Majorité En conviant les caméras au Conseil des ministres, Emmanuel Macron s’est offert une séquence de communication, que le chef de l’État affectionne tant, sur le thème de la prise de conscience des périls de l’époque. Mais les annonces, elles, font petit bras.
D’habitude, les journalistes ne sont conviés au Conseil des ministres qu’après sa tenue, lors d’une traditionnelle conférence de presse. Pour sa rentrée gouvernementale, ce mercredi 24 août, Emmanuel Macron a invité les caméras de télévision à filmer et diffuser son propos liminaire. Un plan de communication qui n’a même pas la politesse de cacher ses grosses ficelles. L’heure est grave, le ton est solennel, Emmanuel Macron s’adresse à la nation à travers ses ministres : « Au fond, nous vivons la fin de l’abondance, la fin des évidences et la fin – pour ceux qui en ont encore – d’une forme d’insouciance. (…) C’est la fin des produits qui nous paraissaient perpétuellement disponibles, (…) la rareté réapparaît, comme avec l’eau. » Reconnaissons au chef de l’État l’art de la rime, mais la déclaration sonnerait plus juste si elle ne donnait pas l’impression qu’il découvrait là la Lune, et si cela ne faisait pas quarante ans que les scientifiques alertent sur l’impossibilité d’une consommation infinie dans un monde aux ressources limitées. Sans compter que « pour de nombreux Français, les temps sont durs, les sacrifices sont déjà là », a rappelé le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez.
« l’été de la prise de conscience totale »
Elle aurait l’air moins fausse, aussi, si elle avait été suivie d’effet. Mais Olivier Véran fait vite déchanter. Évoquant les catastrophes estivales (incendies, sécheresse), le porte-parole du gouvernement a appelé à « l’unité de la nation » après ce qu’il nomme « l’été d’après le changement climatique, de la prise de conscience totale » (là encore, comme si l’on découvrait l’écologie en 2022). Mais encore, du concret ? L’exécutif annonce deux plans : un pour replanter les forêts qui ont brûlé, un pour « sécuriser les approvisionnements en énergie ». Et un projet de loi, attendu en septembre, pour accélérer la production d’énergie et réduire la demande de la France, entre autres, de gaz russe. « Nous ne pourrons pas indéfiniment geler les prix », a ajouté Olivier Véran au sujet du bouclier tarifaire que le gouvernement entend toutefois maintenir jusqu’au début de 2023. Quant à des mesures plus strictes face aux gros pollueurs, aucun espoir : si le ministre Clément Beaune a proposé, la semaine dernière, « d’encadrer l’usage de jets privés » (en réponse à l’écologiste Julien Bayou qui souhaite leur interdiction), il a été « recadré » par le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu. Selon Olivier Véran, la question n’a même pas été abordée lors du Conseil : « Chacun doit faire attention à sa consommation d’énergie », s’est-il contenté de répondre.
L’heure n’est donc pas tant à l’action qu’à la « consultation », nouvelle marotte de la Macronie en cette rentrée. Accusée lors du précédent quinquennat de gouvernance verticale et autoritaire, la majorité, désormais relative et avec une marge de manœuvre réduite, assure avoir changé. Le Conseil national de la refondation, réunissant partis, syndicats et élus locaux, commencera le 8 septembre. Mais les vieux réflexes ne sont pas totalement oubliés. Un recours au 49-3 est envisagé pour le vote de la loi de finances 2022-2023, si les débats autour du budget s’enlisent au Parlement. Car, en Macronie, le problème, c’est surtout la fin de l’abondance de députés.
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