Le gouvernement post-fasciste de Giorgia Meloni a acté la suppression du revenu de solidarité, l’équivalent italien du RSA. Près de 500 000 personnes vont perdre l’accès à cette prestation sociale. Les économistes interpellent sur un risque de paupérisation de la société italienne.
Un simple SMS. Le 27 juillet, 169 000 familles italiennes ont appris, en quelques lignes, qu’elles ne toucheraient plus le revenu de solidarité, l’équivalent italien du RSA. Une allocation de 780 euros, mise en place depuis 2019 et destinée à une part des personnes au chômage. « Le revenu de solidarité a été mis en place pour placer l’ensemble des Italiens au-dessus du seuil de pauvreté, situé à ce moment-là à 780 euros, explique à l’Humanité Federico Bassi, économiste italien et maître de conférences à l’université de Lille. Une argumentation économique à l’époque, qui laisse donc aujourd’hui place à une argumentation moraliste. »
Cette décision est « le triomphe de l’idéologie néolibérale avec en filigrane l’idée que, si les gens sont pauvres, c’est de leur faute », souligne Henri Sterdyniak, économiste de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). C’est une idéologie répandue en Europe : couper les allocations sociales diminuerait l’« assistanat » et forcerait les gens à travailler, « discours typique des classes dirigeantes européennes », glisse Henri Sterdyniak. Pour réduire les dépenses publiques de son pays, Meloni a décidé de couper drastiquement dans les dépenses sociales. Cette mesure fait disparaître un tiers des anciens bénéficiaires, soit 500 000 personnes, et permet de réaliser une économie de 2,5 milliards d’euros.
En Italie, il n’existe pas de salaire minimum
En bonne samaritaine, Meloni ne supprime pas totalement les aides. Mais pour la première fois, « le gouvernement distingue les personnes employables et celles qui ne le sont pas », explique Federico Bassi. Ainsi, le gouvernement juge l’accès au travail plus compliqué pour les familles composées de personnes en situation de handicap, d’enfants mineurs ou de personnes âgées de plus de 60 ans. Ces dernières vont avoir le droit à un crédit d’insertion plafonné à 500 euros par mois. Mais tous n’ont pas cette « chance ». « Ceux qui vont en majorité pâtir de la situation sont les couples sans enfants et les personnes célibataires », décrit Federico Bassi. Ces derniers ne se verront verser qu’un chèque de 350 euros pendant douze mois. « On ne pousse pas les gens à travailler, on les y oblige », estime Henri Sterdyniak.
En Italie, il n’existe pas de salaire minimum. « Avec cette mesure, le gouvernement italien va forcer les Italiens à accepter des emplois très mal rémunérés et précaires », interpelle Federico Bassi. « Alors même que le gouvernement vient de repousser les discussions sur le salaire minimum », poursuit-il. « Le gros drame de cette décision est que la plupart des gens concernés viennent de régions fortement affectées par la criminalité. Réduire ces prestations sociales, c’est mettre encore plus de gens sous la protection de l’État social mafieux », regrette Federico Bassi.
Une guerre au RSA des deux côtés des Alpes
« Une guerre aux pauvres. » C’est dans ces termes que l’opposition de gauche italienne a qualifié la décision du gouvernement post-fasciste de Giorgia Meloni. « Cette décision ne va faire qu’accroître la pauvreté et le chômage en pleine inflation », pointe du doigt Henri Sterdyniak. Le pays est en proie à une inflation de 6,4 % et à un chômage atteignant 7,4 % (juin 2023). Les chiffres sont semblables en France avec une inflation à 4,3 % et un chômage de 7,1 % et pourtant, alors que les inégalités s’accentuent, le gouvernement Borne va lui aussi rendre l’accession au RSA plus compliquée en demandant aux allocataires d’avoir une occupation contrôlée de 15 à 20 heures par semaine. « En France, c’est la même décision sous une forme allégée », glisse Henri Sterdyniak.
Federico Bassi observe une « tendance à la baisse des prestations sociales à travers l’Europe. Après les aides importantes délivrées pendant le Covid, les États veulent réduire leurs dépenses publiques. En Italie, Meloni s’attaque au RSA, en France Élisabeth Borne et Emmanuel Macron se sont penchés sur les retraites ». Mais rien ne garantit que la décision prise par la présidente du Conseil ne s’exporte pas en France, même si, pour Federico Bassi, « les syndicats et les citoyens se battent plus ardemment qu’en Italie pour défendre leur droit ».
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