savent aussi exercer des pressions sur Israël.

Qu’en est-il aujourd’hui ?

Joe Biden a exercé des pressions pour obtenir une trêve. Il a pensé qu’il pourrait avoir une influence sur Netanyahou, qu’il pourrait le calmer. Or la trêve a pris fin et la deuxième offensive de l’armée israélienne a été pire que la première. Face aux suprémacistes, racistes et messianistes du gouvernement israélien, les États-Unis sont visiblement en perte d’influence. Leur image se dégrade dans les pays du Sud global.

Et avec leur récent veto, immédiatement suivi par une vente massive d’obus à Israël, ils se mettent à dos les opinions publiques arabes. S’il avait été un peu courageux, Joe Biden aurait pu s’abstenir. La résolution pour un cessez-le-feu aurait ainsi été votée et Israël aurait été contraint de se modérer.

Joe Biden joue donc avec le feu ?

Sur le plan international, il court le risque d’être associé à une politique génocidaire. En interne, il perd des voix chez les musulmans et le camp démocrate se divise. En pleine année électorale, avec Donald Trump en embuscade, le président américain fait un pari très risqué. L’image qu’il laissera dans l’histoire est en jeu. Mais il peut encore se rattraper.

De quelle manière ?

J’entends une petite musique selon laquelle, s’il est réélu, Joe Biden entend se consacrer entièrement au règlement du conflit. Une sorte de Bill Clinton bis. Il a un an devant lui. Il n’a pas la maîtrise de Netanyahou et de son gouvernement qui, pour l’instant, n’en font qu’à leur tête.

À cause de son veto, l’antiaméricanisme risque de repartir de plus belle. Cela va être très difficile. Il va falloir énormément travailler en coulisses, convaincre des États de porter certaines initiatives, faire preuve d’imagination, de persuasion. Il en va de la crédibilité internationale des États-Unis.

Une solution à deux États est-elle encore possible ?

C’est la seule possible. Le schéma d’un seul État pour deux peuples, dont certains rêvent, reviendrait à transformer Israël en un État d’apartheid. Qui peut soutenir un tel projet ? Personne. La solution à deux États implique un cessez-le-feu, l’arrêt de la colonisation et la définition d’un État palestinien viable et démocratique.

Cela prendra beaucoup de temps. Le Hamas sera toujours là, d’une façon ou d’une autre, et l’Autorité palestinienne, pour redevenir crédible, doit changer. Pour l’instant, la machine diplomatique américaine semble tourner à vide. Mais les États-Unis disposent encore d’importants leviers. Et Israël est de plus en plus isolé.

Les États-Unis restent donc les arbitres incontournables de ce conflit ?

La Justice internationale a un rôle à jouer, elle aussi. L’an prochain, la Cour internationale de justice doit rendre un arrêt crucial sur l’occupation des territoires palestiniens depuis 1967. Et la Cour pénale internationale est saisie de demandes d’enquêtes sur des crimes de guerre, voire des crimes contre l’humanité. Les États-Unis restent centraux, mais leur influence diminue. Et la communauté internationale a aussi son mot à dire.

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