Dans son discours de politique générale devant le Parlement, la Première ministre a abondamment utilisé le mot « compromis » pour faire croire que son gouvernement allait élaborer la politique du pays en cherchant des consensus. En vérité, ce mot ânonné une demi-douzaine de fois, est tronqué puisque selon elle, les compromis ne pourront se faire que sur la base des choix macronistes. On veut bien « amender » ,« enrichir », mais pas transformer, changer pour répondre aux intérêts populaires et nationaux. Or, telle est bien la question ! Les électrices et les électeurs n’ont donné aucun blanc-seing au Président de la République. Il n’a été élu qu’avec l’apport des voix des électrices et électeurs de gauche mobilisés pour barrer la route à l’extrême-droite. Citoyennes et citoyens qu’il insulte copieusement aujourd’hui.
L’État ne va redonner qu’une infime partie de ce qu’il gagne chaque jour
Mieux, ce qui s’est exprimé dans les urnes, mais aussi dans le silence des urnes est une demande de changement en faveur des familles populaires : augmentation et des retraites et des salaires, à commencer par le SMIC, blocage des loyers, diminution des prix des carburants et des produits de première nécessité, déploiement des services publics, régénération de l’hôpital et des systèmes de santé, ainsi que de l’école.
Le gouvernement, fidèle à sa feuille de route et aux fables qu’il raconte, n’a pas l’intention de traiter ces enjeux dans le sens d’une réponse aux difficultés des familles populaires. Pire, alors que nos compatriotes sont majoritairement contre la retraite à 65 ans (voir sondage de Travailler Au Futur ((lien vers la boutique ici )), le pouvoir veut passer en force avec la complicité de la droite du Sénat et de l’Assemblée. Il maintient l’obligation du travail obligatoire aux allocataires du RSA. Cette forme de travail forcé a pour objectif de continuer à contenir les salaires grâce à l’utilisation d’une main-d’œuvre ainsi gratuite.
Sans surprise, le « nouveau » gouvernement n’est donc là que pour servir les intérêts du capital au détriment du travail.
Certes, l’expression « pouvoir d’achat » est agitée, tel un hochet, devant les caméras de télévision. Mais ce n’est qu’un alibi pour ne pas augmenter les rémunérations du travail et les retraites afin de protéger les profits et la rente des actionnaires.
Pire encore, cette expression « pouvoir d’achat » est une funeste tromperie, car rien n’est prévu pour le stabiliser. Les quelques augmentations prévues ne sont pas de nature à rattraper « le pouvoir » d’achat perdu. Toutes les augmentations sont très en deçà de la simple reconquête des moyens d’acheter ce dont une famille a besoin.
En guise de paquet « pouvoir d’achat », nous n’avons là qu’une petite bourse plate, sans consistance, pour protéger les profits.
Les fameux chèques et petites ristournes ne sont que des oboles pour masquer les énormes recettes de l’État captées via les injustes impôts indirects. En effet, ceux-ci sont proportionnels à la valeur des achats. Ainsi, l’augmentation des prix s'accompagne d’une augmentation des recettes par les taxes, notamment la TVA et les taxes sur les carburants.
Le pouvoir refuse de les baisser, car leur niveau actuel assure de grandes rentrées fiscales avec la hausse continue des prix. Et seule une partie infime de ces recettes est redistribuée vers les besoins sociaux.
Sous couvert de « pouvoir d’achat », le gouvernement continue donc de pomper les revenus des familles populaires. Il annonce à la cantonade les milliards qu’il distribuerait, mais ne dit mot des surplus de recettes qui avoisinent aujourd’hui les 60 milliards d’euros. En réalité, ce n’est qu’une infime partie de leur argent qu’il redonne aux consommateurs.
Où va le surplus ? Pas au bien commun. La hausse des taux d’intérêt va pomper 18 milliards d’intérêts sur la dette publique. Autrement dit, non content de ne pas augmenter les salaires et de bloquer les prix, le pouvoir transfère l’argent issu de la consommation populaire via les taxes vers les marchés financiers et les banquiers.
Le Président de la République et le gouvernement refusent délibérément d’accorder aux travailleurs ce qu’ils réclament d’urgence pour vivre dignement : une réelle et forte augmentation des salaires, à partir d’un SMIC aux alentours de 1 500 €, conjugué à une pression à la baisse sur les prix des produits de première nécessité.
Cela supposerait de rechercher les causes réelles de l’inflation, de combattre la spéculation et d’abaisser les injustes impôts indirects.
Or ce qui se prépare est si ridiculement bas que l’inflation n’en fera qu’une bouchée.
Dans cette mécanique libérale, les recettes des impôts dits de « consommation » augmentent tandis que le gouvernement annonce une nouvelle réduction des impôts dits de « production » de 6 milliards d’euros.
Un chèque déjà payé par les consommateurs
Le projet de mise en place d’un « chèque alimentaire » pour neuf millions de foyers n’aura même pas la valeur d’un seul chariot de courses pour les besoins de la semaine d’une famille. Les intéressés estimeront que c’est mieux que rien. Mais leur compte en banque sera toujours vide dès le milieu du mois. Sur ce chariot de courses, les grands distributeurs y trouveront leur compte comme l’État avec les recettes de TVA qu’elles vont induire.
