Au début des années 1930, le Secours rouge n’est pas épargné par le sectarisme de la ligne de « classe contre classe », alors en vigueur dans le Komintern, qui rejette toute forme d’alliance avec des forces non communistes, accusées de faire le jeu de la bourgeoisie et du fascisme. En première ligne face à la répression et affaibli par des crises internes à répétition, le SRI semble condamné à l’isolement et à la marginalisation. Mais le choc des événements de février 1934 et le sursaut unitaire que provoque la prise de conscience du danger fasciste changent la donne.
Le Secours rouge, qui avait renoué depuis 1932-1933 le dialogue avec des sections de la Ligue des droits de l’Homme et du Parti socialiste, devient l’un des artisans de la construction et de l’élargissement du front unique antifasciste. Au cours de l’année 1934, la mobilisation impulsée par le SRI en faveur des victimes de la répression lors des insurrections ouvrières en Autriche puis dans les Asturies participe du renforcement de l’unité d’action dans le mouvement ouvrier.
Tandis que le tournant stratégique amorcé par les communistes aboutit au rassemblement de toutes les forces de gauche au sein d’un « front populaire antifasciste », le Secours rouge s’attèle à traduire cette nouvelle orientation dans le domaine de la solidarité. Au moment où Paris s’impose comme la capitale de la solidarité antifasciste internationale, la section française du SRI devient un laboratoire de « l’union dans la solidarité », afin de fédérer de plus larges couches de la population. Le Secours rouge, en pleine croissance (il passe de 32 000 adhérents en 1932 à 180 000 en 1938), parachève sa mutation idéologique et organisationnelle en changeant de nom à deux reprises au cours de l’année 1936 : il se renomme d’abord « Secours rouge de France » puis « Secours populaire de France » (SPF), en affirmant ainsi, à l’instar du Parti communiste, son ancrage populaire et son inscription dans une culture nationale.
Dès lors, le champ d’intervention de l’association s’élargit, puisqu’elle envisage désormais de porter secours non seulement aux victimes du fascisme et de la répression, mais aussi aux victimes d’injustices sociales et de calamités naturelles. Mêlant dans son action des dimensions humanistes et sociales, le SPF fait alors sienne la maxime « tout ce qui est humain est nôtre », bientôt érigée en devise de l’association.
L’invasion en 1935 de l’Éthiopie par les troupes italiennes permet au Secours rouge d’expérimenter, en soutien à la Croix-Rouge éthiopienne, des pratiques de type humanitaire, qui sont reconduites à une échelle beaucoup plus grande lors de la guerre d’Espagne. Entre 1936 et 1939, le SPF joue un rôle moteur dans l’animation de la solidarité avec la jeune République espagnole, en organisant des convois de vivres, de vêtements et de matériel sanitaire, en accueillant à la frontière les réfugiés et en prenant en charge les familles des combattants des Brigades internationales.
Mais l’activité du Secours populaire s’interrompt brusquement en septembre 1939, du fait de la procédure de dissolution engagée contre lui par les autorités françaises au moment de l’interdiction du Parti communiste et de ses organisations affiliées. Se redéployant clandestinement sous l’Occupation, il faudra attendre la fin de la guerre pour assister à sa renaissance au grand jour, avec la fondation en novembre 1945 du Secours populaire français, résultat de sa fusion avec l’Association nationale des victimes du nazisme.
Corentin Lahu
Crédits illustrations : Archives nationales, BMP/Pandor.
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