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Recours massif aux intérimaires, taux élevé d’absentéisme, haut niveau de rotation du personnel, augmentation des licenciements pour inaptitudes... L’Humanité s’est procuré un rapport confidentiel, où figurent les données chiffrées des conditions de travail sur les sites français de la multinationale.
Chez Amazon, 62 % des licenciements ont pour origine un abandon de poste, ce qui en dit long sur l’extrême pénibilité du travail dans ses entrepôts. Ici celui de Boves, dans la Somme. Vincent Gerbet / Hans Lucas
Une « chance inouïe ! » Voilà comment, le 3 octobre 2017, sous les applaudissements, une paire de ciseaux à la main, le président Emmanuel Macron qualifiait les créations d’emplois d’Amazon lors de l’inauguration de l’entrepôt logistique de Boves (Somme). Pour lui, comme pour les libéraux de tout poil, chaque nouvel entrepôt ouvert est l’occasion de mettre en scène un « dynamisme économique » fantasmé, celui d’une activité qui viendrait remplacer les emplois industriels de jadis.
Les incohérences du bilan social national
Mais, quatre ans après ce numéro de claquettes d’Emmanuel Macron, une étude indépendante analysant la politique sociale et l’emploi d’Amazon en France a été présentée aux représentants du personnel, au cours du dernier comité social économique central (CSEC) de l’entreprise.
Réalisé à la demande des élus du CSEC par la société d’expertise comptable Progexa, ce rapport publie des données jusqu’alors inaccessibles, et démontre qu’Amazon n’est en rien une « chance » pour les travailleurs. Le document débute par une chronique invraisemblable, celle des innombrables embûches que la direction des ressources humaines d’Amazon a dressées aux experts tout au long de leur mission, en répondant tardivement à leurs demandes d’informations, ou de manière incomplète.
Par ailleurs, les experts ont découvert que « le bilan social national présente des incohérences avec les bilans sociaux des établissements » et que « certains indicateurs des bilans sociaux présentent des chiffres totalement erronés ». Le rapport offre néanmoins une vue panoramique sur l’activité de l’entreprise et contient d’importantes révélations.
Quid des embauches massives en CDI ?
Dans le cadre de leurs apparitions médiatiques, les dirigeants d’Amazon France répètent que le recours au travail intérimaire au sein de leurs entrepôts serait corrélé à « une activité saisonnière ». Et, sur ce point, sous les présidences Sarkozy, Hollande, puis Macron, il n’a pas manqué de représentants politiques libéraux favorables aux implantations d’Amazon pour se faire les perroquets des communicants de la multinationale états-unienne.
Interviewé le 25 juin 2012 lors de l’inauguration de l’entrepôt Amazon de Sevrey (Saône-et-Loire), le ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, prenait ainsi la défense d’Amazon : « Écoutez, il y a des emplois saisonniers, comme d’ailleurs dans toute activité. Les vendanges, c’est des emplois saisonniers. Dans l’industrie, il y a des emplois saisonniers. »
EN 2021, 962 CONTRATS DE TRAVAIL ONT ÉTÉ ROMPUS EN FIN DE PÉRIODE D’ESSAI.
En réalité, plutôt que d’embaucher des travailleurs en CDI, Amazon maintient délibérément un pourcentage extrêmement élevé de travailleurs intérimaires. En 2021, les intérimaires représentent ainsi 42 % de la main-d’œuvre totale embauchée par Amazon France. Ce chiffre dynamite le mythe du fleuron de la logistique qui embaucherait à la chaîne en CDI dans des territoires socialement sinistrés. « Une part importante du recours à l’intérim demeure structurelle chez Amazon et justifierait davantage de recrutements en CDI », souligne le rapport.
Afin d’accompagner la croissance de l’entreprise et ses ouvertures de nouveaux entrepôts, l’effectif global d’Amazon a augmenté : il atteint 16 571 ETP (équivalents temps plein) en 2021. Mais les experts de Progexa ont remarqué que, au cours de la même année, les embauches en intérim ont augmenté plus vite que celles en CDI.
De l'usage de la période d'essai chez Amazon...
Jadis, Amazon imposait généralement à ses nouvelles recrues une période d’intérim avant de les engager en CDI. Désormais, afin de pouvoir bénéficier des aides publiques de Pôle emploi, la procédure a changé : Amazon signe directement des CDI à de très nombreux travailleurs, puis rompt à la chaîne leurs contrats de travail avant la fin de leur période d’essai.
Pour l’année 2021, 962 contrats de travail ont été rompus à l’initiative de l’employeur en fin de période d’essai ! Au total, un salarié sur cinq embauchés en 2021 a quitté l’entreprise avant la fin de sa période d’essai. Pour les sites de Saran (Loiret) et de Brétigny-sur-Orge (Essonne), une embauche sur quatre ne s’est pas concrétisée. La fin de la période d’essai est désormais la première cause de départ des salariés.
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