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22 mai 2023 1 22 /05 /mai /2023 08:26
Discussion de la loi de programmation militaire - 413 milliards d'euros pour la Défense et les dépenses militaires, une dérive va-t-en guerre - Le Dossier de L'Humanité (Jean-Emmanuel Ducoin, Christophe Deroubaix, Julia Hamlaoui)
Une dérive va-t-en-guerre
Publié le Lundi 22 mai 2023 - L'Humanité

Depuis ses vœux aux armées et jusqu’à la discussion à l’Assemblée de la loi de programmation militaire, prévue ce lundi, les éléments de langage d’Emmanuel Macron se révèlent graves et inquiétants. Et ils le sont, dans la mesure où ses orientations en matière de défense nationale n’ont d’autre ambition que de parachever la transformation de nos armées pour « gagner la guerre avant la guerre ». Résultat : 413 milliards d’euros de budget entre 2024 et 2030. Une augmentation historique : le double de la période 2017-2025. Macron parle d’un « projet de souveraineté nationale ». Nous voyons, plutôt, une sorte de sauvegarde d’intérêts propres articulée à une prétention hégémonique…

La guerre en Ukraine est passée par là, direz-vous. D’où la ligne idéologique – et politique – du chef de l’État, qui joue sur les peurs et les réactions va-t-en-guerre. Contrairement à la posture traditionnelle, qui veut que la défense, comme son nom l’indique, s’occupe de la protection de nos populations et de nos territoires, nous voilà embarqués dans le renforcement des capacités de projection extérieure de nos forces armées, au moment où l’escalade budgétaire en la matière s’observe partout en Europe, en Asie, aux États-Unis. Officiellement inscrite dans la « boussole de l’UE » et le « concept stratégique de l’Otan », la doctrine française viserait à « renforcer le rôle de puissance d’équilibre (…) moteur de l’autonomie européenne » que jouerait notre pays. Au regard des événements tragiques en Ukraine, comment ne pas interroger sérieusement cette conception ?

Rappelons que ces 413 milliards d’euros doivent servir en premier lieu à l’« adaptation » de la force de frappe nucléaire dont le ­budget, déjà énorme, atteindra des sommets inégalés. Autant dire une faute morale et une dérive ­politique, qui contreviennent aux engagements internationaux, notamment au titre du traité de non-prolifération. Car, pendant ce temps-là, le très lucratif marché de la mort se porte bien et les industries de l’armement sont à la pointe de la concentration capitaliste. Question : entendez-vous encore parler de paix, ou de prévention politique et diplomatique des conflits ? Mais que devient la France ?

Avec 413 milliards d’euros, l’Élysée soigne la défense

La loi de programmation militaire, en débat à partir de ce lundi à l’Assemblée nationale, participe de l’inflation mondiale des dépenses militaires, particulièrement élevée sur tout le continent européen, entamée avant la guerre en Ukraine et accélérée depuis. Décryptage.

Publié le Lundi 22 mai 2023 - L'Humanité

« Les efforts du pays en faveur de ses armées seront, dans les années qui viennent, à proportion des dangers, c’est-à-dire considérables. » Telle est la philosophie édictée par Emmanuel Macron en matière de défense lors de son discours aux forces armées en janvier. Et ce lundi 22 mai, pour l’exécutif, c’est le moment de passer à la traduction sonnante et trébuchante avec le début de l’examen en séance à l’Assemblée nationale de la loi de programmation militaire (LPM) 2024-2030.

Son ambition est de « continuer à réparer ce qui a été abîmé » et de pouvoir faire face à « une succession de menaces qui s’additionnent entre elles », assure le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, évoquant le retour de la guerre en Europe avec l’invasion de l’Ukraine par la Russie, la militarisation de l’espace ou encore le cyber. Une logique à l’origine de l’inflation des dépenses militaires sur tout le continent.

Un budget « historique » pour « avoir une guerre d’avance »

En France, un budget de pas moins de 413 milliards d’euros sur sept ans, hors aide militaire à l’Ukraine, est en discussion. « Historique », se félicite le ministre, qui s’engage à rentrer dans les clous des 2 % du PIB exigé par l’Otan à compter de 2025, avec un montant total bien supérieur à la précédente loi de programmation, qui prévoyait 295 milliards pour la période 2019-2025.

Une augmentation vertigineuse qui réjouit à droite : «  Le parti des héritiers du général de Gaulle ne peut évidemment pas s’opposer à une loi de programmation qui prévoit une augmentation de 30 % des budgets », a assumé en commission le LR Jean-Louis Thiériot. En l’état, selon le rapport annexé à la LPM, sont notamment prévus 10 milliards pour l’innovation (dans le quantique, par exemple), 5 milliards pour les drones et robots, 5 milliards pour le renseignement, 4 milliards pour le cyber ou encore 16 milliards pour les munitions.

Icon QuoteLe budget des armées en l’espace de dix ans va quasiment doubler au service d’une course à l’armement extrêmement dangereuse et d’une politique de la France qui va bien au-delà de la défense de la nation » Fabien Roussel, le secrétaire national du PCF

Mais l’objectif décliné par le président de la République –  « avoir une guerre d’avance » – fait parfois tousser à gauche, où tout le monde avisera de son vote à l’issue de l’examen des amendements. « Le budget des armées en l’espace de dix ans va quasiment doubler au service d’une course à l’armement extrêmement dangereuse et d’une politique de la France qui va bien au-delà de la défense de la nation », tacle le secrétaire national du PCF, Fabien Roussel.

