Le puissant mouvement qui perdure en Israël contre la refonte judiciaire soulève deux questions fondamentales liées entre elles : la démocratie et l’enjeu de la coexistence de deux États – Israël et la Palestine - vivant côte à côte et en paix. Deux questions restant taboues dans la plupart des chancelleries notamment aux États-Unis et en Europe, soutiens inconditionnels des différents gouvernements israéliens malgré leurs violations constantes des résolutions des Nations Unis.
Deux tiers des Israéliens demandent le retrait du projet de loi permettant la transformation de leur système judiciaire et par voie de conséquence du régime politique de leur pays contre les principes proclamés dans la Déclaration d’établissement de l’État d’Israël, couramment appelée Déclaration d’indépendance. Certes, ceux-ci sont souvent restés théoriques, mais le fait qu’ils se réfèrent à des règles d’État de droit, de séparation des pouvoirs, tout en garantissant la liberté de conscience constitue un point d’appui pour que les citoyens, les associations puissent se défendre.
On sait que ceux qui clament que l’État israélien est la plus grande démocratie du Proche-Orient cachent les violations permanentes de ces principes comme notamment l’engagement d’assurer « une complète égalité de droits sociaux et politiques à tous ses citoyens, sans distinction de croyance, de race ou de sexe ». Ceux-ci pouvaient cependant constituer une garantie – certes fragile -, un levier, une base juridique permettant aux citoyens, aux associations, aux mouvements démocratiques y compris de la minorité palestinienne d’Israël de saisir la Cour suprême – seule instance de référence ultime en l’absence de Constitution - lorsqu’ils considéraient que des droits fondamentaux étaient bafoués.
C’est cela que la coalition ultra-réactionnaire d’extrême droite composée de religieux intégristes, d’adepte du suprémacisme juif veut rayer d’un trait de plume. Elle veut s’assurer un total contrôle de la Cour suprême. Les décisions de celle-ci ne pouvaient jusque-là faire l’objet d’appel. Elle pouvait contester une décision du pouvoir exécutif au nom d’une « clause de raisonnabilité ». La réforme en cours prévoit de supprimer ce dispositif qui donnait le droit à la Cour de rejeter une loi, un décret jugé… « Déraisonnable ».
Cependant, ne le cachons pas ! Tout en étant un atout pour des associations de défense des libertés, maintes décisions de cette instance suprême n’ont pas constitué un barrage contre l’occupation militaire, les persécutions contre les Palestiniens et les discriminations envers les Palestiniens israéliens. Ainsi, alors même que cette réforme n’est pas encore applicable – la Cour suprême doit en décider à partir du 12 septembre- on recense, depuis le début de cette année, la construction en Cisjordanie occupée de 13 000 logements supplémentaires dans les colonies, sans compter les dizaines d’ « avant-postes illégaux » * (terme officiel pour des projets d’installation « sauvage » de nouvelles colonies) régulièrement « légalisés » depuis le début cette année. Mais cela ne suffit pas pour la coalition ultra-droitière et raciste au pouvoir. Ils veulent accélérer le projet du « Grand Israël » en empêchant définitivement la création d’un État de Palestine. C’est du reste ce que stipule leur accord de gouvernement : « Le peuple juif a droit exclusif et inaliénable sur la terre d’Israël ; le gouvernement développera l’implantation partout, y compris en Judée-Samarie ». (autrement dit en Cisjordanie). C’est le projet en cours d’installations de 500 000 à 1 million de colons sur le sol de Palestine tout en parquant les habitants palestiniens dans des sortes de bantoustans sans droits, à défaut de pouvoir les faire fuir.
La volonté du gouvernement de s’accaparer les pleins pouvoirs en réduisant à néant le rôle de la cour suprême, après les lois sur « l’État-nation » devient donc bien le moyen politique et juridique de l’annexion définitive de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est, tandis que la bande de Gaza reste une prison à ciel ouvert.
Le processus ne date pas d’hier. Depuis la conquête de ces terres palestiniennes en 1967, tous les gouvernements, ceux classés à gauche comme ceux de droite ont développé une même stratégie de colonisation devant aboutir, peu ou prou, à une annexion. Le pouvoir actuel est tout à la fois une résultante de cette politique et de sa mise au grand jour, sans fard et faux semblants, sans actions concrètes des États-Unis et de l’Union européenne pour l’empêcher.
Cette transformation juridique allie d’un même mouvement l’étranglement des libertés pour les citoyens Israéliens eux-mêmes, des dispositions sexistes et homophobes, et le renforcement de l’occupation militaire et la colonisation. Rien ne dit qu’un tel État théocratique et ethniciste prônant « la préférence nationale » ne conditionnerait pas l’attribution de la citoyenneté israélienne aux Juifs selon un certain nombre de critères de reconnaissance de la judéité déterminée par les clans religieux les plus puissants. Les populations israéliennes ont donc raison d’être inquiètes et d’agir. Elles se trouvent dans une contradiction que notre solidarité de combat devrait aider à dépasser.
