Pour le député PCF de Seine-Maritime Sébastien Jumel, l’électricité et le gaz doivent sortir des logiques du marché. S’il salue le travail parlementaire sur le retour aux tarifs réglementés, il compte accentuer la pression sur le gouvernement dès la rentrée.
Comment est-il possible que des fournisseurs alternatifs puissent adresser des factures de plusieurs milliers d’euros ?
Le marché n’a jamais protégé personne. Il faut sortir l’énergie, bien commun de première nécessité, de cette logique. Trente ans de libéralisation du secteur de l’énergie ont fait mal aux territoires, à l’emploi, et aux ménages. Ces dix dernières années, le coût de l’énergie a augmenté de 70 %. Le gouvernement a annoncé sortir du bouclier tarifaire, incomplet, peu efficace et coûteux, et il s’est révélé incapable de décorréler les prix de l’électricité de ceux du gaz.
Le sénateur Fabien Gay a dénoncé le hold-up des fournisseurs alternatifs. Non seulement il leur arrive de procéder à des rappels de règlement insurmontables pour les gens, mais ce sont de surcroît les mêmes qui ont bénéficié avec l’Arenh de tarifs à bas coûts qui ont saigné EDF dans des conditions parfaitement déloyales, et même anticoncurrentielles du point de vue des libéraux. Ils y ont donc gagné deux fois, ce qui est inacceptable. Je ne compte pas le nombre de nos interventions à l’Assemblée comme au Sénat pour le dénoncer.
Que proposez-vous ?
Nous avons été à l’initiative d’une proposition de projet de loi, votée par les deux assemblées, pour permettre un retour aux tarifs réglementés. Il manque encore une dernière lecture au Sénat pour qu’elle soit mise en œuvre, et je compte sur un groupe communiste renforcé pour reprendre ce combat. La compétitivité de nos industries est remise en cause par l’explosion des prix de l’énergie.
Quand on parle de souveraineté et que l’on refuse de régler ce problème, on entretient une illusion. On ne peut pas accélérer le développement des énergies renouvelables si on ne sort pas de la logique de marché, ni envisager d’accélérer la modernisation du parc nucléaire.
Pour sortir de la logique de marché, faut-il sortir du marché européen de l’énergie ?
C’est la solution. Il faut créer un rapport de force à l’échelle européenne pour obtenir la reconnaissance que l’énergie est un bien spécifique qui doit échapper aux règles du marché. La France ne risque rien à engager ce combat. Les renoncements à établir un tel rapport de force sont surréalistes. De quelles mesures de rétorsion l’Europe dispose-t-elle contre un pays comme la France ? Aucune.
Puisque vous parlez de rapport de force, comment accentuer la pression au-delà de votre travail de parlementaire ?
L’intersyndicale des électriciens et gaziers est alignée sur ces positions. J’en profite d’ailleurs pour souligner que j’ai saisi le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin pour protester contre la convocation de Sébastien Menesplier (CGT énergie) par la gendarmerie (lire ci-contre). Il est inacceptable de transformer ceux qui luttent en délinquants. On a aussi gagné des choses. On a fait reculer le gouvernement sur le projet Hercule qui aurait démantelé EDF. On l’a même contraint à reprendre la main avec un capital 100 % public
L’Assemblée a mis le gouvernement en minorité à quatre reprises sur le retour aux tarifs réglementés pour les artisans et les collectivités locales. Il y a donc un espace politique pour considérer que l’énergie est un sujet stratégique, un enjeu de souveraineté. La rentrée devra remettre ces questions au cœur de l’actualité politique et parlementaire, pour dire stop et reprendre la main.
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