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8 juillet 2022 5 08 /07 /juillet /2022 08:51

 

Inflation Alors que le coût de l’habitation plombe le budget de nombreux ménages, l’exécutif a choisi de simplement plafonner l’augmentation des loyers à 3,5 % plutôt que de les geler. Cette disposition, présentée ce mercredi en Conseil des ministres, est loin de répondre à la situation difficile de millions de Français.

 

C’est une véritable bombe à retardement. Depuis des mois, les organisations de locataires et les associations de solidarité alertent sur la hausse prévisible des loyers et ses conséquences pour les ménages fragiles, déjà submergés par l’envolée des prix tous azimuts (carburants, gaz, électricité, alimentation). Le lundi 27 juin, le gouvernement a enfin lâché du lest, du moins le pensait-on. « Face à l’augmentation des prix, nous protégeons les Français », a déclaré le ministre de l’Économie et des Finances. Concernant le logement, Bruno Le Maire annonce deux mesures de lutte contre l’inflation, présentée ce mercredi en Conseil des ministres dans le cadre de la loi pour le pouvoir d’achat : une revalorisation de 3,5 % des aides personnalisées au logement (APL) et un « bouclier loyer », qui plafonnerait toute hausse à 3,5 %. Cette dernière mesure laisse les associations de locataires sur leur faim. Même si celle-ci en limite l’ampleur, elle n’empêchera pas une hausse conséquente des loyers. Alors que le logement constituait déjà le premier poste de dépense des ménages modestes, la hausse de 43 % sur un an des prix de l’énergie fait exploser son coût global. « C’est en fait une manière d’annoncer une hausse inacceptable des loyers de 3,5 % parce que le gouvernement a refusé de geler l’indice de référence », résume le député insoumis Adrien Quatennens.

En mai, avant les législatives, Bercy n’était pourtant pas apparu hostile à un gel des loyers. Mais, début juin, la première ministre a sifflé la fin de la partie, mettant en garde contre « les fausses bonnes idées ». Bruno Le Maire a donc changé de braquet, défendant « le meilleur compromis trouvé entre les propriétaires, les bailleurs et les locataires ».

Le plafonnement de l’indice de référence des loyers (IRL), qui sert à calculer la hausse des loyers, est censé permettre de lutter contre l’inflation (+ 5,5 % sur l’année, selon l’Insee). « En réalité, souligne Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé-Pierre (FAP), si la mesure consiste bien en une amélioration par rapport au niveau de l’inflation, elle protège davantage les propriétaires – qui vont pouvoir augmenter les loyers – que les locataires. » Ces derniers sont pourtant déjà plus de 15 % à vivre sous le seuil de pauvreté, contre 2,4 % des propriétaires accédants.

UN gouvernement sensible à l’argumentaire des propriétaires

L’augmentation de 3,5 % – la plus forte depuis 2008 – ne viendra que renforcer un déséquilibre existant depuis des années entre propriétaires et locataires. « Entre 1984 et 2018, le montant des loyers perçus a été multiplié par 2,2 après inflation : rares sont ceux dont les revenus ont autant progressé. Les propriétaires bailleurs recevaient 23 milliards au milieu des années 1980, ils en tirent désormais plus de 50 milliards, selon le ministère du Logement », rappelait l’Observatoire des inégalités, en 2020.

Sans grande surprise, le gouvernement a surtout été sensible à l’argumentaire des propriétaires. Fin juin, Amélie de Montchalin, alors ministre de la Transition écologique, a justifié ce choix en arguant, sur Twitter, « qu’un gel des loyers indifférencié aurait pénalisé un propriétaire modeste qui vit de la location de son bien pour compléter sa retraite, et, dans le même temps, favoriserait un locataire aisé ». L’image, à rebours de la réalité, a suscité de nombreux commentaires courroucés sur les réseaux sociaux. Elle correspond néanmoins à l’argumentaire des propriétaires et des professionnels de l’immobilier. Montés au front dès la mi-mai pour s’opposer à toute velléité de gel des loyers, ceux-ci n’ont cessé de mettre en avant des coûts en hausse pour les propriétaires, depuis la taxe foncière jusqu’à l’obligation qui leur est désormais faite de réaliser des travaux de rénovation thermique pour pouvoir vendre et louer leurs biens, en passant par l’impact de l’inflation sur les moindres travaux.

