A l’occasion des commémorations des bombardements de Hiroshima et Nagasaki, et alors que la guerre en Ukraine est à nos portes,16 maires du réseau AFCDRP-Maires pour la Paix, ont signé une tribune conjointe réitérant leur volonté d’agir pour protéger leur population face aux risques posés par les armes nucléaires
Nous, Maires, avons une responsabilité directe auprès de nos populations. Notre rôle est d’agir pour les aider à vivre dans une sécurité publique, économique, sanitaire, comme culturelle. Face aux menaces planétaires nous agissons aussi. Nous avons su enclencher des prises de consciences et des politiques publiques novatrices pour engager le combat contre le dérèglement climatique. Devant le risque d’emploi d’arme nucléaire, plus grand que jamais en grande partie à cause de l’invasion illégale de l’Ukraine par la Russie, nous ne devons pas non plus échapper à notre devoir de protéger nos habitants de ce fléau.
Soixante dix huit années ont passé depuis les destructions d’Hiroshima puis de Nagasaki les 6 et 9 août 1945. Seulement deux bombes atomiques, d’une puissance très relative à comparer avec les armes existantes en 2023, ont réduit à néant ces villes, engendrant la mort en quelques instants, jours, puis semaines de 220 000 personnes. Nous nous inscrivons dans les mots prononcés, il y a tout juste une année à Hiroshima, par António Guterres, Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies : « l’humanité joue avec un pistolet chargé. Nous sommes à une erreur, à un malentendu, à un mauvais calcul de l’Armageddon. Les dirigeants doivent cesser de frapper à la porte du Jugement dernier et retirer définitivement l’option nucléaire de la table ».
Jusqu’à présent le tabou de l’emploi d’une arme nucléaire en temps de guerre résiste. Par contre, le chantage à la menace d’emploi de cette arme de destruction massive lui est tombé, depuis la poursuite de l’invasion russe de l’Ukraine le 24 février 2022.
Vivre l’impensable est le quotidien d’un maire. Nous avons tous vécu des situations heureuses ou dramatiques inattendues, nous obligeant à agir dans la minute ; sans préparation. Ici, dans le cas d’une détonation nucléaire, ou que cela soit sur la planète, agir après pour répondre à l’urgence humanitaire serait très probablement vain. C’est la conclusion du Comité international de la Croix-Rouge, car il n’existe pas assez de moyens matériels et humains pour pouvoir porter secours. L’action doit donc se situer dans la prévention d’un tel acte.
Sans catastrophisme et avec lucidité, nous avons conscience que remettre le génie nucléaire dans sa bouteille est un processus extrêmement complexe, emprunt de difficulté et qui au final n’est pas directement de notre ressort. Mais, nous observons que c’est par l’action et la mobilisation des consciences, que nous pouvons venir à bout des menaces qui pèsent directement sur nos villes. C’est comme cela que nous travaillons pour rendre nos villes plus résilientes tant face au dérèglement climatique que face à une épidémie ou des problèmes sociaux.
Nous avons décidé d’exprimer notre inquiétude sur cette réalité qui menace notre humanité depuis 1945, en rejoignant le réseau des Maires pour la paix ou en signant l’Appel des Villes pour montrer notre soutien au Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN), porté par la Campagne Internationale pour abolir les armes nucléaires (organisation prix Nobel de la paix 2017). Certains d’entre-nous sont allés plus loin, en agissant par le développement de la culture de paix, notamment dans les écoles, par la création de cycles de conférences ou encore par l’interpellation du secteur financier dans son rôle dans le financement des entreprises produisant des systèmes d’armes nucléaires.
La France est un État qui protège sa population en s’appuyant sur la dissuasion nucléaire ; soit la possibilité d’employer des armes nucléaires contre tout État qui viendrait agresser son territoire et donc frapper les villes. Le 12 juillet dernier, le parlement a décidé d’octroyer la somme de plus de 53 milliards d’euros, à travers la Loi de programmation militaire, pour moderniser et renouveler (sur la période 2024-2030) les différents systèmes nucléaires militaires. Nous ne nous prononcerons pas sur ce choix. Mais si l’objectif est de protéger les français et les françaises nous nous interrogeons sur le choix qui est fait de refuser de participer, à minima comme État observateur, à la prochaine Réunion (novembre 2023) des États parties au Traité sur l’interdiction des armes nucléaires, qui se tiendra au siège des Nations unies. Car nous, nous avons appris que le dialogue avec nos habitants, avec les différents services nationaux, avec des élus d’autres couleurs politiques est obligatoires si nous voulons avancer pour le bien de nos populations et établir une bonne coexistence dans nos villes.
Le dialogue est la clé pour changer nos problématiques mondiales, comme locales. Sans celui-ci, aucun de nos problèmes ne peut trouver une issue positive, au contraire, les différentes parties prenantes ne feront que se regarder fixement avec à terme de plus en plus d’animosité entre États favorables et opposés au TIAN ; sans compte le risque de prolifération et d’emploi de ce type d’arme. Refuser le dialogue est donc réalisée au détriment des populations.
Il est toujours très complexe de réaliser le premier pas, mais il est nécessaire de penser aux générations futures qui porteront des regards circonspects contre les gouvernements qui n’auront pas osé le faire. Si la France le faisait, elle ne pourra voir son aura diplomatique qu’être valorisée, lui permettant d’apparaître comme un État responsable pour assurer la sécurité de sa population.
M. Philippe Rio, maire de Grigny (Président de l’AFCDRP-Maires pour la Paix France)
Mme Jacqueline Belhomme, Maire de Malakoff
M. Pierre Bell-Lloch, maire de Vitry sur Seine
M. Michel Soriano, maire de Lasseran
M. Gilles Leproust, maire de Allonnes
M. Ali Rabeh, maire de Trappes
M. Martial Bourquin, maire de Audincourt
M. André Molino, maire de Septèmes-les-Vallons
M. Clovis Cassan, maire de Les Ulis
M. Nicolas Langlois, maire de Dieppe
M. José Morales, maire de La Bouilladisse
M. Julien Quennesson, maire de Somain
M. Jean-Marc Vayssouze-Faure, maire de Cahors
Mme Martine Laborde, maire de Cazeuneuve
M. Bernard Andrieu, maire de Cordes-sur-Ciel
M. Christophe Sonrel, maire de Damelevières
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