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4 mars 2023 6 04 /03 /mars /2023 06:49
Communist'Art: Cesare Pavese, poète, romancier et traducteur italien (1908-1950)
Cesare Pavese (1908-1950)
La mort viendra et elle aura tes yeux (1950)
 
"Tu es la vie et la mort.
Tu es venue en mars
sur la terre nue -
et ton frisson dure.
Sang de printemps
- anémome ou nuage -
ton pas léger
a violé la terre.
La douleur recommence.
Ton pas léger
a rouvert la douleur.
La terre était froide
sous un pauvre ciel,
immobile et fermée
dans une torpeur rêveuse
comme après la souffrance.
La glace aussi était douce
dans le cœur profond.
Entre vie et mort
l'espoir se taisait.
Maintenant ce qui vit
a une voix et un sang.
Maintenant terre et ciel
sont un frisson puissant,
l'espérance les tord,
le matin les bouleverse,
ton pas et ton haleine
d'aurore les submergent.
Sang de printemps
toute la terre tremble
d'un ancien tremblement.
Tu as rouvert la douleur.
Tu es la vie et la mort
Sur la terre nue,
tu es passée légère,
hirondelle ou nuage,
et le torrent du cœur
s'est reveillé, déferle,
se reflète dans le ciel
et reflète les choses -
et les choses, dans le ciel, dans le cœur,
souffrent et se tordent
dans l'attente de toi.
C'est le matin, l'aurore,
sang de printemps,
tu as violé la terre.
L'espérance se tord,
et t'attend et t'appelle
Tu es la vie et la mort.
Ton pas est léger.
 
(You, Wind of March, 25 mars 1950 - dans La mort viendra et elle aura tes yeux, Cesare Pavese, traduit par Gilles de Van)
 
La mort viendra et elle aura tes yeux (Pavese, 1950)
 
"La mort viendra et elle aura tes yeux –
cette mort qui est notre compagne
du matin jusqu’au soir, sans sommeil,
sourde, comme un vieux remords
ou un vice absurde. Tes yeux
seront une vaine parole,
un cri réprimé, un silence.
Ainsi les vois-tu le matin
quand sur toi seule tu te penches
au miroir. Ô chère espérance,
ce jour-là nous saurons nous aussi
que tu es la vie et que tu es le néant.
La mort a pour tous un regard.
La mort viendra et elle aura tes yeux.
Ce sera comme cesser un vice,
comme voir resurgir
au miroir un visage défunt,
comme écouter des lèvres closes.
Nous descendrons dans le gouffre muets."
 
"Vivre quelque part est beau quand l'âme est ailleurs. A la ville, quand on rêve à la campagne, à la campagne quand on rêve de la ville. Partout, quand on rêve de la mer" (Le Métier de Vivre, Pavese)
 
" C'est beau d'écrire parce que cela réunit les deux joies: parler tout seul et parler à une foule." (Le Métier de Vivre, Pavese)
 
" Le charme de voyager c'est d'effleurer d'innombrables et riches décors et de savoir que chacun pourrait être nôtre et de passer outre, en grand seigneur" (Le Métier de Vivre, Pavese)
 
"Les quatre plus grands - mondes complexes et inépuisables, ambigus, modernes - sont Platon, Dante, Shakespeare et Dostoïevski" (Le Métier de Vivre, Pavese)
 
" Ne pas analyser, mais représenter. Mais d'une manière tout à fait vivante selon une analyse implicite. Donner une autre réalité, sur laquelle pourrait naître une nouvelle analyse, de nouvelles normes, une nouvelle idéologie. Il est facile d'énoncer une nouvelle analyse, de nouvelles normes, etc. Le plus difficile, c'est de les faire naître d'un rythme, d'une appréhension cohérente et complexe de la réalité". (Le Métier de Vivre, Pavese)
 
