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13 août 2022 6 13 /08 /août /2022 08:00

Talibans Kaboul leur a quasiment été offerte. Les étudiants en religion ont pris la ville sans coup férir alors que l’armée américaine négociait son retrait. Depuis, le pays vit sous la charia et les femmes sont mises au ban de la société.

L’Afghanistan s’enfonce dans les ténèbres

Un an déjà. Après avoir pris Kaboul le 15 août  2021, les autorités talibanes ont imposé de sévères restrictions aux droits des femmes et des filles, réprimé les médias et détenu arbitrairement, torturé et exécuté sommairement des critiques et des opposants présumés. Économiquement, la situation, qui était déjà difficile auparavant, ne cesse de se dégrader. Aujourd’hui, plus d’un million d’enfants de moins de 5 ans souffrent de malnutrition aiguë prolongée.

Comment les talibans ont-ils repris le pouvoir ?

Lorsque le 15 août 2021, les premières cohortes de talibans sont repérées dans Kaboul, c’est l’affolement général. Pratiquement aucun combat n’a lieu mais les habitants, craignant le pire, se ruent chez eux pour préparer leurs affaires, dans les banques pour retirer de l’argent et dans les commerces pour stocker des provisions. L’arrivée des « étudiants en religion » ne constitue pas une surprise à proprement parler mais, en revanche, la rapidité avec laquelle ils se sont emparés de la capitale, et donc du pays, en est une. À peine dix jours se sont écoulés entre la prise de la première capitale provinciale, Zarandj, au Sud-Ouest, et celle de Kaboul.

Chassés du pouvoir en décembre 2001 par l’arrivée des troupes américaines, britanniques, françaises et de l’Otan, les talibans se sont d’abord regroupés dans leurs bastions du Sud et de l’Est avant de déclencher une insurrection en 2008. La puissance de feu occidentale et les milliards de dollars injectés n’y pourront rien. Et pour cause. Au début de l’été 2021, l’étau a commencé à se resserrer autour des positions gouvernementales avec un double objectif de la part des talibans : prendre le contrôle des zones rurales, encercler les centres urbains et se positionner sur les points d’accès aux frontières afin d’isoler le régime. Une offensive favorisée par l’attitude des États-Unis. Ceux-ci négocient avec les talibans à Doha (Qatar) et signent un accord en février 2020 dont l’essentiel porte sur le retrait des troupes américaines (à l’origine, en mai 2021) et l’engagement de ne pas accueillir des groupes terroristes (on sait maintenant ce qu’il en est avec l’assassinat à Kaboul, le 31 juillet, par un drone américain d’Ayman Al Zawahiri, leader d’al-Qaida, successeur de Ben Laden), mais au détriment de l’avenir du peuple afghan et surtout des femmes. Conscients de la faiblesse de leur ennemi (le pouvoir de Kaboul est alors exclu des négociations), les talibans n’avaient plus qu’à pousser leur avantage face à des troupes étrangères sur le départ et une armée afghane en déconfiture.

Outre une stratégie militaire de contre-insurrection inadaptée, un autre facteur, et non des moindres, explique également l’effondrement rapide de ce régime : les Afghans ne voulaient pas le défendre. Car le bilan est désastreux. Entre 2013 et 2020, le taux de pauvreté est passé de 40 % à 55 % de la population. 75 % des Afghans étaient déjà en état d’insécurité alimentaire. Quant aux résultats dans le domaine de l’éducation, ils sont loin d’être probants. En 2020, seules 13 % des jeunes filles poursuivaient leurs études. À l’arrivée des talibans, à l’indice de développement humain (qui combine le PIB par habitant, l’espérance de vie et le niveau d’éducation), l’Afghanistan était en 208e position sur 228. On est loin de la réussite souvent présentée et mise à l’actif de ce pouvoir.

Et puis, il y a la corruption, qui a gangrené toutes les sphères du régime. Le dernier président, Ashraf Ghani, s’est enfui à la veille de l’entrée des talibans avec, dit-on, des valises pleines de billets. Le 30 août, le dernier soldat américain quittait le tarmac de l’aéroport de Kaboul, dans une débandade organisée.

Que s’est-il passé depuis un an ?

Avant même leur retour au pouvoir, les talibans avaient pris soin de prendre des contacts internationaux en lien avec la situation régionale et les réalités géopolitiques. Tout en négociant avec les Américains, ils ont participé à des conférences à Moscou et à Pékin. Leur but est de faire reconnaître l’émirat islamique d’Afghanistan par la communauté internationale. Ils n’y sont toujours pas arrivés, notamment parce que, malgré leurs promesses, ils n’ont pas constitué un gouvernement inclusif et continuent à empêcher les jeunes filles d’étudier (lire page 4). Leur boussole demeure la charia, la loi islamique, sans que l’on sache où est le véritable pouvoir. Le guide suprême, Haibatullah Akhundzada, rassemble son puissant cercle intime de combattants vétérans et de clercs religieux dans le sud de Kandahar, fief historique des talibans, pour imposer une interprétation sévère de la charia. Mais il existe également un cercle de pouvoir à Kaboul, même si les talibans ne veulent pas parler de gouvernement et utilisent le terme d’administration.