De ce côté de l’Hémicycle, il n’est pas question pour autant de lésiner. « Ces dernières années, les budgets n’étaient pas suffisants pour assurer notre défense et notre souveraineté technologique, il faut donc y mettre les moyens », ajoute le député du Nord. Car, de l’espace aux fonds marins en passant par le cyber, les défis ne manquent pas. « La courbe des crédits augmente progressivement de 2024 à 2030. En 2024, on repart donc sur une marche plus basse que la fin de l’actuelle LPM », reproche d’ailleurs la socialiste Christine Pirès-Beaune, concernant les hausses de budget d’une année à l’autre plus importantes à partir de 2027.

La dissuasion nucléaire, une clé de voûte contestée

Mais certaines des priorités budgétaires affichées par l’exécutif sont bel et bien contestées par des voix de gauche au sein d’une Nupes par ailleurs divisée sur l’Otan ou l’Europe de la défense. La dissuasion nucléaire – la « voûte (qui) protège nos intérêts vitaux », dixit Sébastien Lecornu – compte parmi celles-ci. En jeu également, les 5 milliards d’euros (sur 10 milliards à terme) consacrés au porte-avions de nouvelle génération censé remplacer le Charles-de-Gaulle. « Le coût de la dissuasion nucléaire est extrêmement lourd, sans même parler du coût éthique. Et le nouveau porte-avions est une dépense de prestige assez peu opérationnelle puisqu’il en faudrait trois pour assurer la permanence en mer », objecte l’écologiste Julien Bayou.

« Ce sont des choix au service d’une politique qui s’appuie sur une France totalement alignée sur les États-Unis, qui envisage de se projeter dans des conflits qui ne nous concernent pas. C’est dans cet état d’esprit que la France prépare une “guerre d’avance”, des conflits “de haute intensité” qui pourraient intervenir en “2030-2035” selon la LPM », pointe Fabien Roussel, qui estime que « le rôle de la France n’est pas d’être le supplétif de l’armée américaine » mais de « protéger ses citoyens, ses territoires, d’établir des coopérations, mais dans la perspective de bâtir la paix ».

Si l’insoumis Aurélien Saintoul dit comprendre que le « contexte pèse sur les choix » et estime qu’ « aussi longtemps qu’il n’y a pas de désarmement, il y a de la dissuasion », il n’en demande pas moins comme d’autres forces à gauche l’adhésion de la France en tant qu’observatrice au Tian (traité d’interdiction des armes nucléaires).

L’Europe, épicentre de l’inflation des dépenses

L’augmentation du budget militaire de la France participe d’un mouvement mondial. Après avoir considérablement baissé dans les années 1990, la première décennie post-guerre froide, les dépenses militaires mondiales sont reparties à la hausse dès les années 2000, entraînées notamment par les guerres de George W. Bush. En 2023, elles ont atteint un nouveau sommet de 2 240 milliards de dollars, soit 2,2 % du PIB mondial, selon les données rendues publiques, fin avril, par un rapport de l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri).

Le Vieux Continent a dépensé, après déduction de l’inflation, 13 % de plus pour ses armées par rapport à 2021. Il s’agit de la plus forte croissance enregistrée ­depuis plus de trente ans, et le retour au niveau des dépenses de 1989, année de la chute du mur de Berlin

Même si les États-Unis (39 %) et la Chine (13 %) comptent toujours pour la moitié de ce « budget » mondial, le moteur principal de cette inflation se trouve en Europe. Le Vieux Continent a dépensé, après déduction de l’inflation, 13 % de plus pour ses armées par rapport à 2021. Il s’agit de la plus forte croissance enregistrée ­depuis plus de trente ans, et le retour – en dollars constants – au niveau des dépenses de 1989, année de la chute du mur de Berlin. Ces dépenses européennes, qui ont atteint 480 milliards de dollars en 2022, ont déjà augmenté de plus de 30 % depuis 2013.

Si l’invasion russe de l’Ukraine a accéléré le mouvement de « réinvestissement militaire » (+36 % en Finlande, +27 % en Lituanie, +12 % en Suède et +11 % en Pologne, des pays frontaliers de la Russie), celui-ci s’est donc engagé il y a une décennie. La tendance devrait se poursuivre durant la prochaine décennie. Avec 3 % de ses richesses « fléchées » vers son appareil militaire, la Pologne, le plus atlantiste des membres de l’Union européenne, fait figure d’aiguillon. Le tout au profit des industries d’armement des États-Unis : dix pays européens ont opté pour le F-35 de Lockeed-Martin, l’avion le plus cher de l’histoire.

Des hausses pour quelle autonomie stratégique européenne ?

Dans ce contexte, Emmanuel Macron a renoncé à une « armée européenne », pas à un pilier européen de défense. C’est donc le retour au serpent de mer de « l’Europe de la défense » que l’Élysée saupoudre d’ « autonomie stratégique » (sous-entendu : vis-à-vis de Washington). Mais comme le rappelle un article publié sur le site spécialisé warontherocks, « l’agenda français de l’autonomie stratégique européenne n’a jamais été accepté par les pays de l’Europe de l’Est ». Ces derniers, solidement ­arrimés à Washington, refusent toute initiative qui pourrait potentiellement amoindrir la « garantie de sécurité » apportée par leur parrain américain, via l’Otan. La guerre en Ukraine a renforcé cette répulsion.

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