Invité d’honneur d’Emmanuel Macron ce 14 Juillet, le premier ministre indien met au pas la démocratie. Suprémaciste patenté, il est une pièce maîtresse de la stratégie de la France dans l’Indo-Pacifique.
Quoi de mieux, un 14 Juillet, que de recevoir « l’empereur des cœurs hindous » et de l’inviter à dîner dans un lieu – le Louvre – marqué de l’empreinte de la monarchie française ?
En cette Fête nationale, le président Emmanuel Macron s’inscrira dans une tradition qui court depuis Nicolas Sarkozy et consiste à dérouler le tapis rouge sang aux dictateurs et autres zélotes du nationalisme.
Après le Syrien Bachar Al Assad, le Tunisien Zine El Abidine Ben Ali, l’Égyptien Hosni Moubarak, place à un autre partenaire stratégique en la personne du premier ministre indien, Narendra Modi, un suprémaciste patenté. Le temps où Nelson Mandela était l’invité d’honneur, le 14 juillet 1996, paraît loin.
La contemplation par Emmanuel Macron et Narendra Modi de la Liberté guidant le peuple suffira-t-elle à redonner son lustre républicain à la réception ? Convié pour la cinquième fois en France, à l’occasion du 25e anniversaire du partenariat stratégique qui lie New Delhi à Paris, le chef du gouvernement indien ne sera sans doute pas tenu comptable des violations des droits de l’homme perpétuées en toute impunité dans son pays.
Qui se souvient que Narendra Modi était interdit d’entrée sur le territoire états-unien, au début des années 2000, pour avoir couvert, alors qu’il était gouverneur du Gujarat, les pogroms antimusulmans qui avaient fait plus de 2 000 morts ? C’est à ce titre qu’il accède à l’époque au statut de Hindu Hriday Samrat, « empereur des cœurs hindous ».
Le principal allié des Occidentaux contre la Chine en Asie
Les frontières se sont depuis ouvertes au mépris de la déchéance de nationalité pour 1,9 million de musulmans dans l’Assam, de la révocation de l’autonomie du Cachemire, des attaques de la milice du Rashtriya Swayamsevak Sangh (Association des volontaires nationaux, au sein de laquelle Narendra Modi a fait ses armes) contre les syndicalistes, les progressistes, les communistes, les journalistes… La liste a beau s’étendre jusqu’à l’écœurement, la stratégie indo-pacifique mise sur pied par les États-Unis afin d’endiguer l’influence chinoise vaut bien le sacrifice de la Fête nationale.
Avec un bémol, comme le souligne Olivier Da Lage, chercheur à l’Iris : « Ni la France ni l’Inde n’envisagent ce concept d’Indo-Pacifique autrement que comme une coopération ad hoc au sein d’un ensemble au cadre général, mais pas trop contraignant. »
Emmanuel Macron, qui a récemment fait connaître son souhait de voir la France assister au sommet des Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) en août, a également le souci de ne pas voir les pays du « Sud global » s’émanciper trop fortement dans un contexte marqué par la guerre en Ukraine et les tensions avec la Chine.
Héritières d’une tradition de non-alignement quelque peu écornée, les autorités indiennes entendent mettre à profit ce déplacement pour approfondir le partenariat stratégique et « s’affranchir progressivement de la dépendance à l’égard des armements russes sans se retrouver dans un tête-à-tête trop exclusif avec les États-Unis », souligne Olivier Da Lage.
Aux yeux de l’Inde, la France, qui dispose de territoires dans les océans Indien et Pacifique et partage déjà des bases militaires avec son alliée, a ainsi un rôle clé à jouer. Cliente de l’industrie de l’armement française, New Delhi serait en passe de commander 26 Rafale Marine et trois sous-marins.
Dans ce contexte, le silence radio s’impose à l’Élysée. En 2018, Emmanuel Macron avait servi la propagande suprémaciste en se rendant à Varanasi, ville sacrée et vitrine nationaliste de Narendra Modi, lui-même reçu avec tous les honneurs un an plus tard au château de Chantilly (Oise).
Jeudi soir, il s’adressera à la diaspora indienne acquise à sa cause. Si les réseaux nationalistes sont puissants à l’étranger et contribuent largement au financement des campagnes électorales du premier ministre indien, un rassemblement, ce 13 juillet à la place d’Iéna, à Paris, se chargera de rappeler que « la plus grande démocratie du monde est en danger avec un gouvernement de plus en plus autoritaire ».
Voir aussi, le communiqué du PCF:
Le symbole du 14 Juillet ne peut être défiguré par la présence de M. Modi - Communiqué du PCF, 12 juillet 2023
commenter cet article …