Des arguments balayés par la CLCV (Consommation, logement, cadre de vie), qui rappelle que le gel des loyers « n’entraîne aucune dépense pour les propriétaires, uniquement un manque à gagner ». D’autant que l’investissement locatif des propriétaires est déjà largement subventionné par l’argent public, via notamment des dispositifs d’aide à l’achat, type Pinel. « Quant aux petits propriétaires bailleurs, leur charge est essentiellement un remboursement d’emprunt, ils ne sont pas touchés par l’inflation », précise l’économiste Hippolyte d’Albis.

Le gouvernement reprend aussi à son compte un autre élément de langage des bailleurs, celui de la misère des petits propriétaires. « Il faut être sérieux : 3,5 % des ménages détiennent plus de la moitié du parc locatif, il est temps d’arrêter la spéculation sur l’augmentation des prix des loyers », s’étrangle Eddie Jacquemart, président de la Confédération nationale du logement (CNL), citant une récente étude de l’Insee chiffrant pour la première fois le niveau élevé de concentration du capital dans le secteur de l’immobilier.

Les conséquences de la hausse sur les locataires risquent pourtant d’être dramatiques : sur un loyer mensuel moyen de 600 euros, la revalorisation de 3,5 % représente un surcoût de 252 euros par an. « Dans un contexte de hausse générale des prix extrêmement importante, les locataires ne pourront faire face à de telles augmentations », s’inquiète Eddie Jacquemart. Les ménages les plus pauvres, ceux appartenant aux 20 % du bas de l’échelle, seront les premiers impactés. Mais, plus largement, c’est l’ensemble des locataires qui risque d’être affecté. Alors que 12 millions de personnes se trouvaient déjà en situation de précarité énergétique avant les hausses de ces derniers mois, la FAP craint de voir un nombre croissant de ménages devoir arbitrer entre payer leur loyer, se chauffer ou même remplir leur frigo. « Si les taux d’impayés n’ont pas sensiblement augmenté depuis début 2022, il y a déjà des augmentations importantes de la quittance de provisions pour charges », relève d’ailleurs le président de la CNL.

Pour 29,6 % des bénéficiaires, les APL ont diminué de 73 euros en moyenne

Pour tenter de calmer les tensions entre locataires et propriétaires, le gouvernement Borne a promis, dans le même temps, une revalorisation des (APL), applicable depuis le 1er juillet – au lieu du 1er octobre – à hauteur de 3,5 % elle aussi. Bienvenue, cette revalorisation intervient néanmoins après cinq années durant lesquelles le gouvernement n’a eu de cesse de grignoter le pouvoir de solvabilité des APL. D’abord en mettant fin, en 2018, pour trois ans, à son indexation sur l’IRL (qui fixe les plafonds des augmentations annuelles que peuvent exiger les propriétaires). Puis, début 2021, avec l’entrée en vigueur de la « contemporanéisation » des APL : leur montant n’est plus calculé sur les revenus perçus sur deux ans comme c’était le cas auparavant, mais à partir de la situation des locataires chaque trimestre. Résultat : pour 29,6 % des bénéficiaires, les allocations ont diminué de 73 euros en moyenne. Et 6,6 % d’entre eux n’y ont plus eu droit. Dans ces conditions, la réévaluation annoncée fait à peine figure de rattrapage. Elle reste inférieure au niveau de l’inflation et ne permettra pas de couvrir la hausse du coût des logements. Enfin, de nombreux ménages en sont exclus, en raison des plafonds de ressources très faibles pour en bénéficier.

Pour limiter l’impact de l’inflation, le projet de loi du gouvernement prévoit également une revalorisation de 4 % du revenu de solidarité active et des pensions de retraite de base. « Insuffisant encore », estime le délégué général de la FAP, qui plaidait pour un plafonnement de l’augmentation des loyers à 1 % pour soutenir les foyers les plus précaires. Il appelle surtout à sortir des logiques de saupoudrage. « Le précédent quinquennat a multiplié les chèques, c’est utile. Mais ces solutions ne feront que repousser la note des familles si aucune mesure structurelle n’est prise. Il faut des réponses en urgence, telles une augmentation de 10  % des minima sociaux (RSA, minimum vieillesse) et des APL. Comment se fait-il que les protections sociales, qui ont bien fonctionné pendant cinquante ans, sont aujou rd’hui en train de décrocher », questionne-t-il. Et de prévenir qu’à défaut, l’impact combiné de la hausse des loyers et des autres coûts pourrait entraîner une explosion des impayés, et donc des expulsions locatives parmi les 27 millions de locataires.

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