La coalition portée au pouvoir lors de scrutin de l’an dernier n’était sans doute pas ce que souhaitaient nombre d’électeurs : chacun a voté pour son clan en dépit de ses capacités à gouverner. Nombre de citoyens Israéliens ne s’attendaient sans doute pas à la naissance d’un monstre hybride jailli des laboratoires des droites dont B Netanyahou échappant aux poursuites judiciaires est devenu la tête incontestée sous peine d’éclatement de l’ensemble. C’est en effet, un vote au scrutin proportionnel intégral à un seul tour qui a permis cette majorité fascisante à la Knesset. De fait, dans de multiples secteurs de la société israélienne, l’inquiétude grandit sur l’avenir de la nation née, il y a seulement 75 ans.
Cela complique la construction d’un rapport de force dans la rue alors que les puissances occidentales si promptes à se gargariser du respect de la Charte des Nations-Unies laissent faire. Et le pouvoir israélien profite de ce moment critique où les yeux sont tournés vers la guerre en Ukraine. Voilà qui oblige plus que jamais à notre solidarité envers un peuple miné par les inégalités, une classe ouvrière qui paie un lourd tribut du fait des dépenses pour la colonisation. Le mouvement est si profond que plus de 10 000 réservistes dont des officiers de haut rang ont décidé de ne plus servir le pouvoir, des responsables des services de sécurité protestent dans la presse, des secteurs du patronat contestent la réforme en cours, le syndicat Histadrout menace d’une grève générale. Ce puissant mouvement peut créer des conditions nouvelles pour un bilan de l’histoire et des remises en cause au sein de la société israélienne, et une revitalisation des forces de gauche parmi lesquelles il faut saluer le combat courageux de nos amis du Parti communiste israélien.
À une essentielle condition : le retour d’Israël dans ses frontières d’avant la guerre de juin 1967. Des personnalités de premier plan, notamment dans l’armée prennent conscience que les choix politiques consistant à bafouer les décisions de l’ONU ouvrant la voie à l’existence de deux États sont non seulement une impasse, mais une menace pour l’existence même d’Israël. Un ancien général de l’armée israélienne, M. Amiran Levin après avoir qualifié l’armée israélienne de « partenaire de crime de guerre » « lorsqu’elle assiste sans rien faire aux attaques de colons israéliens contre des Palestiniens a lancé cette alerte. "Nous sommes en train de nous tuer de l’intérieur", s’est-il exclamé sur la chaîne de télévision publique Kan.
Dans les manifestations en Israël, des pancartes portent le slogan ". Non au fascisme" mais aussi de moins en moins rarement "pas de démocratie avec l’occupation". Il est vrai qu’un "peuple qui en opprime un autre ne peut pas être libre" .
Les Palestiniennes et Palestiniens subissent actuellement, une accélération de la dégradation de leur situation, un renforcement de l’occupation découlant de la stratégie engagée par le gouvernement d’ultradroite raciste sous la baguette de M. Netanyahou.
Malgré la dureté de la vie imposée aux enfants, aux femmes, aux travailleurs en Cisjordanie, avec courage et détermination le peuple palestinien refuse de plier. Les actions de résistance se multiplient. Les Palestiniennes et Palestiniens sont dans leur droit. Ceux que l’on appelle en Israël »les résidents d’avant-postes« , »c’est-à-dire les colons qui volent des terres pour élargir les colonies ou en implanter de nouvelles ont accentué les violences ces derniers mois avec 600 attaques contre des Palestiniens et leurs biens***. L’armée n’a pas contesté ce chiffre. Le pogrom perpétré par des colons dans la ville de Huwara en février dernier sans que l’armée n’y mette fin, l’équipée sauvage, officiellement initiée, de plus de mille militaires dans le camp de réfugiés de Jénine début juillet, avec des bulldozers rasant des habitations, des drones tueurs, et même un tir de missile tuant douze personnes et blessant 118 autres, sont des éléments d’une escalade dans la violence. La « vengeance » proclamée par M. Ben Gvir, le « ministre de la sécurité nationale » est le prétexte pour aboutir à une guerre totale destinée à écraser un peuple qui ne se laissera pas faire. Il luttera jusqu’au bout pour disposer de sa terre et de son État.
Nous sommes à ses côtés pour l’application du droit international : deux États dans les frontières de 1967, démantèlement des colonies Israéliennes, libération du territoire de Gaza, fin du système d’apartheid, libération de tous les prisonniers politiques dont Marwan Barghouti est la figure de proue. Le peuple Palestinien a urgemment besoin de bénéficier d’un mécanisme de protection internationale sous l’égide de l’ONU.
Notre solidarité pour le droit et les libertés en Israël et pour ouvrir la voie à la création de l’État de Palestine dans les frontières de 1967 doit considérablement se renforcer. Il n’y aura pas de liberté et de mieux vivre, en Israël tant que ce pays oppressera, spoliera, occupera La Palestine.
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