Tout cela n’est pas suffisant pour diriger un pays pris dans la tourmente économique. La situation est d’autant plus difficile que les 7 milliards de dollars d’avoirs de la banque centrale d’Afghanistan sont gelés aux États-Unis et environ 2,6 milliards de dollars bloqués en Europe, essentiellement au Royaume-Uni. Avec la suspension également de l’aide internationale, qui portait le pays à bout de bras, l’Afghanistan est depuis plongé dans une grave crise financière et humanitaire, et voit son chômage exploser. Plus de 70 économistes ont appelé l’administration Biden, dans une lettre ouverte publiée mercredi, à débloquer ces 7 milliards de dollars d’avoirs. « 70 % des ménages afghans sont incapables de répondre à leurs besoins essentiels. Quelque 22,8 millions de personnes – plus de la moitié de la population – font face à une insécurité alimentaire aiguë et 3 millions d’enfants risquent la malnutrition », écrivent les signataires, parmi lesquels l’Américain Joseph Stiglitz, prix Nobel d’économie en 2001, ou encore l’ancien ministre grec des Finances Yanis Varoufakis.

Pour les Afghans, le quotidien est difficile. À Kaboul, devant les boulangeries, de nombreuses femmes viennent demander de l’aide. Le prix de la farine a augmenté et, avec lui, celui du pain. Dans la capitale, le nombre de mendiants ne cesse de croître. L’Afghanistan dépend plus que jamais de l’aide internationale. Mais les pays donateurs comme les institutions ne veulent pas que ces sommes soient gérées par les talibans. Le ministre de l’Intérieur, Sirajuddin Haqqani, a redit que Kaboul ne se soumettra pas aux appels internationaux qui s’opposent à la charia. « Lorsque nous deviendrons autosuffisants, l’avantage sera que nous n’aurons plus besoin du monde », veut-il croire.

Quelle est la situation des femmes ?

Si la nouvelle génération des talibans est plutôt 3.0, surfant en permanence sur les réseaux sociaux, y compris en écoutant de la musique, ce qui était interdit il y a vingt ans, il est néanmoins des lignes rouges. Celles concernant les femmes sont infranchissables, du moins officiellement. L’une des premières mesures des talibans en s’installant au pouvoir a été de débaptiser le ministère des Femmes pour le nommer ministère de la Prévention du vice et de la Promotion de la vertu. Tout un symbole. Si les petites filles peuvent encore aller à l’école, les adolescentes sont priées de rester chez elles, de même que les femmes travaillant dans la fonction publique. Dans certaines régions, cependant, les gouverneurs tendent à assouplir les mesures en offrant des options aux femmes et aux filles.

Mois après mois, les pressions se sont accentuées. Désormais, les femmes ne peuvent plus voyager seules. Il leur est fortement conseillé de porter la burqa et le ministère a mis en place une police religieuse pour les contrôler. À Kaboul, l’injonction est loin d’être respectée, mais jusqu’à quand ? Les manifestations organisées par des femmes pour faire respecter leurs droits ont été durement réprimées, certaines ont été arrêtées et battues. En novembre 2021, la poétesse Hoda Khamosh, rencontrée à Kaboul, expliquait à l’Humanité : « Quand on est dans la rue, ils nous traitent de putes. Pour eux, une femme n’est là que pour faire des enfants et s’occuper de la maison » (voir aussi, page 4, le témoignage de Zahra Mandgar).

Pour les femmes journalistes, le danger est apparu dès le premier jour. Certaines se sont vu interdire l’accès à des conférences de presse, d’autres travaillant pour des chaînes de télévision sont maintenant contraintes de porter un masque en plus du voile. Beaucoup ont quitté le pays ou tentent encore de le faire, pas toujours avec succès.

Si tout n’est pas imputable aux talibans, la réalité économique accentue certaines pratiques comme les ventes d’enfants ou d’organes, pratiques malheureusement courantes, y compris avant le 15 août 2021. « En Afghanistan, tout contribue à favoriser les mariages précoces et les mariages forcés, explique ainsi Stéphanie Sinclair, de l’ONG Too Young to Wed (trop jeune pour se marier). Vous avez un gouvernement patriarcal, la guerre, la pauvreté, la sécheresse, des filles qui ne peuvent plus aller à l’école. Avec tous ces facteurs, nous savions que les chiffres du mariage des enfants allaient exploser. »

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