Le Sénat a largement voté, le 12 juillet, le projet de loi « plein-emploi », imposant notamment une inscription automatique des bénéficiaires du RSA sur la liste des demandeurs d’emploi ainsi qu’une obligation de travail et un régime de suspension des aides perçues. Des mesures jugées « scandaleuses » par Sophie Binet, la secrétaire générale de la CGT.
Les bénéficiaires du RSA (Revenu de solidarité active) pourraient bientôt être inscrits d’office sur la liste des demandeurs d’emploi, contraints de signer un « contrat d’engagement » leur imposant, sauf situations particulières, de travailler quinze heures par semaine, et soumis à une nouvelle mesure dite de « suspension-remobilisation » leur coupant leur allocation en cas de non respect de leurs obligations. Le Sénat a voté, le 12 juillet, le projet de loi pour le « plein-emploi », actant notamment ces bouleversements redoutés par les élus de gauche, les syndicats et de nombreuses associations d’aide aux plus précaires.
Ces mesures, dont certaines ne figuraient pas dans le texte initial du projet de loi, avaient fait leur retour dans la version du texte amendée en commission des Affaires sociales, en juin dernier, et cristallisent, depuis, de nombreuses critiques, longuement détaillées dans un avis, publié le 6 juillet, par la défenseure des droits. Cette dernière estime ainsi que « ce renforcement des obligations d’insertion socioprofessionnelle porte des atteintes disproportionnées ou discriminatoires aux droits et libertés des bénéficiaires du RSA ».
Un dispositif infantilisant
Jugeant ce dispositif dit « de remobilisation » des publics précaires infantilisant à leur égard, Claire Hédon rappelle que « l’alinéa 11 du préambule de la Constitution de 1946 reconnaît un droit à l’aide sociale, impliquant une obligation pour l’État de garantir des moyens convenables d’existence à ceux qui sont dans l’incapacité d’en bénéficier grâce à leur travail
Un principe fondamental que les élus de gauche, mobilisés pour tenter de supprimer ces deux articles - « en rupture avec les principes fondamentaux de notre protection sociale », selon l’écologiste Raymonde Poncet Monge -, ont tenté, en vain, de défendre dans un hémicycle majoritairement à droite. Les sénateurs sont allés jusqu’à infléchir certaines dispositions du texte, dans le sens d’un durcissement, en imposant un contrat fixe de quinze à vingt heures d’activités hebdomadaires, là où le texte laissait place à une certaine souplesse.
« On en parle peu, mais le projet de loi plein-emploi est une nouvelle attaque contre les personnes en situation de précarité. Un PJL libéral et infantilisant » , a dénoncé le sénateur socialiste Hervé Gillé, sur son compte Twitter, traduisant la levée de boucliers face à ces mesures qui, selon la CGT, « derrière l’objectif du plein-emploi, s’attaquent aux précaires plutôt qu’à la précarité ».
Sophie Binet, la secrétaire générale de la CGT, jugeant cette réforme « scandaleuse », a plus spécifiquement souligné les difficultés que poserait cette obligation de travail, en particulier pour les mères bénéficiaires du RSA, « assignées au foyer à devoir prendre en charge les enfants», alors que « 50% des enfants de moins de trois ans n'ont pas de mode de garde », faute de place en crèche ou d'assistante maternelle.
Les sénateurs du groupe CRCE (Communiste, républicain, citoyen et écologiste) ont également réagi. Pointant le décalage de ce texte avec la volonté d’apaisement prônée par Emmanuel Macron, ils dénoncent, par la voix de leur présidente et sénatrice de Seine-Saint-Denis, Éliane Assassi, des mesures consistant à « renforcer le contrôle des chômeurs et les sanctions des bénéficiaires du RSA ».
Le texte, porté par le ministre du Travail Olivier Dussopt, prévoit par ailleurs d’autres bouleversements, dont la refonte à partir de 2024 de Pôle emploi, qui deviendrait ainsi France Travail et s’inscrirait dans un réseau du même nom, combinant plusieurs acteurs (collectivités territoriales, l’État, les missions locales, Cap Emploi...).
Avant d’être définitivement soumis à l’adoption du parlement, le projet de loi devra être examiné à l’automne par l’Assemblée nationale.
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