Cesare Pavese, né en 1908 à Santo Stefano Belbo, étudie la littérature anglaise à Turin et écrit une thèse sur le poète américain Walt Whitman en 1930. En outre, il traduit en italien "Moby Dick" d'Herman Melville en 1932, ainsi que des œuvres de John Dos Passos, William Faulkner, Daniel Defoe, James Joyce ou encore Charles Dickens. Il collabore à la revue "Culture" dès 1930, publiant des articles sur la littérature américaine, et compose son recueil de poèmes "Travailler fatigue", qui paraît en 1936, année où il devient professeur d'anglais.
Il s'inscrit de 1932 à 1935 au Parti national fasciste, sous la pression selon lui des membres de sa famille. Il est choisi en 1934 comme directeur de la revue Culture éditée par Einaudi et tribune de ses amis de « Giustizia e Libertà », groupe anti-fasciste. En 1935, Pavese est arrêté pour activités anti-fascistes. Exclu du parti, il est exilé en Calabre à Brancaleone pour huit mois. En 1939, il écrit "Le Bel Été" nouvelle tragique et splendide se concluant par un suicide qui ne paraît qu'en 1949, accompagné de deux autres textes : "Le Diable sur les collines" et "Entre femmes seules". Après la Seconde Guerre mondiale, Cesare Pavese adhère au Parti communiste italien.
Le 10 avril 1946, il écrit dans son journal ("Le Métier de Vivre"): "Les intellectuels qui ne sont pas d'accord avec le PC sur la question de la liberté devraient se demande ce qu'ils feraient de cette liberté dont ils sont si soucieux. Et alors ils verraient - après avoir écarté les paresses, les intérêts inavoués de chacun (vie commode, méditation indéterminée, sadismes élégants) - qu'il n'existe pas de cas où ils donnent une réponse différente de la réponse collective du PC." *
 
* Cette note sera reprise intégralement dans une réponse du 13 novembre à un questionnaire du PCI restée inédite.
 
Cesare Pavese s'établit à Serralunga di Crea, puis à Rome, à Milan et finalement à Turin, travaillant pour les éditions Einaudi. Il ne cesse d'écrire durant ces années, notamment en 1949 un roman : "La Lune et les Feux". Cesare Pavese se suicide le 27 août 1950 dans une chambre de l'hôtel Roma, place Carlo-Felice à Turin, laissant sur sa table un mot :
 
« Je pardonne à tout le monde et à tout le monde, je demande pardon. Ça va ? Ne faites pas trop de commérages »
 
Il y laisse aussi un dernier texte, La mort viendra et elle aura tes yeux, lequel se termine par : « Assez de mots. Un acte ! »
 
Son journal intime, paru sous le titre "Le Métier de vivre" (posthume), de 1935 à sa mort, s'achève lui aussi sur ces mots :
 
17 août (...) "Tu t'étonnes que les autres passent à côté de toi et ne sachent pas, quand toi, tu passes à côté de tant de gens sans savoir, cela ne t'intéresse pas, quelle est leur peine, leur cancer secret?"
18 août " La chose la plus secrètement redoutée arrive toujours.
J'écris: ô Toi, aie pitié. Et puis?
Il suffit d'un peu de courage.
Plus la douleur est déterminée est précise, plus l'instinct de vie se débat, et l'idée du suicide tombe.
Quand j'y pensais, cela semblait facile. Et pourtant tant de pauvres femmes l'ont fait. Il faut de l'humilité, non de l'orgueil.
Tout cela me dégoûte.
Pas de paroles. Un geste. Je n'écrirai plus ».
 
 
Je Passerai par la Place d’Espagne
Cesare Pavese
Le ciel sera limpide.
Les rues s’ouvriront
sur la colline de pins et de pierre.
Le tumulte des rues
ne changera pas cet air immobile.
Les fleurs éclaboussées
de couleurs aux fontaines
feront des clins d’œil
comme des femmes gaies.
Escaliers et terrasses
et les hirondelles
chanteront au soleil.
Cette rue s’ouvrira,
les pierres chanteront,
le cœur en tressaillant battra,
comme l’eau des fontaines.
Ce sera cette voix
qui montera chez toi.
Les fenêtres sauront
le parfum de la pierre
et de l’air du matin.
Une porte s’ouvrira.
Les tumultes des rues
sera le tumulte du cœur
dans la lumière hagarde.
Tu seras là – immobile et limpide
Illustration - Dessin d'un artiste plasticien italien accompagnant une page de l'écrivain Cesare Pavese au Musée del Novecento à Milan.

Illustration - Dessin d'un artiste plasticien italien accompagnant une page de l'écrivain Cesare Pavese au Musée del Novecento à Milan.

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