Syndicats et patronat ont reçu une lettre encadrant strictement la négociation de l’assurance-chômage. Alors que le régime est censé financer en partie l’apprentissage et le futur France Travail, des économies se profilent sur les droits des demandeurs d’emploi.
Près de 11 milliards d’euros seront ainsi siphonnés sur les recettes (cotisations employeur et CSG) de l'Unédic d’ici à 2026, dont 2 milliards dès 2023 pour assurer le « développement des compétences et de l’emploi », notamment l’objectif de 1 million d’apprentis en 2027. Du jamais-vu.
L’assurance-chômage, nouvelle poule aux œufs d’or du gouvernement ? Mardi, syndicats et patronat ont reçu une lettre de cadrage en vue de la prochaine négociation Unédic, qui devra se conclure d’ici à la mi-novembre avant une entrée en vigueur des règles d’indemnisation à partir de 2024.
Pour Olivier Dussopt, ministre du Travail, hors de question de revenir sur les deux précédentes réformes régressives comme l’exigeaient les syndicats, qui génèrent et vont générer des économies astronomiques, il s’agit au contraire de continuer à s’appuyer sur les « acquis » des chômeurs.
À savoir : un mode de calcul de l’indemnisation chômage qui fait perdre des droits depuis 2019 aux personnes alternant chômage et contrats courts et la notion de « contracyclicité », c’est-à-dire la modulation des règles d’indemnisation en fonction de la conjoncture économique. Depuis le 1er février, la durée d’indemnisation a ainsi été réduite de 25 % et ne serait rallongée qu’en cas de forte dégradation économique et sociale.
Dans ce document, le ministère du Travail propose d’aller encore plus loin et fixe comme objectif « d’assurer la soutenabilité du modèle assurantiel en réduisant significativement la dette (60 milliards d’euros en 2022) ». Une partie des 18,5 milliards d’euros de surplus attendus pour le régime sur les années 2023 à 2025 sera dédiée à cette mission, mais une part minoritaire de cet manne devra aussi servir à alimenter la politique de plein-emploi.
11 milliards siphonnés pour assurer le « développement des compétences et de l’emploi »
Près de 11 milliards d’euros seront ainsi siphonnés sur les recettes (cotisations employeur et CSG) d’ici à 2026, dont 2 milliards dès 2023 pour assurer le « développement des compétences et de l’emploi », notamment l’objectif de 1 million d’apprentis en 2027. Du jamais-vu. Le patronat aurait du souci à se faire, selon la CGT, car certains employeurs exonérés de cotisations pourraient devoir mettre la main au porte-monnaie.
L’exécutif ne s’arrête pas là. Alors que l’Unédic abonde déjà 80 % du budget de Pôle emploi via une contribution à hauteur de 11 % de ses recettes, ce taux devrait atteindre entre 12 et 13 % en 2026, accompagnant ainsi la création du très contesté France Travail (regroupement de Pôle emploi, des missions locales et de Cap emploi, censé accompagner les personnes handicapées).
Pour Denis Gravouil, responsable des questions d’emploi à la CGT, il ne s’agit ni plus ni moins d’un « hold-up. C’est prendre l’assurance-chômage pour une pompe à fric. Quand on pense qu’en plus, avec France Travail, cet argent devrait servir à fliquer les bénéficiaires du RSA… ». Pas surpris par ce « cadre très strict », le négociateur de la CFDT Olivier Guivarch veut, lui, d’abord « tester la volonté des organisations patronales » pour voir si des « voies de passage » sont possibles.
Si, dans cette négociation à venir, le gouvernement laisse l’apparence du choix aux syndicats et patronat, son exigence à la fois de réduire la dette et de financer les politiques de l’emploi, sans dégrader les comptes du régime, a tout de l’équation insoluble. Bien décidé à ponctionner l’Unédic, Emmanuel Macron trace la route, entre les lignes de la lettre de cadrage, vers une nouvelle casse des droits des demandeurs d’emploi.
Pour justifier un futur tour de vis, le ministère du Travail met en avant une croissance très optimiste de + 1,6 % en 2024 et un bilan radieux sur le front du chômage.
De son côté, FO rappelle, au contraire, qu’avec plus de 5 millions d’inscrits à l’ex-ANPE en catégorie A, B et C (tenus de chercher un travail), « le nombre de demandeurs d’emploi est encore bien trop important. On ne souhaite pas que le gouvernement baisse les droits des privés d’emploi (…). Seulement 40 % des personnes inscrites à Pôle emploi sont indemnisées ».
« On a compris que les droits des chômeurs ne les intéressent pas »
Mais obsédée par le graal du « plein-emploi » , la Macronie remet aussi sur la table la question des postes vacants pour contraindre les chômeurs à l’activité, soulignant que le taux de ces emplois est « passé de 1 % au premier trimestre 2017 à 2,4 % au quatrième trimestre 2022, ce qui traduit les difficultés de recrutement pour les entreprises ».
Comme le pointe Denis Gravouil : « On a compris que les droits des chômeurs ne les intéressent pas. Le gouvernement revendique une politique de précarité. Ils veulent que les personnes prennent n’importe quel travail, deviennent livreur à vélo ou agents de sécurité pour les jeux Olympiques. Il n’y a pas de droit à un emploi stable. » À la lecture de cette lettre de cadrage, la CGT a d’ailleurs annoncé qu’elle « n’entendait pas s’inscrire dans de tels objectifs et entend discuter avec l’ensemble des organisations composant l’intersyndicale pour prendre une décision concertée ».
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