Les parlementaires de la Nupes ont déposé, en fin de semaine dernière, une demande d’organisation d’un référendum. Ils font le pari de récolter 4,7 millions de signatures pour faire tomber la réforme.
Si une large consultation populaire avait lieu aujourd’hui, il est certain que la réforme des retraites serait très largement balayée. Selon les sondages, près de 7 Français sur 10 y sont hostiles. Un chiffre qui monte à 9 sur 10 chez les actifs. Mais le gouvernement est resté sourd à cette opposition massive, en passant plusieurs fois en force.
Le peuple n’a pas dit, pour autant, son dernier mot, tout comme les élus de gauche. « Nous n’acceptons pas cette réforme illégitime et nous utilisons tous les leviers possibles. Si le référendum d’initiative partagée (RIP) ne sert pas aujourd’hui dans une telle crise démocratique, quand sert-il ? questionne le député PCF Pierre Dharréville. Nos institutions, aussi critiquables et fragiles soient-elles, doivent servir la volonté populaire et lui permettre de s’exprimer. »
Vendredi 17 mars, à l’initiative des communistes et soutenus par l’intersyndicale, 252 parlementaires de gauche ont déposé une proposition de loi référendaire, comme le prévoit l’article 11 de la Constitution, visant à « affirmer que l’âge légal de départ à la retraite ne peut être fixé au-delà de 62 ans ».
Première étape validée
Première étape validée puisqu’il fallait réunir au moins 185 signatures. Après examen par une commission de recevabilité, la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, a transmis, lundi 20 mars, la demande au Conseil constitutionnel qui doit la valider ou non, au plus tard d’ici à un mois. « Là où il y a un juge, il y a risque, philosophe Boris Vallaud, président du groupe socialiste. Deux questions sont en jeu : propose-t-on une réforme de politique sociale ? La réponse est, selon nous, oui. Crée-t-on une nouvelle dépense ? Non. »
Si la juridiction suprême donne le feu vert, la réforme des retraites est suspendue pour neuf mois, le temps d’organiser et de mener une grande campagne populaire pour recueillir les signatures de 10 % du corps électoral, soit environ 4,7 millions de personnes.
« La logique aurait été d’aller au vote, jeudi 16 mars, sur la réforme. Or le gouvernement n’avait pas de majorité et veut faire croire, maintenant que la motion de censure a été rejetée, que la loi est en vigueur. Il faut combattre la résignation en se tournant vers les Français. Ce peut être une belle campagne commune », se félicite Cyrielle Chatelain, présidente du groupe écologiste à l’Assemblée. Un temps réticents à l’idée du RIP, les députés insoumis ont fini par s’y rallier. « Ils pensaient que ce serait décevant si on n’y arrive pas, mais c’est compliqué pour eux d’expliquer pourquoi ils ne montent pas dans le bateau », assure un cadre de la Nupes.
Même avec les signatures, le Parlement pourrait tout de même enterrer le référendum
Depuis 2008, date d’entrée du RIP dans la Constitution, celui-ci n’a été autorisé qu’une seule fois, en 2019. Il visait à « affirmer le caractère de service public national de l’exploitation des aérodromes de Paris ». Le décompte s’était arrêté à 1,1 million de signatures. Le vote populaire n’avait pas eu lieu mais la privatisation d’ADP avait été abandonnée sous la pression.
Si les 4,7 millions de signatures sont récoltées sur les retraites, le Parlement pourrait tout de même enterrer le référendum. « Mais je leur souhaite bon courage pour le censurer, rassure Pierre Dharréville. Sinon, ce serait vraiment la démonstration d’un passage en force jusqu’au bout, d’un mépris de la volonté populaire. » Réponse fin 2024.
La réforme des retraites n’est pour l’heure ni promulguée ni entrée en vigueur. Le processus juridique poursuit son chemin. Sénateurs et députés de gauche ont décidé de saisir ce mardi le Conseil constitutionnel. Objectif : faire censurer la réforme.
Contrairement au message que veut faire passer le gouvernement pour démobiliser le mouvement social, le rejet des motions de censure, consécutives au passage en force sur la réforme des retraites, ne signifie en rien la fin de la bataille.
Du strict point de vue légal, le projet de loi est uniquement considéré comme adopté par le Parlement. Mais le processus juridique poursuit son chemin. La réforme des retraites n’est pour l’heure ni promulguée ni entrée en vigueur. D’ici là, les opposants ont plusieurs cartes en main pour mettre en échec la Macronie.
Les parlementaires ont des arguments à la pelle
C’est pourquoi, ce mardi 21 mars, les quatre groupes de la Nupes déposent conjointement des recours devant le Conseil constitutionnel pour un contrôle a priori. Lequel pourrait censurer tout ou partie de la réforme. Les trois groupes de gauche au Sénat suivront la même démarche.
Les sages, selon le terme consacré, ont alors un mois (huit jours si le gouvernement le demande) pour se prononcer sur ces saisines. Entretemps, la promulgation de la loi est suspendue.
Des arguments, les parlementaires en ont à la pelle. « Dans ce texte, rien ne va. Nous utilisons toutes les cartouches à notre disposition », assure Boris Vallaud, président du groupe socialiste à l’Assemblée. La gauche conteste en premier lieu le véhicule législatif choisi par l’exécutif, à savoir le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) rectificatif, qui lui permet de contraindre les débats. Et ce quelques semaines après avoir adopté un budget par 49.3. Or, une réforme des retraites n’a rien d’un texte budgétaire sur l’année en cours mais a des implications bien plus larges dans le temps.
Quel sort pour les « cavaliers sociaux » ?
Autre problème : la sincérité des débats. « Il nous a fallu débusquer des contre-vérités et des mensonges », résume Boris Vallaud. Reste à connaître le sort des « cavaliers sociaux », ces dispositions qui n’ont rien à faire dans un PLFSS, comme l’index senior, sur lequel le Conseil d’État avait déjà averti le gouvernement.
« Nous sommes dans un moment grave où la solidité de nos institutions est en question. Le Conseil constitutionnel doit juger en droit, et non en termes d’opportunités politiques. Je lui fais confiance pour trancher indépendamment des pressions », alerte la présidente du groupe écologiste, Cyrielle Chatelain. Et le communiste Pierre Dharréville de promettre : « L’accumulation d’effractions démocratiques vient entacher la légitimité du texte. On va faire feu de tout bois. »
Et si vous regardiez la politique autrement
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