Solidarité Pour cette 43e édition de la Journée des oubliés des vacances du Secours populaire français, 3 800 enfants franciliens de 6 à 12 ans ont profité, le 24 août, de la plage de Deauville. L’Humanité a suivi les petits Montreuillois.
Deauville (Calvados), envoyée spéciale.
À 6 h 30, Montreuil (Seine-Saint-Denis) se réveille doucement. Le ciel s’éclaircit au-dessus des quelques enfants encore endormis sur les épaules de leurs parents. Louise Champiré, une des bénévoles du Secours populaire français (SPF), et la responsable du comité du SPF de la ville, Catherine Deger, sont déjà sur place pour compter les premiers arrivés. Vingt-quatre petits Montreuillois – entre 6 et 12 ans – sont attendus pour cette 43e édition de la Journée des oubliés des vacances du Secours populaire. Cette année, ce sont les plages de Deauville (Calvados) qui accueillent les quelque 3 800 enfants venus de toute l’Île-de-France. Une première pour Montreuil. Catherine Deger explique : « Le comité s’est reformé il y a un an seulement. Depuis septembre 2021, on a pu emmener des familles en journée à la mer avec nous. »
Crème solaire, lunettes, livres et casse-croûte
Sac sur le dos et bouée à la main, les enfants attendent le feu vert pour entrer dans le car. Pour la plupart, c’est la première fois qu’ils vont à la mer. Au sol, plusieurs cartons sont empilés les uns sur les autres. Des crèmes solaires, le petit déjeuner, des lunettes de soleil, mais aussi des livres jeunesse, ce qui occupe d’emblée les gamins. Reste à donner les dernières indications pour les parents. « Nous avons nos portables sur nous. Si on a un imprévu, on vous appellera », rassure Louise Champiré. Le car arrive, enfin. On se dit au revoir vite fait. Au milieu des cris et des rires, Aboubacar, 9 ans, est le seul à faire la moue. Sa petite sœur devait faire partie du voyage, mais elle s’est blessée à la cheville, la veille.
Avec les sept adultes bénévoles du SPF qui accompagnent le groupe, l’ambiance prend très vite un air de famille. Louise Champiré prend le micro. « On va où ? » lance-t-elle. « À la plage ! » répond-on en chœur. Catherine Deger connaît déjà certains passagers. « Ils viennent depuis longtemps au Secours populaire avec leurs parents lors des distributions alimentaires. » Cette situation de précarité que de plus en plus de personnes subissent, Henriette Steinberg ne s’y fera jamais. Déjà sur place à Deauville, la secrétaire générale du Secours populaire tempête : « Aujourd’hui, 13 % des familles vivent en dessous du seuil de pauvreté. On ne peut pas priver les enfants de leur innocence, les vacances c’est un droit pour tout le monde. »
« Je peux mettre mes pieds dans le sable ? »
Au bout de trois heures de trajet, c’est enfin Deauville, la plage la plus huppée de la Côte normande. « Elle est où, la mer ? » trépignent certains. Tous ont une casquette blanche estampillée du logo du SPF vissée sur la tête. Ça y est. Ils sont sur la promenade des Planches. Impossible de venir ici sans passer par ce chemin emblématique de la ville, paraît-il. La mer, palpable, est à deux pas. D’un bleu comme on l’a toujours imaginé. Aboubacar, déjà en maillot, demande : « Je peux mettre mes pieds dans le sable ? » Heureux, il y va pourtant doucement. Il faut dire que, pour la première fois de sa courte vie, il découvre la mer et tout ce qui va avec. Il se tourne vers les adultes, arborant un sourire jusqu’aux oreilles. Les soucis du matin sont oubliés. Sur la plage, des milliers d’autres enfants sont déjà là. Tous avec la même casquette aux couleurs de chaque département. Pour la Seine-Saint-Denis, elle est blanche. C’est un sacré brouhaha. Et les 1 300 bénévoles du Secours populaire ne chôment pas. Peu de temps après s’être installés, les enfants courent vers la mer, beaucoup se jettent à l’eau, certains, méfiants, préfèrent rester au bord. Les premières réactions ne tardent pas à se faire entendre : « Mais l’eau est salée ! » s’exclame Zaza, 7 ans. « Elle est froide », indique son voisin de jeu.
Depuis quarante-trois ans, l’organisation des Journées des oubliés des vacances est bien rodée. Pourtant, le Secours populaire n’est pas sans connaître des difficultés. Henriette Steinberg le rappelle : « Il faut 50 euros pour chaque enfant emmené à la mer. » Ça, c’était avant l’inflation galopante et ses conséquences délétères. Le coût de la logistique, celui des cars (1 500 euros chacun, soit 150 000 euros au total) sont maintenant tellement élevés (de l’ordre de 20 % en plus) qu’au final, « nous serons vraisemblablement en situation de devoir rajouter ce qui va manquer », soupire la secrétaire générale du SPF. À cela s’ajoute le nombre croissant de personnes en difficulté dans les permanences de l’association – entre 5 et 10 % en plus en Île-de-France. En attendant, durant tout l’été, le SPF s’est démené pour « faire découvrir le monde aux enfants, même près de chez eux ». Aboubacar a oublié ses craintes et affronte les vagues à coups de grands cris à chaque houle. Et tant pis si l’eau ne fait que 21 degrés. Il ne veut plus en sortir.