C’est aussi la rentrée pour Emmanuel Macron. Une rentrée à droite toute. Imposer l'austérité, « reciviliser », stopper l’immigration, rétablir l’autorité à l’école… autant de sujets abordés dans l’interview accordée par le président de la République au Point ce jeudi, dans laquelle il détaille également l'« initiative politique d’ampleur » promise cet été.
Après la catastrophe des « 100 jours d’apaisement » - d’abord rattrapés par les casserolades contre la réforme des retraites puis par les émeutes suite à la mort de Nahel -, le président de la République avait promis au cœur de l’été « une initiative politique d’ampleur » pour la rentrée. Il en livre les détails dans une très longue interview dans l’hebdomadaire Le Point de ce jeudi.
Si Emmanuel Macron y assure qu’une coalition n’est pas possible en l’état, les perspectives politiques qu’il y déroule ont tout pour séduire la droite LR. Le chef de l’État a d’ailleurs pris soin de téléphoner mardi soir au patron des Républicains, Éric Ciotti. « Le président lui a parlé de son “initiative”, qui serait une sorte de séminaire où chacun pourrait parler librement » avant « une longue discussion » sur « l’immigration, l’actualité internationale ou l’économie », a expliqué à l’AFP l’entourage du député des Alpes-Maritimes. Imposer l'austérité, « reciviliser », stopper l’immigration, rétablir l’autorité à l’école… ce qu’il faut retenir de l’interview présidentielle
Les éternels « pognon de dingue » et « travailler plus »
La formule n’est pas reprise, mais l’esprit reste le même : les dépenses sociales coûtent « un pognon de dingue » . « C’est une réalité que nous avons un haut niveau de dépenses publiques et que nous devons continuer à le faire baisser en commençant par réduire les dispositifs exceptionnels mis en place pour faire face à la crise des prix de l’énergie », juge Emmanuel Macron qui pointe également « la dépense sociale qui représente près de la moitié des dépenses publiques ». Le cap de la réduction des déficits - et de l’austérité qui l’accompagne et à laquelle Élisabeth Borne a commencé à préparer les esprits – est réaffirmé : « Nous commencerons à diminuer le poids de la dette en 2026 et repasserons sous les 3 % de déficit en 2027. »
Se félicitant des très contestées réformes des retraites (qui « accroît justement la quantité de travail ») et de l’assurance chômage, « je ne saurais me contenter d’un taux de chômage à 7 % », prévient le chef de l’État alors qu’il est interrogé sur de possibles nouvelles « réformes du marché du travail ». Et de plaider, dans la foulée, pour un « système d’assurance-chômage véritablement contracyclique – donc d’autant plus protecteur que le taux de chômage est élevé et inversement – et en allant chercher ceux qui sont en chômage de longue durée ».
« Reciviliser » les quartiers populaires, le mépris de classe brandi en étendard
Les mots sont plus élégants, mais on n’est pas loin du « nettoyage au karcher » proclamé en son temps par Nicolas Sarkozy . « J’ai parlé de décivilisation il y a quelques mois. C’est bien cela que nous avons vu. Il faut donc s’atteler à reciviliser », déclare Emmanuel Macron à propos des émeutes qui ont secoué les quartiers populaires après la mort de Nahel abattu à bout portant par un policier en juin dernier. Sans un mot pour les violences policières, le chef de l’État - s’il ne fait pas de lien direct avec l’immigration ( « ce ne sont pas les étrangers qui ont causé ces émeutes, 90 % sont nés français ») - pointe « l’intégration » comme le problème central. Et de l’une à l’autre il n’y a qu’un pas : « En résumé oui, il faut réduire l’immigration, mais il faut continuer en parallèle d’agir par l’école, l’intégration, l’autorité, la République. Et l’économie », assure-t-il d’ailleurs plus loin. Un gage de plus donné à l'extrême droite.
D'ailleurs, l'hôte de l’Élysée en profite pour creuser le sillon de décrédibilisation du mouvement écologiste entrepris par l'exécutif depuis des mois : « le radicalisme suscite toujours des réactions et crée des clivages dangereux pour la cause même que l'on entend servir », estime-t-il renvoyant les activistes du climat à « un hyperindividualisme où chacun estime détenir seul la vérité ».
« Cela montre que le chantier de la famille est essentiel. Ensuite, il y a la place de l’école, de la régulation des écrans, de l’intégration par l’économie et l’emploi », ajoute le président à propos de la réponse aux émeutes. Faire de l'éducation une priorité serait plutôt une bonne nouvelle. Mais, là encore, le projet présidentiel ressemble à s'y méprendre aux vieilles lunes de la droite. « Il y a ce travail en profondeur : l’apprentissage de la langue, le retour de l’autorité du maître à l’école, le travail avec les parents », explique le chef de l’État qui déroule la martingale du retour « des savoirs fondamentaux, lire, écrire, compter, se comporter » au cœur des apprentissages qui seront évalués chaque année en primaire.
