Depuis 2018, le Parlement s’acharne à réguler les négociations commerciales entre la grande distribution et les fournisseurs, sans succès.
L’obstination du gouvernement à proposer les mêmes solutions simplistes est déconcertante, surtout quand on sait que l’inflation alimentaire a récemment baissé, sans que cela ne change quoi que ce soit.
Avancer les négociations commerciales de six semaines ne résoudra rien. Le droit actuel permet déjà des renégociations en cas de fluctuation des prix des matières premières, mais ces clauses restent inutilisées.
De plus, la surinflation n’est pas un phénomène naturel, mais le résultat de la spéculation et de l’augmentation des marges par des entreprises en position dominante.
Il est temps de repenser notre approche, mais avant de vous proposer quelques solutions alternatives, j’aimerais vous poser une question, Madame la Ministre.
Est-ce que vous avez honte, Madame la Ministre ?
Est-ce que vous avez honte de nous présenter un projet de loi au titre si ambitieux et au contenu si vide ?
Vous savez, la honte est un sentiment qui révèle notre humanité dans toute sa complexité et auquel nous avons tous été confrontés… c’est un jugement silencieux que nous portons sur nous-mêmes, et que certains d’entre nous ressentent quand ils ne le devraient pas, tandis que d’autres y échappent alors qu’ils devraient en être accablés.
La honte qu’éprouve cette famille, par exemple, réduite à choisir entre manger et se chauffer.
La honte que ressent le vieil homme qui fait la queue au Resto du Cœur.
La honte de cet étudiant réduit à dormir sous une toile de tente.
La honte, toujours la honte de ceux qui ne peuvent pas et qui n’en peuvent plus.
Alors, face à cette honte, face à ces hontes, il ne nous est présenté qu’une politique non seulement inefficace, mais également nuisible pour les Français.
Voilà une série de chiffres qui la résument :
Entre fin 2021 et le premier trimestre 2023, le taux de marge des industries agroalimentaires est passé de 28 % à 48 %.
Alors que plus de 10 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté, dont, Madame le Ministre, 1 enfant sur 5, que 7 millions de personnes recourent à l’aide alimentaire, les industries agroalimentaires trouvent les moyens de se faire du profit, et ce, dans un contexte généralisé d’inflation des coûts de l’énergie et des matières premières, que bien sûr, ils ont fait supporter aux consommateurs.
Si elles n’avaient pas augmenté leurs marges, les prix de production agroalimentaire auraient augmenté deux fois moins vite depuis le début de 2022.
Ces grands groupes agroalimentaires et leurs dirigeants devraient avoir honte, Monsieur le Ministre, mais, la honte, disait Victor Hugo, est le crépuscule de l’âme, là où le jour et la nuit se confondent.
Or, du jour, de la nuit et de l’âme, peu importe, diraient-ils les yeux rivés sur leurs marges et leurs profits ! Voilà ce que sont ces grands groupes agroalimentaires.
Maintenant, passons aux entreprises de la grande distribution, dont les dividendes se sont envolés : +8 % de dividende pour Carrefour. Pour Auchan, c’est 960 millions, et 240 millions pour Casino.
Alors … la honte de cette mère célibataire, qui fait partie des 53 % de Français qui renoncent régulièrement à acheter des aliments en raison du coût de la vie, est à mettre en résonance avec la responsabilité qu’ont les grosses entreprises de la zone euro, dont les profits ont fait gonfler de 49 % les prix.
La honte doit changer de camp. C’est de votre responsabilité. Ne pas agir est une faute non seulement politique, mais aussi une faute morale lourde de conséquences.
Depuis juin 2021, on nous promet que l’inflation sera temporaire. Ce projet de loi ne fait que perpétuer cette illusion.
Pourtant, des solutions d’urgence existent : indexer les salaires sur l’inflation ; bloquer les prix ; bloquer à la baisse les marges des industriels agroalimentaires et de la grande distribution.
Alors dans ce contexte, vous comprendrez qu’avancer les négociations commerciales de 6 semaines pour que les prix aux consommateurs baissent, est … plus que dérisoire, c’est indigne quand on vise l’urgence pour lutter contre la hausse des prix des biens, de tous les jours.
Nous ne voterons pas votre texte.
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