Les autres propositions du pouvoir procèdent du même tour de passe-passe. La violence vis-à-vis des agents publics va se poursuivre sous la douche froide des chiffres, puisque la revalorisation du point d’indice envisagée est très loin de rattraper les pertes de pouvoir d’achat des rémunérations accumulées depuis plus d’une décennie.
Sur une même période, ce point d’indice n’a augmenté que de 1,2% alors que l’inflation cumulée atteint 14%. L’augmentation autorisée des loyers de 3,5 % signifie que ce sont les locataires, majoritairement salariés et retraités, qui paieront pour l’essentiel l’inflation à la place des propriétaires.
Il s’agit bien d’un projet global visant à transférer les coûts de l’inflation du travail vers la rente.
Contrairement à ce que racontent ministres et médias bien pensants, la majorité des biens immobiliers en location appartiennent à une minorité de fortunés et à des sociétés privées. S’il le voulait, le pouvoir pourrait facilement faire la différence entre les géants de la propriété immobilière et les propriétaires modestes qui louent un bien acquis au prix d’années de labeurs et d’épargne.
Les retraités, comme les allocataires de prestations sociales qui perdent mois après mois de plus en plus de pouvoir d’achat, ne récupéreront pas ce qu’ils ont déjà perdu. Le seul moyen d’y remédier et de leur garantir les moyens de vivre, consiste à augmenter les pensions et les allocations et de les indexer sur l’évolution des prix. Ce prétendu « paquet pouvoir d’achat » n’est qu’un artifice agité durant la campagne électorale, pour épargner les forces de l’argent alors que la crise sociale ne cesse de s’amplifier.
Ce n’est pas un gouvernement protecteur des travailleurs et des retraités
Celle-ci peut rapidement prendre une nouvelle ampleur l’automne prochain alors que la monnaie européenne perd de sa valeur vis-à-vis du dollar et que des signes de récession clignotent de par le monde.
Pour l’affronter, il faudrait un gouvernement capable de s’appuyer sur les exigences populaires face aux grands groupes économiques et financiers. Au lieu de cela, le président de la République en zélé mandataire des intérêts des puissances d’argent, banalise ces enjeux.
Le fameux « paquet pouvoir d’achat » vise dans un premier temps à contenir la colère sociale. Ensuite, il utilisera le bon vieux chantage au remboursement de la dette pour justifier l’austérité budgétaire contre les travailleurs et les retraités, tout en augmentant les crédits d’armement et en abaissant les fameux impôts de production.
M. Macron a été très clair lors de sa conférence de presse à la fin du sommet de l’OTAN. Il ne faut plus « continuer à utiliser l’argent du contribuable », a-t-il doctement expliqué après avoir décidé, lors de ce même sommet, d’une augmentation des crédits pour la guerre.
Du reste, il n’est pas demandé de tirer l’argent sur la caisse publique. C’est l’argent des profits qu’il faudrait capter et répartir autrement. Cela, le pouvoir et le grand patronat ne le veulent pas. Ils préparent donc l’opinion à un tour de vis budgétaire après avoir copieusement arrosé les grandes entreprises avec l'argent des aides publiques, sans contreparties pour les salaires ou l’emploi. Cette orientation et le durcissement de l’accès au crédit vont amplifier considérablement la mal-vie des familles populaires au risque d’en plonger un grand nombre dans la pauvreté et la précarité de vie.
Des économistes libéraux vont jusqu’à demander ouvertement de réduire la demande, c'est-à-dire la consommation, et donc de pressurer les salaires et les retraites. Cela prétendument pour stopper l’inflation et continuer de réduire les « chiffres du chômage » et non pas le chômage, par la multiplication des emplois précaires de courte durée, dont les femmes sont les premières victimes.
Dans l’inquiétant contexte mondial, ces orientations, donnant la priorité au capital contre le travail, vont rapidement produire des effets désastreux. Ajoutons que la Première ministre a confirmé ses choix de recul de l’âge donnant droit à la retraite et à un RSA conditionné à du travail obligatoire. Les puissances d’argent reçoivent de l’argent public sans condition, mais les plus pauvres ne recevront que leur dû conditionné à du travail gratuit.
Il n’y a pas d’autre voie raisonnable et efficace que d’augmenter les rémunérations du travail, les pensions de retraite et les prestations sociales et familiales, tout en engageant un grand plan de transition écologique indispensable à l’avenir humain. Cela peut être l’objet d’une grande conférence sociale qui mobilise l’État, les institutions, les syndicats. C’est la condition d’une croissance saine et durable de nature à améliorer les conditions de vie.
Notre société a montré son haut degré d’ébullition, y compris lors des élections. Le monde du travail et de la création ne pourra pas rester l’arme au pied. Raison de plus pour qu’à ses côtés vive la coalition de gauche et écologiste (NUPES) afin de rechercher des débouchés politiques progressistes.
L’intergroupe parlementaire des gauches à l’Assemblée nationale constitue de ce point de vue un point d’appui. Chacune de ses composantes a l’énorme responsabilité de prendre des initiatives qui donnent envie aux citoyens d’être partie prenante de ce nouveau processus.
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