« Nous devons laisser plus d’autonomie aux établissements, dans leurs projets, dans leurs recrutements, comme nous l’avons fait à Marseille », vante aussi le chef de l’État qui plaide en faveur d'une rentrée scolaire dès le 20 août pour les élèves « qui en ont besoin », ou encore pour la refonte des programmes d’histoire et d’ « instruction civique ». S’il évoque le problème de l'absence de remplacements des profs absents, il ne précise pas les moyens qui seront alloués à le résoudre. Et, pour le collège, il mise aussi sur une pré-orientation : « Dès la cinquième, il s’agit de faire entrer les métiers au collège. »
Des œillades aux LR en vue de la réforme sur l’immigration
« Est-ce qu’on est submergés par l’immigration ? Non. C’est faux de dire cela. Cela dit, la situation que nous connaissons n’est pas tenable et nous devons réduire significativement l’immigration, à commencer par l’immigration illégale. Nous avons une obligation de résultat », a déclaré le président de la République. Un « non, mais » qui en dit long sur un sujet objet de surenchères permanentes entre la droite et l’extrême droite.
Pour ce faire, il faut mieux protéger nos frontières extérieures, européennes, car rappelons-le, la France n’est pas un pays de première entrée en Europe, mais surtout d’immigration secondaire pour des étrangers entrés par un autre pays de l’Union européenne », poursuit Emmanuel Macron en annonçant qu’il va « mandater dès la rentrée le ministre de l’Intérieur pour repartir du projet du gouvernement, échanger avec toutes les forces d’opposition qui vont dans ce même sens et construire un projet le plus efficace possible » .
Une « initiative politique d’ampleur » résumée à une rencontre avec les chefs de partis
On allait voir ce qu’on allait voir. Après l’échec des « 100 jours d’apaisement », le chef de l’État avait promis une « initiative politique d’ampleur » pour la rentrée. Au final, celle-ci se résumera en une rencontre la semaine prochaine avec « toutes les forces politiques représentées » au Parlement. La réunion, qui pourrait avoir lieu mercredi 30 août selon certains partis politiques conviés, portera « sur la situation internationale et ses conséquences sur la France, et sur les nuits d’émeutes que nous avons vécues, avec pour objectif de prendre des décisions pour renforcer l’indépendance de notre pays et rebâtir notre nation et tout ce qui la tient ». « Sortiront de ces travaux des décisions immédiates, des projets et propositions de loi, mais aussi des projets de référendums », ajoute Emmanuel Macron, dans cette interview-fleuve.
Parmi ceux-ci, pourrait revenir la réforme des institutions abandonnée lors du premier quinquennat ou encore le chantier de la décentralisation.« Nous devons poser la question de l’organisation territoriale qui est confuse et coûteuse, dilue les responsabilités. On voit bien qu’entre les communes, intercommunalités, départements et régions, on a trop de strates et un problème de clarté des compétences », estime l'hôte de l’Élysée, en écho au « conseiller territorial » voulu par Sarkozy en son temps et qui n'avait finalement pas vu le jour.
Sur l'international, des positions réaffirmées
« Une bonne négociation sera celle que les Ukrainiens voudront », affirme Emmanuel Macron à propos de la guerre menée par la Russie chez son voisin. L'hôte de l'Elysée assure qu'il discutera « quand ce sera utile » avec Vladimir Poutine à qui il reproche de nourrir « le désordre du monde », « tout en étant membre du Conseil de Sécurité de l’ONU ». Le président de la République avait aussi assuré dès mercredi, à l'occasion d'un sommet, que la France ne reconnaissait pas « l'annexion par la Russie de territoires ukrainiens », après des propos controversés de son prédécesseur Nicolas Sarkozy qui avait jugé « illusoire » un « retour en arrière » sur la Crimée.
Quant aux interventions militaires françaises au Sahel, elles « ont été des succès », estime-t-il malgré la détérioration des relations avec le Mali, le Burkina Faso et le Niger. Concernant ce dernier pays, le chef de l’État appelle à la « restauration de l’ordre constitutionnel » et à la libération du président Mohamed Bazoum, renversé le 26 juillet par des militaires : « Ce coup d’État est un coup contre la démocratie au Niger, contre le peuple nigérien et contre la lutte antiterrorisme ».
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