Manque de places d’hébergement, hausse des expulsions… Le Collectif Associations Unies a dressé jeudi 6 juillet un état des lieux inquiétant de la situation du mal-logement en France.
« On va commencer par planter le décor, qui est inquiétant », explique sans fioriture Manuel Domergue, directeur des études à la Fondation Abbé Pierre. Lors d’une conférence de presse, jeudi 6 juillet, du Collectif Associations Unies (CAU) - un groupement de 40 organisations réclamant une autre politique du logement - il alerte : « S’il n’y a pas de réactions fortes, nous allons faire face à une bombe à retardement, qui va exploser petit à petit. » Une référence au « risque de bombe sociale » évoqué début juin par le ministre délégué à la Ville et au Logement, Olivier Klein.
La situation est plus que préoccupante : pénurie de logements, hausse des expulsions locatives, augmentation du nombre de personnes à la rue, saturation des hébergements d’urgence… Et en face, des plans gouvernementaux qui manquent d’ambition, dixit les associations.
La loi anti squats, ou l’accélération programmée des expulsions
« La seule annonce positive concerne l’investissement dans le logement intermédiaire. Mais si c’est au détriment de la production de logements sociaux, alors cela restera une politique négative », regrette Manuel Domergue, qui souligne au passage que 2023 devrait être la quatrième année consécutive avec moins de 100 000 logements sociaux « agréés ».
En parallèle, des textes pénalisant la précarité sont votés, comme la loi Kasbarian, dite « loi anti squats », qui risque d’accélérer le rythme des expulsions. L’année dernière déjà, celles-ci ont atteint un niveau record, avec 17 500 évictions. « La réponse du gouvernement face à la crise, ce sont des coupes budgétaires et la répression des mal-logés », soupire Olivier Maïder, du CAU. La Fondation Abbé Pierre, l’association Droit au Logement ainsi que le Syndicat de la magistrature ont d’ailleurs saisi le Conseil Constitutionnel pour alerter sur le caractère problématique de ce texte. Et ce jeudi 6 juillet, la Cour des Comptes a aussi appelé le gouvernement à concentrer les dépenses en matière de logement vers les plus pauvres.
Un manque de places criant dans les centres d’hébergement
Le collectif l’observe au quotidien : dans les centres d’hébergement, le manque de places est criant, et les autorités ne veulent que les réduire davantage. « On arrive à un système où les équipes doivent faire le choix entre les personnes, amenant à une opposition des précarités : est-ce qu’on héberge des familles ou des célibataires ? Des SDF ou des migrants ?, s’inquiète Bruno Morel, de la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS). Dire à quelqu’un : “Ce soir, c’est fini, tu n’as pas de logement”, c’est inacceptable. »
À titre d’exemple, le 26 juin dernier, 5819 demandes d’hébergement, un droit inconditionnel en théorie, n’avaient pas été pourvues suite à un appel au 115, le numéro d’urgence dédié aux sans-abri. « Et là, on ne comptabilise que ceux qui ont eu le courage d’appeler le 115, et sont restés sans réponse. Mais il y a les autres », appuie Nathalie Latour, directrice générale de la FAS.
Et parfois, pour les personnes hébergées, la situation n’est guère meilleure. À Toulouse, l’État entend expulser 33 femmes victimes de violences, qui dorment actuellement à l’hôtel, au motif qu’elles n’auraient pas porté plainte. Certaines d’entre elles ont des enfants. « Le fait d’avoir des enfants à la rue n’inquiète plus les services de l’État », déplore Bruno Morel. Selon les chiffres de la CAU, chaque soir, ce sont 1 800 mineurs, dont les parents ont pourtant appelé le 115, qui n’obtiennent pas de place d’hébergement et se retrouvent sans toit. Et 50 000 autres sont sans domicile, bien loin de l’ambition « zéro enfant à la rue » du ministre Olivier Klein.
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