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3 novembre 2022 4 03 /11 /novembre /2022 07:13
Lady Stanhope, l'amazone du Liban - par Laure Dominique Agniel (éditions Tallandier, 2021, 219 pages,  18,90€))

Lady Stanhope, l'amazone du Liban - par Laure Dominique Agniel (éditions Tallandier, 2021, 219 pages, 18,90€))

Laure Dominique Agniel, qui fut étudiante et reporter dans la guerre du Liban, et qui est l'auteure de biographies de Paul Gauguin et de Alexandra David-Neel, et réalisatrice du film Oublier Beyrouth (Arte), a publié chez Tallandier en 2021 un livre absolument passionnant qui nous emporte d'un bout à l'autre avec son souffle d'aventure et de tragédie et de reconstitution une reconstitution historique dans le sillage d'une femme exceptionnelle, énergique, indépendante, ignorant la peur et les préjugés: Lady Hesther Stanhope.  

Lady Stanhope est toujours un mythe au Liban, et soulève un écho intime, mêlée de nostalgie et de fascination, chez l'auteure, Laure Dominique Agniel: "Comme Esther Stanhope, écrit-elle dans l'Avant-Propos, j'ai vécu au Liban. J'y suis arrivée à vingt ans, étudiante à l’École des Lettres de Beyrouth. Je payais mes études en travaillant dans une petite librairie du vieux quartier de Bab Idriss, à côté d'une pâtisserie autrichienne célèbre dans toute la ville. Très vite, j'ai connu l'histoire de Lady Stanhope, dont les aventures se racontaient de génération en génération. Comme elle, j'avais quitté une Europe qui m'apparaissait trop prévisible, sans fantaisie, sans poésie. Comme elle, j'étais envoûtée par la montagne libanaise, la lumière dorée sur les maisons de terre de Deir-al-Qamar, l'austère beauté des palais druzes à Beiteddine ou à Moukhtara. J'ai suivi sa trace dans le sable de Palmyre, à la recherche de la reine Zénobie... Elle qui avait été, au début du XIX e siècle, le bras droit du Premier ministre du Royaume-Uni, elle qui avait vécu au 10 Downing Street à Londres, avait quitté l'Angleterre pour devenir reine de Palmyre, amazone du désert, astrologue, chercheuse d'or, et pour certains, sorcières au Liban. A deux cent ans de distance, sa rage de vivre, sa quête de liberté résonnent encore aujourd'hui."   

Hester Stanhope est née en 1776, enfant pendant la Révolution française, issue d'une des grandes familles de l'aristocratie anglaise, orpheline de mère, et doté d'un père, homme des Lumières nourri aux philosophies de Diderot et Rousseau, mathématicien libre-penseur et scientifique fantasque et précurseur (il imagine avant les autres les bateaux à vapeur), quitte Londres, à la mort de son oncle, le premier ministre William Pitt (premier ministre pendant près de 20 ans, à partir de 1783, avec une interruption entre 1801 et 1804) dont elle fit office de directrice de cabinet, habillée en homme.

Après la mort de son amoureux au Portugal, victime de la guerre avec les troupes napoléoniennes, et la mort de William Pitt, Lady Stanhope décide de se changer les idées et de quitter l'Angleterre où elle s'ennuie et déprime. Elle embarque de Porsmouth en février 1810 et ne reviendra jamais en Angleterre. Avec un jeune médecin, une dame de compagnie, elle rejoint Gibraltar, Malte, tombe amoureux d'un jeune étudiant anglais des Indes pendant la traversée, Michael Bruce, qui sera son compagnon, de dix ans plus jeune qu'elle, pendant des années. En 1811, ils sont à Constantinople, puis, voulant rejoindre l'Egypte, ils font naufrage au large de Rhodes.

Ils survivent miraculeusement, et, à Rhodes, Lady Stanhope prend l'habit turc et celui d'un homme.

Après l’Égypte, elle visite la Palestine, Jérusalem, Jaffa, Ramallah, puis s'établit durablement entre les montagnes du Liban et la Syrie, recevant l'hospitalité d'un cruel prince druze. Elle rencontre l'orientaliste suisse Johann Burckhardt, s'intéresse à la culture et aux croyances des druzes, des turcs, des bédouins, est reçue avec les honneurs par le pacha de Damas. Elle se présente à lui montant à cheval et armée et est admise dans la bibliothèque de la grande mosquée omeyyade à feuilleter des livres "qu'aucun chrétien n'a jamais vus". Elle rejoint ensuite Alep et monte une expédition avec une tribu bédouine pour traverser le désert syrien et rejoindre la mythique cité antique de Palmyre.   

Tantôt princesse, tantôt guerrière, elle brave tous les interdits et s'impose aux califes, aux émirs et aux pachas de l'empire Ottoman. Rien ne l’effraie.

Elle se retire finalement dans une quasi-solitude sur une des montagnes du Liban où Lamartine lui rend visite dans sa cité-jardin. Loin du monde, elle devient astrologue, chercheuse d’or, se passionne pour les sciences occultes, ouvre sa porte aux miséreux. Elle échappe plusieurs fois à la peste, vit dans un climat d'insécurité et de guerre, accueille des réfugiés dans sa retraite. 

Elle meurt ruinée en 1838, en princesse déchue, couverte de dette, abandonnée par le gouvernement britannique, entourée seulement de quelques servantes qui la volent, dans un château en ruine et en grande partie inhabitée du Mont Liban. C'est son médecin, fidèle entre tous, secrètement amoureux d'elle, Charles Meyron, qui publiera le journal qu'elle a tenu pendant 28 ans.

Pionnière et résolument indépendante, Hester Stanhope incarne ces femmes éprises de liberté, ayant le goût de l’aventure, refusant de se marier et luttant pour leur émancipation.

Et l'auteure, Laure Dominique Agniel, dans un récit alerte et enlevé qui ne se quitte pas et se lit d'une traite, rempli de souffle romanesque et historique, contribue aussi à nous dévoiler de nombreuses facettes d'un Proche-Orient compliqué et fascinant, qui deviendra une étape de choix des grands voyages initiatiques européens au XIXe siècle.

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